On récolte ce que l'on sème.
Sakura termina d'emballer son cadeau avec soin. Certes, il n'était pas très grand, ni très gros, et encore moins très lourd, mais elle était certaine qu'il plairait à son destinataire. Jetant une dernière fois un coup d'œil sur sa tenue, elle sortit. La journée n'était pas mauvaise, même plutôt belle. Elle salua Saï qui se rendait à la bibliothèque pour se renseigner sur ce qu'était un anniversaire et l'importance que cela pouvait avoir, la laissant rapidement reprendre sa route. Cela lui fit plaisir de l'y voir s'intéresser, cette envie venant en toute certitude de la conversation d'il y avait deux jours sur ce sujet, qu'ils avaient eu, lui, elle et Naruto.
Cela faisait bien trois ans que Sasuke avait été ramené au village. Au début, les hautes autorités l'avaient obligé à y rester en restreignant ses capacités, ce qui l'avait rendu la plupart du temps, fou de rage. Mais ils avaient réussi à le ramener à Konoha après toute cette galère qui leur avait volé une bonne partie de leurs adolescences, et après encore des mois et des mois, le Hokage avait consenti à le libérer de sa geôle bien qu'il garda sur l'Uchiha un œil, même deux, pour être sûr de ne pas le voir les trahir à nouveau, les tuer, ou quoi que ce soit dans ce genre-là. Déjà qu'avant de revenir, il avait réussi à éliminer le conseil, n'arrivant pas à pardonner malgré les explications données par ces humbles ancêtres. Et puis il avait même tenté de se mettre à dos tout le village, car personne n'avait voulu reconnaître en Itachi ce que lui voyait et savait.
Une seule personne, toujours la même, qu'il neige, qu'il pleuve, qu'il vente, se trouva à ses côtés. C'était le cas depuis des années de toute manière. La seule et unique personne qui pouvait se mettre à genoux devant quelqu'un pour lui sauver la face, alors que tout autre aurait aidé ses ennemis à le découper en morceaux. Uzumaki Naruto était cet homme, ce fou. L'imbécile heureux qui cherchait à le réhabiliter et qui ne perdait jamais espoir. Celui qui avait réussi à calmer sa haine et à le faire vivre parmi les autres, à mettre plus en avant l'histoire du grand frère Uchiha et de son sacrifice plus ou moins consenti. Il était l'homme ayant réussi à faire sourire Sasuke, même à le faire rire à la grande honte de ce dernier. Mais surtout, l'une des plus grandes fiertés de Naruto était d'être le seul que l'Uchiha aidait sans rechigner et de son plein gré. Toutefois, il subissait aussi le revers de la médaille. Le calme était presque revenu, même si beaucoup s'en méfiaient, ne dormant que d'un œil, ne voulant donner aucune possibilité à un Uchiha de commettre une nouvelle folie
Sakura était certaine que Sasuke n'irait jamais jusque-là, et elle voulait continuer d'y croire coûte que coûte. Elle s'arrêta devant une pâtisserie, se disant qu'il serait bien d'en amener une pour commémorer l'événement. C'était qu'ils ne l'avaient pas fait depuis son retour parmi eux, Sasuke restant hostile à toutes ces fêtes, bien qu'il se soit peu à peu calmé. C'était bien pour ça qu'elle et Naruto tentaient une approche cette année. Avec un peu de chance, leur ami accepterait de fêter son anniversaire en comité réduit.
Naruto s'était réveillé bien avant Sakura. Il avait filé au saut du lit, chez Sasuke pour lui offrir son présent. Il tenait dans ses mains un gros paquet emballé dans un joli papier glacé bleu ciel, surmonté d'un ruban argenté et bleu nuit. À mesure qu'il avançait, le sourire du blond s'élargissait, même si par moment une ombre inquiète investissait son visage optimiste. En arrivant devant la porte de l'Uchiha, il prit une profonde inspiration juste avant de frapper, cachant son présent dans son dos. Personne ne répondit, et il insista au point de se mettre carrément à taper la porte à grands coups, la voyant enfin s'ouvrir, mais avec violence. Sasuke était là, les cheveux en pagaille et la peau plus blême que d'habitude, son expression encore plus mauvaise que les autres jours. Sa mine déconfite s'assombrit en voyant à qui il avait ouvert, bien qu'il s'était douté de qui se trouvait là bien avant d'y arriver. C'est dans un soupir las et d'une voix encore un peu pataude, qu'il s'adressa à lui :
- Tu me veux quoi, Usuratonkachi ?
- On est quel jour d'après toi ? Fit Naruto, un sourire immense sur le visage.
- Hn ?
Le brun se tourna vers l'intérieur, cherchant une piste sur le calendrier punaisé non loin de là. Il savait que Sakura avait changé le mois la dernière fois qu'elle était venue chez lui, en lui faisant toute une histoire sur le fait que c'était important et il ne savait plus quoi pour la suite. Rapidement il calcula quel était le jour, puisqu'il ne les barrait jamais, et son désespoir se fit encore plus grand.
- Ne me dis pas que c'est ça ? Chuchota-t-il plus pour lui-même que pour Naruto, en se retournant vers ce dernier. Il eut un mouvement de recul en trouvant son visage à deux centimètres du sien.
- Siiiiiii ! tu me laisses entrer, Teme ?
Naruto se faufila entre lui et la porte, s'y faisant coincer par le brun qui n'avait pas du tout envie de le voir passer. C'est dans un soupir à fendre l'âme qu'il s'enferma avec son coéquipier, prenant l'air résigné d'un condamné à mort. En plus d'être de mauvaise humeur, voici que c'était son anniversaire. C'était une date que Sasuke n'aimait pas fêter, en particulier parce que l'année suivant le massacre de son clan, il s'était retrouvé seul pour le faire et que cela lui rappelait leurs absences, si graves à son cœur. L'équipe sept le lui avait souhaité une fois, et il les avait laissé faire, s'étant senti assez bien à l'époque pour ça. Ça avait été au début de leur formation. Depuis son retour, pas une fois ils n'en avaient parlé, bien qu'ils aient tenté deux ou trois autres fêtes de ce genre. Mais aujourd'hui, ce n'était pas le cas. Entre une mission qui s'était mal passée, des gens qui l'avaient exhorté à repartir du village dès son arrivée, et son envie de solitude non comblée qui avait empiré après une nuit trop courte et cahoteuse, Sasuke n'avait qu'une envie, et ce n'était certainement pas de faire la fête ou de voir quelqu'un de joyeux. Faisant la moue, il lui demanda finalement en le voyant planté à côté de lui avec un sourire monstrueux aux lèvres qui ne cessait de s'élargir, ce qui le fit frémir :
- Comment as-tu fait pour te rappeler de la date exacte ?
- Je ne suis pas idiot.
- Si justement.
- Raaah, je suis pas si bête Sasuke ! je peux retenir une date !
Le brun le regarda silencieusement avant de bâiller et de mettre l'une de ses mains à sa hanche, l'autre se couvrant la bouche. Et puis il le fixa, sans ciller une seule fois pendant un long, très long moment. Cet air impatient avait le don de toujours stresser Naruto.
- Bon ok, j'avoue. C'est Sakura qui me le rappelle depuis deux semaines…et j'ai réfléchi depuis à ce que je pouvais t'offrir, et je n'ai vu que ça.
