Disclaimer : Comme vous vous en doutez, les personnage de Harry Potter ne m'appartiennent pas (soupire mélodramatique) mais bien à JK Rowling.
Disclaimer 2: ceci est une DMHP, donc homophobes passez votre chemin!
Disclaimer 3: une commentaire, un conseil sont toujours les bien venus. Je peux vous assurer que, comparé au nombre d'heures passées sur ce chapitre, une review, ça prend pas beaucoup de temps!...
Bon, assez babillé, place à l'histoire...
Chapitre 1: Le goret, le Lion des Cavernes et le Petit Chaperon Rouge
(POV ?)
- NON ! Vous ne l'aurez pas ! hurle-t-il, le visage bouffi et rouge de colère.
Merlin, qu'il est laid.
- Il me semble vous avoir clairement exposé les règles de notre contrat, Monsieur Dursley. Aujourd'hui, le conseil vous a nommé directeur de la Grunning, me tromperais-je ? Maintenant que vous avez atteint ce poste, je désire à mon tour recevoir mon dû.
- Vous ne m'avez jamais dit qu'il s'agirait de MON FILS ! Vous m'avez juste dit que la contrepartie était DU SANG !
- …Et j'ai choisi le sang de votre fils, car je présume qu'il vous ressemble, Monsieur Dursley, il sera donc pleinement capable de répondre aux closes de notre petit pacte, affirmai-je froidement.
- JAMAIS ! JAMAIS, vous m'entendez ! Vous n'avez qu'à prendre quelqu'un d'autre ! Nos femmes de ménages, nos chauffeurs, nos employés, si cela vous chante ! Qui vous voulez, mais PAS MON FILS !
- Mon choix est fait. Faites le venir, je n'ai pas de temps à perdre.
Voyant qu'il ne bouge pas, bouillonnant sur place, j'ajoute :
- Vous ne voudriez pas que j'aille le chercher moi-même, n'est-ce pas ?
L'idée d'une chasse à l'homme pour une dette de sang est pourtant bien alléchante. Enfin, une chasse à « l'homme », façon de parler… Une chasse au cochon plutôt car, entre le porc et la chose qui se tient en face de moi, on s'y méprendrait aisément. Je m'installe un peu plus confortablement dans mon fauteuil de cuir noir, irritant par la même davantage le goret.
Finalement, il se décide à partir, claquant la porte derrière lui. Quel culot alors qu'il est en situation inférieure. Je le ferai payer. J'aime que l'on se soumette à moi.
(POV Harry)
- Oncle Vernon, appelais-je d'une petite voix.
Il se retourne sur moi. En baissant humblement la tête, je soulève un peu le panier portant la note :
"Cher Vernon, tu as oublié ton dîner. Ne rentre pas trop tard tout de même. Ta Pétunia."
Il m'arrache le panier des mains, se retourne d'un bloc (un gros bloc alors) et va pour traverser le hall. Cependant, il a un arrêt sur image (hideuse l'image), se retourne à nouveau et me jauge de haut en bas comme s'il me voyait pour la première fois. Ce n'est pourtant pas le cas puisque je vis chez lui depuis seize longues années.
- Harry… comment vas-tu aujourd'hui ? fait-il d'une voix mielleuse.
Je dois avouer que sa question me prend de cours. C'est bien la première fois qu'il me le demande. C'est suspect. Ses perceuses lui seraient-elles montées à la tête jusqu'à lui percer le cerveau ?
…Mais non, suis-je bête, il n'en a pas. De cerveau, je veux dire. Des perceuses, par contre, à gogo !
N'attendant pas de réponse, ou se fichant comme de sa première chaussette, il enchaîne, presque poliment :
- Que dirais-tu de venir avec moi un moment ?
Il attend quelque chose de moi. Cela se voit gros comme un bourrelet sur le corps de Dudley.
- Que me voulez-vous ? fis-je, plus soupçonneux que jamais.
- J'ai un peu parlé de toi à mon associé et il a paru très intéressé. Tu ne voudrais pas le rencontrer ?
Il me parle comme le pervers demanderait à l'enfant « tu veux un bonbon ? » Me prendrait-il pour un gamin ?
Cela ne me dit rien qui vaille. Mais alors rien du tout.
- Non.
