Base : Naruto

Disclaimer : Le monde de Naruto et ses personnages originaux appartiennent à Masahi Kishimoto. Par contre, mes inventions, mes personnages, personne n'a le droit de me les piquer sauf avec ma permission. Nanmého.

Spoils : Jusqu'au chapitre 699.

oOo

Chapitre 1 : Immondice

oOo

Cela faisait précisément cinq semaines et trois jours que Sasuke pourrissait dans une sorte de prison improvisée, à Konoha. Les murs en bois étaient si fins qu'il ne perdait pas une miette de l'avancée des travaux de reconstruction qui avaient lieu à l'extérieur. Les charpentiers, maçons et autres plombiers se succédaient à quelques mètres de sa cellule, et il devinait que la ville avait retrouvé petit à petit une apparence proche de celle d'avant la guerre.

Il se demandait souvent ce qu'il se serait passé si l'envie lui avait pris de s'évader, tant la surveillance dont il faisait l'objet était dérisoire. Deux gardiens à l'air distrait se succédaient devant la grille de sa cellule, un le jour, un la nuit. Ils ne lui adressaient pas le moindre mot et il semblait manifestement les effrayer. La seule entrave qui le retenait était une chaîne qui reliait son poignet droit, et seulement lui puisque le gauche n'existait plus, au mur opposé à celui de la grille. Elle était tout juste assez courte pour l'empêcher d'atteindre son geôlier, mais Sasuke était certain qu'il aurait facilement pu dévisser l'installation avec la cuillère qu'on lui laissait pour les repas.

La cabane où on l'avait enfermé semblait avoir été construite uniquement pour lui, mais visiblement dans la précipitation. La porte d'entrée, à deux mètres à peine de la grille, donnait directement sur l'extérieur. Il pouvait voir les passants et les ouvriers affairés à chaque fois que ses gardes franchissaient le seuil pour se relayer, et une petite lucarne près du plafond laissait entrer la lumière du jour. Quant à l'éclairage nocturne, seule une bougie posée au sol était accordée au gardien de nuit, puisque personne n'avait pris la peine d'y installer l'électricité.

Tout ceci ne pouvait signifier qu'une chose, que son sort importait peu au gouvernement de Konoha. Au mieux, il avait été déposé là en attendant que des problèmes plus urgents ne soient réglés. Au pire, on débattait actuellement sur son sort et la peine de mort le frôlait chaque jour sans qu'il ne le sache. Dans tous les cas, cette prison était plus que provisoire. Malgré tout, outre cette apparente indifférence à son égard, son bras avait été soigné. Un médecin était passé le voir dès son premier jour de détention et avait pansé son moignon sans le moindre commentaire. Depuis, un infirmer venait vérifier et changer le pansement une fois par jour, même s'il ne semblait pas se soucier de lui donner des antidouleurs. Il avait déjà entendu parler des douleurs fantômes subies par les membres amputés, mais il aurait préféré ne jamais les expérimenter personnellement.

En soi, la cellule était beaucoup mieux aménagée que celles qu'il avait pu croisé parmi les divers repaires d'Orochimaru. Il y avait un maigre futon posé au sol avec une couverture, un seau d'eau propre pour qu'il puisse se laver, et un trou dans le plancher pour les besoins naturels. Même les repas étaient décents, le plus souvent faits de riz blanc ou de pommes de terre bouillies. Les seuls inconvénients qu'il voyait à sa captivité, pour le moment, étaient le sceau dont on l'avait affublé et qui maintenant fermé son œil gauche, celui pourvu du rinnegan, ainsi que les deux bracelets de métal qui entouraient ses chevilles, gravés de sceaux compliqués, qui l'empêchaient de malaxer son chakra. Mis à part cela, seul un ennui mortel menaçait de lui donner envie de fausser compagnie à ses geôliers.

Pas qu'il ait l'envie d'accomplir quoi que ce soit depuis son combat avec Naruto, de toute façon. Il se sentait, certes, étrangement léger depuis qu'il avait admis sa défaite face à son rival, mais son esprit n'était plus, depuis, qu'une vaste étendue d'incertitudes où l'ambition n'avait plus sa place. Aucun projet ne pouvait s'établir tant qu'il n'aurait pas été fixé sur le sort qu'on lui réservait, même s'il doutait d'avoir davantage d'entrain s'il venait à être libéré. Ses émotions, en revanche, profitaient allègrement de sa convalescence forcée, envahissant son cerveau avec une force dévastatrice. Elles surgissaient le plus souvent sous la forme d'un énorme raz-de-marée, incontrôlable, imprévisible, qui le laissait assommé et incapable de bouger pendant plusieurs minutes.

Lui qui avait passé la majorité de sa vie à essayer de taire ses émotions (du moins celles qui ne concernaient pas son inépuisable haine), il ne savait absolument pas comment gérer celles qui le submergeaient aujourd'hui. C'était comme si son ultime bataille contre Naruto avait ôté la barrière qui le séparait de ses pensées indésirables, comme un verrou qui aurait rompu et libéré une créature dont il ne savait que faire. Sa captivité l'avait obligé à faire le tri dans cet amalgame de sentiments incompréhensibles, et il avait mis à profit les précédentes semaines pour tenter d'apprivoiser ces nouvelles sensations.

Le soulagement était la première chose qu'il avait réussi à identifier. Défait des obligations qu'il s'était imposé durant de longues années, ce qu'il ressentait à présent était une indescriptible impression de délivrance. Un soulagement moral, mais gâché par une culpabilité entêtante. Il ne regrettait pas sa désertion, ni les décisions qui avaient été les siennes, mais il ne pouvait s'empêcher de penser à l'expression qu'avait affiché Naruto à chacune de leurs précédentes rencontres. Maintenant qu'il avait ouvert les yeux sur l'inutilité du mal qu'il avait fait à son entourage, il se surprenait à se préoccuper de la suite. Il ne parvenait pas à imaginer que Naruto et Sakura, malgré leur obstination et leur joie évidente de le voir franchir à nouveau les portes de Konoha, ne puissent pas ressentir la moindre rancune à son égard.

