Je ne sais pas vraiment quoi dire... la chose présentée ci-dessous est la première partie d'une fic en deux chapitres. La deuxième partie, beaucoup plus longue et déjà terminée, sera postée dans quelques jours, je pense. Le temps que le début reçoive des avis. Comme d'habitude, c'est un peu spécial, ça m'a pris un temps fou, et je ne suis absolument pas satisfaite du résultat. M'enfin y a qu'en s'entraînant qu'on progresse. Pas vrai ?
Disclaimer : les personnages appartiennent à Akira Amano, Gloire À Elle.
Pairings (oui oui, j'vous jure, de VRAIS pairings) : MukuroxTsuna — 6927, EnmaxTsuna — 0027. Moi et ma folie du 0027, ha ha.
Warnings : fail!smut. Je sais pas écrire les scènes de cul, vous êtes prévenus. Mais j'ai quand même fait un effort. À part ça... Mukuro. J'estime que la seule présence de Mukuro mérite un warning. Oh, et puis spoilers, évidemment, vu qu'Enma n'existe pour le moment qu'au Japon.
Bonne lecture !
Les choses qu'on partage
Partie I : Les choses qu'on nous vole
Avec un soupir, Tsuna se laissa tomber contre le dossier de son fauteuil. C'était une chose qu'il adorait et détestait en même temps — le large fauteuil de cuir noir, tellement confortable, mais qui appelait inévitablement celui qui s'asseyait dedans à s'enfoncer dans un sommeil qui, à l'instant, lui paraissait très désirable. Le chant des oiseaux qui filtrait par l'embrasure de sa fenêtre, une fois mélangé au doux tic-tac de la vieille horloge à sa gauche, semblait former une mélodie semblable à une berceuse qui alourdissait doucement ses paupières.
Il secoua la tête et réprima le bâillement ostentatoire qui menaçait de franchir ses lèvres. Jetant un regard distrait aux feuilles qui jonchaient son bureau trop large, il s'étira un peu, cherchant à réveiller dans ses muscles un semblant de vivacité. L'index de sa main gauche vint jouer avec la chaîne reliant ses anneaux, dans un geste devenu machinal avec le temps, et il prit le temps d'observer les photos qui défilaient sur l'écran de son ordinateur en veille. Un léger sourire étira ses lèvres à la vue de certaines d'entre elles.
C'était un soir d'été chaud qui lui donnait envie d'aller s'alanguir dans l'herbe quelque part dans le parc du manoir, avec de préférence une boisson fraîche à disposition. À l'instant, il aurait donné n'importe quoi pour pouvoir simplement regarder dans le ciel la naissance des premières étoiles, et voir les nuages prendre cette couleur à la fois rose et orangée qu'il aimait tant.
- Boss ?
La voix était légèrement étouffée par la lourde porte en chêne de son bureau.
- Entre, Gokudera.
Le Gardien de la Tempête s'exécuta, et Tsuna retint un sourire devant son apparence négligée. Ses cheveux attachés à la va-vite dépassaient de leur lien en mèches désordonnées, leur couleur captant la lumière rousse qui inondait la pièce depuis la fente entre les rideaux.
- Sasagawa a envoyé ça pour vous, déclara Gokudera en lui tendant une liasse de documents. Apparemment il a réussi à convaincre Xanxus d'aller marchander avec Tomaso, et le tout sans effusion de sang.
- Dieu merci, gémit Tsuna en réponse. Xanxus est le seul qui fasse suffisamment peur à Longchamp pour qu'il arrive à se montrer sérieux. Il faut vraiment que j'offre quelque chose à Ryohei pour le remercier. Normalement j'aurais confié la tâche à Yamamoto mais…
- Il est occupé avec Hibari, je sais, compléta son Gardien avec un sourire.
Tsuna acquiesça, un sourire un peu forcé aux lèvres. Pour une raison obscure, Yamamoto était celui d'entre eux qui parvenait le mieux à jauger les humeurs d'Hibari, et savait par conséquent les meilleures façons de l'approcher. Même Dino avait admis, avec réticence, que le Gardien de la Pluie savait mieux s'y prendre que lui.
- Est-ce qu'il y a autre chose ? demanda-t-il après un bref silence.
Gokudera hésita avant de répondre.
- Kozato veut vous parler, Boss.