Il paraît quelque peu décontenancer par ma réponse. Elle était pourtant courte et claire. Mais il semblerait que pour son petit cerveau porcin et percé de trous de perceuse, comprendre cette réponse, c'est déjà trop lui en demander.
Dis-donc, je me fais cynique ces temps-ci.
- …Eh bien tu vas tout de même m'accompagner, sale petit ingrat !
- …Ah, voilà ce bon vieux Vernon de retour. Je me disais bien qu'il se fichait éperdument de mon opinion.
Il me conduit dans son bureau dont l'entrée m'a jusqu'e là toujours été interdite et m'abandonne au beau milieu de la pièce pour se fourrer dans un de ses placards. Je me demande s'il arrivera à en ressortir son gros arrière train. Me coupant de mes réflexions ô combien passionnantes, une chemise blanche suivit de prêt par un pantalon noir volent jusqu'à moi accompagné d'un « mets-ça ! » étouffé.
J'examine attentivement les vêtements que je tiens : ils n'ont, à mon avis, jamais encore été portés. Pas que je m'y connaisse côté habits (tous ceux que j'ai sont des anciens de Dudley) mais par contre, la propreté, c'est mon rayon. Seize ans que je joue au blanchisseur personnel des Dursley, alors je sais reconnaître au premier coup d'œil un vêtement neuf.
Finalement Vernon parvient à s'extraire du placard par je ne sais quel miracle et revient jusqu'à moi :
- Dépêches-toi !
Je le regarde silencieusement, pas décidé à lui obéir. Mais lorsqu'il lève sa grosse main bourrue, je m'incline : je suis arrivé à bout du peu de patience qu'il a. Plus d'obstination n'entraînera qu'une plus douloureuse correction. Je parle en expérience de cause.
Pendant que j'enfile le pantalon auquel je dois faire un ourlet car il est trop grand, il m'annonce :
- Son nom est Malefoy. C'est un homme d'affaire. Riche. Très riche. Et très influent. Je veux que tu te fasses passer pour mon fils et que tu le serves pendant trois jours.
Moi ? Me faire passer pour son fils ? Il y a comme une antithèse.
- Pardon ?
- Tu m'as très bien entendu, petit sot.
Ce mensonge est gros comme Dudley. Je n'arriverai à le faire avaler à personne (ni Dudley, ni cette supercherie). Je m'apprête à objecter mais mon Oncle assène :
- TAIS-TOI ! J'ai dis trois jours, c'est un ORDRE ! COMPRIS ?
En effet, c'est un ordre. Et moi, le garçon du placard sous l'escalier, j'obéis aux ordres, comme je l'ai toujours fait.
- Oui, Oncle Vernon.
Et je baisse la tête. Et je me tais. Tant que je n'aurais pas atteint ma majorité il en sera ainsi : je baisserai la tête et je me tairai. Lui et sa femme sont mes tuteurs légaux, ils ont tous les droits sur moi. Et ils s'en servent, copieusement. Car je n'ai pas mon mot à dire sur ma propre vie. Ainsi sont faites les lois dans notre pays. Ne me demandez pas la logique.
- Que veut-il à Dudley ? osais-je demander.
- Ne pose pas de question.
C'est le mantra de la famille Dursley. Ne jamais poser de question. Sur rien. Et surtout pas surtout pas sur mes parents.
Alors, tandis que l'ascenseur monte, je ne pose plus de question. Cependant mon silence ne m'a jamais empêché de réfléchir. Malefoy, quelqu'un de très riche. Il a du prêter de l'argent à Vernon qui n'a pas payer sa dette, le créancier réclame une contrepartie, en attendant d'être rembourser. Dans ce scénario, je joue le rôle de la caution, liquidée si la dette n'est pas payée.
Nous entrons dans le cabinet du fameux financier. Il occupe le dernier étage de la tour à lui tout seul ! Rien que ça !
Exactement comme je m'y attendais : baies vitrées qui donnent sur les lumières du Central Buisness District de Londres, vision panoramique d'un monde dominé, bureau en bois massif aussi grand que le quadruple de mon placard et fauteuil en cuir noir qui fait office de trône moderne. Tout cela suinte le luxe à plein nez.
Quelqu'un est assis dans le fauteuil qui nous tourne le dos mais je vois sa main blanche : de longs doigts tapotent avec agacement l'accoudoir.