Il en était à peu près à ce niveau de son cheminement intérieur lorsqu'on vint le tirer de ses ruminations. La porte de la cabane s'était ouverte, non pas sur l'infirmier ou le deuxième geôlier, mais sur une division de quatre shinobis armés jusqu'aux dents. Il devait être très tôt car le garde de jour venait juste de prendre son poste. Il avait d'ailleurs l'air aussi surpris que lui de voir débarquer cet attroupement.

- Debout, Uchiha, lança le chef d'équipe à son intention. Aujourd'hui c'est le grand jour, c'est le verdict de ton procès.

Le moins que l'on pouvait dire, c'est que cette perspective n'avait pas l'air d'enchanter le brave homme. Il regardait Sasuke avec une telle hargne qu'on aurait pu jurer qu'il lui en voulait personnellement. Pourtant il n'avait jamais rencontré cet homme, il en aurait mis sa deuxième main au feu. Les trois autres avaient l'air moins vindicatifs, mais pas non plus spécialement avenants.

- Je suis ravi de d'apprendre qu'il y a eu un procès, marmonna Sasuke entre ses dents, se levant du futon où il était allongé. Je devais sans doute être occupé, le jour où il a eu lieu.

- La ferme ! Tu parleras quand on te le dira !

Sasuke avait toujours eu horreur des gueulards. Peut-être était-ce une réaction allergique due à l'excès de fréquentation d'une certaine personne, durant ses jeunes années.

Deux des shinobis entrèrent dans sa cellule pour détacher la chaîne qui le retenait. Ils le firent avec une telle désinvolture et avec si peu de précautions que Sasuke se senti terriblement tenté de les planter sur place et de s'en aller. Ils attachèrent ensuite son poignet au leur avec une corde, et se placèrent chacun d'un côté de lui. Les deux autres se placèrent respectivement devant et derrière lui, afin de l'encadrer parfaitement. À aucun moment ils n'avaient pris la peine de vérifier les bracelets qui scellaient son chakra, songea Sasuke avec mépris. Soit ils le prenaient pour un débutant, à ne pas savoir se battre sans être obligé de faire des mudra, soit ils étaient vraiment stupides. Et il penchait volontiers pour la deuxième option.

- Tu peux partir, lança le chef d'équipe à son garde de jour à l'air ahuri. À l'issu du verdict, quel qu'il soit, il ne reviendra pas ici.

Une information que Sasuke nota soigneusement.

Comme il l'avait deviné, l'aube venait juste de se lever. Lorsqu'ils sortirent de la cabane, la lumière était basse, l'air de novembre glacé sur sa peau vêtue de haillons, et les rues étaient désertes. Le froid piquetait désagréablement la plaie de son bras amputé, qui l'élançait tant qu'il dut retenir un frisson.

Pendant le trajet, malgré la brume matinale, il put se rendre compte que beaucoup de bâtiments avaient été reconstruits exactement comme ils l'avaient été avant la guerre. Cette constatation lui laissa un goût amer dans la bouche, lui rappelant les mots qu'il avait échangé avec Naruto pendant leur combat. Il avait été d'avis qu'un futur sain ne pouvait s'effectuer que si le passé était détruit, se souvint-il. Mais il avait sous les yeux la preuve que ce n'était encore pas suffisant. La reconstruction de Konoha prouvait que les gens avaient peur du changement, qu'ils reproduisaient à l'infini leur zone de confort, s'ils le pouvaient. Malgré toute la bonne volonté du monde (celle qu'il n'avait justement pas), il était intimement persuadé que la haine des shinobis redeviendrai bientôt celle qu'elle avait été avant la Force Alliée, mue par l'habitude, portée par son passé. Et surtout, sans un ennemi commun, celui qu'il avait voulu devenir afin d'accomplir la volonté d'Itachi.

Tandis qu'il ruminait ses pensées moroses, ils finirent par arriver à destination. On le fit entrer dans un bâtiment gris aux fenêtres étroites, de taille moyenne, plutôt discret. Décidément, songea-t-il, ils faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour le faire passer inaperçu. Cette tendance à le cacher comme un secret honteux signifiait probablement que la polémique à son sujet faisait rage. L'exécuter sommairement ou l'emprisonner sans procès aurait probablement soulevé un scandale, si l'on en croyait le soin avec lequel on le dissimulait au public. C'était plutôt bon signe, décida-t-il.

Après quelques déambulations dans les étages, enfin, ils entrèrent dans une salle. Elle était sombre, car les rideaux avaient été tirés et les lampes qui éclairaient la pièce brillaient d'une lumière jaune. Étroite, aussi, ou peut-être était-ce seulement une impression due au grand nombre de chaises entassées au même endroit. Elle ressemblait à une salle de conférence qu'on aurait transformé à la va-vite en salle de procès, ce qui était probablement le cas. On le poussa sans ménagement vers une chaise qui faisait face à une rangée de tables, alignées les unes à côté des autres. Une fois assis, son escorte détacha son poignet puis se retira, le laissant libre de ses mouvements. Derrière ces tables se tenaient des personnes à qui il aurait adoré ôter la vie, il n'y a pas si longtemps que ça.

La Cinquième Hokage, visiblement parfaitement alerte en cette heure matinale, l'observait d'un air peu amène. À ses côtés, il reconnut Morino Ibiki, le dirigeant de la Section d'Interrogatoire et de Torture, ainsi que les deux conseillers du vieux Sandaime, dont il n'avait jamais pris la peine de retenir les noms. Il y avait également le chef du clan Hyuuga, celui du clan Sarutobi, du clan Akimichi, du clan Aburame, du clan Inuzuka et… Hatake Kakashi.