Tsuna sentit son sang se glacer. Sa gorge se serra brutalement.
- Je lui ai dit que je pouvais vous transmettre un message, continua Gokudera sur un ton précipité. Mais il a insisté, il tient absolument à vous parler directement cette fois-ci...
- Il a dit à quel moment il voulait qu'on se voie ? dit-il sur un ton qu'il espérait détaché.
- Demain soir. Boss, si vous voulez que je…
- Ça va aller, Gokudera. Dis à Enma que c'est bon pour demain.
Voyant que son Gardien le regardait avec inquiétude, il ajouta d'une voix plus douce :
- Tout va bien. On va manger, bavarder, parler boulot et se dire au revoir comme deux bons amis. Pas d'inquiétude à avoir.
- Si vous le dites… répliqua Gokudera sans y croire.
Ce n'était pas surprenant. Après tout, Tsuna lui-même ne croyait pas en ses mots. Lorsqu'enfin son ami eut quitté la pièce, il posa ses coudes sur la surface de son bureau et laissa son front reposer sur le dos de ses mains. Le froid métal de l'Anneau du Ciel envoya comme une décharge électrique le long de son cuir chevelu, et il crut entendre dans un recoin de son esprit un rugissement familier. Le cœur battant, il se redressa et fixa sa main du regard. Automatiquement, il appela en lui le cœur de son compagnon, s'accrochant à une mince parcelle d'espoir.
Comme toujours depuis des années, seul un silence blessé lui répondit, et il sourit amèrement, se trouvant stupide d'avoir encore envie de pleurer même après tout ce temps. Son incapacité à invoquer Natsu était peut-être la chose qu'il regrettait le plus depuis que les choses avaient changé entre Enma et lui. Se mordant les lèvres, il essuya rageusement les larmes commençaient à couler sur ses joues.
Il était inutile de s'inquiéter des choses auxquelles il ne pouvait rien, se répéta-t-il avec l'aisance de l'habitude. Plus tard. Plus tard il réessaierait d'entrer en contact avec le lionceau. Mais pas maintenant, pas encore.
Il ne put cependant se retenir de presser son pouce sur le lion en argent qui ornait son majeur, tendant stupidement l'oreille à la recherche du feulement qu'il n'avait pas entendu depuis plus de quatre ans.
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Tsuna fut réveillé non pas par la voix de Gokudera, mais par un murmure près de son oreille qui envoya des frissons dans sa nuque.
- Debout, Vongola, chuchotait la voix familière.
Il répondit d'un grognement, sans bouger pour autant. La chaleur et les bruits avaient disparu, et il sentait contre sa nuque la brise froide qui s'infiltrait depuis la fenêtre toujours entrouverte. Ouvrant un œil fatigué, il constata que le peu qu'il voyait depuis le couvert de ses bras était plongé dans la pénombre. La nuit était tombée sans qu'il s'en rendît compte.
Ses pensées s'interrompirent lorsqu'il sentit un souffle tiède remplacer la fraîcheur dans son cou, et une paire de lèvres caresser sa peau frissonnante.
- Mukuro, souffla-t-il dans un murmure encore engourdi par le sommeil.
Un ricanement caractéristique lui répondit, sonnant comme une musique dans ses oreilles. Il sourit malgré lui.
- Tu es rentré depuis longtemps ? demanda-t-il sans lever la tête.
- Mmh… une heure, deux peut-être. Dis-moi plutôt, mon cher Vongola, ce que fait l'homme le plus puissant de la mafia à procrastiner dans son bureau…
- Je ne… ah… je ne procrastine pas, protesta faiblement Tsuna en sentant les bras de Mukuro enserrer sa taille. Les temps sont calmes. Je n'ai pas énormément de travail. Je peux faire une sieste si je veux.
- Et sortir dîner avec ce cher Shimon le Dixième, d'après ce que j'ai compris.
Tsuna frémit, et sut aussitôt que Mukuro l'avait remarqué.
- Allons prévenir ce cher et tempétueux Gardien que tu préfères annuler, veux-tu bien ? déclara-t-il en se levant.
- Non ! s'exclama Tsuna en lui saisissant le bras.
Leurs regards se croisèrent, et Tsuna détourna le sien précipitamment.
- Je ne peux pas l'éviter tout le temps, ajouta-t-il dans une tentative désespérée de rattraper son geste précédent. Je… dois y aller.