Naruto lui tendit l'énorme paquet, perdant un peu de sa superbe en voyant la joie inexistante de Sasuke et sa motivation digne d'une moule. Ne perdant jamais la sienne, il lui tendit un peu plus le paquet, accompagnant cela d'un petit mouvement de tête l'incitant à prendre le cadeau, ce qui agaça passablement le brun qui ne rêvait que d'une chose : retourner dans son lit bien chaud, lui qui avait enfin un jour de congé après toutes ces missions. Voyant qu'il n'y arrivait pas plus, Naruto essaya de rire pour se déstresser et s'encourager, avant de lui souffler un :
- Allez Sasuke. Tiens, prends-le.
- Qu'est ce que c'est ?
- Ouvre, ça ne servirait à rien qu'il y ait un papier-cadeau sinon ! et tu dis que c'est moi l'idiot.
- Je n'aime pas les surprises, Usuratonkachi.
- Mais si.
- Je te dis que non.
- Mais siii, mais tu le sais pas encore. Allez, s'il te plaît, Sasuke, fais-le pour moi.
Plus vite ce serait fait, et plus vite il aurait la paix. C'est du moins ce qu'espérait Sasuke, car il pensait bien que Naruto allait rester là un moment…s'il ne le forçait pas à sortir et voir du monde, chose qu'il n'aimait toujours pas faire. C'est dans un grognement récalcitrant que l'Uchiha se décida à déchirer l'emballage, balançant le nœud d'un côté, arrachant le papier en pièces. Il se retrouva devant une très jolie boite. C'était une sorte de coffre en bois clair, de forme carrée, mais aux bouts arrondis, faisant une quinzaine de centimètres sur dix de largeur. Elle était finement gravée et polie, recouverte d'une fine couche de vernis la rendant brillante. Et sur le couvercle, il y vit le symbole Uzumaki, ce fameux emblème que l'on pouvait voir pratiquement partout à Konoha sans que l'on sache sa provenance exacte. Voyant Naruto dans un état d'excitation mal contenu, les yeux pleins d'étoiles de voir sa réaction, Sasuke ouvrit le coffret pour y découvrir…rien du tout. Son degré de lassitude atteignit un autre niveau, tout proche de sa limite auto-autorisée, et c'est d'un œil mauvais qu'il fixa Naruto afin d'attendre l'explication.
- Alors !
- …je ne vois rien. Et c'était déjà lui faire dire beaucoup, car exaspéré comme il était, il ne voulait rien savoir et encore moins parler.
- Tu ne vois rien ?
- Non, je viens de te le dire, fit le brun en cherchant à garder son calme quand vingt réponses cyniques lui brûlaient déjà la langue.
- Je vais te dire un indice : je te donne quelque chose de tangible, mais qui est invisible. Tu vois maintenant ?
Sasuke soupira et essaya de comprendre, mais Naruto était tellement imprévisible, et surtout, avait des idées tellement inabordables de sa part qu'il n'arrivait pas à avoir la moindre idée sur la question. Interrogeant le blond d'un coup d'œil insistant, ce dernier lui répondit, non sans prendre quelques rougeurs aux joues malgré un sourire sûr de lui :
- Mon amitié et ma confiance éternelles.
Sasuke le regarda un instant sans broncher, puis éclata d'un rire sonore et moqueur. Un rire si mauvais et humiliant, qu'il fit se sentir mal Naruto au point qu'il en perdit toute sa prestance.
- Tu crois que j'ai besoin de ça ? Tu crois que j'ai besoin de toi ? Mais je vis très bien sans toi, Naruto ! Ce n'est jamais moi qui vais te chercher ou qui te demande quoi que ce soit !
- Mais…
- Il n'y a pas de mais ! C'est comme ça depuis qu'on est gamin, tu traines dans mes pattes, tu me tournes autour, tu me cherches…mais moi je ne t'ai jamais rien demandé ! J'ai toujours voulu que tu me laisses tranquille, mais tu n'as jamais compris ! Ton amitié ? Pour quoi faire ? Je n'en ai jamais voulu tu n'es qu'un boulet que je devais sans cesse aider et qui n'a jamais accepté que je puisse vivre autrement que là où il se trouvait.
- Ce n'est pas vrai, tu…
- Et ta confiance ? Fit Sasuke en lui coupant la parole, prenant un air encore plus inquiétant. Pourquoi en aurais-je besoin ? Tu n'as jamais cru en moi, toujours à me poursuivre, à me dire de revenir et de te laisser m'aider. Je n'ai jamais eu besoin de ça, tu n'avais qu'à toi-même croire en moi et me laisser faire ce que j'avais décidé, tout serait allé parfaitement bien.
- Tu serais mort à l'heure actuelle !
- Tu veux dire que je suis si faible que ça !
Sasuke envoya la boîte à travers la pièce, la faisant s'éclater contre le mur loin derrière Naruto. Tous deux se figèrent. Une des charnières s'était brisée sous la puissance du choc, ce qui avait désarticulé en deux le cadeau si précieux du blond. Ce dernier qui y avait jeté un œil, prit deux grandes inspirations qui soulevèrent tout son corps, et montra sa colère en parlant bien plus fort qu'il ne l'avait prévu :
- Je n'ai jamais voulu dire ça…je n'ai jamais pensé ça ! Tu comprends toujours tout de travers.
- Et toi tu ne comprends jamais rien Naruto !
- Mais je te disais juste que tu pourrais toujours compter sur moi ! Que tu pourrais me demander n'importe quoi ! Que je serais toujours là pour toi, Sasuke !
- Tsss, c'est à cause de ça que j'ai du revenir à Konoha…parce que tu y es et que tu ne veux pas que j'en parte ni que j'en sois à l'écart, ça ne t'a jamais traversé l'esprit que je pouvais détester cet endroit et ne plus vouloir y remettre les pieds de ma vie ?
Naruto avait toujours eu cette sensation que Sasuke pouvait repartir à tout moment, et c'était bien pour ça qu'il gardait toujours un œil sur son ami. Malgré les explications d'Itachi et les éclaircissements après la troisième Grande Guerre sur le clan Uchiha, il était certain que Sasuke ne vivait toujours pas dans la lumière, continuant de voir le mensonge partout autour de lui. Cela semblait nécessaire à sa survie, et c'est pour ça qu'il tentait de l'aider par sa présence, jour après jour, et le débarrassait de ses démons. Il ne supportait pas de voir l'une des personnes qui comptait le plus pour lui, se faire autant de mal.
- Mais je vais changer tout ça ! Je vais devenir Hokage et tout ça ira mieux, je…
- Je rien du tout, Usuratonkachi ! Même si je peux avoir l'impression d'être libre, je ne le serais pas vraiment. Je ne le serais jamais…dès que je prends une décision, dès que je veux partir, dès que je veux faire quelque chose, le village pèse sur moi. Si ce n'est lui, c'est toi…et vous ne supportez pas que je le sois, je suis trop dangereux pour ça…Et ça peut importe le temps qui passe !
- C'est…C'est faux, osa articuler Naruto qui était horrifié de voir son meilleur ami prendre toute sa vie comme une gêne et le village comme un ennemi. Il pensait que tout ça était loin, et pourtant ce n'était pas le cas.
- C'est la stricte vérité, sans toi je ne serais pas ici. Moi, je n'ai pas besoin de toi pour vivre !