Renfrogné, les bras croisés, son ancien sensei avait l'air sensiblement contrarié. Leurs regards se croisèrent l'espace d'un instant. Face à son ancien professeur, qui l'avait vu plus qu'hostile à l'égard des cinq Kage et de ses deux autres élèves, avant la désactivation du Tsukiyomi Infini, Sasuke préféra détourner le regard. Ce qui lui fit remarquer, dissimulés dans les ombres, trois Anbus qui veillaient sur leur Hokage.

- Bien, commençons, lança alors la Cinquième en regroupant sans ménagement un tas de papiers au centre de la table. Uchiha Sasuke, tu n'es pas autorisé à prendre la parole, sauf en cas de demande explicite. Est-ce clair ?

- … Oui.

- Conformément aux lois qui régissent les Cinq Pays shinobis, la désertion militaire est punie de peine de mort. En théorie, ton exécution est censée être appliquée dans les plus brefs délais après ta capture. Pour rappel, en temps de guerre, les procès sont considérés comme facultatifs.

Elle marqua une pause pour le regarder par-dessus ses mains jointes, et il aurait pu jurer qu'elle prenait un malin plaisir à faire planer la menace.

- Mais, continua-t-elle comme à regret. Nous ne sommes plus en temps de guerre, l'état d'urgence ayant été levé il y a deux semaines. De plus, tu n'as pas été capturé puisque tu t'es rendu toi-même au village.

« Quelle perspicacité », pensa Sasuke en se retenant à grand peine de lever les yeux au ciel.

- Au vu de l'ampleur des batailles menées et de l'étendue de tes capacités, nous avons jugé utile de réunir un conseil juridique exceptionnel afin de traiter cette affaire. Sont donc réunis ici le Hokage, les Conseillers officiels, les chefs des clans principaux, à l'exception des clans Nara et Yamanaka qui n'ont pas encore réglé leurs affaires de succession, ainsi que deux membres de l'élite shinobi, choisis pour remplacer les absents. As-tu des questions, avant de passer à la suite ?

- Pourquoi n'ai-je pas assisté à l'intégralité du procès alors que j'étais suffisamment rétabli pour pouvoir le faire ? demanda-t-il, peut-être un peu trop sèchement.

Le chef de clan Inuzuka, un homme qu'il n'avait jamais vu auparavant et qui semblait fulminer depuis un bon moment, frappa alors son poing sur la table, faisant trembler les feuilles des dossiers étalées un peu partout.

- Parce que ton avis n'a pas été sollicité et qu'il n'aurait rien changé au verdict, voilà pourquoi ! rugit-t-il découvrant les crocs qui lui servaient de dents.

- Veuillez vous calmer, Ashi-dono, le reprit sèchement l'Hokage. Quoiqu'il en soit, nous n'avons pas à répondre de nos actes devant toi, Uchiha. Autre chose ?

En guise de réponse, Sasuke haussa les épaules avec indifférence. Tsunade le fixa à nouveau, visiblement exaspérée. Ses nerfs semblaient être mis à rude épreuve par la tension qui régnait dans la pièce et, en un sens, il la comprenait. Avait-il déjà mentionné qu'il avait horreur des gueulards ?

Il se demanda, pour la première fois depuis le début de sa captivité, ce qu'il ferait si on prenait la décision de l'enfermer. S'enfuirait-il ? Ou bien resterait-il sagement dans sa prison, à attendre que Naruto devienne enfin Hokage ? Que le jinchuuriki profite de sa position pour le faire sortir était une évidence, il ne se posait même pas la question. En revanche, il doutait fortement d'avoir la patience d'attendre jusque-là.

- Bien, reprit la Cinquième avec un soupir. Nous pouvons donc enfin passer à la séance de vote. Ce sera un vote à main levée, nous avons assez perdu de temps sur cette affaire.

- Attends un peu, Tsunade, s'exclama alors l'un des Conseillers, la vieille femme à la coiffure extravagante. Tu ne peux pas prendre cette affaire avec autant de légèreté, il s'agit d'un criminel qui a plusieurs meurtres à son actif, et un Uchiha qui plus est !

- Koharu-dono, répondit l'Hokage, avec une lenteur délibéré. Pardonnez mon impudence mais j'estime que huit séances, de douze heures chacune, de débats centrés autour d'un unique prisonnier alors que d'autres affaires importantes nous attendent, sont amplement suffisantes pour se passer d'un vote écrit en plusieurs tours. Ce genre de vote, comme vous le savez probablement, mettrait encore sept jours pour devenir effectif. Et comme vous vous en doutez, nous avons une ville entière à reconstruire, des blessés à soigner, des conflits diplomatiques à gérer, une alliance à consolider. Pouvons-nous, s'il-vous-plaît, passer rapidement au vote à main levée ?

La Conseillère bafouilla encore quelques mots, mais son homologue masculin intervint alors en lui faisant un signe de tête éloquent, et elle se tût.

- Bien. Comme nous l'avions convenu au cours des dernières semaines, trois options s'offrent à nous. Qui est pour l'emprisonnement à perpétuité ?

Hyuuga Hiashi, le chef du clan Aburame, au visage dissimulé sous un masque, et le deuxième Conseiller levèrent la main sans hésitation. Sur les neufs membres du conseil présents et sur trois possibilités différentes, sans compter d'éventuelles abstentions, cela faisait beaucoup. Tsunade pris le résultat en note sur un morceau de papier avant de poursuivre :

- Qui est pour la peine de mort ?

La Conseillère Koharu et le chef du clan Inuzuka levèrent la main.

- Qui est pour la remise en liberté conditionnelle ?

Kakashi leva la main ainsi que le chef du clan Akimichi, réputé pour son indulgence.