Je veux y aller.
- Écoute, c'est juste un meeting stupide entre deux boss. Je fais ça avec Dino tout le temps.
- Dino Cavallone n'est pas celui qui espère te voir prendre la même route que tes ancêtres dans tous les aspects de ta vie. Cavallone ne te regarde pas comme ce moucheron le fait…
- On en a déjà parlé, Mukuro, je ne vois pas pourquoi tu viens remettre cette histoire sur le tapis après quatre ans…
Comme à chaque fois, Tsuna tenta presque de résister au baiser que Mukuro força sur ses lèvres pour le faire taire ; avant de se rendre compte que c'était une idée stupide, puisqu'il l'aimait et que les gens qui s'aiment s'embrassent. Une part de lui semblait cependant perpétuellement résolue à ne pas accepter cet amour, et continuait de glisser dans son cœur l'habituelle angoisse, le vague sentiment de dégoût que lui inspiraient toujours les caresses de son Gardien.
Il frissonna, pour les mauvaises raisons : ni à cause du froid, ni à cause de la main droite de Mukuro se pressant contre sa nuque, mais pour ce malaise qui grandissait en lui, cette petite voix qui continuait de lui chuchoter que quelque chose n'allait pas, qu'il y avait autre chose à l'amour que ce qu'il ressentait.
Toujours armé de l'habitude, il repoussa ces pensées au fond de son esprit et se concentra sur les doigts qui se glissaient sous sa veste, traçant les contours de son abdomen à travers sa chemise. Il sentit des frissons marbrer sa peau et son corps se réchauffer presque aussitôt.
- Pas ici, parvint-il à murmurer contre la bouche de Mukuro.
Celui-ci se contenta de sourire, exhalant comme toujours cet air suffisant qui semblait coller à sa peau comme une pellicule poisseuse. Tsuna ferma les yeux et tenta d'oublier tout ce qui n'était pas l'instant présent, tout ce qui n'était pas Mukuro ouvrant la porte cachée de sa chambre, la sensation du matelas s'affaissant contre son dos ou bien la bouche brûlante qui se refermait sur sa jugulaire.
Étrangement, Tsuna pensa à Hibari, à ce qu'un tel geste pourrait signifier chez lui — quelque chose s'apparentant à un désir de propriété, d'appartenance. Il se demanda si Mukuro le considérait comme sien, et dut se mordre les lèvres sous l'inconfort que cette idée déclencha chez lui.
Il rouvrit les yeux et regarda le visage qui lui faisait face, se forçant à apprécier la façon dont les cheveux trop longs de son Gardien coulaient sur ses épaules en rivières sombres. Il les sentait autour de lui, chatouillant son visage et son cou, filins de jais avalant la lumière comme des puits de noirceur. Passant une main dedans, il se dit avec hébétude qu'ils étaient peut-être la matérialisation de ces fils de soie qui l'enchaînaient à Mukuro, tissant autour de son cœur la toile inextricable d'une araignée soudain terrifiante.
- Tu es distrait, Tsunayoshi.
La voix vibrait contre son ventre, initiant un nouvel accès de tremblements plus ou moins plaisants. Au lieu de répondre, Tsuna saisit le visage de Mukuro entre ses mains et l'embrassa avec force, presque douloureusement, cherchant par tous les moyens à oublier son trouble. Il sentait contre ses lèvres le sourire de son amant, ce sourire hautain qu'il ne quittait jamais. Tsuna lui mordit la lèvre et cueillit les quelques gouttes de sang avec sa langue, ignorant le dégoût que son action provoqua au profit de la mince satisfaction de sentir le sourire disparaître.
Sans doute pour se venger, Mukuro lui mordit le cou et ses mains se serrèrent plus fort sur ses hanches, ses ongles laissant de petites marques en croissants de lune dans sa peau. Du bout des doigts, il caressa les quelques cicatrices qui décoraient son torse et Tsuna se sentit frémir, haletant. Noyé comme toujours dans la chaleur de ce désir, incontrôlable, que seul le contact de son Gardien de la Brume déclenchait en lui. Même mélangée à l'inconfort et au dégoût, la chaleur finirait par l'emporter, il le savait, à défaut de le comprendre.