Sasuke venait de le pousser, et cet acte l'avait calmé et réveillé. Il voyait qu'il dépassait les bornes, mais il était fatigué, il voulait la paix, loin de lui et de toutes ces responsabilités. Il n'était pas d'humeur à prendre des gants ni à arrêter ces paroles dont la moitié n'était pas vraie. Il aimait bien Naruto, il avait confiance en lui et l'estimait assez pour l'écouter et se plier à certaines choses. Mais autant pouvait-il le chérir, autant il pouvait aussi le détester. Aujourd'hui était un mauvais jour, l'un de ceux où il était mieux qu'il ne voit personne. Naruto posa sa main sur son épaule, comme voulant s'assurer que c'était bien Sasuke face à lui et qu'il ne rêvait pas, comme c'était parfois le cas et où il se réveillait en sursaut. Le brun s'en débarrassa, lui fichant une claque en pleine face. D'habitude Naruto n'y répondait pas, mais la ce fut automatique, et l'Uchiha sentit sa joue lui brûler.
Des cris venaient de l'intérieur de chez Sasuke, et Sakura qui venait d'arriver vit voler une sacoche par la fenêtre. Les deux voix étaient celles de ces deux coéquipiers, et elle se dépêcha d'aller à la porte, ne sachant pas ce qu'avait bien pu faire Naruto pour mettre Sasuke dans cet état de furie…ou vice versa. Elle savait qu'il avait un don pour agacer l'Uchiha, en particulier depuis qu'il était revenu au village et s'en trouvait très tatillons, mais là, ça avait l'air grave. Elle ouvrit la porte sans même avoir pensé qu'elle aurait pu être fermée à clef, et elle trouva les deux hommes de sa vie en train de se battre dans la pièce. Naruto tomba violemment au sol roulant contre un mur qui en trembla, et elle s'attendit à le voir sauter toutes griffes dehors sur Sasuke quand il se relèverait. Mais avant cela, le brun hurla un :
- Sors de ma vie ! Tu ne sers à rien ! Tu m'emmerdes plus qu'autre chose, tu me gênes ! Tu m'empêches de vivre ! De respirer ! Tu n'es qu'une tare qui n'aurait jamais dû exister !
Sakura poussa un hoquet de surprise, se figeant sur place à l'entente de ces mots. Naruto pouvait en supporter des choses, mais ce genre de parole venant tout droit d'une des personnes qui comptait le plus pour lui, était comme une mise à mort publique. Sasuke s'entendit et s'énerva encore plus, parfois sa haine allait aussi contre lui-même, surtout quand il voyait l'une des dernières personnes qu'il chérissait encore, se mettre dans un tel état. L'Uzumaki tremblait devant lui, l'air impuissant et indigné. Toutefois, ce qui choqua le brun et lui fit comprendre qu'il avait été trop loin, furent les larmes aux bords des yeux de son ami, ainsi que le sanglot qu'il perçut dans sa voix. Lui qui aurait cru entendre de la colère, fut assez stupéfait de l'entendre dire d'une manière assez pitoyable :
- Pourquoi tu t'efforces de toujours voir les choses du mauvais côté et de détester tout le monde ! Alors…alors que…qu'on veut juste t'aider et te soutenir !
Sasuke garda silence, le toisant de haut. Il était trop souvent ainsi, alors que lui-même avait parfois envie de se mettre une bonne claque en pleine face pour arrêter d'être si arrogant. Mais il n'y arrivait pas, il était comme ça, et puis Naruto lui pardonnait toujours…
- Puisque je ne suis rien, alors je ne serais plus rien.
Le ton avait été solennel, son regard empli d'une détermination sans faille. Le blond avait pris sa décision, mais Sasuke n'y croyait pas plus que ça. Son ami avait cette habitude de toujours revenir à lui sans qu'il n'ait rien à faire, rien à dire. Naruto le dépassa, sans un regard de plus, sans un mot de plus, et passa la porte pour disparaître de sa vue. C'est là que Sasuke remarqua Sakura, l'air choquée. Cette dernière pouvait voir le cadeau du blond, celui qu'il avait pris tant de soin à faire faire, qui gisait sur le sol, sa charnière brisée…comme l'expression qu'avait eu le visage de Naruto en la croisant à l'instant.
Naruto arrivait à avoir beaucoup de choses en s'y accrochant assez longtemps. Mais l'aval de Sasuke, il ne l'obtenait jamais réellement malgré toute sa force et sa détermination. Sakura était en colère de voir tant de gâchis, et elle aurait bien voulu le gifler. Au lieu de quoi, elle se fit glaciale, bien plus effrayante que le jour où elle avait tenté de le tuer. Cette fois-là, elle avait douté, tremblé, pleuré. Aujourd'hui, elle le dévisageait sans autre émotion qu'un dégoût profond. Sasuke l'avait déçu, comme il avait déçu Naruto. Il le savait, mais n'y fit rien.
- Joyeux anniversaire, idiot ! Lança Sakura en lui jetant son cadeau dans les mains avant de tourner les talons.
Sasuke grommela, referma sa porte en la voyant disparaître un peu plus loin, puis retourna se coucher. Longtemps il chercha le sommeil, bien trop énervé par ce qui venait de se passer pour y arriver. Mais sa fatigue reprit finalement le dessus, et il sombra dans les bras de Morphée.
Sakura chercha longtemps Naruto, cela sans jamais le trouver. Il avait comme disparu du village, et cela l'affectait. Elle détestait quand il se cachait comme un chien blessé pour soigner ses plaies, alors qu'elle était là. Serrant les poings, elle continua de chercher, même si c'était en vain. Elle savait quelle importance avait l'Uchiha dans la vie de son coéquipier. Plus qu'un autre, la jeune femme avait compris ce qu'il ressentait. Ça avait été son cas durant des années…
Quand Sasuke se réveilla un peu plus tard, tout était brouillon dans sa tête. Il se souvenait de choses qui semblaient sortir d'un mauvais rêve. Sauf que sur sa table de chevet il y avait le cadeau non ouvert de Sakura, et que près de sa télé il retrouva celui de Naruto.
Il se sentait idiot.
Le ramassant, il le ramena près de son lit et le posa à la place de celui de Sakura. S'asseyant d'un air las, il fixa le paquet intact un long moment. Un paquet tout blanc surmonté d'un joli nœud vert, bleu et orange. Il ferma les yeux, ouvrit l'emballage, et trouva un cadre photo où se tenait l'équipe sept d'origine. C'était une photo qu'ils avaient fait deux mois auparavant, Naruto l'ayant traîné derrière lui pour qu'il la fasse, insistant sur son utilité et tout un tas de tralala qu'il avait à peine écouté. Il ne se souvenait pas de la main du blond dans la sienne, ni de la chaleur de celle-ci, mais il se rappelait sans mal de son sourire allant d'une oreille à l'autre quand le déclencheur fit son travail et les ramena des années en arrière. Sasuke soupira et alla poser le cadre près de son homonyme, celui qu'il avait récupéré et mit dans son nouvel appartement. C'était là la seule famille qui lui restait, les seuls êtres qui lui pardonnaient.
Il était idiot.
