Hongkonger Tribulations

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Résumé : UA. Sakura est venue vivre à Hong Kong en espérant y faire sa vie. Mais tout ne se passe pas comme elle l'aurait voulu, sa vie est loin d'être rose. Un jour, elle rencontre un jeune homme dénommé Shaolan…

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Sakura regardait avec calme son amie marcher de long en large dans la pièce.

« Non mais tu te rends compte ? »

La jeune femme soupira sans bruit. Que pouvait-elle répondre ? Cela faisait des jours qu'elle se doutait de l'issue de cette histoire. Au fond, ce n'était pas une si mauvaise chose…

« Tu sais Tomoyo, se risqua-t-elle, c'est le mieux pour…
- Le mieux ? rugit son amie, la coupant sans vergogne. Que l'entreprise de ma famille tombe entre les mains de ces requins ! En quoi est-ce une bonne chose ? »

Sakura ne répondit pas. À quoi bon ? Elle savait que Tomoyo ne l'écouterait pas. Non pas que celle-ci ne fût pas de nature ouverte, bien au contraire, mais lorsqu'il s'agissait de la Daidouji Enterprise, elle perdait parfois son sang froid.

Il fallait savoir que Tomoyo avait perdu ses parents très tôt et qu'elle avait vécu avec son grand-père, fondateur de cette petite entreprise de jouets. Le vieil homme s'était tué à la tâche pour laisser à sa petite-fille chérie cette société dans laquelle il avait mis tout son cœur. Aussi, apprendre qu'elle était en faillite avait profondément blessé la jeune femme… Mais le monde des affaires était cruel, comme le disait souvent Meilin Sharung, l'amie commune de Tomoyo et Sakura. Et ce jour-là, la jeune chef d'entreprise avait reçu une offre d'achat…

« Ecoute, soupira Sakura, je suis vraiment désolée, mais je pense que tu n'as pas le choix. Réfléchis-y, ils n'attendent certainement pas une réponse immédiate. Moi, je dois y aller… »

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C'est le moral au plus bas que Sakura pénétra dans la rame de métro bondée. Depuis des mois, elle voyait son amie se battre pour son entreprise, laissant tout le reste de coté, et cela pour quoi ?

La jeune femme fut tirée de ses pensées par quelqu'un qui la bouscula violement. Elle manqua tomber à terre alors que le rustre ne baissait même pas les yeux vers elle. Elle serra les poings pour rester maîtresse d'elle-même.

Lorsqu'elle était partie du Japon, quelques années plus tôt, une fois ses études commerciales finies, et qu'elle s'était installée à Hong Kong, elle avait des rêves plein la tête. Elle se voyait déjà cadre important dans une grande transnationale, fiancée à un homme semblable aux princes charmants dont elle rêvait.

Oui, c'était ses rêves… Mais ce jour-là, dans cet ignoble métro, si elle avait du faire un bilan de sa vie, elle savait qu'il était à des années-lumière de tout ça. Elle se demandait parfois pourquoi elle ne rentrait pas au Japon. Pourquoi elle n'abandonnait pas. Pourquoi elle ne s'avouait pas vaincue. Etait-ce si difficile d'admettre qu'elle avait échoué ? D'admettre que sa famille avait raison, qu'elle n'était rien d'autre qu'une rêveuse ? Si elle les avait écoutés, des années plus tôt, elle serait certainement entrée dans l'entreprise prospère de son oncle, aurait un travail, certes dénué d'intérêt mais bien payé, serait mariée à un parfait garçon sans la moindre surprise et serait une épouse modèle…

Seulement voilà, elle était Sakura Kinomoto et s'était crue au dessus de tout ça. Elle avait cru qu'elle pouvait faire mieux. Bouleverser cet ordre établi, montrer à sa famille qu'elle pouvait voler de ses propres ailes.

« Brillant résultat, » grinça-t-elle pour elle-même en sortant de la bouche de métro.

Oui, il était brillant, le résultat des courses : elle vivait dans un petit appartement minable – selon ses propres mots – qu'elle partageait avec son amie Meilin, elle devait avoir deux jobs pour réussir à finir ses mois avec difficulté et ses aventures sentimentales se résumaient en deux mots douloureux : fiasco total.