- Avec mon vote, ça fait trois, dit le Hokage en notant le résultat. Pour l'instant nous avons écarté la peine de mort, mais il y a une égalité entre les deux autres options. Sarutobi Jumoku-dono et Morino Ibiki, vous n'avez pas voté. À moins que vous ne décidiez de vous abstenir, vos votes seront décisifs.

- Je m'abstiens, déclara le chef du clan Sarutobi. Comme je l'ai précisé lors de nos précédentes séances, mon avis est plus nuancé que ces trois possibilités.

- Je m'en souviens, répondit Tsunade en griffonnant rapidement la réponse. Ibiki-san, allez-vous accorder votre voix ou dois-je considérer votre silence comme une abstention ?

L'homme couturé de cicatrices n'avait pas décroché un mot depuis le début de la séance, ni accordé le moindre regard autres membres du conseil. Il avait passé son temps à observer Sasuke, impassible. Il ne répondit d'abord pas à la question de l'Hokage, ne réagit même pas. Alors que l'Uchiha commençait à se demander si l'homme avait seulement entendu que c'était à lui qu'on s'adressait, celui-ci croisa les bras avec un léger soupir.

- J'ai longuement hésité, dit-il finalement. Mais je vote finalement pour la remise en liberté conditionnelle.

Sasuke s'aperçut qu'il avait retenu sa respiration sans y penser. Il la relâcha brusquement, surpris. Il n'avait pas spécialement désiré la liberté, pourtant. Seul l'obstination de Naruto, leur combat, leur sang, leurs larmes, et leur lien quasi-fraternel, avaient permis à Sasuke d'abandonner enfin ses envies de meurtre et sa soif de haine. L'une et l'autre s'étaient envolées pendant son séjour en prison où il avait pu faire le tri dans ce qu'il ressentait, mais rien, strictement rien, ne l'avait préparé à ressentir autant de soulagement à l'entente du verdict. Encore persuadé de n'être qu'une coquille vide, dépourvu d'autre projet que celui de vivre en paix, la liberté aurait dû lui être indifférente. Mais elle ne l'était apparemment pas.

- Tu as donc été gracié par le conseil juridique, à quatre voix contre trois, conclut l'Hokage en se levant sans plus de manières. Tu peux remercier l'appui extrêmement important dont tu as bénéficié de la part des héros de guerre, Uchiha. Sans ça, la majorité n'aurait pas été suffisante. Sur ce, je te laisse avec Ibiki pour régler les détails.

Sur ces mots laconiques, elle quitta la pièce sans prendre la peine de fermer la porte derrière elle. Les deux Conseillers la suivirent rapidement, ainsi que les chefs de clan qui s'en allèrent sans un regard pour lui, visiblement pressés de revenir à d'autres priorités. Une fois sortis, de légers mouvements furtifs indiquèrent que les Anbus avaient suivi le mouvement, discrètement. Seul Kakashi et Morino Ibiki étaient restés dans la pièce, face à Sasuke. Un silence s'installa.

Au bout d'un moment, un picotement désagréable dans son bras amputé l'obligea à remuer l'épaule pour faire passer la sensation. Cela attira l'attention de Kakashi, qui avait jusque-là eu l'air passionné par une éraflure dans le bois de la table. Son regard s'attarda sur l'œil scellé de son ancien élève. Quelques semaines plus tôt, c'était lui qui avait encore un œil clos par une malédiction. À présent, il observait Sasuke de deux yeux noirs, incisifs.

- Comme l'a fait remarquer Tsunade-sama, intervint alors Ibiki en se levant. Il nous reste certains détails à régler avant de te laisser partir. Il s'agit d'une remise en liberté conditionnelle, ce qui veut dire que tes faits et gestes seront attentivement surveillés et restreints.

Il tira une chaise et l'installa d'un geste brusque devant la table, avant de se rasseoir à la sienne et de faire signe à Sasuke de le rejoindre. Kakashi, au contraire, se leva et alla s'adosser à l'encadrement d'une fenêtre, comme s'il voulait garder ses distances avec son ancien élève. Lorsque l'Uchiha fut assis à la place qu'on lui avait désignée, Ibiki extirpa un épais rouleau de parchemin de son manteau et le déroula sur la table.

- Voici le contrat que tu dois signer pour officialiser ta remise en liberté. J'appelle ça un contrat mais c'est une obligation. Si tu refuses, tu retournes immédiatement en prison. Il stipule les règles que tu devras observer durant une période indéterminée, avant que le conseil juridique ne décide d'alléger ou durcir les contraintes dont tu feras l'objet.

Sur ces mots laconiques, il lui tendit un stylo-bille. Sasuke le prit mais ne toucha pas au rouleau.

- Je voudrai entendre clairement les conditions avant de signer, dit-il. Je sais pertinemment que les contrats sont faits pour être incompréhensibles pour ceux qui ne les ont pas rédigés.

Ibiki haussa les épaules, parfaitement indifférent.

- Tu gardera tes bracelets de scellement durant toute la période de la liberté conditionnelle, énuméra-t-il. Tu as évidemment interdiction de sortir du périmètre de Konoha, les bracelets sont aussi là pour y veiller. Tu devras passer, tous les premiers du mois, un examen psychologique à la Section d'Interrogatoire et de Torture. Je m'en occuperai personnellement car seul ce suivi permettra de faire évoluer ta situation, par la suite. Pour finir, tu devras accomplir des travaux d'intérêt général, à hauteur de cinquante heures par semaine.

Le premier réflexe de Sasuke fut de sauter à la gorge de cet homme qui lui exposait naturellement la façon dont il comptait l'humilier en le privant de ses talents de shinobi qu'il avait si durement acquis. Mais il refoula son geste, et se contenta de le fusiller proprement du regard.

- Sache que ta situation peut énormément s'améliorer, déclara tranquillement Ibiki, sans s'émouvoir du Regard Noir dont il faisait l'objet. Si tu suis mes conseils et que je juge ton mental suffisamment stable, tu pourrais même revenir à un statut presque normal et effectuer des missions de rang B, voire A.