Sasuke reprit bien vite sa vie de tous les jours : prendre un ordre de mission, l'exécuter, empocher le petit pécule que cela représentait et vivre. Vivre étant le plus dur pour lui. Il n'y avait rien de plus difficile que ça. Se réveiller et voir le monde tourner. Tuer et se voir continuer. Manger, dormir, lire, parler, s'entraîner, marcher…une routine bien huilée, mais si vide de sens. Il n'avait rien, et bien vite il commença à trouver le temps long. Depuis son retour au village, il avait très peu eu l'occasion de se retrouver face à lui-même. Seul, il avait du temps pour observer la vie de l'autre côté de sa fenêtre, se plongeant dans de longues contemplations de la vue qui s'offrait à lui. Par moment, il changeait de spot, s'asseyant quelque part dans le village et si possible loin des gens qui le détestaient toujours et le montraient souvent ouvertement. Là, il regardait encore la vie s'égrener devant lui, lentement mais surement. De lui-même il s'était abstenu de toute vie sociable, et maintenant même ses connaissances ne faisaient rien d'autre que de le saluer de loin, préférant le laisser jouer au solitaire puisqu'il avait décidé d'avoir ce rôle depuis tant de temps. Pour casser cette routine, il pouvait s'entraîner des heures entières sans qu'on ne vienne l'interrompre, et cela, au point de se retrouver complètement vidé. Très vite il remarqua une absence, qu'il y avait moins d'animation dans sa vie…mais il n'osa pas se l'avouer, croyant être plus heureux ainsi. Plus de visites impromptues, plus de hurlements, plus de défis, pas d'odeur de ramens ni de grands sourires dignes d'une publicité pour dentifrice. Non, plus rien de tout ça, juste le calme plat.
Le temps était long.
Ce n'est qu'au bout d'un mois qu'il croisa à nouveau Naruto, cela par pur hasard, n'ayant plus de mission avec lui depuis un bon moment. Ce dernier le salua quand ils se retrouvèrent l'un à côté de l'autre dans la rue, mais contrairement à ses habitudes le blond le laissa alors que le brun s'attendait à tout sauf à ça. Naruto retourna à ses activités et cela sans lui demander de nouvelles, sans vouloir l'amener boire un verre ou manger un ramen. Un calme bien étrange qui rendit perplexe l'Uchiha, tandis qu'il regardait la silhouette de son ami s'éloigner au bout de la rue. Dans un haussement d'épaules, il reprit sa route, mais au fond de lui Sasuke avait bien compris ce qui lui avait manqué ces derniers temps. Seulement, sa fierté lui interdisait de faire le premier pas.
Par la suite, Naruto s'adressa à lui de la même manière : tenant une distance et de manière polie. Ce fut comme ça à chaque fois, le garçon le plus turbulent du village, et même s'il s'était assagi avec l'âge, n'avait presque plus d'émotion en sa présence.
Sakura lui en voulut bien plus, et bien qu'elle le voyait plus souvent, le bouda et fit la moue dès qu'elle devait impérativement lui parler alors qu'elle n'en avait pas envie. Ce n'est qu'au bout d'un mois et quelques jours que la situation s'arrangea avec elle. Sasuke s'ennuyait ferme, en congé forcé après une mission qu'il avait eu envie de foirer juste pour animer un peu sa vie. Il s'était bien amusé d'ailleurs, mais avait mis en péril la vie de l'équipe qui l'accompagnait. Sauf que ce jour-là, un Anbu s'était montré pour aider le reste de l'équipe en difficulté. Ce seul homme attira son attention et le fit rapidement régler la situation pour que tout le monde s'en sorte. L'Anbu lui avait fait face de toute sa stature, droit et sur le qui-vive, le fixant de derrière son masque à forme de canidé. Ses cheveux blonds, sa musculature, cette aura…son odeur…Sasuke était certain d'avoir eu affaire à Naruto, et c'est assez agacé qu'il le vît repartir en silence.
Jamais son coéquipier ne lui avait dit être devenu Anbu, et cela le vexait considérablement. Il était en train de s'attarder sur ces sentiments là, sous son arbre habituel, quand Sakura vint prendre place à côté de lui, fronçant les sourcils et serrant les dents, toujours en colère contre lui. Elle resta là un bon moment, contemplant ce que lui-même observer depuis son arrivée. Les enfants qui chahutaient, les adultes qui échangeaient, quelques animaux se fendant furtivement dans le décor lui-même balayé par un soleil déclinant lentement…si lentement. Tout baignait dans une béate sérénité de ce point de vue, une bulle où tout semblait intouchable et inchangeable. C'était ici qu'une des plus grosses attaques de l'Akatsuki avait commencé des années auparavant. Sakura voulait vraiment que Sasuke prenne la parole, qu'il lui dise avoir réfléchit à ses actes, voir peut être même qu'il était désolé. Mais Sasuke était de ceux qui ne voulaient jamais avoir tort, et à qui il fallait arracher la moindre vraie parole. En se contrôlant du mieux qu'elle put, Sakura s'adressa à lui :
- Pourquoi tu fais cette tête, Sasuke ?
- Quelle tête ?
- Ce que tu peux être bête quand tu t'y mets ! J'en ai marre de te voir avec cette tête stupide, espèce d'idiot ! On dirait que tu portes le poids du monde sur le dos ! Qu'est ce que tu as !
- Rien.
- Ne te fiche pas de moi, je sais ce que c'est ! Tu n'as même pas besoin de me l'avouer j'en suis sûre ! Depuis que vous vous êtes disputé, tu fais une tête d'enterrement. On ne te voit même plus sourire, même pas te moquer des autres ! Tu n'existes même plus dans le village, tu ne sors que quand tu vas en mission ou que tu dois te nourrir ! T'es aussi vivant qu'une tombe sans lui !
- Ah.
- Tu m'énerves !
Sakura l'attrapa par le col, le ramenant juste à deux centimètres de son nez. Jamais encore elle n'avait agi ainsi, et il pouvait sentir toute sa fureur envers lui. Elle, si réservée bien que tenant un peu moins sa langue qu'à leur douze ans, venait pour la première fois depuis son retour, de lui hurler ouvertement dessus et de lui mettre une claque. Dérangée par sa propre réaction, Sakura s'écarta de lui en se tenant le poignet du bras fautif. Elle était agitée, en colère et triste, tellement désespérée de les revoir enfin ensemble et heureux. Pourquoi Sasuke ne voyait-il pas qu'il l'était quand Naruto était dans les parages ? C'était bien là les seuls moments où on pouvait le voir s'animer et vivre réellement.
- Je me demande comment il fait avec toi…même moi j'ai du mal à me contenir…même moi j'ai voulu abandonner, mais lui jamais, pas une fois ! Assume et va lui demander pardon, c'est toi qui lui a dit tout ça…fais-le. Rien que pour cette fois, admets-le ! Fais-le !
Il la regarda d'un œil morne, sans bouger d'un pouce, retournant finalement à sa contemplation. Elle avait raison, il devait l'admettre. Toutefois, le penser était bien plus facile que le dire. Sasuke soupira, Sakura s'en alla après l'avoir regardé une dernière fois, sa tête se balançant lentement de gauche à droite. D'un geste, d'une parole, il aurait pu l'arrêter, mais c'était trop lui demander. Il ferma les yeux, cherchant quand avait été simple sa vie pour la dernière fois.
Sasuke ne savait jamais vraiment quel jour on était, suivant juste un rythme jour/nuit et ne se renseignant que lorsqu'il avait une mission dont la donnée temps était importante à sa réussite. Sakura ne venait plus tourner pour lui le calendrier qu'il possédait, et Naruto n'était plus là pour lui hurler qu'on était en week-end ou que la semaine débutait juste. De temps en temps, il le croisa. Le trouvant toujours aussi distant, toujours aussi atone dans sa manière de lui parler, ce qui commença à l'énerver. Et puis, Sasuke se surprit parfois à se rendre là où il savait le trouver, souvent à l'Ichiraku. Dans ces moments-là, il se fustigeait intérieurement, repartant presque aussitôt qu'il comprenait ce qu'il venait de faire inconsciemment. Mais ici ou ailleurs, ça ne changeait pas vraiment. Naruto avait, depuis un bon moment, investi ses pensées. Son absence commençait sincèrement à lui déplaire et son attitude tout autant, quand il le vit agir à son habitude avec tous ses autres amis. Bizarrement, ce n'était pas trop le cas avec les autres, encore que Sakura pouvait surgir dans ses pensées. Mais contrairement au blond, pour eux cela restait rare.