Lorsqu'elle arriva devant l'immeuble dans lequel elle vivait, elle soupira profondément, décidée à chasser ses mauvaises pensées. Elle arriva devant la porte et ouvrit son sac, à la recherche de ses clés, pour réaliser avec horreur que celui-ci était vide ! Habituée depuis le temps à vivre dans une grande ville, il ne fallut pas longtemps à la jeune femme pour connecter divers évènements entre eux et comprendre ce qui s'était passé : le métro, la bousculade, un pickpocket. On lui avait volé toutes ses affaires ! Ses papiers, l'argent de sa paye qu'elle venait de recevoir, sa carte de crédit et ses clés !

Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder la vase. Toute la tension que la japonaise avait accumulée se déversa sur elle et elle éclata en sanglots.

Cela ne lui ressemblait pourtant pas. Elle avait toujours été une battante, elle ne se laissait pas facilement abattre et n'avait pas la larme facile – sauf devant un film émouvant ! Elle n'était certainement pas de ces femmes qui se mettent à pleurer à la moindre difficulté…

Et ce n'était pas vraiment le fait de s'être fait voler qui la mettait dans un tel état. C'était plutôt une accumulation de choses. Sa vie qui était un véritable désastre, ses difficultés financières, son amie qui perdait son entreprise et pour que tout soit parfait, son incapacité à rentrer chez elle puisque Meilin – seule autre personne à avoir la clé – ne rentrerait pas avant plusieurs heures !

C'était sans doute pour cela qu'elle était là, le dos contre le mur froid de ce hall d'entrée tagué à pleurer alors qu'elle s'était juré de ne plus fondre en larmes ainsi après la mort de sa mère…

« Tout va bien, mademoiselle ? » s'enquit alors une voix inquiète.

Elle se retourna vivement, honteuse d'être ainsi prise sur le fait de faiblesse, en essuyant maladroitement ses larmes pour tomber sur un homme qui n'avait pas du tout l'allure des personnes qu'on voyait généralement dans un quartier comme celui-là. Il portait un costume sans cravate mais sans conteste très élégant et il émanait de lui quelque chose que la jeune femme n'aurait pas su identifier.

« Oui, oui, » mentit-elle avec un peu trop de rapidité.

Elle fut hélas prise en traître par un sanglot. Elle se mordit la lèvre, mécontente, alors qu'un sourire amusé étirait les lèvres de son interlocuteur. Piquée au vif par cette marque de moquerie, elle releva la tête et le regarda droit dans les yeux… Pour tomber sur un superbe regard ambre qui lui coupa tout bonnement la parole.

« Vous ne devriez pas rester là, conseilla l'inconnu, une pointe de sarcasme dans la voix.
- C'est ce que je ferais, voyez-vous, si je ne m'étais pas fait voler mes clés ! » répliqua-t-elle avec force.

Une étincelle s'alluma dans les yeux du jeune homme, même si Sakura, toute à sa colère, ne la vit pas.

« Je suis désolé pour vous.
- C'est ça ! » fit la japonaise, énervée et n'y croyant absolument pas.

Aussi, quelle ne fut pas sa surprise lorsque cet homme, qu'elle pensait être là pour se régaler de son malheur, lui tendit un mouchoir blanc immaculé. Déconcertée, elle regarda tour à tour le morceau de tissus et l'inconnu.

« Essuyez-vous donc les yeux, » dit-il simplement en voyant l'air étonné de la jeune femme.

Mais cette fois, nota-t-elle, il n'y avait aucune moquerie dans sa voix… Aussi prit-elle le mouchoir avec reconnaissance.

« Puisque vous ne pouvez pas entrer et que la personne que j'étais venu voir n'est pas là, prendriez-vous un café avec moi ? » proposa finalement le jeune homme.

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« Eh bien, ce garçon devait vraiment être charmant, dommage que je ne l'ai pas vu ! » regretta, non sans afficher un grand sourire, Meilin lorsque son amie lui raconta ses mésaventures.