C'était ce qu'il voulait, continua-t-il de se dire alors que le corps de Mukuro se fondait dans le sien, la douleur elle aussi oubliée dans le tourbillon qui l'aspirait tout entier, le réduisant à l'état de boule de nerfs, incapable d'articuler un mot sensé. Un long gémissement lui échappa alors qu'il s'accrochait presque désespérément aux épaules nues qui lui faisaient face, tentant tout aussi farouchement de ne plus penser à rien. Ni à son cœur qui battait sordidement dans sa gorge, ni à Natsu qui refusait de lui répondre, ni à Enma dont le regard semblait déjà le transpercer, à travers l'œil droit de Mukuro qui ne lui avait jamais semblé aussi sanguin, aussi écarlate.
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Déjà trois ans, songea Tsuna. Intérieurement, il se félicita de la façade qu'il arborait, de son visage décontracté et du port naturellement altier de ses épaules et de sa nuque — contre laquelle un suçon sonore était plaqué, dissimulé par son col. La main appuyée contre la portière de la voiture qui l'avait emmené en ville, il prit une profonde inspiration et posa le pied au sol. Les derniers rayons orangés du soleil couchant vint aussitôt l'envelopper de la tiédeur ambiante.
- Ça faisait longtemps, Tsuna.
Son masque se fissura aussitôt, et il n'eut pas besoin de lever les yeux pour savoir que le visage d'Enma était à la fois mélancolique et orné d'un sourire qui n'avait rien à envier à la beauté du soleil couchant italien. Depuis quand était-il devenu aussi beau, se demanda distraitement Tsuna en forçant son allure à rester égale et composée. Depuis quand avait-il pris le sourire de Cozart ? Trois ans ne suffisaient pas à autant changer une personne. Trois ans ne suffisaient pas à transformer les restes de Enma Kozato en cet homme fier capable de faire trembler les genoux de Vongola de Dixième.
- J'ai été occupé, répondit-il en évitant son regard, mais je suis content de te revoir.
Et ces mots lui semblaient douloureusement vrais.
Il dut une fois de plus retenir ses larmes lorsqu'il sentit la soudaine présence de Natsu au creux de sa poitrine, comme une vague de chaleur qui cherchait à l'entraîner vers l'homme qui lui faisait face. Le pire était peut-être qu'Enma parut sentir son émoi, car sa main frôla la sienne avec hésitation, créant une fois de plus un courant qui lui coupa le souffle.
Ce fut encore pire durant le repas. Tsuna ne put empêcher son regard de rester fixé sur les mains d'Enma posées sur la table. Il répondait à mi-voix aux questions posées, entretenant une conversation polie et distante, et repensait à son réveil le matin même dans un lit vide et glacé, à l'absence perpétuelle de Mukuro après le sexe. Il sentait les courbatures dans ses reins et voyait ces mains en face de lui, les mains d'Enma, l'Anneau Shimon à son majeur, se demandant avec la gorge serrée quelles sensations elles feraient contre sa peau. Il repensait au choc électrique qu'un simple frôlement déclenchait, se souvint avec délice et honte du seul baiser qu'il avait jamais offert au rouquin, et il lui semblait qu'à ce souvenir le suçon dans sa nuque le brûlait férocement, comme le point d'attache d'une laisse invisible.
- Tsuna, pourquoi m'as-tu évité pendant si longtemps ? demanda soudain Enma après un long silence.
C'était sans doute anormal qu'Enma pût toujours aussi bien lire en lui. Que le temps n'eût pas effacé leur lien quasiment télépathique, cette faculté qu'ils avaient tous les deux à deviner les sentiments de l'autre.
- Je ne vois pas de quoi tu parles, répliqua-t-il aussi fermement qu'il le pouvait. Tu dois bien savoir quelles sont les obligations d'un boss. J'ai été très occupé…
- Nous savons l'un comme l'autre que tu n'as pas pu être aussi occupé que tu le prétends. Ça fait trois ans, Tsuna, et encore, nous nous sommes à peine aperçus lors de la fête organisée par Cavallone. Et avant cette fête, nous n'avons pas parlé face à face pendant près d'un an. Pourquoi quatre ans de silence, Tsuna ? Pourquoi tant d'éloignement alors que tu avais promis de toujours me supporter ?