Le mois de septembre lui sembla si long et si court en même temps, que sa patience en subit un grand coup. La mission qui en composa les deux premières semaines ne parvint pas à endiguer sa mauvaise humeur. Quand il rentra au village, il chercha Sakura et appris qu'elle était en mission. Patientant du mieux qu'il put son retour, Sasuke fit même peur aux parents de la pauvre Haruno qui faillit faire une crise cardiaque en le voyant boire un thé avec eux quand elle rentra. Ce n'était pas qu'elle avait peur de ce qu'aurait pu faire Sasuke à ses parents, mais un peu quand même. Tenter le Diable n'était pas une chose qu'elle aimait particulièrement faire. Elle le conduisit dans sa chambre, lui demandant juste de patienter un instant, afin qu'elle puisse se mettre à l'aise. Cela laissa le temps à l'Uchiha de jeter un regard sur la pièce, des quelques rares peluches aux nombreux ouvrages de médecine en tout genre. Des tenues très féminines qu'il ne l'avait jamais vu porter, aux quelques vernis à ongles qui trônaient dans un tout petit coin de la chambre. Sur le miroir de sa coiffeuse étaient coincées les photos de l'équipe, dont une avec Saï. Le meuble accolé à celui-ci voyait s'y reposer ses kunais et autres ustensiles ninjas. Sakura revint, se séchant les cheveux encore humides de sa douche rapide, habillée simplement d'un tee-shirt assez court pour ne pas lui cacher le nombril, et d'un mini short noir. Ayant pris place sur le coin de son lit, Sasuke ne lui laissa guère d'autre choix que de s'asseoir à la chaise de sa coiffeuse.
- Alors, qu'est ce que je peux faire pour toi, Sasuke ?
- …
- Tu es bien là pour me demander quelque chose, non ? Tu n'es pas du genre à venir me voir juste par sympathie…enfin, j'aimerais me tromper.
Sasuke baissa la tête un instant, avant de la regarder droit dans les yeux. Quelque chose devait le déranger, car il n'avait pas l'air apaisé, et il était si rare qu'elle puisse lire ouvertement sur son visage.
- Naruto ne me parle pratiquement plus. Il ne vient même plus me voir.
- Ah oui ? Et ça t'étonne ?
- …
- Je trouve ça plutôt normal, après ce que tu lui as dit. Il l'a pris au pied de la lettre, c'est tout. Ça lui a tellement fait de mal venant de toi. Je t'avais dit de faire le premier pas. Toi, tu n'as jamais eu besoin de le faire, c'est toujours lui qui vient à toi. Devance-le pour une fois, c'est tout.
- Sakura…
- Oui ?
- Tout va bien pour lui ?
- Hm.
Cette simple réponse l'apaisa, et Sakura le vit bien. Ça faisait un moment qu'elle pensait que Sasuke pouvait être attiré par Naruto, et vice-versa. C'était dur à accepter, mais elle en était quasiment sûre, et pour rien au monde, pas même ça, elle ne les aurait rejetés. Elle aimait tant ses deux idiots de coéquipiers.
- Naruto a décidé de faire sa vie maintenant que tout va bien pour toi. Il m'a dit que si tu avais un problème, il serait toujours là pour toi, mais puisqu'il te gêne, et bien qu'il ne viendrait plus t'embêter. Il fait exactement ce que tu lui as demandé. Mais…
- …
- Mais s'il te manque, tu sais ce qu'il te reste à faire, non ?
Sasuke ouvrit la bouche pour protester, lui jeter à la face une quelconque insanité, lui rabattre le caquet. Pourtant, pas un son ne sortit de sa gorge. Pour une fois, il décida d'être franc et d'accepter, de ne pas envenimer les choses. Un sourire assez doux se posa là, en parfait étranger sur son visage souvent amer, lui donnant une expression angélique et si sereine qu'elle subjugua la jeune femme.
- Sasuke ?
- Merci Sakura.
Pour la première fois de sa vie, Sakura eut l'impression que son acolyte était vraiment heureux. Sasuke se leva, la surprenant quand il arriva sur elle pour la prendre dans ses bras et encore plus quand il l'étreignit gentiment et lui déposa ses lèvres sur son front. Tellement de douceur et d'amour de sa part que son cœur manqua un battement. Il s'en alla en partant par sa fenêtre, la laissant là, la bouche en forme de o, encore estomaquée de ce qu'il venait de faire. Complètement lessivé, Sasuke retourna chez lui et s'endormit d'une traite, se réveillant bien plus tard avec l'étrange sensation d'un rêve insaisissable. Son caleçon mouillé lui en apprit un peu plus sur le fait qu'il se sentait moins tendu que d'habitude, mais pour ce qui était l'objet du rêve en question, il ne s'en souvenait plus. Cela se reproduisit plusieurs fois dans la semaine, sans qu'il n'en retienne le principal, mais juste quelques sensations plaisantes et quasi euphoriques. Cela jusqu'à ce qu'il voit Naruto et en comprenne le sens quand son corps décida de réagir. Il chercha à ignorer cette réaction, mais en vain. Cette fois-là, Naruto lui parla plus qu'à l'accoutumer et lui fit un sourire traître, riant même avant de s'en aller.
Un peu plus tard, après avoir trouvé un endroit où se cacher pour répondre à son instinct qui le torturait depuis son entrejambe, Sasuke fixa sa main et la semence qui s'y trouvait. La sienne. Il avait vu Naruto, avait pensé à lui, et son corps venait de lui prouver ce qu'il interdisait à son cœur de lui dire depuis un bon moment. Cela le perturba. Qu'est ce qu'il venait de faire ? Ne pouvant oublier la sensation qui venait de se répandre dans tout son corps, Sasuke rentra chez lui et y resta enfermer. Mais plus il essaya d'oublier, et plus cela se fit présent et évident à son esprit.
C'était une nouvelle forme de peur qui se créa en lui, et elle lui déplaisait énormément. Ce n'était pas le regard des autres, ni même tout ce qui était tradition qui l'effrayait, mais plutôt le fait qu'il avait du mal à se contrôler. Rien que de penser au blond, et son corps se remplissait de drôles d'émotions, comme libérées en rafale après avoir été refoulées si longtemps. Et la transmission de son nom, bien que l'idée d'en faire le fardeau d'un autre était presque au dessus de ses forces, pouvait aussi être un problème …tout comme le fait que Naruto le rejette purement et simplement. Cela faisait bien longtemps que ses pensées n'avaient été si embrouillées, et le lendemain, Sasuke demanda une longue mission.
