Chapitre un

Au dernier étage d'un immeuble haussmannien, dans le quartier du marais, à Paris, une demoiselle aux cheveux si blonds qu'ils en sont presque blancs, est allongée sur son lit, ses yeux bleus acier grands ouvert. Elle a tout de la danseuse classique, qu'elle a pratiqué d'ailleurs, sauf la taille, elle mesure près d'une mètre soixante-quinze. Gaëlle, tel est son prénom, est installée sous sa lucarne regardant, le ciel de la capitale et écoutant l'église Notre-Dame de Paris sonner les heures nocturnes.

Elle imagine que c'est quasimodo qui la soutient dans sa lutte contre le sommeil, qu'il l'aide à tenir éloigné les cauchemars qui peuplent presque toutes ses nuits, ses songes, depuis trois mois.

Elle n'a pas eu la vie de calvaire de Causette dans les misérables mais elle ne peut pas non plus dire qu'elle fut heureuse, jusqu'à il y a un an. Alors, cette impression de retour à la case souffrance est de plus en plus insupportable.

Elle s'est toujours sentie seule, isolée, comme une étrangère au milieu de ses contemporains.

Il n'y a qu'avec ses parents et ses frères qu'elle n'a pas cette sensation. Et encore, dans les réunions familiales, elle s'arrange toujours pour aider et avoir ainsi une excuse pour rester le moins longtemps possible à table.

Ce grand malaise avec les autres l'a toujours fait souffrir. Elle s'en est toujours protègé en jouant les solitaires mais elle n'aime pas ça. Elle voudrait avoir des amis mais pour cela il faudrait oser s'ouvrir, prendre le risque d'être blessé par le rejet ou la moquerie et elle n'en a pas la force. Elle reste donc seule. C'est une des raisons qui a fait qu'elle n'a jamais pu s'intégrer à l'Ecole. L'autre ce sont les cours eux-mêmes.

Oh, il n'y a aucun concept qu'elle ne comprend pas. Le souci ne vient pas de ses capacités Intellectuel.

Non, elle a un problème avec les mots. Leur univers lui est aussi étranger que les personnes qui l'entourent, même si leur signification est limpide. De ce faite, elle ne les enregistre que très difficilement rendant presque impossible l'apprentissage de ses leçons. L'écriture est tout aussi ardu et le rendu calamiteux, à la limite du lisible à causes des fautes et d'un tiers des idées qu'elle n'a pas jugé utile de coucher sur le papier, pensant qu'elles étaient trop évidentes.

Elle atteint ses limites deux mois après son entrée au lycée. La multiplications des élèves, l'établissement étant beaucoup plus grand que son ancien collège, et le travail quasi acharné qu'elle entreprit pour lutter contre la chute dramatique de ses résultats mais inefficace à cause de son incapacité à apprendre par cœur les écrits, ont provoqué une sorte de burn-out .

Lors de cette dépression, elle se cloîtra chez elle jusqu'à la rentrée suivante. C'est avec la ferme volonté d'aller jusqu'au bac et de l'obtenir qu'elle y retourna. Mais les même causes entraînèrent les mêmes effets, elle ne tint qu'un trimestre. Ses parents voyant son état se dégrader l'exhortèrent à s'arrêter. Elle accepta mais avec le goût amer de l'échec dans la bouche.

La solution à son calvaire vint d'un ami de la famille.

Ce dernier possède la dernière entreprise de réparation de la capitale. Cet ingénieur centralien, las de la consommation à outrance et après avoir déposé de nombreux brevets lui assurant de confortable revenu, a décidé de créer ce commerce où, avec quelques employés, il répare tout ce qu'on lui amène, plutôt que de seulement changer la pièce défectueuse. Il se fait un devoir de ne refuser aucune demande. De ce fait son champ de compétence est le plus large possible.

Gaëlle était venue faire son stage de troisième chez lui. Ses prédispositions l'avaient frappé à l'époque. Alors quand il apprit qu'elle était en échec scolaire, il prit la décision de la former par le biais de ce travail manuel.

