(1) LE CLAN SAK ET LE CLAN UCHIHA
— peur viscérale, qui paralyse l'âme
Une réunion entre clans. Vous savez, c'est un de ces moment là, oppressant et critique dans lesquels tout peut basculer pour mot, un geste ou un regard. Le moindre signe devenait aisément la source d'un conflit redoutable. Des clans vieux comme le monde avaient ainsi disparu, en échangeant un simple regard avec un autre.
Osirys Sak regardait ses mains, serrées sur ses genoux, depuis le début de l'échange entre les deux hommes à la tête des clans respectifs. La toute petite fille n'osait même pas relever les yeux sur les occupants en face. Sûr l'homme aux yeux rouges, dans lesquels d'étranges virgules tournaient vicieusement. Il lui faisait bien trop peur. Le détenteur des pupilles rouges était seul, les autres attendaient en dehors du complexe. Deux autres hommes aux prunelles rouges. De quoi s'agissait-il ? De formalités ? Le complexe dans lequel elle avait été emmené par son dirigeant et l'invité était silencieux, les murmures des deux hommes ne troublaient en rien le silence d'or.
Chakras particulièrement lourds, contre le sien, léger. Presque aérien. Elle n'avait pas sa place dans cette rencontre. Tout simplement. Pourtant le chef du clan avait longuement appuyé la présence de la jeune enfant auprès de ses parents. Sans aucun doute avec des menaces, vu la manière dont ils avaient été retourné par la demande soudaine en pleine nuit.
Ils parlaient. Calmement, doucement, gravement mais elle n'écoutait pas. N'y comprenait rien. Des brides de conversation, si lointaines mais à quelques mètres d'elle pourtant. Conversation bien trop compliquées à comprendre pour un enfant de trois ans. L'image de la toute petite fille assise à côté de Ko, le chef actuel à la tête du clan Sak, était parfaitement ridicule. Mais, malgré toute la pression, la petite fille aux cheveux gris sentait distinctement le regard de son aîné sur elle : comme s'il s'assurait de sa présence entre deux longues tirades échangées. Immobile, tel un objet de décoration. Les symboles des clans étaient brodés leurs habits respectifs ; un éventail rouge et bleu pour les invités contre une spirale noire de plusieurs branches.
Depuis combien de temps l'échange durait-il ? Les deux chefs parlaient et parlaient, depuis trop longtemps. Les membres inférieurs d'Osirys souffraient de fourmillements pour cause de la position désagréable adoptée : assise sur ses talons, droite. Et à cause du tapis rude. Le dojo du clan Sak était le lieu de réunion officiel, c'était l'endroit où les décisions importantes étaient prises et où les rituels étaient effectués dans le plus grand des secrets. L'endroit secret où l'histoire du clan même était conservée.
« Le clan Sak, acceptons l'offre et toutes les conditions imposées par le clan Uchiha. »
Ils se lèvent alors, pour la première fois depuis longtemps en surprenant Osirys. Elle les imita dans la précipitation, par peur. Ce n'était qu'une enfant de sept ans, perdue et plantée en face d'un chef de clan dangereux. Le moindre faux pas pouvait être fatal. Le chef, Ko, s'avança, dans des mouvement synchronisés au chef du clan invité pour, avec lenteur infinie, tendre la main. Ils se serrèrent la main, l'air grave. Augmentation soudaine de la tension : leurs sourcils froncés communément, les traits du visages durs et les yeux perçants. Puis, la diminution soudaine de la tension jusqu'à, enfin, disparaître. Un simple sourire fendit l'expression grave de Ko, et un soupir de l'Uchiha brisa le silence. La tension était partie.
Avec politesse, les deux hommes s'inclinèrent et restèrent face à face, s'échangeant quelques mots bas qui relevaient de l'extrême confidence. Les murmures, bien que peu percevable par Osirys, disparurent. Les lèvres bougeaient, les mots étaient coincés. Le chef invité, aux yeux rouges, hocha alors la tête. Et plongea son regard violent sur la petite fille debout, sans prévenir. Ses pupilles tournoyantes eurent l'effet d'une douche froide.
Rage, haine et violence en un simple regard rouge. Moins de deux secondes, elle baissa les yeux vivement. L'intensité mauvaise du regard était insoutenable, l'éclat qui brillait dans les yeux de l'homme était inqualifiable. Mauvais éclat. La nausée grimpa de nulle part, envahissant Osirys en même temps qu'une bouffée de chaleur insupportable. Ses jambes essayèrent de fléchir, mais elle contrôla au prix d'un effort violent. Ko l'appela au moment même.