- Je n'ai pas besoin d'un os pour bien me comporter, grogna-t-il en réponse. Je ne suis pas un chien savant à qui on fait faire des tours en échange d'une récompense.

Ibiki ignora ostensiblement sa réponse, Sasuke prit le temps de réfléchir. Combien de temps pourrait bien durer cette liberté surveillée ? Quelque mois ? Des années ? Et surtout, est-ce qu'il avait vraiment envie de vivre ainsi, diminué et privé de sa dignité ? Il n'en savait rien. Il n'en savait rien mais il était pourtant certain que cette fichue signature était ce que souhaitaient Naruto et Sakura, même s'il n'était qu'à moitié libre, même s'il serait traité comme un renégat par les habitants de Konoha. Il resserra sa main sur le stylo, luttant contre ses sentiments contradictoires.

Et puis, soudainement, il sentit une main se poser sur son épaule. Il leva la tête. À ses côtés, Kakashi le fixait intensément. Il pouvait presque voir son expression sévère derrière son masque.

- Signe, Sasuke, lui dit-il sans lâcher son épaule. Crois-mois. Signe.

Sasuke eut envie de hurler qu'il n'avait d'ordre à recevoir de personne, et surtout pas de lui. De hurler contre les entraves qu'on lui imposait, contre cette main qui le maintenait cloué à sa chaise, cloué au pilori de l'avilissement. De hurler d'impuissance face à l'inévitable perte de son libre-arbitre. Sa main agrippée au stylo-bille tremblait, tant il refusait la condition qu'on lui imposait. Il avait gâché sa vie entière pour tenter de rétablir l'honneur de son clan, avait découvert que tout ce en quoi il croyait était vain, avait sombré jusqu'au bord de la folie pour conserver ce qui lui restait d'amour-propre. Tout ce qu'il avait accompli était un échec, il n'avait su conserver, jusqu'à présent, que sa fierté.

La main de Kakashi serra plus fort son épaule, et ce fut peut-être cette emprise, plus que tout autre chose, plus que le souvenir des deux personnes qui espéraient tant son retour, qui lui donna la force de signer le parchemin devant lui. D'une main qui n'était pas celle avec laquelle il avait appris à écrire, la signature fut tremblotante et maladroite.

Une fois Ibiki parti, Sasuke fut seul avec Kakashi dans la pièce. Le métal froid des bracelets sur sa peau le gelait jusqu'aux os. Il était pieds nus et son pantalon en lambeau ne lui permettaient pas de les dissimuler correctement.

- Je vais remplacer le sceau de ton œil gauche par un autre, annonça Kakashi. Il est du même type que celui que j'ai apposé autrefois sur le sceau maudit d'Orochimaru, il scellera ton rinnegan sans te priver de la vue. Quand tu pourras à nouveau malaxer du chakra on verra ce qu'on en fera, mais en attendant, inutile de fatiguer ton œil pour rien.

Il n'était, certes, pas contre le fait de retrouver la vue de ses deux yeux. Mais l'optimisme inhabituel de Kakashi, sur l'éventuelle suppression des bracelets de contention, lui laissa une étrange impression. Tout laissait présager que son chakra resterait ainsi scellé un long moment, mais il hésitait à croire que son pragmatique professeur se voilait la face.

Ils recommencèrent le rituel déjà effectué des années plus tôt. Kakashi élabora sur le sol un cercle compliqué d'inscriptions faites au sang, continuant les glyphes sur le corps et le visage de Sasuke. Lorsqu'il eut terminé les détails près de l'œil, il commença par enlever l'ancien sceau qui le maintenait clos. La sensation fut la même que si on lui calcinait la paupière avec un fer chauffé à blanc. Une fois le sceau retiré, Kakashi observa son rinnegan pendant quelques secondes, en silence, avant de passer à la suite du rituel. Comme des lames qui se glissaient sous la peau, les glyphes rampèrent jusqu'à son œil, se regroupèrent en une formation serrée et s'alignèrent sous la paupière inférieure.

- Pas trop tôt… réussit à articuler calmement Sasuke quand ce fut finit.

Il était à bout de souffle à force d'avoir lutté contre la douleur, mais il refusait catégoriquement de le montrer. Déjà diminué, privé de chakra, du pouvoir de ses yeux, manchot, habillé de guenilles, il n'allait pas en plus faire le plaisir à son ancien professeur de lui montrer qu'il avait mal. Quelque chose dans le regard de l'homme le fit un peu douter du succès de la manœuvre, mais il préféra faire comme s'il n'avait pas remarqué.

- On en a terminé pour les formalités d'usage, lui dit Kakashi. Une note de service sera affichée d'ici une petite heure pour informer la population ninja de ta libération. Tu es donc libre d'aller où tu veux tant que tu restes dans le périmètre du village. J'imagine que tu sais déjà où te loger pour les prochains jours ?

« Espèce d'affreux vieil homme pervers et sénile » lui adressa courtoisement Sasuke en pensée, l'œil encore palpitant. Évidemment, il savait parfaitement qu'il n'avait nulle part où aller. La destruction de Konoha avait annihilé la maison de ses parents, où il aurait pu se réfugier en dernier recours. Il ne pouvait pas non plus louer un nouveau logement, puisqu'il avait dilapidé la fortune familiale pendant ses années d'errance, dépensant sans compter en armes, vêtements et nourriture. Il n'avait pas exactement prévu, jusqu'à maintenant, un futur où il aurait encore besoin d'un quelconque revenu.

Faisant fi de l'air narquois de son interlocuteur, il haussa les épaules.

- Ça ne me gêne pas de dormir dehors, dit-il.