- Vongola n'a jamais trahi Shimon. Nous vous avons toujours supporté quoiqu'il arrive…
- Je ne parle pas de Vongola et de Shimon ! Je te parle de toi, de nous, et je veux savoir pourquoi je n'ai fait qu'aimer un fantôme pendant quatre ans !
Tsuna pouvait sentir sa poitrine palpiter au rythme des plaintes de Natsu, un binaire étourdissant dans lequel se perdaient les dernières paroles d'Enma. Sa nuque continuait de le brûler, le suçon envoyant dans son corps des pointes lancinantes de douleur.
- Je ne t'aime pas, murmura-t-il en réponse.
Enma se contenta de le regarder avec dans les yeux quelque chose ressemblant à de la pitié.
- Tu mens. Tu n'as jamais su mentir, Tsuna…
- Ferme-la !
Les battements de son cœur ajoutés à la peine dans sa nuque semblaient avoir retiré un verrou en lui. Il se leva et frappa sur la table les séparant avec la sensation de brûler de l'intérieur.
- Je ne te pensais pas aussi égoïste.
Les mots lui échappaient sans qu'il eût aucun contrôle sur eux.
- Je ne suis pas venu ici pour t'écouter ressasser une amourette d'adolescence, Shimon le Dixième. Il serait temps que tu grandisses que tu sortes de la bulle dans laquelle tes Gardiens t'ont plongé.
- Écoutez donc qui parle, répliqua aussitôt Enma. Toi qui t'es tellement asservi à ton Gardien de la Brume que tu n'arrives même plus à être honnête avec toi-même…
Il y eut un instant de silence pesant.
- Mukuro n'a rien à voir avec cette conversation, énonça-t-il froidement.
- Bien au contraire, Tsuna, il a tout à y voir. Les choses ont commencé à dégénérer quand il t'a attaché à sa putain de laisse et…
- Et rien ! J'ai parfaitement le droit de m'attacher à qui je veux, Enma. Alors quoi, tout ce cirque simplement parce que tu es jaloux que quelqu'un d'autre que toi a su m'attirer ? Si tu m'aimais tellement, pourquoi n'as-tu pas agi il y a quatre ans plutôt que d'attendre tout ce temps pour venir geindre à mes pieds ?
- Parce que je te faisais confiance, connard !
Il y avait une émotion tellement intense dans ses yeux rouges que Tsuna sentit son corps entier se glacer.
- J'ai toujours cru en toi, Tsuna, depuis que tu m'as sauvé il y a tellement longtemps. Il n'y a pas eu un seul instant où j'ai douté. Si tu avais la moindre idée de combien ça m'a fait mal de voir cet enfoiré parler de toi comme si tu étais sa putain de possession, de savoir qu'il avait tout ce que j'ai jamais voulu. Mais j'ai serré les dents et j'ai fermé ma gueule, parce que j'étais persuadé que tu ouvrirais les yeux et que tu reviendrais vers moi comme tu t'étais toujours acharné à le faire par le passé !
Il s'interrompit un instant pour reprendre son souffle.
- Dis-moi, reprit-il d'une voix faible, est-ce que je dois vraiment abandonner tout espoir ? Je sais que tu es encore présent, derrière la marionnette en laquelle Mukuro t'a changé. Je sais qu'il y a encore le gamin stupide qui est tombé amoureux de moi simplement parce que j'ai été le premier à lui proposer de fuir. J'ai envie d'y croire, tu sais, j'ai envie de t'attendre, merde, Tsuna, s'il le faut je suis prêt à t'attendre jusqu'à ma dernière heure, mais il faut que tu me fasses un signe. Il faut que tu me dises quelque chose. J'ai besoin d'une preuve que tu me reviendras un jour.
Ses mains saisirent celle de Tsuna d'un geste tremblant, et de nouveau le choc secoua son corps, comme un éclair fendrait un ciel de tempête. Le visage d'Enma était suffisamment proche du sien pour qu'il sente son souffle inégal contre sa peau.
- Je t'en supplie, Tsuna, répéta-t-il en posant son front contre le sien. Dis quelque chose.
Le suçon était comme une morsure à vif dans son cou, et Tsuna se rappela des dents de Mukuro s'enfonçant dans sa jugulaire comme celles d'un loup qui dévorerait sa proie. Il ferma les yeux, cherchant à travers la douleur l'écho de la voix de Natsu. Le lionceau pleurait, ses sanglots résonnant avec les spasmes dans la respiration d'Enma.
