The Marauder's heir
Le sol résonnait sous mes pas, encore mouillé de la pluie récente. La lune était à moitié cachée derrière les nuages, reflétée en grande partie par les flaques.
Les poubelles empestaient. Les éboueurs n'étaient-ils donc pas passés ?
Je marchais vite, il fallait que je rentre. Ma mère allait m'assassiner. Pourquoi donc étais-je sortie ?
Moi-même, je me posais la question. J'avais juste eu envie de prendre l'air.
Comme nous étions en plein été, j'avais omis de prendre un pull quelconque. Résultat, je grelottais.
Cette rue n'était vraiment pas agréable. Il n'y avait même pas de réverbères dont la lumière rassurante m'aurait tenu compagnie. Et de surcroît, elle semblait interminable. Tout à fait le genre de rue que l'on n'aurait aucune envie de traverser en pleine nuit, vêtue uniquement d'un short et d'un débardeur, sans aucun moyen de communiquer avec le reste du monde.
Mes sandales claquaient, répandant le long des murs le seul bruit environnant exceptés quelques miaulements de chats...
Parvenue enfin au bout de la rue, je tournai à gauche. Je connaissais le chemin par cœur, je me dirigeais automatiquement.
Soudain, la lune disparut. Je n'étais pas complètement dans le noir, puisque cette rue-là comportait des réverbères, mais ce soudain changement de luminosité me fit lever les yeux.
On aurait pu croire que les nuages avaient caché la lune, mais je remarquai des silhouettes sombres qui traversaient le ciel.
Les formes se déplaçaient lentement, avec une telle grâce et une telle majesté que leur spectacle en devenait aussi fascinant qu'effrayant.
Mon sang se glaça. Je me sentis soudain incroyablement démunie.
Que faisaient là ces créatures ? Que pouvaient-elles donc être ?...
J'avais ma petite idée et je priai pour avoir tort. Je me mis à marcher plus vite, puis à courir. Ma maison n'était pas si loin...
Le ciel se peuplait petit à petit, jusqu'à être complètement couvert de ces formes sombres qui allaient dans la même direction. Comme des colonies d'oiseaux migrateurs que l'on peut parfois voir en automne, sauf que ces oiseaux-là auraient été décidément très gros, et bizarrement proportionnés... Et puis, leur déplacement était complètement silencieux...
Mon cœur battait très vite, je l'entendais résonner encore plus fort que mes pas. Ils semblaient se rapprocher de la terre ; s'ils atterrissaient, j'allais me faire repérer, c'était sûr... à moins qu'ils n'en n'aient tout simplement rien à faire que des gens les voient...
J'étais tellement concentrée sur le ciel que j'avais oublié le reste de la ville. Un bruit me fit soudain tourner la tête. Une vieille femme sortait son chat.
Se croyant seule dans la rue, elle discuta un moment avec lui. Elle ne leva pas un instant les yeux vers le ciel, concentrée sur les caresses qu'elle prodiguait à son animal...
Moi, je les regardais, ces innombrables silhouettes. Il y en avait des centaines, floues, lointaines. J'en voyais très précisément quatre. Pourquoi celles-là plus que les autres ?...
Il me fallut un instant encore avant de réaliser – avec effroi – qu'elles descendaient dans ma direction. Le temps que l'information parvienne à mon cerveau, elles piquaient carrément sur la rue.
Laissant échapper un petit glapissement de terreur, je me précipitai dans un ensemble de sacs poubelle entassés sur la chaussée. Je ne savais même pas pourquoi je m'étais jetée là, mais toujours était-il que j'étais à présent coincée entre les ordures malodorantes.
Un simple coup d'œil en l'air me fit comprendre que j'avais bien fait de me cacher ; les silhouettes se précisaient de plus en plus. Elles avaient dû détecter du mouvement à cet endroit... Je me levai à moitié, dans l'intention de crier à la vieille dame, qui n'avait pas bougé d'un poil, d'aller se cacher... Mais déjà les silhouettes atterrissaient dans la rue, à quelques mètres de moi. La peur me glaçait le sang et semblait ankyloser mon cerveau.
Je me jetai à terre. Entre deux fentes de sacs poubelle, je pouvais voir trois hommes et une femme, tous vêtus de longues capes noires, commencer à arpenter la rue, à la recherche de vie humaine. L'un des hommes se planta devant la vieille dame, qui le contemplait d'un air éberlué.
« Eh bien, vieille chouette, lui dit-il d'une vois sonore, tu en as de la chance. La première victime pour fêter le retour du Seigneur des Ténèbres ! »
Tous éclatèrent de rire et un éclair de lumière verte illumina la rue. Je ne respirais plus. La vieille dame était morte, bien sûr... Son cadavre n'entrait pas dans mon champ de vision, mais il était là, sûrement, pas terre, l'ébahissement à jamais figé sur son visage...
La femme leva alors sa baguette vers le ciel et la rue fut à nouveau illuminée d'une verte pâleur donc je ne pouvais voir la source.
Les quatre personnes, riant toujours, marchèrent le long de la rue, vers là d'où j'étais venue. Ils disparurent bientôt, et je me retrouvai seule.
La sueur coulait le long de mon dos. Une mèche de cheveux trempée barrait mon front. J'avais oublié le froid, l'odeur. La peur accaparait tous mes sens.
Après un quart d'heure, mais peut-être était-ce une demi-heure, ou bien cinq minutes, toujours immobile derrière les poubelles, je me relevai péniblement. Puis je m'immobilisai, accroupie, aux aguets. Rien n'avait réagi, la ville semblait déserte à nouveau.
Je me mis debout, évitant le plus possible de regarder dans la direction de la vieille dame. Je n'avais pas pu cependant m'empêcher d'apercevoir son bras pâle et sans vie étendu sur le sol, que le chat reniflait.
Puis je levai une dernière fois les yeux et compris enfin d'où venait cette étrange lueur verdâtre. Une figure fantomatique était apparue dans le ciel. Une tête de mort. Un serpent sortant de sa bouche. Elle surplombait le quartier, bougeant légèrement, projetant tout autour d'elle cette lumière morbide. Le quartier semblait s'être éteint, glacé, il paraissait mort comme la vieille dame à qui cette marque dans les airs était destinée.
Les miaulements du chat, qui avait compris que sa maîtresse ne se relèverait pas, déchiraient le silence oppressant de la nuit. La lune était de retour.
Je repris ma marche, doucement d'abord puis de plus en plus vite. Je n'avais qu'une envie, rentrer chez moi, retrouver le confort de mon lit, la chaleur des bras de ma mère.
Il était une heure de matin, à l'aurore du deux août. Il faisait décidément très froid.
Août
« Il est de retour, annonça mon père un soir en rentrant du travail. Lord Voldemort, ajouta-t-il en réponse au regard interrogateur de ma mère. Ici, en Angleterre.
- Pourquoi revenir maintenant dans le pays ?
- On ne sait pas. On ne sait rien. Mais Dumbledore a officiellement annoncé aujourd'hui qu'il fallait instaurer des moyens de défense. Urgemment. C'est Fabian Prewett qui m'a transmit le message.
- Que vas-tu faire, alors ?
- Moi, je vais suivre Dumbledore. C'est un grand homme. Nous allons nous retrouver dans le cours de l'été pour voir ce que nous pouvons faire.
- Fais attention.
- Évidemment. »
Ma soeur fronçait les sourcils. Comme elle se concentrait pour comprendre la signification de cette conversation entre nos parents, ses cheveux passèrent, comme cela arrivait souvent, du rose chewing-gum au rouge foncé. Elle s'en rendit compte et prit une expression plus détendue afin de retrouver son aspect originel. Nous avions toutes les deux reçu à la naissance le don de métamorphomagisme, quelque chose de très rare, même parmi les sorciers. Personne ne savait comment cela se faisait, puisque personne ne l'avait eu dans la famille de ma mère et que mon père venait d'une famille de moldus. En attendant, nous utilisions cette capacité selon notre fantaisie personnelle – bien que je préfère pour l'usage quotidien garder mon aspect naturel, celui que j'avais sans avoir besoin de me concentrer, tandis que Dora faisait subir à ses cheveux toutes sortes d'expériences bizarres.