Malgré elle, Sakura sentit ses joues se colorer. Elle avait passé l'après-midi avec son bel inconnu – qui s'avérait répondre au doux nom de Shaolan. Il ne s'était rien passé de formidable du point de vue de la jeune femme, ils avaient pris un café, parlé, et finalement il l'avait ramenée à l'appartement à une heure où elle avait jugé – avec raison – que Meilin serait présente.

« Et comment il s'appelle ton prince charmant ? s'enquit la chinoise avec amusement.
- Ce n'est pas mon prince charmant, je ne le connais même pas !
- Ça ne t'a pas empêchée d'accepter son invitation, » la taquina son amie.

Pour toute réponse, Sakura lui tira puérilement la langue avant de s'enfermer dans sa chambre.

Elle savait pourtant que la brune avait raison. Pourquoi avait-elle accepté cette invitation ? Ce n'était pas son genre de sortir avec le premier inconnu venu ! Elle soupira avec fatalité : elle ne savait décidément pas… Tout ce qu'elle était capable de dire, c'était que l'idée de refuser ne lui avait même pas effleuré l'esprit…

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« Voilà votre commande, monsieur. »

Un sourire de convenance scotché sur le visage, Sakura s'employa à servir son client, retenant son souffle pour ne pas exploser sous le regard lubrique qu'il lui lançait. Lorsqu'il lui mit sans vergogne la main aux fesses, elle se crispa, serra les dents pour ne pas le traiter de tous les noms d'oiseaux qu'elle pouvait connaître, et s'éloigna le plus vite possible.

Arrivée derrière le comptoir, elle laissa échapper un soupir. Elle était épuisée. Elle regarda autour d'elle le bar sale et enfumé. Dans un coin, deux ivrognes n'allaient pas tarder à se battre si personne n'intervenait… Cherchant du regard quelqu'un susceptible de le faire, elle ne trouva personne. Elle ferma quelques instants les yeux pour se donner du courage. Et comme chaque fois qu'elle agissait ainsi depuis deux mois, un regard ambre envoûtant s'imposa à elle. Elle secoua la tête, mécontente.

Elle avait rencontrée Shaolan deux mois plus tôt et depuis il ne quittait plus ses pensées. Pourtant, elle ne l'avait pas revu depuis ce fameux jour où elle s'était fait voler toutes ses affaires… Tomoyo se plaisait à la dire amoureuse. Mais Sakura ne pouvait pas y croire. On ne tombait pas amoureuse ainsi ! Exception faite peut-être de ce qui se passait dans les scénarii de contes de fées. Contes de fées auxquels elle avait par ailleurs cessé de croire.

Décidant de laisser ses problèmes de cœur de coté, elle s'approcha des deux belligérants qui n'allaient pas tarder à en venir aux mains.

« Messieurs ? se hasarda-t-elle alors que l'un d'eux commençaient à monter sur la table. S'il vous plait, calmez-vous…
- Toi, pétasse, tu la fermes ! rugit l'un des deux ivrognes. C'est entre lui et moi. »

Sakura ouvrit la bouche pour tenter de raisonner les deux hommes, mais avant qu'elle n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit, l'un d'eux – elle n'aurait su dire lequel – lança un verre qui vint se briser sur la table, projetant des débris sur la jeune femme. Par réflexe, elle se protégea le visage avec le bras, tant et si bien que plusieurs morceaux de verre vinrent se loger dans son bras, lui arrachant un gémissement de douleur.

La japonaise assista impuissante au début de la bagarre entre les deux adversaires. Son bras lui faisait affreusement mal et du sang était en train de tâcher son uniforme. Elle vit les autres serveurs venir tenter d'arrêter l'affrontement, sans succès.

Bien vite, comme elle s'y attendait, les choses s'envenimèrent. L'alcool aidant, une partie des autres clients se joignit à la bagarre, provoquant un capharnaüm monstre dans le petit bar.

Sachant très bien quoi faire dans ce genre de circonstances, Sakura joua des coudes pour rejoindre le comptoir derrière lequel elle pourrait se réfugier.