Loin du village, loin des soucis. C'est ce qu'il crût. Mais Naruto était toujours là dans ses pensées et ses rêves, le poussant à chaque fois un peu plus à abandonner l'idée d'une proche progéniture, tout comme de prendre une femme. Rien que de les voir autour de lui le dérangeait, et plus il y pensa, plus cela devint une évidence. Il ne pouvait jamais vraiment être tel qu'il était quand il se trouvait avec elles. Il termina sa mission à l'aube de la nouvelle année. Le village était en liesse, les fêtes étant d'autant plus prises à cœur que les gens voulaient oublier les horreurs qu'ils avaient pu voir en masses ces dernières années. Une douce atmosphère baignait les rues, et pour la première fois depuis des années, il eut l'impression d'être rentré chez lui. Mais une fois dans son appartement, le silence le prit à la gorge. Décidant de ressortir pour ne plus le subir, il se retrouva à déambuler dans les rues, sans but précis. Il vit Naruto au loin, un verre à la main et en plein fou rire avec un petit groupe. Pour la première fois de sa vie, il fit un pas positif. Sakura l'accueillit d'un sourire heureux, et Naruto fut si surpris qu'il ne parvint pas à le dissimuler, tout comme les regards assez perplexes qu'il reçut du reste de la bande. Mais aucun ne le renvoya chez lui, l'acceptant en toute simplicité. Il les suivit toute la nuit durant, même si le plus souvent il resta sagement assis à leurs côtés, pour finalement finir la nuit chez Naruto avec eux qui se souhaitèrent le meilleur. Quelque peu ravagé au matin, ou plutôt en début d'après-midi puisque c'est là qu'il se leva, Sasuke sentit son sentiment de bien-être faire un bond, quand Naruto qui était au fourneau et encore sous les effets de l'alcool s'amusa à grand renfort d'éclats de rire à rater la cuisson de ce qui aurait pu être comestible.
Quand il rentra chez lui, ce fut pour se reposer toute une journée, et malgré la semaine qui passa, Naruto ne revint pas le voir. C'était vrai qu'il lui avait dit de ne plus venir l'importuner, ce qui sous-entendait que lui seul pouvait choisir quand aller à sa rencontre. Mais Sasuke aurait cru le voir braver cet interdit dès qu'il aurait fait son premier pas vers lui. Il fallait croire que ce n'était pas encore suffisant. Sur le point de céder pour aller visiter Naruto, un Anbu l'intercepta à sa porte et lui donna un ordre du Hokage pour une nouvelle mission, lui demandant d'aller la consulter de suite. Sasuke se retrouva sur le départ, deux heures à peine après cette visite inopinée. Il passa du temps à l'extérieur, mais revint plusieurs fois au village. Il s'évertuait à se réconcilier avec son coéquipier, même si ce dernier ne se décidait toujours pas à revenir vers lui. C'était donc lui qui initiait leurs rencontres, et cela n'était pas toujours aussi facile que ça. Mais Sakura qui observait beaucoup Naruto, vint un jour lui rendre la tâche plus aisée, en lui avouant que le blond l'aimait toujours autant…et peut être bien plus que ce qu'il n'aurait fallu. Sasuke leva un sourcil sceptique, ne voyant rien qui pouvait trahir un amour de ce genre, mais la jeune femme était sûre d'elle. Naruto ne le regardait pas comme les autres hommes, et par deux fois il s'était épanché sur son épaule, bien trop soûl pour s'en rappeler, mais pas elle qui en avait retenu le principal.
Quand sa dernière mission prit fin, sa décision était prise. En rentrant au village, il se rendit au quartier Uchiha, endroit qu'il fréquentait rarement, mais où il aimait se recueillir. Il rentra chez lui, maison dont il n'avait plus passé le seuil depuis le jour où il était revenu sur ses pas pour vérifier son pire cauchemar. Rien n'avait changé ici, tout était poussiéreux, tout était mort. Tenter de transmettre son nom et son histoire à un enfant n'aurait fait que retarder l'inévitable, et malgré toute la colère qu'il avait pu avoir, ceux qui l'avaient engendré étaient tous morts aujourd'hui. C'était une évidence, voilà tout. Une ombre attira son regard dans la chambre de son aîné, et en s'approchant, il découvrit derrière une pellicule de poussière le vieux miroir de son frère. Ainsi, il avait l'impression de le voir l'observer, de ses yeux un peu délavés et fatigués qui n'aspiraient qu'à un repos bien mérité. D'un simple coup de main sur la surface, et ce fut bien son visage qui s'y dessina. Son frère avait eu droit à certains honneurs, il n'était plus l'oublié de l'histoire…ça l'avait rendu encore plus fier de lui…et il le devait à Naruto. Lui n'avait cherché que le conflit, alors que le blond avait expliqué, argumenté, prêché…encore et encore, jusqu'à ce que l'idée fasse sa route.
Il était temps de vivre pour soi. C'était sa faute, c'était lui le problème, ça n'avait jamais été Naruto. Sasuke se regarda encore une fois dans le miroir et vit combien il était désarmé. Il détestait avoir cette impression, mais aller faire avec. Parfois, il y avait des risques à prendre, et sa décision était prise depuis des mois, c'était à lui de capituler, sinon jamais plus il ne pourrait ainsi se regarder dans un miroir. Sa main toucha la surface glaciale, tandis que son regard se fit lointain en repensant à ce que Naruto avait répondu lorsque ses amis lui avaient dit qu'il était aussi froid que de la glace.
- La glace ce n'est rien, ça fond dès qu'on arrête de lui fournir du froid. On n'a qu'à arrêter de lui en donner autant, et creuser jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus. Alors, vous verrez peut-être ce que moi je vois. Parce que quand l'on subit autant, il arrive un moment où l'on a même plus envie de faire le moindre effort, la moindre concession. Moi je sais ce que c'est, j'ai longtemps été à l'écart, mais je sais aussi que l'on récolte ce que l'on sème.
Leurs visages s'étaient pour la plupart déconfits, cela les avait fait sans aucun doute réfléchir. En tout cas, suite à cette petite altercation, car le ton de Naruto n'avait pas été des plus plaisants, ils avaient fait l'effort de ne plus le charrier autant, de ne plus le descendre et de le ramener plus bas que terre. Alors, lui aussi l'avait fait, arrêtant de défier tout le monde et cherchant malgré sa colère à vivre normalement. Ce n'était pas toujours facile, mais personne ne lui avait promis que ça le serait. Sasuke écrasa son poing contre son reflet, ne put retenir le petit sourire qu'il avait et sortit de chez lui. Le quartier Uchiha était toujours aussi mort, et à chaque fois ça lui rappelait qu'il était rentré un soir sans se douter que son petit monde était en train de mourir. Il s'était réveillé ce matin-là en étant aimé, en aimant, en partageant et en sachant qu'il y aurait toujours quelqu'un pour l'aider ici. C'est pour ça qu'il n'avait jamais eu besoin d'amis. Sa famille, son clan, avaient été son tout, son univers, sa vie, un espace autonome où personne d'autre n'y avait place. Et au soir, il n'y avait plus rien eu que le froid et les ténèbres. Il avait tout perdu. Vers qui se tourner ? Il n'y avait personne, personne qui pourrait combler ce néant qui venait de l'attraper pour jouer avec lui. Oui, il savait qu'il aurait pu s'en sortir, qu'il aurait pu avoir une vie normale, faire comme Naruto et se trouver une deuxième famille. Mais son frère tant aimé l'avait mis à l'épreuve, et il n'avait pu s'y résoudre, car toute sa peine et sa rancœur s'étaient focalisées sur ce Pygmalion. Plus que la peur d'être seul, de ne pas savoir quoi faire, il avait eu ce but. C'est ce qui l'avait maintenu en vie face au désespoir de la réalité qui l'avait frappé de plein fouet, sans pitié, sans une minuscule once de compassion.
Mais aujourd'hui ?