« Je protégerai la maison dés ce soir, dit mon père. Comme ça, ni Voldemort, ni les Death Eaters ne pourront mettre la main sur Reginadora et Nymphadora d'ici qu'elles retournent à l'école. »
Il nous fit un clin d'œil avec l'intention de nous remonter le moral, mais la gravité de ce qu'il disait nous avait même conduites à oublier de protester quand il avait prononcé nos noms en entier. Quant à ma sœur, elle demeurait déconcertée.
Elle connaissait vaguement le nom du mage noir, et les rumeurs qui circulaient à l'école ; elle ne comprenait pas du tout ce qu'impliquait ces paroles prononcées pas mon père. Moi non plus, à vrai dire. Mais la scène qui s'était déroulée sous mes yeux une semaine plus tôt me donnait une vague idée, tout de même, de ce que pourrait devenir notre pays avec Lord Voldemort vivant ici.
Je n'avais rien raconté à personne. J'avais eu peur de ce qu'on penserait de moi. La vieille dame aurait pu être sauvée facilement, si elle ne s'était pas trouvée là au mauvais moment.
Il m'aurait suffit d'avoir eu le réflexe de lui crier « Cachez-vous ! » dés que j'avais eu l'intuition que les silhouettes étaient des Death Eaters, c'est-à-dire presque au moment où je les avais aperçus. Je m'étais doutée depuis le début de qui il s'agissait.
Et je n'avais rien fait.
En même temps, j'avais des excuses. J'avais été paralysée par la surprise, par l'angoisse aussi. Je ne réfléchissais pas normalement.
Mais je sentais bien le regard qu'auraient posé sur moi Dora et mon père si je leur avais raconté la scène. Je n'avais pas du tout eu envie de ça. Déjà que je culpabilisais beaucoup...
La culpabilité du survivant. Il aurait bien fallut que cela m'arrive un jour, j'imagine. La première fois que j'avais vu un cadavre humain.
La dernière aussi, je l'espérais très fort.
Nous étions sur la Diagon Alley, ma mère, ma sœur et moi. Cette sortie estivale pour acheter nos affaire scolaires était un plaisir annuel, un plaisir presque enfantin, de regarder avec des yeux éblouis les inventions incroyables que les sorciers avaient pu imaginer dans le courant de l'année pour satisfaire leurs clients.
La partie la plus ennuyeuse était la première, selon moi, lorsqu'il fallait aller chercher l'argent à la banque. Dora, au contraire, adorait ça. Nous relancions le débat chaque année.
« Franchement, Gina, tu ne les trouves pas trop cool, les gobelins ?
Non, je trouve qu'ils ont l'air secret et vicieux. Tu le vois, celui-là ? Tu vois le regard méprisant qu'il nous lance ?
Dora éclatait habituellement de rire.
- T'es parano, ma vieille ! Parano ! »
Et puis les wagonnets souterrains avaient le don de me rendre malade. Les éclats de rire de Dora qui se répercutaient contre la paroi rocheuse pour ricocher sur les stalactites ne faisaient que renforcer mon envie de vomir.
La seule chose que j'aimais, à Gringotts, était la plaque à l'entrée, avec les fameux vers écrits pour dissuader les voleurs.
« Si tu veux t'emparer, en ce lieux souterrain,
D'un trésor convoité qui jamais ne fut tien
Voleur tu trouveras, en guise de richesse,
Le juste châtiment de ta folle hardiesse. »
Je trouvais cette inscription très sensée et j'aimais beaucoup l'idée d'un poème destiné à avertir les éventuels cambrioleurs...
Généralement, nous allions acheter nos livres ensuite. Là, Dora et moi inversions les rôles : j'adorais me rendre à la librairie Fleury et Bott alors qu'elle trouvait ça très ennuyeux. Par habitude, je déclinais toujours la proposition du vendeur de m'aider à trouver mes volumes de classe, préférant me dénicher un escabeau pour chercher les miens à travers les hauts rayons. On trouvait parfois de ces livres !... C'était à se demander comment quelqu'un avait-il un jour pu avoir l'idée d'écrire un truc pareil. Cette année-là, la vitrine exposait un nouveau best-seller : « Le livre invisible de l'invisibilité ». Et bonne chance après pour le retrouver dans les rayons... Je trouvais ça très amusant.
Puis, nous nous rendions chez l'apothicaire. Ma sœur et moi adorions y aller rien que pour prendre l'air dégoûté devant les ingrédients qu'ils proposaient : de la bave de crapaud à la morve de chauve-souris en passant par de vieux ongles d'orteils humains et des boyaux de Veracrasses, on trouvait de quoi grimacer à loisir !
Puis, en remontant la rue, nous nous rendions chez Mme Guipure. Mes robes avaient rarement besoin d'être reprisées : j'avais beaucoup grandi durant ma première année et ma croissance avait cessé aussi brusquement qu'elle avait commencé ; comme j'étais assez soigneuse, je gardais les mêmes robes d'année en année, sauf les fois où j'en repérais une qui me plaisait vraiment beaucoup, auquel cas ma mère voulait bien me l'acheter, vu le peu d'argent que je lui faisais dépenser au niveau vestimentaire... Dora, au contraire, passait des heures debout sur un tabouret, à se faire sermonner par Mme Guipure qui essayait tant bien que mal de réparer les dégâts qu'elle avait causé à ses robes ; et à tous les coups, Mme Guipure finissait par jeter l'éponge et à déclarer à ma mère qu'elle allait devoir en acheter une autre. La vieille pince avait beau prendre l'air horrifié en voyant l'état des vêtements de ma sœur, j'étais sûre qu'elle devait adorer une cliente qui lui rapportait si régulièrement de l'argent.
Après ces formalités, sauf exception, comme à nos entrées à Hogwarts où nous avions dû acheter une baguette, à nos deuxièmes années où nous avions eu droit à un balai, ce genre de choses, nous avions quartier libre. Soit nous restions ensemble, soit nous allions retrouver des amis.
Ayant repéré Alice à la terrasse du Chaudron Baveur, ma sœur et moi courûmes à sa rencontre pour la saluer. Nous nous payâmes toutes les trois une glace et nous arpentâmes la Diagon Alley joyeusement. Alice avait été en Autriche pendant le mois de juillet et nous racontait des anecdotes de ses vacances. Pour notre part, ma sœur relata les événements survenus pendant notre été, à savoir la semaine passée chez notre Grand-mère moldue qui avait tenu à nous présenter à d'autres enfants de son immeuble – des moldus, bien sûr, qui avaient voulu nous mettre à l'épreuve et à qui nous n'avions pas arrêté de jouer des tours pour nous venger ; et le soir où nous étions tombées au restaurant sur nos jeunes tantes, Bellatrix et Narcissa, avec des amis à elles, et où nous les avions saluées de façon très enthousiaste pour qu'elles soient mal à l'aise, car il était de notoriété publique qu'elles nous détestaient.
Quand Dora racontait cela à Alice, ces anecdotes paraissaient normales. Mais les regards que mon amie me lançaient étaient très clairs : « cela ne te ressemble pas, Gina... ». Quand j'étais seule avec ma petite soeur, j'étais une autre personne. J'avais cent idées à la seconde, je riais très fort, j'écrasais ceux qui ne me plaisaient pas. J'aimais que les gens me regardent bizarrement pour ensuite pouvoir en rire avec elle. Je ne me souciais pas des conséquences, du moins, beaucoup moins que d'habitude. Je n'avais peur de rien.