- Mouais… Vu l'hiver qui arrive et l'état de tes vêtements, ça m'étonnerai que tu tiennes bien longtemps. Je n'ai pas menti au conseil sur ton combat avec Naruto pour que tu crèves stupidement d'hypothermie. Tu habiteras chez moi le temps de trouver quelque chose.

- Comment ça, menti au conseil ? ne put s'empêcher de demander Sasuke.

Kakashi haussa les épaules à son tour.

- Si j'avais mentionné ton petit caprice de dernière minute, c'est-à-dire ton combat avec Naruto, tu peux être certain que ton sort aurait été réglé beaucoup plus rapidement. Mais on va arrêter de parler de ça, si ça ne te dérange pas. Si on nous entend, c'est ta tête et la mienne qui sautent en même temps. Maintenant suis-moi, tu sens aussi fort que le quartier du clan Inuzuka tout entier, tu as besoin d'une douche.

Trop fatigué pour lutter, Sasuke emboîta le pas à son ancien professeur. Ils sortirent du bâtiment sans croiser personne, et la rue était presque aussi déserte. Il était encore très tôt dans la matinée, et la population commençait tout juste à reprendre ses occupations. Quelques ouvriers s'affairaient déjà sur les bâtiments encore en construction, les commerçants ouvraient leur boutique, mais personne ne prêta attention aux deux silhouettes qui se faufilaient dans les ruelles. Le nouvel appartement de Kakashi faisait partie d'un bâtiment de quatre étages, dont les murs avaient rapidement été peints en blanc mais qui restaient majoritairement de couleur bois, les portes, volets et rambardes de balcon ayant été laissés tels quels.

Après avoir gravis les escaliers jusqu'au troisième étage, ils entrèrent dans l'appartement. Tout était d'une sobriété indiscutable, sans la moindre décoration, et une odeur de peinture flottait encore dans l'air. Il semblait évident que Kakashi avait emménagé très peu de temps auparavant. Disparaissant dans une pièce qui devait sans doute être sa chambre, l'homme revint quelques minutes après avec un ballot de vêtements qu'il lui tendit.

- Normalement tu as interdiction de porter l'uniforme militaire, mais je n'ai que ça sous la main. La salle de bain est juste derrière toi. Petit dej' ?

Sasuke ne prit même pas la peine de répondre à une question aussi désinvolte, attrapa les vêtements et tourna ostensiblement le dos à l'épouvantail qui lui servait d'hôte.

Si l'immeuble était construit de façon rigoureusement traditionnelle, la salle de bain, en revanche, disposait à la fois d'une douche moderne et d'une baignoire classique. N'ayant pas la moindre envie de s'attarder, Sasuke se débarrassa de ses habits déchirés et sauta dans la douche. Il ne pouvait pas nier que l'eau chaude lui fut plus que salvatrice. Cinq semaines à se laver sommairement à l'eau glacée d'un seau rouillé lui avaient laissé sur la peau une couche de crasse à faire fuir un putois. Sous le jet brûlant, il se frotta énergiquement jusqu'à ce que l'eau qui disparaissait dans la bonde devienne complètement transparente. Il eut quelques difficultés à nettoyer la peau cachée par les bracelets, avec une seule main, mais finit par y parvenir en glissant un gant de toilette sous le métal.

Lorsqu'il eut fini, il s'appliqua à retirer le bandage détrempé qui recouvrait son moignon, prenant le temps pour la première fois d'observer sa blessure. Le sectionnement avait été parfaitement net, sur le coup, il s'en souvenait clairement. À présent, la guérison avait rendu l'extrémité du membre plus arrondie, propre mais pourvue d'une cicatrice encore rougeâtre à l'endroit où les chaires s'étaient rejointes. Ça n'était pas beau à voir. Il enfila le pantalon et le pull bleu foncé, un peu grands pour lui mais qui dissimulaient judicieusement les bracelets de contention aux chevilles. Puis, devant le miroir un peu embué de la salle de bain, il se fit face.

La première chose qu'il vit dans son reflet fut le sceau ancré sous son œil gauche. Il avait craint qu'il n'entoure complètement la paupière et le sourcil, comme avec le sceau maudit d'Orochimaru, et ainsi d'être tout simplement défiguré. Mais les inscriptions sibyllines s'alignaient sagement en arc de cercle sous la paupière inférieure, commençant contre l'arête du nez, sous le coin interne, et se terminant un peu en dessous de la fin du sourcil, près du coin externe de l'œil. De loin, il avait un regard asymétrique, mais pas aussi ridicule qu'il ne l'aurait été avec un cercle complet. Sa pupille gauche, encore mauve et cerclée quelques heures auparavant, était redevenue aussi noire que sa jumelle. Mal à l'aise devant son nouveau visage, il se détourna et se résigna à rejoindre Kakashi dans la pièce à vivre.

Il s'attendait à peu près à tout, sauf à y trouver Sakura assise à table et buvant tranquillement une tasse de thé.

Kakashi et elle tournèrent simultanément la tête dans sa direction lorsqu'il entra dans la pièce. Sakura et Sasuke se regardèrent pendant quelques secondes, en silence, aussi embarrassés l'un que l'autre. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, Sasuke se faisait arrêter par des Anbus et jeter en prison, malgré les bruyantes protestations de Naruto. Le regard de la jeune femme s'attarda sur le sceau qui restreignait son rinnegan, puis sur la manche vide où aurait dû se trouver son bras gauche. Finalement, toujours sans un mot, elle se leva, prit une tasse dans un placard et la remplit de thé. Puis elle la posa devant une chaise inoccupée avant de se rasseoir à sa place.

- Installes-toi, Sasuke-kun, lui dit-elle enfin d'une voix étrangement calme.

Ce qui le perturbait le plus, dans le comportement de Sakura, était peut-être l'aisance avec laquelle elle se mouvait dans l'appartement de Kakashi, se servant dans la cuisine sans demander et l'invitant à une table qui n'était pas la sienne. La jeune femme avait toujours été d'une politesse soignée, une telle familiarité ne pouvait donc signifier qu'une chose : l'appartement avait beau être flambant neuf, Sakura avait manifestement l'habitude d'y venir régulièrement.