(POV Malefoy)
Je ne me retourne pas à l'entrée de mon débiteur : pourquoi me donnerais-je cette peine ? Cet humain m'est inférieur.
En vérité, je m'ennuie royalement. J'ai hâte que cet entretien prenne fin, que je puisse me sustenter : j'ai faim.
- Est-ce lui ?
(POV Harry)
La voix est profonde, dangereusement basse. Comme le grondement sourd du tonnerre. Elle remue quelque chose tout au fond de moi. Sûrement mon estomac qui se contracte.
- Oui, répond mon oncle.
Inutile de dire que j'aurais préféré qu'il se taise.
- Viens par ici, fait le fauteuil, impérial.
A contre cœur, je m'approche. Cette voix ne m'inspire pas confiance. Je n'aime pas cela. Elle a un je-ne-sais-quoi de prédateur. Et le fait que je ne vois pas l'homme me le rend d'autant plus inquiétant. Mon instinct me crie « méfiance ! » et pourtant, je m'avance. Je dois obéir. Après tout, je n'aspire que moyennement à me faire battre à mort ce soir en cas de désobéissance…
Je contourne le fauteuil et incline la tête : seul les jambes entrent dans mon champs de vision. Des jambes interminables, soit dit en passant, habillées d'un pantalon noir d'encre. Je ne peux m'empêcher de penser qu'elles doivent courir très vite, et que, dans le cas d'une course poursuite, il me serait pour ainsi dire impossible de les semer. Ça marchait pourtant assez bien avec Dudley. Mais ce soir, la fuite n'est pas envisageable.
(POV Malefoy)
J'entends des pas légers s'approcher. Légers ? Etrange. Je m'étais attendu à une démarche lourde, pesante, dépourvus de toute grâce, les pieds traînants, comme ceux de Dursley père. Mais celle-ci ne fait pas de bruit, comme si les pieds effleuraient le sol, elle est feutrée comme la neige, timide comme celle d'un faon esquissant ses premiers pas.
Je résiste à l'envie de me retourner et prends mon mal en patience.
Enfin il apparaît devant moi. Petit, fin, il est un peu efféminé. Et embarrassé à en juger par la façon dont il tire nerveusement sur sa manche. Trop grande la manche. Le costume n'est pas à sa taille, il me fait penser à un enfant avec des vêtements d'adulte.
Il a le visage baissé, signe de soumission et cela éveille à la fois un vif désir en moi et un brin de déception : je veux voir ses traits pour l'instant cachés par des cheveux noirs comme la suie. Mais je m'en vais remédier immédiatement à cet état.
- Relève la tête.
Il m'obéit. Nouvelle flambée de désir. Avec une lenteur insupportable, son minois se dévoile : doux, ingénus, angélique. Il est magnifique. Tout à fait à mon goût. Je ne m'attendais pas à ça. Généralement, je n'aime pas les surprises, pourtant, celle-ci me plaît. Beaucoup.
Cette petite merveille ne peut décemment être le fils du gros porc. Cela sent l'imposture…
- Comment t'appelles-tu ?
- Harry Dursley.
Sa voix me surprend : elle est éraillée, un peu rauque, comme une machine rouillée dont on ne se servirait jamais. Décidément, ce jeune homme est plein de surprises.
Il garde obstinément les yeux baissés. Je veux qu'il me regarde. Je suis avide de lui. Etre avide d'un simple être humain, quelle déchéance.
- Regarde-moi lorsque je te parle.
Enfin ses yeux se lèvent sur moi… Oh, Merlin ! Immenses, ils lui mangent au moins la moitié du visage, et cette couleur… Verts émeraude, émaillés de safran. Ils ont mille et un reflets… On croirait que la nature entière s'y est donné rendez-vous.
(POV Harry)
Il me permet (m'ordonne serait plus juste) de relever les yeux. La première réflexion que je me fais est que cet homme est immense : je n'en fini pas de remonter le long de sa redingote noire à boutons dorés. Il a un port altier mais sa posture est nonchalante, exprimant un ennui profond.
Je remonte encore (à croire que mon regard doit gravir l'Evrest pour atteindre le sien). Il a des cheveux fauves pale soigneusement retenus en catogan.