Bref, je devenais comme elle. A l'exception près que je restais moins maladroite, ce qui nous était plutôt utile.
Quand nous n'étions pas ensemble, je redevenais Gina la calme, Gina la douce, Gina la rêveuse. Celle qui passait des heures à lire, à faire de la musique sur son alto pendant les vacances, à s'occuper de Jasper, notre hiboux à toutes les deux. Celle qui paraissait toujours sereine et détachée par refus d'être un jour un fardeau pour les autres.
Je masquais ma peur, très présente, par du travail appliqué, une concentration intense sur tout ce que je faisais. Elle disparaissait sous des couches de regards, de sourires, de silence.
Je restais Gina la gentille, la polie, celle avec qui les gens aimaient bien rester quand ils n'allaient pas bien, parce qu'ils savaient que je n'oserais jamais rien faire pour les blesser.
C'était un rôle particulier, qui avait de bons et de mauvais côtés. Il était agréable d'être celle qui écoutait les autres lorsqu'ils étaient en plus mauvaise position, et qui les aidait, par quelques mots et quelques gestes, à se remettre sur pied. Mais c'était aussi un sale boulot, plein de désillusions, où l'on finissait toujours par se rendre compte combien les humains sont ingrats et se contentent si facilement d'un « merci, au revoir » une fois qu'ils ont été réconfortés à leur guise.
Après des coups durs les premières fois, je m'étais habituée à ce rôle que j'endossais machinalement. J'avais parfois l'impression d'être omnisciente, à connaître toutes les petites histoires qui traînaient.
Tout le monde finissait toujours par atterrir chez Gina. Je faisais ce job de bon gré et je trouvais ça gratifiant, au final, que chacun puisse trouver un plaisir à ma présence à Hogwarts. Et puis cela me permettait toujours de voir ce qu'il y avait de bon en chacun, même en ceux qui, à la première impression, n'inspiraient pas forcément confiance. Cela m'avait aidé à m'ouvrir et j'étais toujours celle, ainsi, qui accueillait ceux qui étaient le moins à l'aise, qui tendait la main à ceux qui étaient le plus agressifs, car j'avais appris par expérience que tout le monde en avait besoin et surtout ceux dont on le soupçonne le moins.
Mais c'était quelque chose que j'appréciais particulièrement chez Alice Lawrence : alors qu'elle me connaissait à peine, elle m'avait offert sans la moindre arrière-pensée toute son amitié. Et personne, à part elle, ne m'avait jamais accueillie dans son cœur dés le premier instant où l'on s'était rencontré.
Alice était une élève très douée, mais qui était parfois descendue en flèche par les professeurs à cause de sa maladresse légendaire. C'est pourquoi elle s'était toujours bien entendue avec Dora depuis qu'elle était rentrée à l'école : elles avaient l'art de faire des gaffes en commun. Je m'entendais très bien avec elle, même si j'étais du genre à me compliquer la vie tandis qu'elle était du genre à dire "ce qui arrivera arrivera".
Toujours optimiste, sa bonhomie légendaire rendait sa présence très agréable. Elle n'était jamais gênée, disais les choses avec une franchise agréable, et non pas insensible, à toute épreuve. Ce n'était pas le genre d'amie à qui l'on confiait ses secrets jusqu'à pas d'heure la nuit, c'était le genre d'amie qu'on était toujours heureuse de retrouver quoi qu'il arrive. Cela faisait cinq ans que je la connaissais et elle m'avait toujours acceptée dans mon intégrité sans se poser de question ni rien demander en retour. Si un jour j'étais triste et que je ne voulais pas lui dire pourquoi, cela lui était complètement égal ; si un jour j'étais de mauvaise humeur et que je m'énervais après elle, elle ne gardait aucune rancune à mon égard. Elle agissait avec les gens comme ils le voulaient, s'ils avaient besoin d'être seuls ou s'ils avaient besoin de compagnie. Alice Lawrence était fille aux joues rebondies, au regard pétillant, et aux cheveux noirs coupés au carré. Elle avait un très joli visage, n'était ni petite, ni grande, ni grosse, ni mince : rien qui ne puisse mettre quelqu'un mal à l'aise en sa présence. Sa personne elle-même était solaire, comme si elle répandait un halo de lumière tout autour d'elle.
Je profitai de cet instant avec elle pour lui offrir mon cadeau d'anniversaire : un appareil photo, de moindre qualité, certes, mais enfin je savais qu'elle en avait toujours eu envie. Ravie, elle passa le reste de l'après-midi à nous mitrailler, Dora et moi, en train de se promener dans la Diagon Alley – c'était précisément parce que je savais qu'elle serait ravie de l'avoir pour le reste des vacances que je lui avait offert en avance, son anniversaire n'étant que le quatorze septembre.
Nous étions quatre inséparables à Hogwarts, Alice, Estrella, Frank et moi.
"Estrella" signifiait étoile en espagnol. Mon amie était originaire du Chili, d'une de ces tribus un peu vaudou où l'on dort dans des maisons en feuilles. Ses parents avaient emménagé au pays de Galles peu avant sa naissance. C'était une fille un peu excentrique, avec des idées farfelues, qui avait toujours besoin d'être au centre de l'attention. Elle avait beaucoup de caractère et ne se laissait jamais marcher sur les pieds. Elle disait toujours ce qu'elle pensait avec un manque de tact incroyable, qui me faisait beaucoup rire, n'étant pas du tout susceptible. Il y avait régulièrement des prises de tête entre Alice et elle, et Dora ne la supportait carrément pas. Moi, j'avais beau être très différente d'elle, j'aimais beaucoup rester en sa compagnie, j'avais l'impression d'apprendre quelque chose à chaque fois que nous étions ensemble. Il fallait savoir la prendre, la retourner, parfois avec des tisonniers au bout des bras, notre chère Estrella, mais son amour était immense et elle manquait terriblement de personnes à qui le donner. Nous étions ses seuls amis et nous comptions énormément pour elle, cela ne faisait aucun doute.
Frank était le seul garçon de notre petite bande, mais il n'en avait cure. Redoutablement intelligent, ce garçon au grand cœur était encombré par sa timidité sans pareille qui faisait qu'il craignait le contact avec les autres, sauf dans quelques rares situations où il était porté par un sujet qui le passionnait, ou une cause qui lui tenait à cœur, et alors il devenait quelqu'un d'assuré, d'exalté, et il se transformait complètement. Mais la plupart du temps, il restait doux, calme, contemplatif – comme moi. Avec lui, contrairement de mes autres amies, je pouvais parler pendant des heures, et cela tombait bien, nous étions tous les deux à Gryffindor, et ainsi, partageant les mêmes cours, la même salle commune, la même « famille » à Hogwarts durant l'année, nous avions beaucoup plus d'occasion de passer du temps ensemble. Frank était, entre autres, passionné d'histoire de la magie, et de science occulte. Il m'expliquait comment fonctionnaient les sortilèges et en retour je lui parlais du dernier livre que j'avais lu, des dernières relations que j'avais découvertes.
Et moi... ils m'avaient dit un jour qu'ils me voyaient comme la glue qui permet à tout d'être collé ensemble et qui permettait d'assembler la machine pour qu'elle fonctionne. J'imaginais qu'ils me voyaient un peu comme le centre, celle qui était la plus proche de chacun.
Quand nous fûmes fatiguées de marcher, nous nous asseyâmes à la terrasse de "Bernie's", le meilleur glacier de la Diagon Alley. Alice baissa la voix et nous demanda :
"Et sinon... vous êtes au courant pour Azkaban ?
- Comment ça ? interrogeais-je en fronçant les sourcils à l'évocation de la prison de sorciers dont je trouvais le fonctionnement particulièrement révoltant.
- Il y a eu une tentative d'évasion. Rien d'anormal, sauf que celle-là a failli fonctionner. Les Dementors sont arrivés juste à temps...
Dora prit un air dégoûté.