Ne sachant pas quoi penser de cette information, Sasuke la rangea dans un coin de sa mémoire et prit la place qu'on lui avait désignée, tout en continuant d'observer son ancienne coéquipière du coin de l'œil. Elle respirait littéralement la sérénité. Vêtue d'un pantacourt bleu clair et d'un pull vert amande, elle gardait les yeux baissés sur sa tasse de thé, jouant distraitement avec les rainures de la céramique. Il transparaissait d'elle une simplicité qu'il ne lui avait jamais connu jusqu'à présent.

- Alors… dit-elle au bout d'un moment sans lever les yeux. Tu as été libéré, à ce que je vois. Kakashi-sensei m'avait prévenue que le verdict serait rendu ce matin.

- Plus ou moins libéré, oui, répondit-il sans cesser de l'observer. Il y a des conditions.

Sakura parût attendre qu'il donne des précisions, puis voyant qu'il n'en dirait pas plus, esquissa un sourire en coin, visiblement désabusée.

- Naruto est encore à l'hôpital, informa-t-elle en détachant enfin son regard de sa tasse. Depuis qu'il a récupéré les deux moitiés de Kyûbi, il a du mal à contrôler son chakra.

- Quel rapport avec le fait qu'il soit encore à l'hôpital ? demanda Sasuke, intrigué.

Naruto guérissait toujours de ses blessures en un clin d'œil grâce au démon qui l'habitait. Même Sasuke qui cicatrisait à une vitesse normale était presque entièrement rétabli, à présent. Jamais le jinchûriki n'avait effectué un aussi long séjour à l'hôpital, ou du moins pas à sa connaissance.

- La fusion des deux parties de Kyûbi a consommé une grande partie de l'énergie de Naruto, expliqua alors Kakashi. C'est un processus qui a duré environs trois semaines et qui l'a obligé à rester sous observation médicale. Ces deux dernières semaines, il a dû apprendre à vivre avec un chakra deux fois plus important que celui avec lequel il a grandi. Comme tout son équilibre énergétique en a été perturbé, ça l'a rendu incapable de bouger normalement pendant un bon moment.

- Mais il doit sortir bientôt, ajouta Sakura. Il a repris le dessus à une vitesse incroyable, comme d'habitude.

- Je vois… répondis simplement Sasuke.

Le silence s'installa à nouveau. Sakura semblait plongée dans ses pensées et Kakashi fixait obstinément le plafond. Sasuke, lui, pensait à Naruto. Ça ne lui semblait pas naturel d'être à Konoha sans pouvoir parler à celui qui l'y avait ramené. Mais traverser le village jusqu'à l'hôpital, sous le regard des passants qui n'étaient peut-être même pas encore au courant de sa remise en liberté, dans un uniforme qu'il n'avait pas le droit de porter, lui semblait un peu excessif pour aller voir quelqu'un à qui il n'avait finalement rien de particulier à dire. Il n'avait rien de particulier à dire à qui que ce soit, de toute façon. En dehors du combat, du clan Uchiha et de la vengeance, sa vie n'avait été composée que de très peu de centres d'intérêts.

Il se demandait bien de quoi pouvaient discuter les gens, lorsqu'il n'était pas là. Généralement, sa présence suffisait à ce qu'un silence s'impose, ou que les discussions se mettent à tourner soit autour de l'entraînement, soit autour des destins variés qu'on voulait lui imposer. Jamais rien d'autre ne l'avait intéressé, jusqu'ici. À présent que ni entraînement ni vengeance n'était plus d'actualité, et encore moins un quelconque destin, il se demandait à quoi il allait bien pouvoir occuper ses journées. Il aurait peut-être pu poser directement la question à Sakura ou Kakashi, mais pour demander quoi, exactement ? « Que font les gens normaux dans leur quotidien ? ».

Absorbé par ses pensées, il n'avait pas vu que Sakura et Kakashi le fixaient tous deux d'un air insistant.

- Heu, quoi ? fit-il en sacrifiant toute crédibilité.

- Je te demandais si tu avais quelque chose de prévu aujourd'hui, répéta Sakura.

- … Non.

- Alors je voudrais que tu viennes avec moi à l'hôpital, pour voir Naruto, enchaîna-t-elle rapidement, comme si elle craignait d'entendre la réponse.

Sasuke prit le temps de se demander si Sakura avait appris une technique qui permettait de lire dans les pensées, avant d'écarter cette idée.

- Même si je le voulais, je ne peux pas sortir d'ici en uniforme, répondit-il.

- Je sais, c'est pour ça que je suis allée t'acheter des habits avant de venir. Tu en aurais eu besoin même en prison, de toute façon.

Elle se leva et alla chercher un sac en plastique déposé dans un coin de la cuisine. Revenant s'asseoir, elle le tendit à Sasuke, qui le prit avec hésitation.

- Et qu'en aurais-tu fait si j'avais été condamné à mort ? Demanda-t-il, un peu par provocation, avec une fausse désinvolture.

- Je les ai aussi achetés pour conjurer le sort, répliqua-t-elle en haussant les épaules de manière toute aussi feinte.

Comme il ne trouvait aucune raison valable de refuser sa demande, Sasuke ouvrit le sac, sortant les vêtements afin les examiner en guise d'acceptation. Sakura avait choisi un pantalon treillis gris, aux jambes suffisamment larges pour dissimuler les bracelets de contention, un T-shirt noir et un sweat-shirt à capuche, noir également. Elle avait également prit des chaussures noires classiques, avec le talon et les orteils ouverts. Le tout était vraisemblablement pensé pour être le plus ordinaire possible, ce qui était plutôt pratique pour se déplacer dans un village où il ne manquerait pas de se faire remarquer à chaque fois qu'il mettrait le nez dehors.