En plus de cela et du salaire qu'il lui verse, il l'héberge gratuitement dans cette chambre, se trouvant au-dessus de son magasin.

Ainsi depuis un an, il lui apprend la physique, la chimie, les mathématiques, l'électronique et tout ce qu'il sait en philosophie, histoire et littérature par l'intermédiaire des objets qui passe dans son atelier. Il va jusqu'à prendre des chantiers de plomberie pour pouvoir lui expliquer la mécanique de fluide.

Elle est loin de maîtriser tous les sujets, bien sûr, mais avec lui, elle ne se sent plus nulle.

Elle commence même à envisagé qu'elle pourrait avoir des compétences surtout quand comme ce matin, il la complimente en lui assurant qu'elle n'avait de limite que celles qu'elle s'imposait. C'était la première fois qu'un professeur le faisait. Elle en a rougi jusqu'à la racine de ses cheveux et elle n'est pas loin de recommencer à cette simple évocation.

Dans la nuit parisienne, la cloche sonne une fois ce qui l'a ramène à l'instant présent. Elle réalise alors qu'en plus de célébrer sa victoire contre une heure de plus sans visions d'horreurs, cela signifie aussi qu'elle vient d'avoir dix-huit ans. Alors comme son héros favoris, Harry Potter, elle se souhaite un bon anniversaire en se cachant sous sa couette et en allumant son téléphone portable pour imité une bougie. Oh ! Ses parents et ses frères vont lui fêter demain mais en fan absolu, elle ne résiste pas à la tentation de jouer une scène de son livre favori. En plus cela lui permet d'avoir un instant heureux lui faisant oublier ses cauchemars.

Désireuse de croire au miracle du passage à l'âge adulte, elle éteint sa lumière et s'endort presqu'instantanément. C'est peut être immature mais elle s'est toujours réfugier dans son imaginaire pour lutter contre son calvaire. Rêver d'un monde meilleur, s'inventer des pouvoirs magiques ou des vies où elle n'aurait aucun problème lui permet de se sentir mieux et de tenir.

Très vite ses songes deviennent angoissants, elle s'agite sur son lit, semblant se battre contre plusieurs ennemies. D'un seul coup, elle crie de douleur en se tenant le genou puis se calme. Mais très vite, telle une somnambule, elle se redresse, le visage déformé par l'inquiétude. Elle pousse alors un hurlement de terreur et tend la main dans un appel désespérée puis disparait de sa chambre.

C'est à cause d'un froid intense et mouillé que Gaëlle se réveille brutalement. Immédiatement elle se redresse sur ses genoux. En voyant la lune juste au-dessus d'elle, elle comprend qu'elle est dehors, elle en déduit, avec horreur, que ce qui la glace est de la neige.

Elle n'a pas le temps de s'en inquiéter, ni de chercher comment elle est arrivée là, qu'un gémissement de douleur déchire le silence de la nuit, juste devant elle. En baissant le regard, elle distingue un corps étendu sur le ventre, le bras tendu vers elle, sa jambe gauche faisant un angle absolument pas naturel.

Elle l'appelle en se levant avec beaucoup de précaution.

Aucune réponse.

Les pieds brûlés par la neige et frigorifiée dans son pyjama trempé, Gaëlle s'approche.

Après avoir rétabli, avec délicatesse, l'alignement du membre inférieur, elle le retourne en glissant plusieurs fois sur lui. Elle veut dégager la tête de la neige pour lui permettre de respirer.

La personne gémit à nouveau mais ne se réveille pas.

C'est un militaire ou un policier, il a un casque et un gilet pare-balle. Elle tente de le ramener à la conscience mais ni ses appels ni le secouer ne réussissent. Cela a juste augmenté ses plaintes.

Elle crie alors à l'aide, à plein poumon.

Rien ne se passe.

Extrêmement inquiète pour l'inconscient, elle observe les alentours pour voir où trouver du secour.

Elle distingue avec soulagement, sur sa gauche, une faible lumière. Elle est incapable d'évaluer la distance qui les sépare mais il ne lui vient pas une seconde à l'idée de partir seule. Au contraire, elle décide de fabriquer un brancard de fortune. Elle avise une masse sombre non loin qu'elle espère être un bois.