- Et ils l'ont embrassé ?
- Yep. Un mec appelé Rangstore... en prison depuis quatre ans. On pense qu'il a été aidé de l'extérieur.
- Pourquoi se serait-il évadé maintenant ? dis-je, pourquoi ses copains n'ont pas essayé de le délivrer plus tôt ?
- Je n'en sais rien. Je répète juste ce que mon grand-père m'a dit...
- Ce gars... c'était un Death Eater ?
Alice me contempla gravement.
- Je ne sais pas non plus. C'est un peu inquiétant, non ? Azkaban a l'air si sûr...
- Ne t'en fais pas, va, la rassura ma soeur avec aplomb, les phénix cesseront de renaître avant que quelqu'un parvienne un jour à s'évader d'Azkaban."
Ma sœur et moi étions silencieuses, dans la petite voiture moldue de notre père. Nous rentrions de nos courses, d'ordinaire, avec des tonnes de choses à dire. Là, après lui avoir montré nos achats, et mentionné que nous étions tombées sur Alice, nous n'avons rien partagé avec lui de notre journée...
"Où est Maman ? finis-je par demander.
Elle est restée au Chaudron Baveur avec une amie, elle transplanera quand elle voudra rentrer, répondit mon père.
Le silence s'installa à nouveau, par-dessus le mugissement du moteur. Les moldus ne faisaient pas dans la finesse, quand ils inventaient quelque chose.
- Papa, commença Dora.
- Mmh ?
- C'est qui, exactement, Lord Voldemort ?
Mon père la regarda dans le rétroviseur avec attention.
Tout ce que nous savions de ce sorcier était peu consistant, il ne s'agissait que de rumeurs qui circulaient à Hogwarts depuis trois ou quatre ans, je ne savais plus. Beaucoup de Slytherin, ou de sixième et septième années, qui aimaient faire peur, avaient dit qu'il s'agissait du mage le plus dangereux qu'il existait, qu'il avait étudié à Hogwarts auparavant, qu'il était parti un temps à l'étranger mais qu'il allait revenir... il avait beaucoup été utilisé par eux pour effrayer les plus jeunes, en les menaçant par "mes parents le connaissent bien, je peux lui demander de te régler ton compte en un rien de temps, tu vas voir ce qui va t'arriver s'il s'en prend à toi, toi et toute ta famille mourrez comme des rats !".
On lui donnait déjà des surnoms dés le début, personne ne l'appelait par son nom, comme si même en n'existant que dans l'imagination des élèves – bien qu'il soit certain qu'il existât réellement – il inspirait déjà une sainte terreur. Tout le monde parlait de lui en disant "Tu sais qui", ou "Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom", "le Seigneur des Ténèbres"... des noms qui menaient tous à une seule et unique personne, dont nous savions au final si peu... il y a deux ans seulement que j'avais appris qu'il avait des partisans féroces, partout en Angleterre, les « Death Eaters », et qu'il y en avait de plus en plus chaque années pour rallier le mage fantôme toujours absent, mais "bientôt parmi nous"...
Les rumeurs s'étaient multipliées et précisées d'année en année. Un groupe très certain de Slytherin, bien connu à l'école, se destinaient à devenir ses partisans... C'était cela surtout qui m'avait fait prendre conscience de la véracité de ces rumeurs. Son retour allait être imminent...
Mais si j'en croyais ce que j'avais vu, la nuit où j'étais sortie, les rumeurs et la réalité s'étaient à présent confondues. Il était bel et bien de retour.
J'étais contente que Dora ait posé la question. Nous allions enfin savoir...
- Il s'agit d'un mage noir très puissant, répondit mon père. Il a été élève à Hogwarts une bonne trentaine d'années avant vous. Il avait commencé à se faire connaître dans le pays, il y a un peu moins de quinze ans par des expériences extraordinaires en matière de magie noire. Un petit groupe de gens disaient déjà être ses disciples... Mais à peine a début de ce qui aurait pu être son ascension, il s'est volatilisé.
- Où ça ?
- Aucune idée, avoua mon père. Toujours est-il que cet homme, qui se fait maintenant appeler Lord Voldemort, est aujourd'hui de retour et qu'il se peut très bien qu'il cherche à prendre le pouvoir. C'est pourquoi il faut être très prudents, les filles, compris ? N'allez pas crier sur tous les toits ce que vous savez ou ce que vous saurez à propos de lui. Ça peut être très dangereux.
- Compris.
Il y eu un bref silence, et je demandai :
- Et que vient faire Dumbledore dans l'histoire ?
Dumbledore était le directeur de Hogwarts. C'était un sorcier fascinant, un incroyable génie, sage et immensément intelligent, mais aussi complètement déluré. Il avait une patience infinie et l'école n'aurait su être entre meilleures mains que les siennes.
- Dumbledore se méfie. Il connaît bien Voldemort, il me semble qu'il était son professeur à Hogwarts. Il sait à quoi s'attendre. A mon avis, si on veut vite faire quelque chose pour s'opposer au mage noir, c'est à lui qu'il faut s'en remettre.
- Toi, tu vas faire quelque chose ?
- Tout ce qui sera en mon pouvoir », répondit mon père.
J'étais impressionnée par son courage et son stoïcisme. Je me fis la réflexion que j'étais fière d'être la fille d'un sorcier comme ça, prêt à agir dés l'instant même où Lord Voldmort avait repassé la frontière de l'Angleterre.
Deux semaines plus tard, mon père nous proposa, à ma sœur et à moi, de venir avec lui chez Dedalus Diggle. C'était un homme que j'avais déjà vu une ou deux fois, comme il connaissait mon père, un petit sorcier, avec un drôle de voix aigüe.
Chez lui devait se dérouler une réunion d'un groupe de sorciers proches de Dumbledore, pour décider ce qu'ils allaient faire pour le retour de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Papa nous avait bien précisé, à ma sœur et à moi, qu'il ne nous emmenait que parce qu'il y aurait les Potter et donc probablement James, et qu'il nous serait interdit d'assister à la réunion.
Nous sautâmes bien entendu de joie à l'idée d'être là, avec tous ces grands sorciers que nous connaissions plus ou moins qui allaient trouver un plan d'action pour combattre le mage noir, même si nous ne savions rien.
C'était un grand geste de la part de mon père de nous amener. A sa place, peu de gens auraient impliqué leurs enfants comme ça, mais mon père me considérait maintenant comme assez mûres pour savoir ce que nous voulions. Il nous faisait énormément confiance et j'avais toujours apprécié cela chez lui.
Pour nous y rendre, nous utilisâmes le transplanage d'escorte. Nous arrivâmes dans une banlieue londonnienne, devant un immeuble moldu, de style un peu ultramoderne. Nous montâmes par ascenseur jusqu'au onzième étage.
Mon père fut très bien accueilli ma sœur et moi, beaucoup moins – « n'a-t-on pas idée d'amener ses enfants ! » rouspétaient quelques personnes.
Nous reconnûmes plusieurs personnes : le professeur McGonagall, directrice de la maison des Gryffindor et professeur de métamorphose à Hogwarts, le professeur de sortilèges, Flitwick, toujours aussi minuscule, Fabian Prewett, M. et Mrs Potter, Mrs McKinnon, M. Longbottom, le père de Frank, Dumbledore bien sûr... il était assez dur de savoir comment saluer toutes ces personnes que nous connaissions sans vraiment connaître, et nos professeurs de Hogwarts. Il y avait aussi tellement de gens que nous ne connaissions pas !
La porte d'entrée claqua, et un pas fort et irrégulier se fit entendre.
« Ah, voici Alastor ! » dit Dumbledore avec entrain. L'homme entra dans la pièce. Son nez était tordu, son visage légèrement mutilé. Il ne semblait pas vieux mais avait l'air d'avoir vécu beaucoup de choses. C'était surtout son aura qui choquait, comme si autour de lui nous étions en danger permanent. Ses yeux rivés sur nous étaient torves, petits, noirs, perçants. Il nous lança d'une voix rocailleuse :
« Alors, les mômes, vous venez lancer des étincelles au Seigneur des Ténèbres ?