Malheureusement pour elle, elle se trouvait en plein cœur des hostilités. Elle sentit quelque chose lui frapper la tête provoquant une vive douleur…

… Puis plus rien…

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Elle ouvrit les yeux péniblement. Que s'était-il passé au juste ? Elle remarqua tout de suite qu'elle n'était plus dans le bar. L'odeur nauséabonde de tabac froid et d'autres choses que Sakura préférait ne pas évoquer avait complètement disparu pour être remplacée par une senteur aseptisée.

« Sakura ! »

La jeune femme tourna péniblement la tête pour voir Tomoyo arriver en courant vers elle, les larmes aux yeux.

« Oh, Sakura, comme j'ai eu peur ! Comment te sens-tu ?
- Ça va, fit la susnommée, la bouche pâteuse.

Elle sentit sa lèvre douloureuse. Apparemment, elle se l'était ouverte… Derrière Tomoyo se dessina la silhouette gracile de Meilin. Le regard de la chinoise s'illumina en la voyant.

« Sakura ! Tu es enfin réveillée !
- J'ai dormi longtemps ? s'inquiéta la japonaise en voyant l'air de ses amies.
- Tu es restée inconsciente cinq jours, Sakura, » dit Tomoyo d'une voix douce.

Les couleurs quittèrent le visage de la jeune femme. Cinq jours ? Comment ? Que s'était-il passé ? Anticipant visiblement sur la question, Meilin prit la parole.

« Dans la bagarre, tu as reçu une chaise, ou un truc comme ça, sur la tête. On t'a retrouvée inconsciente lorsque la police est intervenue. Les médecins ont eut très peur, et nous aussi d'ailleurs… »

Sakura porta sa main à sa tête, comme pour tenter de comprendre ce qui s'était passé mais ses doigts ne touchèrent que le tissu rugueux du bandage qui lui avait été mis. Elle ferma les yeux, fatiguée. Pourquoi le sort s'acharnait-il sur elle de la sorte ?...

Elle ouvrit brusquement les yeux.

« Comment va-t-on payer l'hôpital ? »

Ses deux amies se regardèrent, gênées. Aucunes d'entre elles n'avaient les moyens de payer des soins. L'entreprise de Tomoyo étant en instance de vente, elle avait d'énormes dettes et aucun apport financier ; Meilin de son coté, tout comme Sakura, peinait à réussir à boucler ses fins de mois. Alors payer des soins tels que ceux qu'avait eus la jeune femme…

« Ne t'en fais pas, on a trouvé une solution, » assura Meilin avec un grand sourire.

La japonaise sourit et reposa sa tête dans son oreiller, visiblement rassurée. Quand à son amie, elle se mordit la lèvre, se demandant sérieusement comment elle allait bien pouvoir s'y prendre pour se sortir de la galère dans laquelle elle s'était fourrée.

Lorsque Sakura fut rendormie, Tomoyo se tourna vers sa compagne.

« Je vais tout de suite aller voir la Li Corporation, déclara-t-elle. Plus vite on se mettra d'accord pour la vente de l'entreprise, plus vite on aura l'argent pour les soins de Sakura.
- Tu plaisantes, je croyais que tu voulais te battre pour conserver cette entreprise ? Si tu leur demandes d'accélérer le payement, tu ne pourras plus rien exiger d'eux !
- Je sais, mais Sakura passe avant la société. Elle est plus importante. »

Meilin approuva de la tête, comprenant les motivations de son amie. Celle-ci sourit avant de quitter l'hôpital.

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Tomoyo prit une profonde inspiration en regardant le grand immeuble qui s'élevait devant elle. La Li Corporation. Une énorme transnationale présente dans le monde entier sous divers sigles. Une entreprise qui, quelques mois plus tôt, lui avait fait une offre de rachat pour l'entreprise de son grand-père. Elle les détestait. Eux dont l'action avait amené la faillite de cette société dans laquelle ses grands-parents avaient mis tout leur cœur. Eux qui osaient venir agiter leur supériorité sous son nez en proposant de racheter l'entreprise.

La jeune femme releva la tête et se dirigea d'un pas assuré vers l'accueil.

« Je voudrais voir Monsieur Hiiragizawa, s'il vous plait.
- Vous êtes ? »

La voix haut perchée et profondément désagréable de cette femme commença à mettre les nerfs de Tomoyo en pelote, mais décidée à restée maîtresse d'elle-même, elle répondit de sa voix la plus douce.

