Note : Il est tard, très tard. Mais je voulais le faire quand même : avec cet OS, permettez moi de vous souhaiter à .s un joyeux Noël ! J'espère que vous avez pu faire ce que vous désiriez, et que vous avez profité des personnes que vous aimez. Je suis sûre qu'il y a pleins de fautes, mais tant pis. Disons que c'est mon cadeau !

Merci infiniment à Music-Stars, Rin-Black-Rabbit et Dracodemon, pour leurs adorables messages de fêtes. Une belle révérence aussi à Milou-sarcastic-yaoiste, pour son bel OS AkuRoku, Ange de Noël. Pleins de bisous ! Ya.

Crédits : Les personnages de Kingdom Hearts ne sont pas à moi, ils sont la propriété exclusive des Studios Square Enix et Disney.

Edit du 16/05/2019 : J'ai finalement corrigé les quelques fautes qui s'étaient incrustées dans cet OS, et puis deux-trois tournures de phrases un peu bancales. Enjoy !


La blondasse.

Il est tard. Minuit, une heure, sans doute. Les rues, parées de guirlandes, ornées des décorations de Noël les plus éclatantes, se font concurrence en ce soir de Noël. Elles se bousculent entre elles dans les croisements blanchis des boulevards, scintillent de mille feux au coin des quartiers, s'allument et se perdent en orfèvreries ridicules, en boules rondes et rouges, en vitrines bariolées. Tout brille, tout scintille, tout reluit. C'est magique.

Le béton, si morne d'habitude, a lui aussi revêtu son bel habit de fête, sa pluie lisse et givrée, son verglas de cristal, ses congères glacées. Celles qui pendent tout le jour et se glissent aux rebords des gouttières, se figent pour une nuit avant de finalement fondre au matin, quand pointent les premières lueurs de l'aube.

Une magnifique vie éphémère, qu'il aime contempler du haut de sa fenêtre.

Il, c'est Axel. Il a sa cigarette à la main, soudée entre le majeur et l'index, les yeux mi-clos, la bouche à peine ouverte pour laisser passer entre ses lèvres la fumée qu'il exhale. C'est une fumée épaisse, noire du tabac et froide de la neige, humide de la chaleur de sa langue, lourde de son haleine. Il aime fumer, Axel. Il a conscience qu'il ne devrait pas, et qu'il va sûrement mourir tôt d'une cochonnerie de cancer, ou bien d'une autre maladie douteuse en rapport avec sa consommation trop excessive d'alcool. Il sait qu'il s'en fout superbement, aussi.

Il sait également qu'à vingt-huit ans, s'il pue autant le tabac et le rhum, c'est parce qu'il a voulu noyer sa vie dans quelque chose. Dans des plaisirs douteux qu'il devine inutiles, exubérants, sans profondeur. Peut-être a-t-il voulu camoufler ce petit quelque chose qui lui broie le cœur lorsqu'il y pense, cet abîme de vide qu'il ressent lorsqu'il regarde les enfants qui s'amusent ou quand il voit un couple s'enlacer sous sa fenêtre au milieu du boulevard. Lorsqu'il observe l'arrêt de bus et ces passagers mort-vivants, les yeux perdus dans le vide, les sentiments béants. L'absence.

Ce pincement dans sa poitrine, qui le frappe sans cesse plus fort au cœur et qu'il cherche à oublier aussitôt, comme il peut. Il ronge la peau de ses doigts, caresse son chat, peigne ses cheveux roux. Parfois il range, s'allume une clope, tourne en rond, rit devant la télé, téléphone à un pote. Quelques fois, il appelle une salope. C'est pour rire, pour profiter, pour s'amuser. Pour ne surtout pas se rappeler qu'il n'est rien de plus qu'une congère en hiver, un peu de vapeur sombre voué à s'échapper vers le ciel. Un amas de chair et de sang au goût de sueur et d'épices, brûlant de froideur, avec son vide et ses vices.

Ça, il veut l'oublier, plus que tout. Même s'il le sait. Parce que ça n'a rien de beau, parce qu'il ne scintille pas comme toutes ces jolies lumières qui flottent dans la nuit noire, parce qu'il ne sera jamais comme le flocon de neige parfait qui s'écrase, blanc de ses mille pellicules, sur le bitume gelé.