Il éclata d'un rire guttural. Je me senti légèrement humiliée, et je vis que Dora était quant à elle offusquée. Certes, j'avais encore beaucoup à apprendre, mais j'avais quatre années de sortilège, de potions, de métamorphose, de Défense contre les force du mal derrière moi. Je n'étais pas une amatrice en magie !
- Maintenant qu'Alastor est là, nous allons pouvoir commencer. » annonça Dumbledore.
Nous fûmes vite conduites hors du living room, et nous marchâmes au hasard jusqu'à la cuisine, où une jeune femme rousse était en train de faire la cuisine.
« Bonjour, les filles... Vous voulez picorer quelque chose ?
Dora ne se fit pas prier et se jeta sur l'assiette de tartelettes. Je ne tardai pas moi aussi à céder à la gourmandise et me servit de bon coeur.
- Comment vous appelez-vous ? demanda la jeune femme.
- Dora et Gina Tonks, répondit ma soeur avant que je puisse ouvrir la bouche. Et vous ?
- Molly Weasley – anciennement Prewett, peut-être que vous connaissez mes frères Fabian et Gideon ?
Nous hochâmes la tête.
- Vous connaissez beaucoup de monde, ici ? l'interrogeais-je.
- Pas vraiment, répondit-elle. A part mon frère et Arthur, mon mari... je me suis mariée directement après être sortie de l'école, et j'ai passé la majeure partie de mon temps à élever mes trois garçons, donc je n'ai pas encore eu vraiment l'occasion de connaître "du monde". Enfin, bien sûr, il y a les professeurs Flitwick, McGonagall, Dumbledore... Mais sinon, je reste une étrangère encore.
- Je vois, déclarais-je pensivement.
- Mais ces pâtisseries, je l'espère, ne tarderont pas à me rendre célèbre ! plaisanta-t-elle.
- Aucun doute là-dessus ! s'exclama Dora avec ardeur en se resservant quatre petites tartes. Au fait, vous le connaissez, le gars qui vient d'arriver ? ajouta-t-elle la bouche pleine.
Ma sœur, toujours aussi distinguée...
- Alastor Maugrey ? De réputation, surtout. Il travaille avec les Aurors. Il est... impressionnant. On ne saurait trouver meilleur Auror que lui. Et vous, qu'en avez-vous pensé ?
Dora et moi répondirent simultanément.
- Effrayant, dis-je.
- Super cool, dit-elle.
Nous ne regardâmes un moment, puis eurent un petit rire. Dora en profita pour renverser un plateau qui était posé sur la table à côté d'elle. Si il y avait une chose qui pouvait la rendre, elle, célèbre, c'étaient bien sa maladresse et son manque de tenue. Le plateau, en verre, se brisa par terre. Molly s'empressa de nettoyer la catastrophe d'un coup de baguette magique, pas ravie, mais pas fâchée non plus.
Mes chéries, loin de moi l'idée de vouloir vous chasser de la cuisine, mais si vous alliez plutôt dehors ? L'immeuble a une cours intérieure, et si je ne me trompe pas, il me semble que les quelques jeunes de votre âge qui sont là y sont descendus.
Après s'être excusées vingt fois et l'avoir chaleureusement remerciée, Dora et moi nous sommes éclipsées.
- Vraiment, toi, si tu n'existais pas, faudrait t'inventer ! » lançai-je à ma soeur.
En guise de réponse, elle me tira la langue et nous descendîmes par les escaliers, assises sur la rampe en riant comme des folles. Heureusement que Papa ne nous avait pas permis d'assister à la réunion, il en aurait eu pour des siècles à rattraper les bêtises de Dora !
Arrivées en bas, nous empruntâmes un couloir qui menait en effet vers une ravissante cour intérieure, avec des plantes vertes partout, des graviers, et deux statues d'illustres moldus inconnus. Sur l'une d'entre elle, étaient assis deux garçons que nous connaissions bien : James Potter et Sirius Black.
Tous les deux entrant en septième année, ces deux Gryffindor étaient la coqueluche de toute l'école. Nous les connaissions un peu, James par le biais de nos parents, les siens étant en haut avec mon père, et Sirius car il n'était autre que le cousin de notre mère. Nous ne l'avions jamais vu durant notre enfance car notre mère, Andromeda Black, avait tourné le dos à toute sa famille des années auparavant, lorsqu'elle était devenue Andromeda Tonks ; Sirius était le seul de ses cousins dont elle disait régulièrement être fière, bien qu'il soit beaucoup plus jeune qu'elle. Ainsi, malgré le fait que nous n'ayons jamais entretenu ce lien de parenté, nous ne le niions pas, c'est pourquoi nous avions pour coutume de lui dire bonjour à l'école, et de temps à autre d'échanger quelques mots, puisque nous vivions dans la même salle commune...
Mais c'était tout de même par le biais de leur réputation que nous les connaissions le mieux. James, la fierté de l'équipe de Quidditch de Gryffindor, était très sûr de lui et n'avait peur de rien. Sirius était lui aussi assez arrogant, mais plus taciturne que James qui était toujours enjoué. Tous les deux élèves très brillants, ils aimaient jouer les rebelles et passaient beaucoup de temps en retenue pour avoir manqué de respect aux professeurs.
Toutes les filles en étaient folles, tous les garçons voulaient être amis avec eux, mais ils n'en n'avaient rien à faire et préféraient rester en petite bande, avec deux autres garçons nommés Remus Lupin et Peter Pettigrow.
J'appréciais beaucoup Remus, qui était un garçon calme et sérieux, très gentil, et qui à mon avis était d'une grande aide pour contrer les tempéraments fougueux de James et Sirius ; Dora détestait Pettigrow, qui était plus timide, plus effacé, plus peureux sans doute.
"Wotcher !" lança Dora aux deux garçons, une expression qu'elle avait découverte l'année dernière et dont elle raffolait.
Ils tournèrent la tête, et descendirent nous faire la bise.
Dora et moi escaladâmes la seconde statue, et tous les quatre perchés nous entamâmes la conversation.
"Alors, quoi de neuf ?
- Oh, pas grand-chose, répondit Potter avec un coup d'œil à Sirius et un sourire aux lèvres.
Celui-ci resta muet, se contentant d'un sourire énigmatique.
- Pas grand-chose, ça veut dire : "plein de choses" ! s'exclama Dora. Allez, crachez le morceau.
- Devinez, rétorqua Sirius.
- Rôôôh, vous n'êtes vraiment pas drôles ! râla Dora.
Elle ne paraissait absolument pas se gêner des quatre ans de différence qu'elle avait avec eux, ni du fait qu'elle ne les connaissait pas bien du tout.
- Tu t'es enfui de chez toi, hasardais-je.
Les deux meilleurs amis échangèrent un coup d'œil impressionné.
- Tout juste, Auguste ! rétorqua Potter, qui ajouta à Sirius. 'faut la garder, cette petite. Elle ira loin.
C'était précisément ce qui était très désagréable chez eux, et particulièrement chez James, mais qui leur suscitait tout cette admiration : cette espèce de condescendance ironique qu'ils employaient envers ceux qui osaient le contact avec eux.
Je ne relevai pas, et levai les sourcils pour les inciter à développer.
J'ai toujours su que je finirai par me barrer un jour ou l'autre, expliqua Sirius. Cet été, vraiment, j'en ai eu plus que marre. J'ai su que je ne pourrai pas supporter mes parents un mois de plus, ni même quelques jours de plus. Alors j'ai pris mes affaires, et je suis parti.
- Et tu vis où, maintenant ? demanda Dora.