- Merci, se sentit-il obligé de dire.

Pour la première fois depuis qu'elle était arrivée, Sakura lui adressa un sourire ravi. Puis elle fronça les sourcils d'un air menaçant :

- Mais avant tout, bois ton thé et mange quelque chose. Tu as l'air d'un cadavre.

Là encore, Sasuke ne vit pas d'échappatoire possible.

oOo

Traverser Konoha en fin de matinée fut une aventure autrement plus mouvementée que celle effectuée à l'aube. Sakura et lui empruntèrent des chemins détournés et moins fréquentés que les rues principales, mais ils croisèrent tout de même des ninjas qui leur jetèrent des coups d'œil soit hostiles, soit franchement apeurés. La majorité de la population militaire l'avait vu combattre aux côtés de Naruto, pendant la guerre, et avait pu appréhender presque toute l'étendue de sa puissance. Il était donc compréhensible qu'ils puissent craindre de se retrouver en présence d'un déserteur aux pouvoirs aussi démesurés. Sasuke s'était lui-même considéré, il n'y a encore pas si longtemps, comme une sorte de réservoir à chakra dénué de personnalité propre et uniquement destiné à combattre. Un monstre encore plus effrayant que les jinchûrikis, plus malfaisant que les renégats de l'Akatsuki.

Les shinobis qui les observaient savaient que son chakra était désormais scellé, et Sasuke ne doutait pas que leur effroi serait bientôt remplacé par la rancœur, confortée par la certitude de se savoir en sécurité. Cela ne le dérangeait pas d'être la cible de l'animosité du village, puisqu'il l'avait même souhaité dans le but de reconstruire le monde à sa façon. Mais c'était très différent d'être l'objet de la haine des shinobis dans un but précis, et d'affronter des regards malveillants en étant privé de ses capacités. Bien que son taijutsu soit exactement au même niveau que celui d'il y a quelques semaines, il avait moins d'endurance s'il ne pouvait pas utiliser son chakra, et il pourrait difficilement se défendre contre du ninjutsu si plusieurs ninjas décidaient de l'attaquer.

Ils arrivèrent à l'hôpital, qui avait été reconstruit beaucoup plus grand que celui qu'il avait connu avant sa désertion. Sakura connaissait sa route et fila rapidement dans les couloirs du bâtiment, obligeant Sasuke à presser le pas derrière elle. Elle finit par s'arrêter brusquement devant une porte et se tourna vers lui.

- C'est là, je te laisse passer devant.

Nerveux sans vraiment savoir pourquoi, Sasuke hésita avant de saisir la poignée. C'était une chose d'avoir renoncé à ses projets malsains en son for intérieur, ç'en était une autre de se retrouver face à celui qu'il avait tenté de tuer à plusieurs reprises. Jamais Naruto ne lui tiendrait rigueur des erreurs qu'il avait commise à cette période de sa vie, il le savait. Cela ne signifiait pas qu'il devait lui-même s'estimer dénué de culpabilité. Il avait essayé de tuer son meilleur ami, sa coéquipière et son professeur, c'était un fait qui ne s'effacerait jamais, quoi qu'on puisse en dire.

- Allez, le pressa alors Sakura. Tu dois faire un pas vers lui, c'est la moindre des choses.

Ce n'était pas exactement un reproche, mais la sévérité imprégnait la voix de la jeune femme. Inflexible, elle le jaugeait d'un regard acéré. Elle avait décidément beaucoup changé en grandissant, songea Sasuke avant de se décider à pousser la porte.

La pièce était une chambre individuelle, blanche, baignée d'un rayon de lumière hivernale. Adossé aux oreillers, sur le lit disposé contre le mur, Naruto était là. Apparemment épuisé, les yeux cerné, son visage prit une expression proprement stupéfaite lorsqu'il aperçut Sasuke dans l'encadrement de la porte, avant de s'éclairer d'un sourire joyeux.

Les nombreux shinobis également présent dans la pièce, en revanche, n'avaient pas l'air spécialement enchanté de le voir.

oOo

Bonjour à tous ! Nouveau chantier, nouvelle histoire, et sans doute la dernière de ma carrière d'auteur de fanfiction de Naruto. Je pense que celle-ci durera environs dix chapitres, pas plus.

Pourquoi cette histoire centrée sur Sasuke ? Eh bien parce que je déteste totalement et entièrement la fin du manga telle qu'elle a été écrite. Bâclage, illogisme, facilité, sont des mots qui me viennent systématiquement en tête quand je pense aux dernières pages. Elle a donc pour objectif de raconter ce que j'aurai tellement voulu lire dans l'histoire officielle : le retour de Sasuke à Konoha, sa transition de monstre sanguinaire vers un mode de vie plus conventionnel. Après une vie entière à ne vivre que pour tuer, il doit y en avoir, du travail, pour redevenir un être humain viable et à peu près stable. C'est l'histoire que je veux absolument écrire, quitte à laisser de côté mon projet de roman encore quelques temps.

On peut considérer que la scission entre le manga et mon histoire se situe après le chapitre 699. Je n'ai rien contre le 700, mais il faut considérer que la scène où Sasuke se barre de Konoha n'existe pas dans mon alternative.

Ah oui, et puisque je me permets de réécrire l'œuvre du maître, j'ai décidé de le faire carrément et de parler clairement des choses qui auraient eu leur place si Naruto n'avait pas été un manga pour enfants. Enfin vous verrez en lisant.

À propose des chefs de clan, j'ai un peu galéré à démêler le vrai du faux, l'exclusif à l'animé de l'info vérifiée dans le manga. Disons que j'ai pris les libertés nécessaires à un univers crédible.

Voili, voilou. Des commentaires ? Avez-vous aimé, détesté, moyen bof ?