Lorsque je croise son regard, je dois me faire violence pour ne pas reculer. Ses iris sont aciers, tranchantes comme le métal d'une épée. Elles sont aussi glacées, comme l'Evrest justement. Mais surtout, elles sont sans vie, vide comme celle d'un mort. Elles me font peur.
(POV Malefoy)
Mes sens exacerbés par cette proie plus qu'alléchante perçoivent très nettement le mouvement de recul qu'il a ébauché. Que voilà un humain bien sensible… Je me retiens à grand peine de fondre sur lui et de planter mes crocs directement dans sa chair tentante. J'ai hâte de savoir quel goût il a. Patience…
Me levant avec souplesse, je commence à me diriger vers l'ascenseur. Avec agacement je constate qu'il est resté figé derrière moi. Ceux qu'il a lu dans mes yeux a du l'effrayé. Etrange. Rare sont les proies qui ont cette perspicacité et cette prudence.
- Suis-moi.
Je m'engouffre dans l'ascenseur et m'adosse négligemment contre une des parois tandis qu'il arrive, légèrement essoufflé, devant la porte. Mais il n'entre pas. Je retiens un grondement de mécontentement.
(POV Harry)
Je m'arrête et retiens ma respiration. Pas question que je me retrouve seul, dans cette boîte de conserve, avec lui. Même pour les cinq minutes de trajet. Cet homme a l'âme d'un tueur, je le sens.
- Entre… m'invite-t-il.
Il a le même ton que celui de la fausse Grand-Mère du Petit Chaperon Rouge. Ai-je besoin de préciser que j'ai cette drôle d'impression d'être sur le point de me faire dévorer tout cru ? Et comme dans ce conte, il semble être le Grand Méchant Loup déguisé et moi le petit chaperon rouge.
Si j'entre, je serais à la merci de cet homme sans merci. Et sans témoin. Non merci.
- Je préfère descendre à pieds, prétextais-je avec aplomb.
Je ne sais d'où me vient cette audace. Peut-être du fait que je veuille désespérément me tirer des griffes de cet homme. Ou peut-être du fait que je veuille sauver ma peau, et que si j'entre dans cet ascenseur, il me semble que je n'en ressortirai pas vivant. La première explication n'excluant pas la deuxième.
Je ne sais pas non plus pourquoi cet homme provoque cette peur viscérale en moi. Je veux dire, Vernon m'a déjà battu et laissé presque mort, mais jamais je n'ai ressenti cela à son encontre. Avec cet homme, c'est instinctif.
Mon Oncle a cette irascibilité, cette bêtise, cette brusquerie et cette lourdeur propre au sanglier. A l'aide d'un peu de vivacité et d'un brin de sournoiserie, j'arrive le plus souvent à lui échapper. Mais cet homme est d'une redoutable précision et si je devais lui associer un animal, ce serait sans aucun doute le lion des cavernes.
Mais je croyais que ça n'existait plus depuis l'ère glacière ? Bof, il a du se réincarné.
- Je n'aime pas me répéter, siffle-t-il froidement.
Et moi, je n'aime pas l'idée d'être seul, avec vous, dans cette cabine de moins d'un mètre carré, aurais-je voulu rétorquer. Cependant, je ne me le permets pas : avec Vernon, l'insolence se pait très chère. Au centuple si je puis dire…
Vernon. Je l'avais oublié. Il sera avec nous dans l'ascenseur. Finalement, si je descends en enfer dans cette cabine, il fera le trajet avec moi. Pour une fois que sa présence me rassure, ce jour est à marquer d'une croix rouge.
Je m'avance donc dans l'antre du fauve et me place dans le coin diamétralement opposé au sien. Si seulement Vernon pouvait se mettre entre nous deux, ce serait parfait : rien de mieux que sa corpulence pour faire bouclier.
Mon oncle s'approche à son tour de la porte de l'ascenseur, mais la voix coupante l'arrête :
- Dorénavant, je pense qu'il vous serait préférable de prendre les escaliers, Monsieur Dursley. Je dis ceci pour votre propre santé, bien entendu.
Mes yeux s'agrandissent de surprise. Viendrait-il d'interdire l'accès à l'ascenseur et de remettre Vernon à sa place dans la même réplique ? A voir le visage de mon oncle se gonfler de colère (va-t-il exploser ?), oui. Le spectacle en vaut le détour. Je ne peux empêcher un sourire de s'épanouir sur mes lèvres.