« Tomoyo Daidouji. »

La secrétaire – qui n'avait toujours pas regardé sa visiteuse – s'activa quelques instants.

« Allez au vingt-sixième étage, on viendra vous y chercher, » finit-elle par dire abruptement.

Dans un soupir, la jeune femme s'exécuta. Elle se sentait déjà exténuée alors que rien n'avait commencé…

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Eltanin regarda son frère tourner en rond comme une âme en peine avec un air affligé.

« Tu es sûr que tout va bien ? » s'enquit-elle, espérant qu'il se confit enfin à elle.

Mais comme d'habitude elle n'obtint pas de réponse. Elle soupira, se laissant tomber dans le fauteuil de cuir qui se trouvait derrière elle. Elle n'avait jamais vu son jumeau dans un tel état. Cet air mélancolique ne lui allait vraiment pas, songea-t-elle. Seulement pour la première fois en vingt-trois ans, il ne lui disait pas ce qui n'allait pas.

Une étincelle s'alluma dans les yeux de la jeune femme. Qu'à cela ne tienne, elle le découvrirait elle-même…

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Tomoyo commençait sérieusement à s'impatienter. Quatre heures ! Cela faisait quatre heures que cet *bip* d'Eriol Hiiragizawa la faisait attendre ! Pour qui se prenait-il au juste ? Si la santé de Sakura n'avait pas été en jeu, la brune serait déjà partie depuis longtemps.

« J'aurais dû prendre de la couture, » soupira-t-elle à haute voix en regardant les aiguilles de la grande horloge qui trônait face à elle bouger avec une lenteur affligeante.

Finalement, au bout de quatre heures et demi d'attente interminable, on l'introduisit – enfin ! – dans le bureau de la personne qu'elle était venue voir.

Lorsqu'elle entra, Monsieur Hiiragizawa leva les yeux vers elle. Et elle put voir que ces yeux clairs, à peine cachés par de fines lunettes, pétillaient d'amusement. Le poing de la jeune femme se serra, faisant blanchir ses phalanges. Il l'avait fait exprès ! C'était en toute connaissance de cause qu'il l'avait faite ainsi poiroter devant son bureau.

« Que puis-je pour vous, Mademoiselle Daidouji ? » demanda le jeune homme d'une voix doucereuse.

Tomoyo sentit une bouffée de chaleur monter en elle. Elle lui aurait bien volontiers dit ses quatre vérités – ou peut-être même mis son poing dans la figure. Mais la nature douce et sociable de la brune reprit le dessus.

« Je suis venue vous parler de la vente de mon entreprise, dit-elle avec un calme qui n'était qu'apparent.
- Ah oui, j'imagine que quelque chose ne va pas, encore une fois… »

L'air moqueur de cet homme mettait la jeune femme hors d'elle. Elle qui d'habitude était si calme. Elle le détestait profondément. Cet Eriol Hiiragizawa et ses grands airs. Pourquoi ? Parce que Môsieur était président du département des divertissements de la Li Corporation ? Il se croyait supérieur à elle parce qu'il faisait tourner des milliers de sociétés de jouets en tout genre, de productions de films et de musiques, etc.… Bref, tout ce qui avait rapport avec le divertissement des uns et des autres ? Certes, d'un point de vue carrière, Tomoyo devait bien admettre lui être inférieure. Mais sur le plan humain, elle se plaçait à des années-lumière devant cet homme !

« Non, fit-elle, prenant l'air le plus noble qu'elle avait, cela me va parfaitement bien. Je voudrais savoir quand nous pourrons conclure cette affaire. »

L'espace d'un instant, Eriol eut l'air déconcerté. Intérieurement, Tomoyo savoura cette mince victoire. Mais très vite, le président de département se reprit.