- Chez moi, évidemment, répondit James avec une claque dans le dos de son meilleur ami. Je lui avais promis à la fin de l'année dernière que si il se cassait de chez lui pendant l'été, je l'accueillerais les bras ouverts. Comme de toutes façons, il passe toujours plus d'un mois des vacances chez moi, ça ne fait aucune différence.
- Sauf que t'as toutes mes affaires en plus, lui rappela Sirius.
- Bah, tant que tu t'occupes de nettoyer la chambre, je ne vois pas de quoi je me plaindrais...
Ils échangèrent un coup d'œil amusé. La complicité qui passait entre eux était palpable. Ils étaient de ce genre d'amis dont on pouvait prédire que l'un finirait témoin au mariage de l'autre, et le second parrain au baptême des enfants du premier... ce genre de choses.
Dora n'en revenait pas que notre cousin ait fait une fugue.
- Ils sont si horrible que ça, tes parents ?
- T'as pas idée. Tu n'es jamais venue chez moi, mais ta mère t'as peut-être raconté : quand on rentre, on est tout de suite accueilli par une immense bannière Slytherin. Derrière, que des portraits de mes "illustres ancêtres", qui s'alignent le long des murs. Le pire, c'est que des morts, c'est bavard ! Je ne peux pas me balader dans les couloirs sans me faire insulter par mes crétins d'aïeux... "Honte de la famille", "comment oses-tu souiller le nom de Black ?", "ami des Sang-de-Bourbe, va les rejoindre, espèce de rat"...
- Noon...
- Si, si, je te jure. James peut témoigner, la seule fois où il est venu chez moi, mes grands papys et mamys lui ont fait sa fête.
- Ouais. C'est sympa, un petit "traître à ton sang, fils d'ordures indignes à leur race", au lever le matin...
Je poussai un léger sifflement.
- Et le pire, Dora, c'est que ce sont nos arrières-grands-parents à nous aussi... remarquai-je.
- Ouais, dit Sirius avec un sourire torve. Je suis prêt à parier qu'en cet instant présent vous aimeriez bien avoir un lien de parenté avec n'importe qui d'autre que moi, pas vrai ?
- Avec n'importe qui d'autre qu'eux, pas toi ! protesta Dora.
- Mais ça, c'est que pour les tableaux. Il suffit d'un petit "Silencio" pour avoir la paix ; on finit par prendre l'habitude. Mais quand ce sont tes parents qui s'y mettent...
- Qu'est-qu'ils ont bien pu te faire ? fit Dora, sous le choc.
Ma sœur ne pouvait pas imaginer une relation aussi mauvaise entre les membres d'une même famille, elle qui avait toujours été chouchoutée par ma mère et complice avec mon père... Mais ma mère m'avait souvent confié ses terribles souvenirs d'enfance au sein de la famille Black, et je savais que si elle était aussi tendre avec nous, c'était justement parce qu'elle s'était promis alors de ne jamais reproduire le même schéma sur ses enfants.
Sirius rejeta une mèche de ses longs cheveux en arrière, visiblement habitué à être au centre de l'attention.
- Quand ils ont vu, il y a cinq ou six ans, que je commençais à "mal tourner", c'est à dire à me rendre compte que ma famille ne comportait que des imbéciles et à devenir quelqu'un de bien, ils ont essayé la méthode habituelle : m'enfermer. Mais bon, faire crever de faim leur fils n'était peut être pas la bonne solution, ils ont donc décidé de me parler pour comprendre ce qui n'allait pas chez moi. Je leur ai répondu d'aller se faire voir, je me souviens, j'avais onze ans et demi, et ils n'ont pas apprécié du tout. Les discussions tournaient en disputes, mon père pleurait de lassitude, ma mère m'injuriait – une femme charmante... Vers mes treize ans, j'ai refait un look à ma chambre, un style bien "Gryffindor et fier de l'être, ami des nés-moldu" bref, le genre de trucs qu'ils ont a-do-ré, et ils ont essayé la méthode forte. Ils n'ont pas utilisé de sortilège, ils n'avaient pas intérêt, mais j'en ai reçu des bonnes centaines, de gifles, de tapes sur les doigts, dans le derrière ! La violence à la vieille méthode moldue. Je leur ait d'ailleurs fait remarquer une fois et ma mère a failli faire une crise cardiaque tellement elle s'est sentie insultée. Et puis, l'été de mes quatorze ans, j'ai fait quelque chose qui leur a fait regretter tout ça.
- Et qu'as-tu fait ?
- J'ai lancé un maléfice à ma mère qui lui a fait perdre une mèche de cheveux à chaque injure qu'elle me lançait, répondit Sirius avec un rictus. Inutile de vous dire qu'au bout d'une semaine, elle était chauve. C'était une satisfaction énorme de la voir m'insulter, perdre des cheveux, trépigner, m'insulter encore plus, perdre encore plus de cheveux... comme c'était un maléfice que j'avais plus ou moins inventé, il n'ont jamais trouvé de remède. Et puis, comme je commençais à m'y connaître un peu en métamorphose humaine, j'ai refait le portrait à mon frère un jour où il avait employé un ton un peu trop désagréable avec moi – ils ont dû l'envoyer à Sainte-Mangouste. Quant à mon père, il a un tic, c'est frapper dans ses mains à chaque fois qu'il est content. Un jour, très discrètement, quand il me tournait le dos, j'ai déversé par sortilège de Lévitation de la glu perpétuelle dans la paume d'une de ses mains. Dés qu'il a tapé des mains, ses deux paluches ses sont retrouvées collées l'une à l'autre et il s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre sa baguette. C'était vraiment très drôle, de le voir s'énerver en agitant ses deux mains collées... dans les trois cas, ils n'ont pas pu prouver que c'était moi, même s'ils le savaient bien. L'été suivant, ils ont pris le parti de m'ignorer, ce qui m'allait très bien. Mais cette année, ils sont revenus à la charge. Je leur ai dis que je les détestais, qu'il n'y avait pas besoin de moi une seconde de plus dans cette famille pour... (il eut un sourire) "lécher le cul de Voldemort", et je suis parti.
- Lécher le cul de Voldemort ? répéta Dora d'un air amusé.
- Oh, mes parents sont de grand fans.
- Et ton frère ? demandais-je.
Regulus était en deuxième année, c'était encore un petit garçon, et je ne lui trouvais pas l'air méchant. Il était attrapeur dans l'équipe de Slytherin au Quidditch, et il était très bon. Mais avec une famille pareille, qu'allait-il devenir ?
- Il a subit un sale lavage de cerveau durant toute son enfance. Mes parents ont tout fait pour ne pas répéter avec lui les "erreurs" faites avec moi. Résultat, à son entrée à Hogwarts, quand Slughorn lui a demandé de mettre par écrit le métier qu'il voudrait exercer plus tard, il a marqué "Death Eater".
Dora éclata de rire, et je me rembrunis. Un enfant dirigé comme ça sur un chemin, dés son plus jeune âge... pas de choix, pas d'issue, simplement le Seigneur des Ténèbres au bout de son parcours...
- Un problème, Tonks ? me demanda Potter d'un air narquois.
- Je trouve ça affligeant et pas amusant du tout, lançai-je pour effacer leurs sourires sarcastiques. Le pauvre Regulus va devenir un Death Eater alors qu'il n'en n'aura même pas eu le choix !
- On a toujours le choix, répondit Sirius d'un ton grave. J'ai refusé de suivre cette voie, ça n'a pas été si difficile. Et je suis là, aujourd'hui, dans un immeuble où se tient une réunion dans laquelle des sorciers qualifiés unissent leurs moyens pour contrer Voldemort. Et il est là, aujourd'hui, à travailler dur ses sortilèges pour pouvoir lui être utile. On a toujours le choix.
- Pas Regulus ! Il a été formaté. Il a répété ce qu'on lui avait appris, ce qu'on lui avait mis dans la tête. Il ne plus pas en sortir, maintenant, il a été quasiment mis au piège...