Sourire qui disparaît bien vite lorsque je me rends compte que je suis finalement bel et bien seul dans un mouchoir de poche avec un requin. Je savais bien que je n'aurais jamais du entrer.
(POV Malefoy)
Je n'allais tout de même pas laisser filer l'occasion de me retrouver seul avec lui à cause de son porc de père. Porc ? A n'en pas douter. Père ? Rien n'est moins sur. Je prends donc la liberté d'insulter son soi-disant géniteur en observant sa réaction du coin de l'œil.
Rabaisser Dursley est définitivement trop facile. Je n'en retire que peu de plaisir, par contre, le furtif sourire du petit brun ne m'échappe pas et me procure bien plus de satisfaction. Cela confirme mes suppositions : il n'est pas le fils Dursley. Mais ce fils Dursley-là n'est pas pour me déplaire, je dirais même que j'ai largement gagné au change. Je punirais Dursley une autre fois, aujourd'hui, je me sens magnanime et je vais plutôt savourer le délicieux cadeau qu'il m'a apporté.
Je l'observe et cela semble le mettre mal à l'aise. Ses jolies petites mains se crispent sur la rambarde. Mon regard dérive sur la glace et croise le sien. Aussitôt, ses yeux se détournent, comme pris en faute. Mon visage se fend d'un sourire sardonique.
(POV Harry)
Il me fixe, sans ciller. Ses paupières ne se ferment pas. Je le sais parce que je le scrute dans le miroir. Soudain, un sourire carnassier vient étirer ses lèvres, dévoilant une dentition parfaite à la colgate. Trop parfaite et d'une blancheur surnaturelle. Une sueur froide remonte le long de mon échine, me faisant frissonner. Je m'empresse de détourner les yeux.
Ce silence est oppressant. Pourquoi diable cet ascenseur prend-il autant de temps à descendre ? Pourquoi les nombres sont-ils si lents à défiler ? 45ème étage… 44ème étage… 43ème… 42ème… C'est pas possible, ils se sont tous ligués contre moi !
- Puis-je t'appeler Harry ?
Je me retourne vers lui, surpris. Mauvaise idée, me voilà à nouveau perdu dans les abysses de ces deux lacs sans fond que sont ses yeux.
Toutes les fibres de mon corps me crient de ne pas accepter, mais mon cerveau n'arrive pas à trouver une excuse plausible. Ce n'est pourtant pas faute de chercher.
Harry est mon vrai prénom, une des rares choses que m'ont laissées mes parents avant de mourir, alors j'y tiens. Mais, de toute façon, ce n'est qu'un prénom. N'est-ce pas ?…
- Faites comme il vous plaira. Après tout, je suis votre serviteur, répondis-je froidement.
(POV Malefoy)
« Serviteur » ? Oh non, tu ne seras pas mon serviteur, petit homme. Je te réserve une toute autre place…
Etais-tu le serviteur de Dursley ? Cela expliquerait ton comportement…
« Faites comme il vous plaira. » Est-ce une proposition ? Se rend-il compte de la portée de ses paroles ?
- Je te remercie, Harry, fis-je, séducteur.
(POV Harry)
A l'instant où j'entendis mon prénom, je su que je n'aurais jamais du accepter qu'il l'utilise. C'est trop intime, sa voix est trop sur d'elle, trop dominatrice, trop conquérante. Il le prononce comme si j'étais un de ses titres de propriété.
- Néanmoins, je crains devoir te détromper, Harry. Tu ne seras pas mon serviteur, déclare-t-il d'une voie veloutée.
Je ne sais comment je dois prendre cette nouvelle. Si je ne suis pas son serviteur, je serais donc autre chose. Ce qui n'est pas forcément mieux.
Finalement, je décide que c'est une mauvaise nouvelle. Et je redouble ma garde.
Ce qui ne serre strictement à rien puisque je sens soudain un haleine glacée caresser ma nuque. Je fais volte-face et me retrouve nez à nez avec l'homme penché sur moi. Comment a-t-il fait ? Il y a une seconde, il était à l'autre bout de l'ascenseur (qui, je l'accorde, n'est pas très grand mais tout de même !) et là, il me coince carrément. Pourtant, au fond de moi, je m'y attendais, je savais qu'il allait réaliser cette manœuvre. Allez savoir comment je le savais.