« Parfait, déclara-t-il égal à lui-même, nous pouvons signer tout de suite, dans ce cas. »

Il affichait ce petit air victorieux qui mettait son interlocutrice sur les nerfs. Parce qu'elle avait perdu face à lui… Parce qu'il se délectait de la voir s'avouer vaincue…

Il lui tendit un stylo luxueux pour qu'elle signe le contrat définitif de vente. Elle s'employa à lire attentivement la masse de papier en tentant de rester maîtresse d'elle-même. Puis elle posa la mine du stylo sur la dernière feuille. "Pardon grand-père, mais c'est pour Sakura" pensa-t-elle alors que son cœur se serrait. Sa main tremblait dangereusement. Elle signa rapidement, priant pour que son cocontractant n'ait pas vu ce moment de faiblesse. Mais il ne réagit pas, aussi en conclut-elle que, tout à sa victoire, il n'avait pas réalisé les sentiments que l'agitaient.

« Bien, dit calmement le jeune homme, la somme convenue sera virée sur votre compte demain à la première heure, Mademoiselle Daidouji. Ce fut un plaisir de traiter avec vous. »

Tomoyo ne prit même pas la peine de répondre. C'était de la provocation et elle en avait conscience.

« Au revoir, » fit-elle simplement avant de sortir du bureau sans se retourner.

Ce ne fut qu'une fois seule dans l'ascenseur qu'elle se permit de perdre ce port altier qu'elle affichait depuis son arrivée dans le siège de la Li Corporation. Le lendemain, elle aurait l'argent pour payer l'hospitalisation de Sakura. Le lendemain, elle ne serait plus Tomoyo Daidouji, chef d'entreprise de la Daidouji Enterprise. Le lendemain, elle ne serait plus que Tomoyo Daidouji, une chômeuse de plus dans les rues de Hong Kong…

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Accoudée à la fenêtre de son appartement, Meilin regardait le paysage morne de cette banlieue mal famée qui s'étendait à ses pieds. Perdue dans ses pensées, elle se demandait pourquoi le destin semblait ainsi s'acharner sur elle et ses amies.

Sakura n'était pas vraiment remise de ce qui lui était arrivé – ce qui ne l'avait pas empêchée de quitter l'hôpital et de reprendre le travail. La vie de la jeune japonaise n'en était que plus difficile. Bien entendu, suite à ce qui s'était passé dans le bar et à l'état de la jeune femme, son patron s'était empressé de trouver une autre serveuse. Quand à son autre travail, dans les bureaux d'une filière de la Li Corporation, elle avait du faire des pieds et des mains pour le conserver. Alors que ce n'était qu'un travail de larbin sous-payé dans lequel elle était exploitée.

De son coté, Tomoyo se remettait mal de la perte de l'entreprise de son grand-père, même si elle s'employait à trouver du travail. Elle avait définitivement abandonné son rêve de devenir styliste pour vivre dans la triste réalité.

On sonna à la porte, tirant la chinoise de ses réflexions. Sans grande conviction, elle se rendit ouvrir, se demandant s'il s'agissait encore du propriétaire pour leurs annoncer qu'elles avaient du retard sur le payement du loyer. Mais en découvrant la personne qui se tenait sur le pas de la porte, les yeux de la jeune femme s'agrandirent de surprise.

« Tu es revenue… » murmura-t-elle.

L'arrivante sourit tendrement.

« Bien entendu, c'est ce que j'avais dit que je ferais, non
- Entre, entre, » s'exclama Meilin.

Son invitée s'exécuta. Par-dessus son épaule, la brune regarda l'appartement qu'elle habitait depuis des années déjà. Il donnait un piètre aspect de ses deux locataires, bien qu'elles fissent tout ce qui était en leur pouvoir pour le rendre présentable.

« Je pensais que tu ne reviendrais pas, Eltanin. »

La susnommée se retourna vers Meilin, un sourire en coin sur les lèvres.

« C'est bien mal me connaître, cousine, nous avons perdu suffisamment de temps à cause de ces histoires de famille ! Quoi que puisse en dire Mère, tu es ma cousine, et je refuse de te perdre. »

Pour la première fois depuis des années, les larmes montèrent aux yeux de la brune. Cela faisait si longtemps qu'elle avait perdu tout espoir de renouer avec un membre quelconque de sa famille... Eltanin la prit délicatement dans ses bras, comme l'aurait fait une grande sœur, alors que Meilin sanglotait.