Lui ne sera jamais qu'Axel, et c'est tout. L'homme qui aimait fumer ses cigarettes à la fenêtre, pas vraiment indifférent de lui-même, pas franchement intéressé non plus. Il tire sur le filtre, inspire longuement, laisse frémir la braise tout autour du papier avant de la laisser s'embraser. Prudemment, la nicotine s'insinue dans son âme. Détendu, il la souffle par le nez, ferme les yeux, impatient d'entendre le fameux clic des lumières. Ce son-là, pour les autres, n'est que le bruit des ampoules qui s'éteignent brutalement, sans fracas, sans choc. Le symbole absurde d'une économie d'énergie voulu par la mairie, un mouvement unanime de tous les lampadaires de l'Univers qui, dans un même geste, s'éclipsent et perdent vie.

Mais voilà pour Axel, ce petit bruit, qui fait que seules nagent alors dans l'obscurité les étoiles du ciel, n'est pas un simple son. Ce n'est pas non plus une stratégie environnementale pour payer moins cher, ou la grève inopinées des vieux phares de la nuit. Pour Axel, ce clic marque l'arrêt d'un monde. C'est ce qui différencie le jour de la nuit, ce qui lui permet de sentir le bref écoulement d'une journée dans le sablier de sa vie. Quand il entend cet infime son, Axel sait que la rue est déserte, et qu'il n'y a que lui qui veille dans cette ruelle, à la fenêtre.

Il le ressent. Il le vit.

C'est pourquoi, lorsque le clic arrive et que les guirlandes noircissent, lorsque les vitrines s'éteignent et que les boules pleurent leur faste, Axel tremble. Il ne louperait cet instant pour rien au monde. Plus encore aujourd'hui, en cette soirée de mascarade lumineuse, cet éclatement nitescent que l'on appelle Noël et qui fait s'allumer des bougies au fond du cœur des gens. La cendre de sa cigarette tombe. C'est le moment.

Clic.

Pourtant, lorsqu'il rouvre à demi les paupières, quelque chose ne va pas. Il le sait, d'instinct. Tout est éteint, tout est flou, sombre, sale, nébuleux et maussade. Le givre ne brille plus, la brise a cessé de caresser les reflets étincelants des enseignes de verre. Le monde est vide. Le monde est calme. Il en est le seigneur tout-puissant.

Mais quelque chose cloche. Il cherche des yeux le fruit de son tracas, tire la grimace en mettant finalement le doigt sur ce qui le dérange.

Qu'est-ce qu'elle fait là, la blondasse ?

Il soupire. Sa tête plonge entre ses coudes, il enfonce le nez dans les plis sales de ses vêtements. Sa clope jetée au vent d'une main, il hésite à relever le nez pendant plus d'une minute, pose finalement sa joue contre le rebord de la vitre. Il espérait qu'elle parte, mais elle n'a pas bougé. Putain.

Ouais, c'est elle. La catin, la salope, la putain, la blondasse. Elle est encore sur le trottoir, alors que tous ont déserté. Une pute, c'est ce qu'elle est. Une emmerdeuse, qui l'empêche de consommer l'instant qu'il aime le plus en ce soir de Noël. Cette nuit, et toutes les autres. A cause d'elle, il n'est plus seul au monde.

Il est avec elle, et il est incapable de dire si ça lui plait.

Cette femme, cet objet, a eu un nom, un jour. Seulement comme elle ne le rappelle jamais, tout le monde l'a oublié. Dans le quartier, elle n'est que la blondasse, la demoiselle qu'on appelle en sifflant comme une chienne sans foyer, sans collier et sans maître. Rattachée uniquement à sa dignité par le mince fil de la liberté. Pourtant elle est esclave de son corps, des huées. Victime de sa beauté sans fards et de ses cheveux blonds.

Appuyée contre un lampadaire gris elle se retient de grelotter, étouffée dans une robe écarlate aux ourlets crème, mousseux. De longs gants de feutres lui enserrent les bras de la main à la pliure du coude et ses jambes nues, grillées de bas résilles, sont dévoilées à la vue de tous. Galbes et lisses, tailladées en leur centre. Elle se tient raide sur de longs talons aiguilles, la bouche brillante, son gloss tout craquelé, les mains serrées sur sa poitrine aussi plate qu'une planche à découper.

Elle a le regard dur, les ongles vernis. Le visage froid et l'œil dépité, elle attend.