Mais cela ne m'empêche par de frémir et mon cœur de passer à deux cent tours minute.
Je me blottis un peu plus dans le coin, ce qui doit me faire gagner en tout et pour tout quelques centimètres, mais c'est toujours ça de pris ! Malheureusement, cela n'empêche pas son souffle froid comme la froidure de la nuit tombante de frôler mon visage.
- Y a-t-il une raison pour que tu sois si anxieux, Harry ?
« Anxieux » ? Doux euphémisme que celui-ci ! Je suis au bord de l'apoplexie, je tremble tellement que s'en est à se demander si je n'ai pas Parkinson, l'oxygène s'est fait la mal et je suis seul dans un ascenseur avec un requin qui semble bien décider à faire de moi son prochain amuse-gueule ! Mais à part ça, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !
(POV Malefoy)
Je n'ai pas pu résister. Sa nervosité a attisé mes instincts. Et puis sa nuque est bien trop blanche, bien trop intouchée pour que j'y résiste. Cela faisait longtemps que je n'avais pas perdu le contrôle. Pourtant, comme il est délicieux de se laisser aller à ses pulsions.
Au début, je voulais juste l'effrayer un peu, pour m'amuser, mais maintenant, il semble complètement tétanisé. Pour une première approche en douceur, c'est raté. Apparemment, il est beaucoup plus intimidé qu'il ne le montre. J'aurais du faire plus attention. Mère m'a toujours dit qu'il ne fallait pas jouer avec la nourriture.
(POV Harry)
Au summum de la tension, un « ding ! » retenti puis la porte de l'ascenseur s'ouvre. Ô joie, ô bonheur, ô délivrance ! Enfin arrivés ! Je ne prendrais plus jamais l'ascenseur de ma vie.
Je me glisse à l'extérieur et constate avec alarme que nous sommes au parking. Gris béton, froid, et surtout, désespérément vide. J'ai peut-être crié victoire trop vite. Je ne suis pas encore sorti de l'auberge. Enfin… du parking.
Soudain, dans l'ombre, une voiture semble se réveiller en émettant un bref grognement. Je sursaute puis me retourne vers l'homme qui me fait un sourire attendri. Un sourire de ceux qu'un chat pourrait faire à la souris avec laquelle il joue cruellement depuis des heures. Un sourire que le félin ferait à sa pauvre proie juste avant de l'achever. Il est visiblement content de son effet, sa clef à la main. Vive la technologie.
Ce n'est pas n'importe quelle voiture. Une Jaguar, s'il vous plaît. Noire comme la nuit, rutilante comme si elle venait d'être astiquée, pas une rayure comme si elle sortait tout juste du garage, la ligne aérodynamique et sportive.
Il m'ouvre la porte passager. Mon honneur en prend un sacré coup : tout de même, je sais ouvrir une porte ! Mais je ne dis rien et me contente de lui envoyer un regard noir avant de m'asseoir à la place du mort. Mauvaise augure que celui-ci. Son sourire charmeur semble m'inviter à mourir.
(POV Malefoy)
Ce jeune homme est vraiment étrange. Il se fait tout petit, veut se faire oublier alors que mes précédentes conquêtes tentaient d'attirer mon attention. Il se méfie de moi alors qu'elles tentaient de me séduire. Il se rembrunit là où elles voyaient une de mes faveurs. C'est… rafraîchissant je dois dire.
Néanmoins, il semble insensible à mon charme. Voilà qui est bien embêtant. Moi, par contre, je ne suis pas insensible au sien.
(POV Harry)
Déjà le moteur gronde tandis que j'attache ma ceinture et je remarque qu'il ne met pas la sienne. La voiture rugit, je me cramponne fermement à la portière.
- Vous ne mettez pas votre ceinture ?
- Inquiet pour ma sécurité ?
- Absolument pas.
Je suppose que si nous avions un accident, il ne serait pas le premier à mourir. Je suis le plus faible. Il faut dire qu'après seize années passées aux les bons soins de mon cher oncle, de ma chère tante et de mon cher cousin, je pense que le fait d'avoir survécu est un petit miracle en soi-même. Après, on ne peut pas tout avoir : la survie et un développement physique normal. Surtout avec pour seul repas par jour, celui de la cantine.