« Tu dois me trouver ridicule à pleurnicher comme ça, » fit cette dernière.

Sa cousine lui sourit.

« Je te trouve humaine. Ce qui est une grande qualité dans la famille. »

La brune approuva en silence. Elles savaient toutes deux ce qu'il en était.

« Sinon, comment vas-tu, toi ? s'enquit Eltanin.

- Je ne veux pas t'embêter avec mes problèmes…

- Mei ! » rugit la jeune femme.

L'interpellée sourit avec amusement devant l'air sévère de sa parente.

« Franchement, c'est pas la joie… » admit-elle.

Eltanin leva un sourcil, ce qui ne manqua pas d'amuser sa cousine. La jeune femme avait, depuis toute petite, eu cette mimique lorsque quelque chose attirait sa curiosité.

« Aller, aller, dis tout à tata Eltanin ! l'encouragea la visiteuse.
- Elta ! Je suis sérieuse !
- Moi aussi, répliqua l'autre avec un air soudainement sérieux, je pense sincèrement que tu as besoin d'une oreille attentive, alors je t'écoute, cousine. »

Et c'est ainsi que Meilin se mit à raconter sa vie à cette jeune femme qu'elle avait tant aimée et perdue de vue pendant des années et qui, quelques semaines plus tôt, avait repris contact avec elle, jurant qu'elles ne se perdraient plus. La chinoise commençait à parler de Tomoyo lorsque Eltanin la coupa.

« Cette Tomoyo, ce ne serait pas Tomoyo Daidouji de la Daidouji Enterprise ? »

Meilin regarda sa cousine, surprise.

« Tu la connais ?
- Non, mais Eriol m'a parlé d'elle, c'est avec lui qu'elle a traité, n'est-ce pas ?
- Oui, elle ne peut pas le supporter. Elle en a brossé un portrait très peu flatteur. Il a tant changé que ça ? »

Eltanin éclata de rire.

« Tu ne me croiras jamais si je te dis le fin mot de l'histoire !
- Je t'écoute.
- Il semblerait que notre cher Eriol ait le béguin pour ton amie Tomoyo. Seulement, tu connais notre don pour exprimer les sentiments, dans la famille. Eriol a beau ne pas porter le même nom de famille que nous, ça ne change pas beaucoup de choses, dans le fond ! »

Les deux jeunes femmes se mirent à rire ensemble.

« Pauvre Eriol, compatit avec amusement Meilin. Si on se met à faire dans le sentimental dans la famille, on n'est pas arrivé !
- Oh, et encore tu ne sais pas tout !
- Comment ça ?
- Je pense bien que mon frère est amoureux.
- Quoi ?? Shaolan ?
- Bien sur Shaolan ; j'ai qu'un seul frère, je te signale !
- De qui ? Comment elle est ? Comment elle s'appelle ?
- Oh, eh, du calme, d'accord ? J'ai pas beaucoup d'infos à ce sujet. Figure toi que Môsieur Mon Frère est devenu assez secret, tout à coup. Bref, je sais juste qu'elle s'appelle Sakura, c'est tout. Ceci dit c'est un nom assez peu courant, mais ça ne me facilite pas les recherches…
- Eltanin… »

La susnommée regarda sa compagne avec surprise. Celle-ci semblait figée.

« Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
- Mon autre amie. Celle qui vit ici avec moi.
- Quoi ? Qu'est-ce qu'elle a ?
- Elle s'appelle Sakura.
- Tu plaisantes ?
- Pas le moins du monde.
- Tu crois que c'est elle ? s'enquit Eltanin avec intérêt.
- Je ne sais pas. Hong Kong est une grande ville…
- Mais Sakura est un prénom japonais, pas chinois, ça ne court pas les rues ici.
- Tout ce que je sais c'est que Sakura a rencontré un homme, il y a deux mois. Elle ne m'a pas dit comment il s'appelait parce que je n'arrêtais pas de la charrier mais… »

Meilin s'arrêta, se tournant vers sa cousine. Celle-ci réfléchissait.