Aujourd'hui, Sasuke avait compris que ce genre d'horreur frappait n'importe qui, n'importe quand, se fichant bien de savoir si la personne atteinte n'était qu'un jeune enfant ou un adulte dans la force de l'âge. Ça venait, ça happait, ça repartait, c'était la vie et ça faisait mal. Mais c'était à lui de faire en sorte que ça ne lui arrive plus et que tout aille mieux…du moins, c'était ce qu'il avait compris ces derniers mois. Derrière lui il y avait son quartier, silencieux et vide. Devant lui se trouvait le reste de Konoha et tant de vie. Il y fit un pas puis un autre, retournant vers les rues animées du village. Sasuke se sentait maintenant en paix ici. Plus personne ne l'attaquait, parfois on le regardait de travers. Qu'importe. Il pouvait marcher librement dans les rues, écouter les gens, se sentir entouré même s'il serait toujours seul. Seul. À cette pensée, Sasuke s'arrêta et regarda autour de lui. Tout était tranquille, des gens marchaient, d'autres parlaient alors que des enfants se pourchassaient en riant à pleins poumons. Il y avait des chats qui tournaient autour d'une vieille femme leur préparant à manger, un commerce était en train de se fermer, un bar était en train de s'ouvrir. La vie continuait, cruellement, sans eux, mais toujours avec lui. Aujourd'hui il savait que viendrait un jour où il ne verrait pas le matin et où les autres devraient poursuivre jusqu'au lendemain, jusqu'à ce qu'enfin ils le rejoignent. C'était ça la vie…du moins en partie. Jusqu'à ce qu'arrive ce matin sans futur et qui n'était précisé pour personne, il se devait de vivre au mieux sa vie jusqu'à son point final. Vivre pour qu'au jour de sa mort il soit assez satisfait pour s'endormir en paix. Ça ne pouvait être encore le bon moment, il avait fait trop de mal et pas assez de bien, pas même à lui-même, pour pouvoir s'endormir à jamais et retrouver sa famille. Sasuke reprit sa marche empruntant une voie un peu plus vivante, là où il savait que les gens le regarderaient. Mais il s'en fichait, il ne vivait plus au travers des yeux des autres depuis bien longtemps. Il s'arrêta sur une étale, acheta ce qui l'intéressa et poursuivit sa route.
Aujourd'hui était un bon jour pour demander pardon.
Le poids qu'il avait sur les épaules lui sembla tout à coup un peu moins lourd, et il continua de marcher nonchalamment, respirant un peu mieux l'air doux qui flottait, écoutant le brouhaha de la vie alentour. C'était plaisant de vivre, de prendre le temps d'écouter et de voir, de simplement ressentir cela même si ça faisait mal. Car à chaque fois, il voyait ce qu'il aurait pu perdre. Il s'arrêta de nouveau et leva les yeux vers le ciel dont le bleu se nimbait d'autres couleurs plus chaudes, s'estampant d'orange et de rose, ainsi que d'un vague jaune très pâle. C'était une palette d'artiste qui recouvrait la toile infinie qu'offraient les cieux, nimbant le monde d'un doux manteau encourageant. Il y prit une grande bouffée d'air frais. Il était si calme maintenant, enfin en accord avec lui-même et avec le reste du monde. Il lui avait fallu tant de temps.
Il sauta sur un balcon et y rebondit jusqu'à un toit où il tomba, avant de continuer son parcours aérien pour finalement arriver à la fenêtre qu'il visait. Son cœur n'avait cessé de se rappeler à lui, comme lors de ces derniers mois à chaque fois que les mots s'étaient trouvés au bord de ses lèvres quand il l'avait vu. Sasuke avança une main fébrile pour ouvrir la fenêtre, se trouvant ridicule, mais n'arrivant pas à se contrôler. C'était comme avec son cœur, c'était idiot…C'était humain. Il n'eut même pas besoin de la forcer et s'assit sur le rebord, profitant du vent à cette hauteur qui lui caressa le visage et l'apaisa à peine. Sasuke était arrivé chez Naruto, celui-ci était couché dans son lit et c'était tendu dès qu'il avait senti sa présence persister. Naruto ouvrit les yeux, mais l'Uchiha ne bougeait pas de sa place, alors lentement il se redressa pour le trouver toujours assis au même endroit. Sasuke lui faisait dos, ne voulant pas le regarder. Naruto attendit patiemment de savoir pourquoi il était là, n'osant lui demander de peur de se prendre la même raclée verbale que l'an passé. Le brun était tellement tendu. Mais rien ne vint, ni remontrances, ni questions, pas même un salut, rien.
- Tu as besoin de quelque chose, Sasuke ?
Toi ? Il avait tellement envie de lui dire ça, mais sa gorge était sèche, et d'un geste rapide, mais quelque peu maladroit, Sasuke déposa sur le rebord du lit un simple sac en plastique où il était accroché maladroitement un bout de ruban multicolore. Un cadeau ? Pensa Naruto, quand la main pâle frôla le ruban pour rapidement revenir à sa place. Pour qui ?
Naruto crut que Sasuke voulait se moquer de lui, lui faire croire que c'était pour lui, alors qu'il lui avait dit le détester. C'était bien pour ça qu'il se retenait d'aller le voir à chaque fois, non ? Alors qu'est ce que ça voulait dire ce cadeau ? Naruto se sentit mal au point qu'il ne savait même pas quelle réaction avoir. Lui hurler dessus ? Déjà essayé. Se battre avec lui ? Inutile, c'était fait. Pleurer ? Ça lui ferait tellement plaisir qu'il avait décidé de ne jamais lâcher une larme devant lui. C'était vrai qu'il l'avait vu venir quelques fois à sa rencontre, qu'il était même resté avec lui à certaines occasions, mais cela ne changeait rien aux paroles que Sasuke lui avait dit. Non ?
Naruto leva la tête vers la silhouette de son ami qui se découpait dans le paysage si doux et calme, et pour la première fois depuis longtemps il le trouva apaisé, encore bien plus beau qu'à son habitude, et cela même de dos. Sasuke se tenait droit, faisant ressortir le symbole de son clan qui était dessiné discrètement sur son haut noir sans manches. Sasuke était un bel homme, même lui pouvait le reconnaître. C'est quand il pensa à cela que le brun se retourna vers lui. Ses yeux étaient si sereins qu'ils galvanisèrent le blond, mais l'inquiétèrent aussi. Il ressentit un malaise, une peur face à son calme, surtout que Sasuke eut un sourire qu'il ne connaissait pas. Ce dernier pensait qu'aujourd'hui ils étaient tous les deux désarmés, et qu'il était temps d'une trêve, car cette date était parfaite. Il voyait qu'il inquiétait son ami, car sourire chez lui de cette manière devait être bien plus terrifiant que de le voir tel qu'il était à son habitude : imbuvable.
- Naruto.
Le blond se tendit en entendant son prénom être dit d'une telle manière, et prit même quelques couleurs sur les pommettes. C'était un chuchotis presque intime, bien trop gentil, qui lui donnait envie de fuir le plus loin possible. Que pouvait bien lui vouloir Sasuke ? Le soleil qui venait de descendre un peu plus l'enroba de lumière, et ses yeux s'agrandirent, faisant ressortir le bleu de son regard et entrouvrir un peu sa bouche. Du bout de la main, Sasuke poussa le cadeau vers lui :
- Je voulais te dire que je suis désolé.
Désolé pour quelle raison ? Naruto n'osait l'interrompre pour savoir. Sasuke ne lui donnait pas l'impression d'avoir fini de parler. Il était suspendu à ses lèvres, prêt à boire toutes paroles qui suivraient. Sasuke remit une de ses mèches derrière son oreille, mais elle revint de suite encadrée son visage fin.