- Il a un cerveau, non ? Il a une conscience ! J'espère qu'un jour ses yeux s'ouvriront et qu'il verra dans quel pétrin il s'est fourré... mais pour l'instant, c'est le bon petit Slytherin, parfait petit héritier de la famille Black !"
Il éclata d'un rire sans joie qui ressemblait à un aboiement.
Je trouvais son jugement un peu cruel, et je joignis mes espoirs aux siens pour qu'un jour les yeux de Regulus Black s'ouvrent et qu'il puisse retrouver le chemin du bonheur, loin du Seigneur des Ténèbres, loin du mal et de la mort.
Une voix se fit entendre, interrompant ma réflexion. Il s'agissait d'Adam McKinnon, un garçon que je ne connaissais que de vue. Il avait un an de plus que moi, et un de moins que James et Sirius, qu'il semblait bien connaître.
"Salut, tout le monde ! Qu'est-ce que vous faites ?
- On commente la vie passionnante de ce cher Black, dit James sur le ton de la conversation.
- Laisse tomber le nom de famille pour un temps, tu veux ? grinça Sirius.
- Peace and love, camarade, pas besoin de s'énerver !
- Je ne m'énerve absolument pas, déclara Sirius avec un sourire. Seulement, je souhaiterais, et je t'en fais part avec calme et sérénité, à condition que tu le veuilles bien, mon très cher ami James, que tu m'appelles par mon vrai nom.
- Qui est ?
- Je ne sais pas encore, il va falloir que j'y réfléchisse. En attendant, je te pique ta chambre, je peux bien te piquer ton nom aussi, non ?
- Je sais pas... Ce serait un peu la honte pour moi, non ? Je ne voudrai pas que ton nouveau baptême me fasse descendre de l'échelle sociale des sorciers de la Grande-Bretagne actuelle...
- Mais mon cher ami James, il t'es impossible de tomber plus bas que tu ne l'es déjà dans l'échelle sociale des sorciers de la Grande-Bretagne actuelle !
Cette échange de vannes aurait pu durer longtemps, si Adam ne l'avait pas interrompu.
- Les gars ? Votre conversation nous passionne tous ici, mais ça ne vous dirait pas plutôt de savoir ce qu'il se passe en haut ?
- Pourquoi ? T'y es allé ?
- Non, mon père m'a laissé en bas... mais j'ai remarqué que le long de la façade extérieure, il y a des plantes grimpantes très faciles à escalader.
- Tu veux qu'on fasse de l'escalade ? grimaça Sirius.
- Génial ! s'exclamèrent James et Dora en choeur.
Pour ma part, une seule chose avait retenu mon attention : des plantes grimpantes sur un immeuble quasiment tout en verre ? Ces moldus avaient décidément de drôles de goûts en matière d'architecture !
Au moment où nous quittions la cour, Sirius dit à Adam :
- Au fait, Adam McKinnon, un ami, Gina et Dora Tonks, mes... pseudo-cousines.
- Rebaptisées dés à présent Tonks 1 et Tonks 2 », décréta James.
Personne ne releva cette excentricité.
Malgré la hauteur impressionnante de l'immeuble, nous ne nous laissâmes pas démonter et nous commençâmes notre escalade. Au début rebutée par cette idée qui me semblait, pour être franche, aussi dangereuse que farfelue, la curiosité finit par me pousser à me joindre au groupe. James, le joueur de Quidditch, était très agile et montait sans mal ; Dora grimpait comme un écureuil. Par galanterie envers moi, sans doute, les deux autres restèrent derrière. Les plantes étaient bien accrochées à la façade et nous ne risquions pas grand-chose ; cette excursion était plus un plaisir qu'un danger.
Nous finîmes par atteindre la fenêtre attendue. Elle était fermée. Sirius pointa sa baguette sur la vitre et nous entendîmes soudain des voix qui nous firent sursauter. Heureusement, il n'y avait pas de danger pour que d'autres que nous puissent entendre la conversation, car à moins de coller son oreille à la cloison, aucun son ne nous parvenait ; mais dés que l'on appuyait sa tête contre le mur, nous entendions aussi bien que si nous nous étions trouvés dans le living-room. Je me demandai quel sortilège Sirius avait utilisé, mais enfin, sa réputation d'être un des élèves les plus brillants de l'école n'était pas partie de rien.
Nous nous immobilisâmes pour écouter la conversation. Notre position était vraiment inconfortable.
« Avant toute chose, avant d'agir, Gideon, il nous faut nous ordonner, disait une voix fraîche qui m'était inconnue.
- Arthur a raison, approuva la voix rocailleuse du dénommé Maugrey. Faire des hypothèses, lancer des idées en l'air ne mènera a rien. Il faut une organisation en béton si on veut pouvoir faire quoi que ce soit d'abouti.
- D'un seul coup, nous fûmes beaucoup plus confortablement installés, alors que nous n'avions pas bougé. Je regardai sans comprendre autour de moi, et aperçu James qui rangeait sa baguette dans sa poche. Il me fit une petite grimace, et je pus mieux me concentrer à nouveau sur la conversation.
- Vous voulez parler de définir des rôles ? interrogea une autre voix.
- Par exemple, oui, répondit celle, douce et sereine, de Dumbledore. Mais pour commencer, il faut se demander si, oui ou non, nous constituons un groupe à part entière de personnes prêtes à se battre, et si oui, instaurer les modalités de la formation de ce groupe.
- Tout cela, n'est qu'une perte de temps, grogna une voix d'homme. Le Seigneur des Ténèbres progressera vite dans son ascension, et ce n'est pas en se trouvant un nom et un lieu de rendez-vous que nous allons l'arrêter !
- Au contraire, s'exclama Mrs Potter, ce sont des mesures indispensables dont parle le professeur Dumbledore, parce que pour pouvoir s'organiser bien, il faut tout d'abord définir le rôle du groupe entier.
- Très juste, très juste, couina le professeur Flitwick.
- Donc, ça va être comme les bandes quand on était enfants ? demanda Fabian Prewett, un peu sceptique. On va devoir réfléchir pour se trouver un nom, un mot de passe, des codes ?
- Pour le nom, j'en ai déjà un, déclara Dumbledore. L'ordre du Phénix.
Des murmures s'ensuivirent, approbatifs ou au contraire peu engageants. Le pas irrégulier de Maugrey se fit entendre. Soudain, sans qu'aucun de nous ne s'y soit attendu, la fenêtre s'ouvrit et sa tête apparut, les yeux fixés sur nous.
Mon estomac se noua. Comment s'était-il aperçu de notre présence ? Nous n'avions pourtant pas fait de bruit... et plus important, qu'allait-il dire ? Si nous étions découverts, nous passerions pour des petits mioches impatients et très mal élevé, et nous ferions vraiment honte à mon père... Il ne nous ferait plus confiance comme avant...
Mais Alastor Maugrey ne fit rien de tel. Sans sourire, il porta le doigt à ses lèvres, puis le passa contre sa gorge, avant de tordre sa bouche en un petit sourire en coin ; puis il recula et referma la fenêtre.
Tous, perchés à différents endroits, mais pas très loin les uns des autres, nous nous regardâmes. Le message avait été clair : il nous permettait d'écouter, mais uniquement si nous gardions profil bas et ne fanfaronnions pas après. Je croisai le regard de Dora qui avec ses lèvres forma les mots : "Trop cool."
Je repris le fil de la conversation. C'était McGonagall qui parlait, interrompant les bavardages sur le nom du groupe.
- Nous n'allons pas nous étendre là-dessus, coupa McGonagall. Le nom est adopté. Le lieu, maintenant.
- Ma demeure vous reste ouverte pour quand vous voudrez, assura Dedalus Diggle.