- Va-t-en, dit-il d'une voix blanche.
Et il lui sembla que la main qui enserrait la sienne s'était pressée une dernière fois autour de ses doigts, répandant sous sa peau une tiédeur cruellement familière.
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- Qu'a donc pu dire ce moucheron de Shimon pour que tu me sautes ainsi dessus dès ton retour ? demanda Mukuro alors que Tsuna, à califourchon sur ses cuisses, s'occupait de lui enlever le plus de vêtements possibles dans le plus court laps de temps.
- Rien dont tu doives t'inquiéter, répliqua-t-il automatiquement.
Son corps entier tremblait encore du contact d'Enma. Il lui semblait respirer son odeur, et que la peau pressée contre la sienne n'était pas d'un blanc laiteux, mais couverte du même hâle qu'il avait aperçu sur les mains posées en face des siennes une heure plus tôt. Un corps plus petit et musclé que les longs membres de Mukuro. Pas de longues mèches s'enroulant entre ses doigts comme les filaments d'une toile, mais des cheveux courts d'un roux foncé rappelant les nuances d'un soleil disparaissant derrière la ligne de l'horizon.
Dans sa nuque, le suçon le lança soudain, arrachant un gémissement de douleur à sa gorge sèche. Ses yeux croisèrent ceux de Mukuro et il se figea, soudain mortifié.
Mukuro souriait, un sourire entendu et effroyablement amusé, et Tsuna comprit qu'il savait.
- Tsunayoshi, murmura-t-il doucement.
Sa main vint se poser sur la joue de Tsuna, caressante.
Il aurait dû s'en douter. Il aurait dû se douter que Mukuro, toujours si prévoyant, toujours si suffisant et fier, ne l'aurait jamais laissé partir sans aucune protection. D'une main tremblante, Tsuna toucha la marque dans son cou.
- Tu as utilisé tes illusions sur moi, fit-il sur un ton incrédule.
- Simple mesure de précaution, Tsunayoshi. Cet avorton infeste toujours ton esprit de mauvaises pensées, tu le sais.
Les doigts de Mukuro caressèrent sa tempe et son oreille, puis redescendirent vers sa gorge, s'enroulant autour de sa colonne d'air comme les pinces meurtrières de l'araignée à laquelle il ressemblait tant.
- Tu aurais pu me faire confiance. Mukuro, est-ce que tu as contrôlé mes pensées ?
- Bien sûr que non, mon cher Boss, répondit-il presque négligemment. Cette marque n'est qu'un simple rappel de ma présence lorsque celle-ci se floue dans ton esprit.
- Retire-la, ordonna Tsuna en serrant les dents.
Il craignait de savoir à quel point ce stupide suçon avait influencé sa discussion avec Enma. Sa réponse serait-elle restée la même s'il n'avait pas eu la douleur pour l'influencer ? Était-ce ce que Mukuro avait craint ? Mukuro avait-il donc eu raison de craindre que Tsuna lui fût infidèle ?
- Retire cette chose immédiatement, répéta-t-il. Tu aurais dû me faire confiance.
- Si j'en crois ta réaction face à un simple repas officiel avec lui, je crois que j'ai bien fait, répondit Mukuro en déposant un baiser sur sa joue. Ce n'est pas la peine de s'énerver pour un détail comme celui-ci. Après tout, n'est-ce pas le rôle d'un suçon ? Indiquer que ton cœur est déjà pris. Le mien fait juste un peu plus dans le détail.
Ses protestations furent étouffées par le baiser dans lequel Mukuro l'entraîna, dans le but évident de lui faire perdre le fil de ses pensées. Il y parvint relativement bien, et Tsuna se retrouva une fois de plus envahi de ce désir incontrôlable et dérangeant, ces vagues de magma qui affolaient ses sens. Lorsqu'il brisa le baiser, pantelant, ce fut pour plonger son regard dans celui de son Gardien et demander fiévreusement :
- Est-ce que tu m'aimes ?
Le sourire de Mukuro s'étira encore, déchirant son beau visage.
- Bien sûr, répondit-il, et sa voix caressait les oreilles de Tsuna comme les plus grands serpents caressent leurs proies avant de les étouffer.