Elle a compris que personne ne viendrait à elle, ce soir. Alors pourquoi reste-t-elle ? Elle devrait se barrer, la blondasse. Axel en a assez. Mais tout de même il la regarde, furtivement, du coin de l'œil, parce que mine de rien, c'est une grande dame. Elle fait le tapin même la nuit de Noël, déguisée dans son costume vulgaire sans trop l'être, pleine d'un parfum trop fort qu'il renifle jusqu'ici, une senteur de poivre mentholé, le genre de fragrance qui vous enivre jusqu'à vous faire vomir. Il se dit qu'elle pourrait être belle sans ce masque d'artifices parce que d'ici il arrive à voir ses yeux, et qu'ils ont quelque chose, tout de même. Pas aussi bleus qu'ils pourraient le paraitre, pas aussi verts que les siens. Piqués de cils invisibles, couvert de son passé de putain, noirs. voilés de la tristesse immobile des plafonds fixés avec hargne et tristesse.

En regardant la blondasse, Axel se met à rêvasser. De toute manière, sa solitude est fichue, alors à quoi bon ? Il est lâche, Axel. Il manipule sa vie et la fuit, oublie ce qu'il désire, passe juste à côté. En rêvant, il pense qu'elle est son genre de femme, peut-être. Un peu revêche, ni trop souple ni blasée, aussi désagréable qu'une piqûre de vive. Elle a ce charme particulier qu'il aime assez, ce côté félin non appuyé, cette façon de camoufler sa bestialité tout en vous la crachant au visage de façon toujours plus élégante, plus furtive, plus belle. La blondasse, il se l'imagine cruelle sous ses traits fatigués, humaine dans sa cuirasse de chair, au delà de l'être désirable. Il entend ses cris dans ses oreilles quand il casse la vaisselle, dessine ses paroles mentalement, dévore sa bouche exsangue de baisers. Regarde ses yeux clairs. Vraiment, il pense que la blondasse, c'est peut-être une femme pour lui. Une furie-blonde, furibonde, blessée, couverte de sa carapace de peau trop douce. Furieuse d'avoir griffé tant de dos, lassée des corps qu'elle touche sans les aimer.

Il se demande si elle a déjà eut des bâtards, la blondasse. A la voir comme ça, il se dirait oui. Oui, parce qu'elle donne l'impression d'avoir la force nécessaire pour soulever la terre, d'emmener avec elle la foudre et les océans, de pouvoir, d'un battement de cil, faire trembler le monde pour ce qui est à elle. Du haut de sa fenêtre Axel en a vu, des mères. Elles ont ce truc là, ce pouvoir immense qui vous cloue sur place même quand vous n'êtes plus un mioche ignorant. La blondasse, elle a ce truc, mais pas vraiment. Axel se mord la lèvre. Il pense bien qu'elle n'aura jamais pu le garder, son orphelin de gosse. Sûrement qu'elle l'a noyé. Autant haï qu'aimé, englué dans son amour salasse, un peu crade de ses nuits blanches passées à satisfaire des types comme lui, inconséquents. Il a dû crever.

Pourtant il lui reste une sorte de fougue vive, à cette femme, une fougue qui compense la sagesse de maman qu'elle n'aura jamais.

A force de la regarder, Axel l'admire. En se tenant droite comme ça dans le froid, un jour de fête pour les autres, quand des cons comme lui sont à la fenêtre en train de se faire baiser par la vie, elle, elle leur montre qu'elle est là, et qu'elle sait. C'est elle qui baise le monde, dans toute son arrogance de prostituée, elle qui sait qu'il faut qu'elle se tienne debout coûte que coûte, contre ce lampadaire.

Et elle espère sûrement, alors qu'il n'y a personne et que toutes les lumières sont éteintes, que quelqu'un viendra lui faire gagner son pain. Quelqu'un qui tombera dans les filets qu'elle continue de tisser autour d'elle, peut être malgré elle, parce qu'il le faut bien. Parce qu'elle vit.

Axel s'allume une nouvelle cigarette, flamboyante, lumineuse. A la fenêtre c'est Noël, et il s'est mis à neiger. Elle est courageuse, la blondasse, il se dit. Alors il respire une dernière fois l'odeur fraîche de la glace mouillée qui recouvre la ville, va préparer deux chocolats chauds aux épices et descend l'escalier de son immeuble pourri.

Arrivé en bas, il traverse la rue, offre sa tasse à la blondasse. Elle le gifle. Il rit.

Cette nuit là, sur un coup de tête et sans trop savoir pourquoi, pour éviter de fuir, Axel a offert son cœur à la blondasse. Elle a souri, s'est foutu de sa gueule. Ne l'a pas remercié. Mais au fond de ses yeux, Axel a vu. Tous les lampadaires brillaient de mille feux.


Le Larxel est mon pairing hétéro secret. Plus aussi secret, maintenant. Je vous embrasse fort, prenez soin de vous, je répondrais à tout le monde après les vacances. A bientôt !

Ya.