On se demande après pourquoi j'aime l'école et je déteste les vacances. En ce moment par exemple, c'est les vacances d'été. Celles-ci sont les pires, les plus longues, les plus affamantes donc.
Heureusement, il y a Mrs Figg, la veille dame aux chats, ma sauveuse. Les Dursley vont généralement passer deux semaines chez Tante Marge, respirer le bon air de la campagne britannique. Pas question de m'emmener, évidemment, ça aurait gâché toutes les vacances. Et encore moins de me laisser la maison, ils ont trop peur que je la fasse sauter. Alors ils me donnent à garder à la voisine d'en face, une petite bonne femme qui atteint les quatre-vingt ans, et toujours aussi propre sur elle. D'aussi loin que je me souvienne, je ne l'ai jamais appelé autrement que la vieille dame aux chats, parce que chez elle, c'est le royaume des chats. A croire qu'elle accueille tous les chats errant du quartier. Et parfois, il m'arrive de me demander si elle ne me considère pas un peu comme un de ses chats de gouttières. A chaque séjour, elle me fait subir un intense régime pour me remplumer à base de biscuits secs, biscuits secs et… biscuits secs. Régime auquel, affamé, je me soumets volontiers. Je l'aime bien ma vieille dame aux chats.
- Te sens-tu mieux ? finit-il par demander.
- Non.
Pas tant que je serais avec vous. Cet homme me fiche la chair de poule.
Il ricane. Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle.
- Au moins, tu es honnête.
Londres défile à une allure vertigineuse. Les feux tricolores se succèdent et je n'ai même pas le temps de voir de quelle couleur ils sont. Je crois que c'est mieux ainsi. Il vaut mieux aussi que j'évite de regarder le compteur. Pourvu que je ne sois pas malade, j'aurais quelque scrupule à salir le magnifique habitacle tout de cuir tapissé. Surtout que je sais combien le cuir ne se laisse pas facilement nettoyer.
Nous sommes déjà dans la banlieue résidentielle de la ville. Tout est mort. Pas un chat dans les rues éclairées par la blême lumière des réverbères.
Où m'emmène-t-il ? A la sortie de la ville, pour accomplir son crime ? Pas de témoin, pas de bavure.
(POV Malefoy)
J'ouvre mon paquet de cigarette, en prend une et vais pour l'allumer mais je m'arrête :
- Cela te dérange-t-il si je fume ?
- Faites comme vous voulez, c'est votre voiture, c'est votre santé.
C'est vrai que pour les humains, la nicotine est nocive. Finalement, je repose le cylindre de tabac.
- Vous ne l'allumez pas ?
- Non.
Je répugne à souiller les poumons de ce petit ingénu.
(POV Harry)
- Tu devrais dormir, Harry. Nous n'arriverons que demain.
Dormir ? A côté de cet homme à l'attitude plus que suspecte ? Qui sort une cigarette pour ne pas l'allumer ensuite ? Très peu pour moi.
- Je n'y arriverai pas.
Nous avons complètement quitté Londres. Autour de nous, il n'y a plus aucune lumière. Tout est noir, la route monotone. J'ai perdu le décompte des bornes de kilométrage.
En effet, je lutte pour ne pas m'endormir. Mes paupières se ferment sans mon autorisation. C'est un combat acharné, mais un combat perdu d'avance, je ne le sais que trop bien. Je n'ai jamais été quelqu'un du soir, et puis ça fait depuis six heures du matin que je suis debout, moi.
Je finis par céder, même si je ne devrais pas avoir cette faiblesse. Surtout à côté de cet homme. Oh et puis après tout il pourra bien me tuer demain si cela lui chante.
Je crois que le sommeil me fait dire des sottises.
(POV Malefoy)
Il a finit par s'endormir, roulé en boule sur le siège. Il me fait penser à un adorable chaton sauvage. Reste à savoir si je saurais l'apprivoiser. Mmmm, le défi me plaît.
Je lui ai mis mon manteau comme couverture. Il avait l'air d'avoir froid. Moi, je ne sens plus le froid depuis longtemps. Un des avantages d'être mort.
(à suivre)