« Deux mois, tu dis ? Ça colle avec le changement de comportement de Shao… En tout cas, une chose est sûre, c'est que cette Sakura, que ce soit ton amie ou une autre, hante les pensées de mon frère, ça je peux te l'assurer !
- Et bien je vais tenter de découvrir ce qu'il en est… »

Sakura arriva chez elle avec un soupir de soulagement. La journée était enfin finie ! Elle avait affreusement mal à la tête et sa lèvre s'était rouverte. Elle n'en pouvait plus. De nouveau, son esprit remit sur la table l'idée de rentrer au Japon. Depuis l'incident dans le bar, quelques jours plus tôt, elle y pensait de plus en plus fréquemment. En poussant la porte, la jeune femme découvrit Meilin, assise sur le canapé, lisant tranquillement un roman qu'un de ses collèges avait dû lui prêter. Quelle chance avait-elle de ne pas travailler le dimanche ! La chinoise releva le nez de son bouquin pour accueillir sa colocataire et cette dernière remarqua un temps d'arrêt chez la brune.

« Tu veux boire quelque chose ? On a du bon thé, si tu veux. »

Du thé ? Sakura se demandait bien où elles avaient pu trouver des fonds pour acheter du thé – bon qui plus est ! Mais de toute façon, elle n'en avait pas envie. Elle était fatiguée, cette vie l'épuisait.

« Tu n'aurais pas une vodka frappée, plutôt ? »

Les yeux de Meilin s'agrandirent.

« Je croyais que tu ne buvais pas d'alcool !
- Je devrais peut-être m'y mettre, » soupira la jeune femme aux yeux d'émeraude en se laissant tomber dans ce qu'elles avaient toutes deux d'un commun accord décidé de nommer leur canapé.

Son amie posa son livre et se tourna vers elle.

« Mauvaise journée ? demanda la chinoise.
- Mauvaise vie. »

Meilin n'ajouta rien. Cela faisait un moment qu'elle voyait que son amie n'allait pas bien. Seulement, jusqu'alors, elle n'avait rien trouvé à faire pour régler le problème.

« Tu devrais te changer les idées, conseilla la brune. Pourquoi on n'irait pas au ciné voir ce film que tu avais envie de voir ? »

Sakura eut un sourire.

« Tu sais qu'on n'a pas les moyens… Et en parlant de ça, tu aurais dû me dire que Tomoyo voulait accélérer la vente de son entreprise pour payer l'hôpital…
- Écoute Sakura, Tomoyo a fait ça parce que tu es son amie, j'en aurais fait de même, crois-moi. Et nous savons toutes les trois que toi aussi…
- Mmm… »

Meilin ne chercha pas à obtenir d'autre réponse. C'était déjà bien que la japonaise ne s'insurge pas… Celle-ci avait les yeux perdus dans le vide.

« Tu penses à lui ? »

Sakura se tourna vers son amie.

« À qui ? s'enquit-elle.
- Je ne sais pas, tu n'as même pas daigné me dire son nom… Ton prince charmant.
- Shaolan ? Je… Non… Enfin, si peut-être… Je ne sais pas trop. Après tout, je n'ai fait que passer une après-midi avec lui… C'est normal qu'il me hante comme ça ?
- Tu es amoureuse, » répondit Meilin sur le ton de l'évidence.

Mais en elle-même, elle songea qu'Eltanin devait réellement avoir un sixième sens pour pouvoir prévoir de telles choses… À présent, il ne restait qu'à réunir les deux tourtereaux…

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à suivre …

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Voici une vieille fanfic que j'ai retrouvé dans mon ancien ordinateur. Pour ceux qui lisent les Maîtres des Dimensions, ne vous en faites pas, je continue à l'écrire mais comme je n'ai accès à l'ordinateur que de façon sporadique (mon portable est toujours au SAV) et que je travaille, il faudra attendre un peu…

En attendant, je vous mets ce chapitre. Ce sera une petite fic surtout (uniquement ?) basé sur la romance Sakura/Shaolan. J'espère qu'elle vous plaira, ce genre de fanfic n'est pas ma spécialité – d'autant plus que je n'y ais pas mis de magie.

J'attends vos commentaires !

Mercredi 2 septembre 2009 : version corrigée en ligne. Merci à Tigrou19 pour sa correction.