- Que je voudrais être ton ami si tu ne veux plus de moi comme frère.
Le choc. C'était se prendre une décharge en plein cœur, dans le cerveau, dans tout le corps même. C'était ce qu'il essayait de lui faire dire depuis des années, alors pourquoi maintenant ? Enfin il arriva à parler, et le fit un peu plus fort qu'il ne l'aurait cru :
- Ne te moque pas de moi !
- …je ne me moque pas…j'ai compris.
Sasuke continuait de lui sourire de cette même manière si sincère qu'il le craignait de plus en plus. Pas qu'il lui mente finalement, mais de le croire et de tomber encore plus bas qu'avant. Il avait juste peur de se faire trahir à nouveau. Naruto se mordit les lèvres, hésitant entre lui foncer dessus pour le faire taire de ses poings, ou de pleurer comme il en avait vraiment envie, comme quand il était petit et qu'on lui faisait du mal. Sasuke termina par :
- À force de ne plus te voir, j'ai compris que tu me manquais comme ma famille me manque…sauf que toi tu es encore vivant et que je peux encore te voir…je baisse les armes. Il est temps.
Son cœur battait à s'en rompre, sa panique était en train de le rendre fou, et il fut tellement heureux de posséder le flegme tout Uchiha qui ne laissait jamais rien voir à son interlocuteur. Naruto ne savait plus quoi faire. Le croire c'était prendre le risque d'avoir mal. Ne pas le faire c'était souffrir tout de même. Entrer dans son jeu sans rien dire ? Il ne pourrait jamais le faire, il n'avait jamais pu et c'était pour ça qu'il s'était éloigné de lui. Sasuke poussa encore le cadeau vers lui, ayant un air presque…quémandeur ? Sasuke était en train de le supplier du regard d'accepter ce qu'il lui offrait ? Les deux billes bleues descendirent sur le sac.
- Et Joyeux anniversaire, Naruto.
Naruto prit une bouffée d'air, ayant l'impression de pouvoir enfin respirer de nouveau et releva la tête vers celle de son vis-à-vis. Il pouvait y lire de la sincérité et de la paix, il n'y avait aucune sournoiserie en lui, aucune colère, rien que de l'acceptation. Naruto s'entendit rire doucement, de bonheur, un petit rire bête qui fit sourire Sasuke un peu plus. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire resplendissant, découvrant toutes ses dents. Il était tellement heureux, que quelques larmes tombèrent le long de ses joues tannées, qu'il essuya rapidement de ses poings. Sasuke lui offrait la paix pour son anniversaire, et c'était un bien beau cadeau qui lui allait droit au cœur. Attrapant le sac, curieux de voir ce que Sasuke avait pu lui prendre de matériel pour sceller l'évènement, il l'ouvrit en grand pour découvrir :
- Deux coupes de ramens ?
- Hn, je sais que t'aimes ça, j'étais à court d'idées…j'ai pas offert de cadeau depuis… des années ?
- Ah…Naruto se sentit bête, comprenant qu'il parlait de sa famille, et continua plus gentiment : tu le manges avec moi ?
Sasuke ne répondit pas, entrant juste dans son appartement pour s'attabler et attendre. Naruto explosa de joie, sautant de son lit pour filer faire chauffer son eau. Le brun avait quasiment toujours refusé de manger avec lui quand c'était des ramens, alors le voir accepter de s'attabler avec lui et de partager ce repas était symbolique pour Naruto, et il ne put pas s'arrêter de sourire pendant un bon moment. Sasuke en profita pour poser un parchemin sur la table, faisant apparaître après invocation une énorme boite faite en carton noir. Naruto se moqua gentiment de lui en la voyant, lui demandant s'il avait trouvé le plus grand bol de ramen du monde pour accompagner le repas. Le brun remua la tête de gauche à droite et le laissa s'approcher pour l'ouvrir. Il enleva le chapeau du paquet, découvrant dans le fond une pièce en bois qu'il avait l'impression d'avoir déjà vue. Son geste se suspendit. C'était le même cadeau qu'il lui avait fait l'an dernier, sauf qu'était gravé cette fois-ci le symbole Uchiha. Il sortit la boîte en bois, caressant le vernis lustrant, avant de l'ouvrir délicatement. C'était si fort, autant que sa peur de le voir tout d'un coup répété la scène tant détestée.
- Tu ne vois rien ?
Naruto n'en croyait pas ses oreilles, et se mordit la lèvre, remuant la tête de gauche à droite. Cette sensation de bonheur au creux de la poitrine lui donnait l'impression d'être sur le point d'imploser. Il avait tant envie d'y croire…et tellement peur.
- Je t'offre…Ce que je t'offre n'est pas matériel. C'est là, mais ce n'est pas visible. C'est ce que tu désires de moi depuis longtemps et que je t'ai toujours refusé.
Naruto se trouvait débile de sentir ses larmes couler sur ses joues. Être si émotif ne pouvait que lui desservir, mais il attendait ces paroles depuis tellement longtemps. Ça faisait tellement de bien, c'était tellement bon. Il venait de soulever totalement le couvercle de la boîte en bois de cerisier, et il n'y avait rien d'autre qu'un fond en velours rouge. Ça lui donnait l'impression de contenir des choses tellement fragiles et précieuses.
- Amitié, fraternité, reconnaissance…tout ça…tout ça, c'est là. Plus que mon amitié et ma confiance éternelles…c'est ma vie tout entière.
Sasuke fut tellement heureux de voir les larmes sur les joues de son acolyte. Ça le tranquillisait tant de le voir ainsi content, de voir ces deux billes bleues emplies de tant d'amour. Sur le même parchemin qu'il termina de dérouler, il invoqua sa propre boîte.
- J'ai réparé mon cadeau.
Naruto eut du mal à ne pas lâcher un sanglot d'émotions mal contenues, et lui offrit un magnifique sourire malgré ses larmes. Il était presque certain que le bonheur pouvait tuer. Il ne manquait qu'un tout petit rien pour qu'il soit encore plus fort. Si seulement Sasuke savait.
Sasuke savait.
Il se pencha vers son meilleur ami, et du bout des lèvres, déposa un baiser sur les siennes. Comme figé dans le temps et l'espace, Naruto fixa Sasuke qui lui offrit ce même sourire qu'il portait depuis son arrivée. Un sourire qui lui demandait pardon sur un visage serein et heureux, et dont les coins de la bouche lui demandaient s'il pouvait aller encore un peu plus loin. Les paroles n'avaient plus de sens, et Naruto passa ses bras autour de sa nuque, lentement, tremblant presque en se faisant. D'un geste Sasuke aurait pu tout briser, d'une parole même. Il suffisait d'un rien pour rompre cet instant si fragile. Mais le brun ne fit rien, le laissant ramener sa tête vers la sienne pour l'embrasser à son tour. Ça faisait peur, il avait l'impression d'être sur le point de se réveiller. Pourtant, il avait beau se mordre la joue, ça restait.
C'était vrai.
Il avait tellement peur, sans savoir qu'il en allait de même pour Sasuke. Il y avait tellement d'émotion dans cet instant. Après des années, Naruto était sur le point de récolter ce qu'ils avaient semé depuis le premier jour de leur rencontre…L'idée était en train de germer en lui, si plaisante, se régalant de l'expression de Sasuke qui ne lui donnait pas l'impression de mentir. Ce dernier se rappelait enfin de ce que pouvait être le bonheur.
Tous deux étaient déterminés à ne plus le laisser s'échapper.
Fin.