« Viens, Osirys, ordonna son aîné. »
Il fallut qu'une montée d'adrénaline, bien que discrète et totalement inconnue, pousse la grise à bouger vers les deux hommes au centre de la pièce. Trébuchant sur le tatami, surprise, ses pas incertains n'échappèrent pas aux deux hommes. Des regards acérés, tranchants et vifs. Le chef décroisa les bras pour tendre sa main avec une attention particulière. Elle l'accrocha avec peur.
Elle l'accrocha, fort. Comme un naufragé pourrait s'accrocher à un bout de bois en pleine mer enragée, où les vagues scélérates frappent vicieusement. Le moindre signe d'attention la rassurait dans l'atmosphère oppressante, cette main tendue la rassurait avec douceur. Dommage qu'elle soit si naïve …
« Le clan Sak s'engage à suivre vos requêtes sans y faire opposition, Ko s'arrêta dans ses mots. Il regarda l'enfant accroché à sa main avec une pitié vaguement dissimulée, mais se reprit. Le chef devait absolument agir dans l'intérêt du clan. Tajima Uchiha, veuillez prendre soin d'Osirys Sak comme des enfants de votre propre clan. Honorez votre promesse et, nous ne manquerons point aux nôtres.
— L'enfant assurera au sein du clan Uchiha le soutien promis à votre clan, répondit l'Uchiha. Que cela marque le début de nos engagements, auxquels nos enfants ne manquerons point. »
Osirys, toujours accrochée à la main, sentit l'homme, Tajima Uchiha, lui prendre sa main.
Tandis que son aîné, lui, lâchait prise. Elle inspira de peur doucement. Imperceptiblement, sentant sa petite main comprimée dans une nouvelle poigne. Poigne inconnue. Celle de Tajima Uchiha : froide mais forte. Ils s'étaient échangés l'enfant comme un objet. Avec une assurance mortelle. Les yeux dorés de l'enfant s'humidifièrent d'eux-même. Un simple réflexe, sous la peur. Peur qui commençait à devenir une terreur. Mais pouvait-elle tout comprendre ? Certainement pas mais elle comprenait le symbolisme du geste et c'était assez. Ko Sak s'inclina.
Encore une fois. Plus bas.
Les genoux et le front à terre, devant eux.
« Notre existence dépends de votre bon vouloir, Uchiha Tajima.
— Ko Sak, soyez sans crainte. Nous prenons soin de nos alliés. »
Le chef du clan Uchiha fit un dernier signe de tête à chef des Sak. Il tourna les talons en entraînant Osirys avec elle, l'adulte ne sentait même pas la faible résistance de l'enfant. L'accord était conclu entre les deux clans. Le chef Uchiha n'avait plus rien à faire ici. Il devait repartir pour le combat.
La grise était emportée par l'Uchiha. Dans son passage pressé.
Ils marchèrent.
Ils quittèrent le dojo dans le silence.
Les portes noires du bâtiment s'ouvrirent pour laisser passer le représentant du clan aux trois tomoes craintes. Le soleil vif et piquant agressa la vision d'Osirys, mais elle n'eut pas le temps de ralentir que les deux hommes qui attendaient flanquèrent le chef avec un même regard entendu. Deux fidèles Uchiha à leur chef. A peine le temps d'inspirer, qu'ils étaient déjà dans l'avenue principale du village. Tajima ne l'avait pas lâché, sa poigne forte l'obligeait à suivre. Tout allait trop vite. Beaucoup trop vite.
Les pupilles dorés d'Osirys papillonnaient, complètement perdue. Dans la rue, les passants s'inclinaient sur le passage des hommes Uchiha avec un respect tout nouveau. Tajima n'ouvrit pas la bouche, ne rendit pas une seule fois le geste. Il se contenta d'avancer avec la petite fille sur ses pas, emportée : ses hommes ne manifestaient aucun intérêt non plus pour le respect qu'ils obtenaient, et continuaient aussi leur chemin avec cette arrogance naturelle des Uchiha.
Cette arrogance naturelle.
Le clan Uchiha avait l'avenir du clan Sak entre ses mains. Cette alliance avait des avantages importants : plus de combattants à placer sur le champs de bataille contre ces maudits Senju et plus de vivres pour le clan Uchiha, puiser sur le clan Sak. Tous les moyens sont bons pour gagner la guerre. La destruction lente et insoupçonnée d'un autre clan pacifiste l'est aussi.
Plutôt, Uchiha ou Senju ?