Après cinq pas excessivement difficile vers celui-ci, elle passe outre ses réticences et retourne emprunter les chaussures du soldat.

En découvrant des pieds tout fins et plus petit que les siens, elle se dit qu'elle se trouve en présence d'une femme mais ne perd pas de temps à vérifier.

En claquant des dents involontairement et en se frictionnant le plus énergiquement possible pour se réchauffer, elle se hâte de retourner chercher des branchages.

Elle a peur que la blessée meure d'hypothermie. La progression est tout aussi douloureuse avec ses rangers trop justes mais au moins elle glisse moins.

Pendant sa douloureuse progression, elle tente de comprendre ce qui lui arrive.

Elle a dès le début éliminé le rêve. Les souffrances qu'elle endure depuis qu'elle s'est réveillée sont bien trop importante et surtout complètement inédite pour elle. Elle envisagerait bien un enlèvement mais n'en voit vraiment pas la raison.

En arrivant à destination, elle oublie ses réflexions pour se réjouir en découvrant des rondins parfaitement ranger avec derrière une forêt principalement de sapins.

Elle a maintenant l'espoir que la lumière appartient à la maison du bûcheron et non à son imagination ou à un éclairage public.

Elle se met immédiatement au travail.

Elle a l'intention d'utiliser les branches basses des conifères pour fabriquer la civière.

Elle bataille de très longues minutes pour tenter d'en arracher une. Mais après n'avoir seulement réussit qu'à s'être profondément écorchée les mains et chuter sur les fesses plusieurs fois, elle abandonne l'idée. Elle se résout à utiliser deux bâtons trouvés par terre qu'elle solidarisera par un tressage fait de plus fins rameaux qu'elle récupère en grimpant au plus haut possible. Elle doit en récolter une bonne cinquantaine tant ils sont petits. Cela prend beaucoup trop de temps, selon elle, elle a peur que l'état de la blessée s'aggrave, mais au moins elle est plus réchauffée.

Elle a un moment de panique en voulant retourner auprès de l'inconsciente en découvrant les innombrables traces dans la neige. Après s'être calmée, elle a l'idée de regarder au pied des sapins pour repérer ceux sur lesquels elle est montée.

Une fois auprès de sa compagne d'infortune, elle tente à nouveau de la réveiller mais toujours rien.

Elle confectionne alors le traineau. Ensuite elle bataille pour installer la militaire sur le treillis végétale. C'est à nouveau trempée et gelée qu'elle se met en route.

Son intention première était de jouer les conductrices de pousse-pousse, mais c'est beaucoup trop dur. Ces mains sont trop meurtries et n'ont pas la force de tracter l'attelage. En plus, le sol est tellement glissant qu'elle s'étale dans la neige dès le deuxième pas.

Elle décide donc de retourner près des arbres et de prendre deux bâtons comme aide de marche. Ensuite elle récupère la ceinture de sa compagne qu'elle utilise pour fixer la civière à ses hanches.

Les premiers mètres, elle râle et peste. Elle essaye même de parler avec la blessée. Mais très vite elle se tait pour pouvoir mettre toute son énergie dans chaque enjambée.

Jamais effort physique n'a été plus difficile.

Cent fois elle veut abandonner mais quand cela arrive, toujours sa compagne se manifeste.

Ses douleurs aux mains et aux pieds disparaissent à mi-parcours.

Quand elle s'en aperçoit, quelque temps après, elle découvre que ses doigts ont noirci.

Elle se doute que ses pieds sont dans le même état.

Elle persuadée, alors, qu'ils devront tous être coupé à son retour à la civilisation. Elle lutte de toutes ses forces pour ne pas pleurer, sûre que ses yeux gèlerait eux aussi.

C'est aux aurores qu'elle parvient, enfin, à la cabane.

Incapable de lâcher ses bâtons qui semblent soudé à ses paumes, elle crie et les utilisent pour taper sur la porte.

Quand celle-ci s'ouvre, après une éternité, elle s'effondre en avant sur un immense homme.

Soulagée elle va pour parler quand tout devient noir.