- C'est très gentil à vous, Dedalus, le remercia une voix inconnue, mais cependant ne serait-il pas préférable de choisir un lieu moins... à découvert ? Je veux dire, nous sommes entourés ici de moldus, et...
- Nous voyons très bien ce que vous voulez dire, Edward, l'interrompit McGonagall. Quelqu'un d'autre alors a-t-il un endroit à proposer ?
- Molly et moi serions ravis de vous recevoir mais notre nouvelle maison, bien qu'à l'écart de la population, risque d'être un peu étroite pour loger tant de monde, dit Arthur Weasley.
Beaucoup de personnes dirent que cela les concernait également.
- Eh bien... se fit entendre la voix de mon père, ma femme et moi serions honorés de proposer à l'ordre du Phénix notre maison pour l'aider à s'organiser, si la présence de mes deux filles ne vous dérange pas... notre maison est à Paddington, pour ceux qui connaissent, pas au cœur de Londres mais pas non plus trop loin en cas de besoin...
- De toutes façons, à partir du moment où tous ici pouvons transplaner... fit remarquer Mrs McKinnon.
- Et votre maison est-elle dans la ville, ou à l'extérieur ? demanda M. Potter à mon père.
- Elle est placée aux abords de la ville, là où commence une forêt. Je pense que chercher un QG – car c'est bien d'un QG dont nous parlons, n'est-ce pas ? - trop caché, au milieux de la broussaille ou du désert, ne serait pas une bonne idée car c'est là qu'il paraîtrait le plus évident qu'il puisse être... mais à la lisière de la forêt, dans la petite clairière où nous vivons, cela pourrait n'être pas mal du tout.
J'étais contente qu'il ait proposé chez nous pour le quartier général. En partageant notre maison, notre famille ferait déjà beaucoup pour l'Ordre du Phénix. Et puis nous pourrions nous tenir au courant... du moins, l'été.
- Cela me paraît bien adapté, en effet, approuva le professeur Flitwick.
- Il y a tout de même la présence des deux fillettes, fit observer un homme qui avait déjà parlé tout à l'heure.
- Les fillettes en question seront à Hogwarts la plus grande partie de l'année, Edward, lui signala McGonagall.
- Et en cas de besoin, nous pourrons les faire venir à la maison, l'été ou à Noël, pendant que l'Ordre vaque à ses occupations chez Ted, proposa Mrs Potter.
J'échangeai un sourire avec James, qui était à ma hauteur.
- Cela peut en effet très bien s'arranger, approuva mon père.
- Si cela convient à tout le monde, alors, nous accepterons la votre proposition avec joie, dit Dumbledore à mon père, dans la mesure, ajouta-t-il, où cela reste un arrangement provisoire.
- Comment allons-nous protéger l'endroit ? interrogea M. Longbottom, dont la voix se faisait entendre pour la première fois.
- Nous pourrions utiliser des codes, proposa quelqu'un.
- Un sortilège de Désillusion, dit le dénommé Edward.
- Il ne s'agit pas de lancer des idées en l'air, Edward, déclara McGonagall sèchement. Il faut trouver quelque chose de sérieux.
- Je connais un tas de charmes et sortilèges qui pourraient nous être très utiles, déclara Flitwick. Néanmoins, la protection maximale est celle que nous assurerait le sortilège Fidelitas.
- C'est bien ce à quoi je pensais, approuva Dumbledore.
- Qui donc serait le gardien du secret, dans ce cas ? demanda M. Potter
- Moi, dit simplement Dumbledore.
Le reste des sorciers approuvèrent.
- Est-ce que nous ne pourrions pas, par mesure de prévention, tous signer quelques papiers plus ou moins officiels ? demanda le dénommé Edward. Afin d'être sûr que tous ceux qui sont ici et qui ont assisté à cette réunion savent bien à quoi ils s'engagent et ne soient pas tenter d'aller divulguer quoi que ce soit, bien entendu.
- Edward, je pense que si le professeur Dumbledore à convié ici ces personnes, répliqua McGonagall d'un ton cassant, c'est qu'il avait parfaitement confiance en chacune d'elles. Et si nous-même avons tous confiance en le professeur Dumbledore, nous devrions nous fier entièrement à son jugement, c'est pourquoi toute « mesure de prévention » me paraît totalement superflue.
- J'ai en effet pleinement confiance en chacun de vous, tempéra Dumbledore d'une voix calme. Mais si le fait d'avoir une certaine garantie, par des éléments officiels, vous rassure et vous conforte dans votre décision, alors signons ces papiers dont vous parliez à l'instant, Edward."
Un bruit de fond se fit entendre tandis que les sorciers allaient signer les parchemins. Mes mains commençaient à être douloureuses, malgré le sortilège qu'avait lancé James. Cette position n'était pas vraiment confortable et la conversation commençait à traîner.
Quand tout le monde se fut à peu près rassit, Dumbledore parla à nouveau :
« Bien, maintenant seulement, occupons-nous de la répartition des tâches.
- Je peux essayer d'en savoir un maximum sur le Seigneur des Ténèbres, proposa une voix, sa position actuelle, ses nouveaux partisans, ce genre de choses.
- Il en faudrait un bon groupe affectés à cette mission, Benjamin, dit Mrs McKinnon, histoire d'éviter les fausses pistes, pour commencer. Si cela convient à tout le monde, j'en ferai partie.
- Je veux bien en être aussi, fit M. Longbottom.
- Très bien, acquiesça Dumbledore.
- Pour ma part, je pourrai utiliser ma position à la Gazette pour préparer les gens, leur annoncer... proposa un inconnu.
- C'est dangereux, Stuart, vous risqueriez plus que votre boulot pour cela. Vos articles sont signés... s'interposa Fabian Prewett.
- Certes, mais ces papiers qui viennent de passer entre nos mains le sont aussi, non ? Si le Seigneur des Ténèbres prend effectivement du pouvoir, nous serons tous des opposants à découvert. Autant que cela serve à quelque chose.
- Bravo, mon gars, approuva Maugrey. Ca, c'est un bel état d'esprit. »
A ce moment-là, une voix, très inattendue, surgit, non pas de l'intérieur de l'appartement, mais de derrière nous.
« Les jeunes ! Descendez immédiatement ! N'a-t-on pas idée de grimper comme ça si haut ? Vous allez vous tuer ! Allez, descendez !
Et ça, murmura Sirius à James, c'est pourquoi Levicorpus aurait été une très, très mauvaise idée. »
James haussa les épaules. Une vieille moldue nous regardait depuis le bas de l'immeuble, les yeux écarquillés de peur.
Nous n'avions aucune envie de descendre, mais un coup d'oeil entre nous fit passer le message qu'il valait mieux obéir car sa voix stridente qui continuait de monologuer aurait vraiment risqué de ne faire repérer, non seulement par tout le voisinage alentour, mais en plus par les nouveaux membres de l'Ordre du Phénix.
Nous descendîmes donc en silence et arrivâmes en bas, où la vieille nous sermonna pendant un bon quart d'heure. James et Sirius jouèrent les indifférents, finissant carrément par partir, mais Adam, Dora et moi n'étions pas de la même trempe et nous écoutâmes jusqu'au bout ses remontrances. Cependant, une fois qu'elle eut finit et qu'elle nous tourna le dos pour retourner chez elle, Adam sortit sa baguette et murmura :
« Glisseo. »
Le soulier de la vieille dame fit une glissade pareille à un ski dans la neige, et sa chute fut monumentale. Dora et lui éclatèrent de rire, mais pas moi : elle s'était quand même fait mal. Tandis qu'ils allaient rejoindre les deux autres, je m'avançai, proposa mon aide à la vieille dame pour se relever, et la reconduisit jusque chez elle alors qu'elle rouspétait.
Les autres se moquèrent de moi quand ils virent ce que j'étais en train de faire, mais j'étais contente d'avoir rempli mon devoir de citoyenne. Décidément, j'étais incapable de rire de la méchanceté gratuite.
