Le silence assourdit mon ouïe. La fumée grisâtre qui virevolte autour de moi s'insère dans mes poumons. Je suffoque. Mes larmes roulent sur mes joues, inépuisables. Chancelante, je titube sur plusieurs mètres, avant de m'effondrer à nouveau sur le sol. Le souvenir des derniers évènements émerge de nouveau à la surface de mon esprit tourmenté, et un voile d'eau et de sel me brouille la vue.
- Emma ! Emma, ou es-tu ?!
- Vas-t-en Emma, vas-t-en ! Je t'en prie, écoute moi, mon amour, ne reste pas ici !
Des hurlements déchirent la nuit. Un froid qui me transperce la peau. Et cette odeur métallique qui assaille mon odorat, promesse certaine. Des éclats de lumière illuminent les ténèbres à quelques pas de moi. J'entends des gens implorer la pitié de leurs assaillants. Il n'y a pas de pitié. Pas d'humanité.
Je la vois. Mais c'est trop tard, je le sais au fond de moi dès l'instant ou je reconnais la personne qui lui fait face. Pourtant je m'obstine. Je cours, hurle son prénom. Trop tard. Allongée sur le flanc, elle a fermé les yeux.
- Catherine, ouvre les yeux, je t'en supplie ! Ne me laisse pas, tu as promis, tu t'en souviens ? Tu as promis …
La colère remplace bientôt les larmes. Une colère dévastatrice, chargée de haine et de violence. Je veux faire mal au salaud qui m'a pris ma meilleure amie.
Un oiseau se met à chanter. Les premières lueurs de l'aube apparaissent à l'horizon, leur teint rosâtre s'étale sur le triste paysage qui m'entoure. Mon cœur qui bat inlassablement dans ma poitrine est pour moi l'unique preuve que je suis en vie. Je me relève une nouvelle fois. La douleur dans ma jambe blessée m'arrache un gémissement. Je suis couverte de sang, dont une partie ne m'appartient pas. Une odeur douceâtre, écœurante flotte dans l'air. J'ai la nausée, je sens que je suis à deux doigts de m'évanouir de nouveau.
Mon combat est perdu d'avance. Cette évidence a envahi mes pensées a l'instant même où je me suis lancée à la poursuite de l'assassin de Catherine. Pourtant je m'en fiche. Je n'ai plus peur de mourir, plus peur de partir. Je vois dans les yeux de mon assaillant qu'il sait pertinemment que la victoire lui appartiendra. Néanmoins mon manque total d'instinct de survie insuffle dans ses yeux une lueur de respect. Il ne rit pas, ne se moque pas. Il se bat en silence et je commence à faiblir.
- Emma !
Mon cœur se serre. Non … Je l'entends hurler mon prénom une nouvelle fois. Il court vers moi. De toute façon je vais mourir non ? Il est hors de question que je l'emporte avec moi. Pas lui. Mon inattention n'est pas sans conséquence. Douleur. Un flot de sang jaillit de ma jambe. Tant pis. Je fais volte-face.
- Je t'aime.
Ce n'est qu'un murmure. Je ne suis même pas sure qu'il l'ait entendu. Néanmoins ses yeux horrifiés m'apprennent qu'il a parfaitement saisi mes intentions. Trop tard. Je pointe ma baguette vers lui et l'écarte de moi. J'ai juste le temps de le voir retomber au sol 10 mètres plus loin avant qu'un jet de lumière heurte mon dos. Noir.
Un pied. Puis l'autre. Chaque pas nécessite un effort surhumain. Je veux abandonner. Pourtant je continue à marcher. Mécaniquement. Un pied. Puis l'autre. Enjamber les corps. Ne regarde pas leur visage. Ne regarde surtout pas. Je relève le visage, le tourne vers le ciel. Il a la teinte orangée du soleil levant, spectacle magnifique qui s'offre à mes yeux humides. Le contraste est saisissant. Terre et ciel. Vie et mort. Catherine … D'un geste rageur, j'essuie les larmes qui mouillent mes joues. Un pied. Puis l'autre. Avancer. Avancer encore. Un ruisseau vermeil s'échappe de ma blessure ouverte, trempant mon jean déjà imprégné de terre et de suie. J'atteins finalement la limite de la zone anti-transplanage et m'effondre au sol. Les environs sont déserts, le silence oppressant. Un seul coup d'œil vers ma cuisse suffit à me faire comprendre que sans aide médical, je ne vais pas tenir longtemps. Rassemblant mes dernières forces, je transplane. Pitié que je n'atterrisse 500 mètres plus loin que prévu … J'ai juste le temps de voir quelqu'un se précipitant vers moi en hurlant des paroles incompréhensibles avant de m'évanouir. Noir. Enfin.
