Mon père, pasteur anglican, était un bourreau de travail, non pour son métier en soi mais pour la chasse aux sorcières qu'il menait. Il était persuadé que les démons vivaient parmi les humains. Il fit de nombreuses recherches sur les vampires, les sorcières, les loups-garous. Il pourchassa de nombreux innocents. Et malheureusement, y consacra toute sa vie.

Je n'ai que très peu de souvenirs de mon ancienne vie. Ce dont je me souviens le plus en revanche est ma transformation en vampire. C'est à ce moment-là qu'au lieu de mourir, une deuxième vie s'offrit à moi.

Mon âme me fut arrachée par une nuit glaciale de décembre, en 1663 à Londres. J'avais alors 23 ans.

Il m'avait depuis tout petit initié à haïr et à combattre le mal, nous nous entraînions chaque jour. Il me disait que cela serait dur de venir à bout d'un vampire ou d'un loup-garou, ils étaient dotés d'une force surhumaine. Je doute encore aujourd'hui qu'il en ait vraiment rencontrés.

Je prie sur moi d'organiser une grande chasse dans la totalité de la ville. Mon paternelle ayant programmé cela depuis des mois avec d'autres pasteurs et amis. Les hommes qui m'accompagnaient ce soir-là avaient déjà eu affaire à des vampires et sorcières dans leur existence. Ils avaient depuis longtemps essayés de trouver ces monstres et de les traqués, sans succès. Ils réunirent suffisamment d'artilleries pour les exterminés : eau bénite, crucifix, pieux, couteaux en argent…

Pendant qu'ils s'affairaient dans la mauvaise direction, je parti seul de mon côté. Depuis plusieurs nuits déjà j'avais pu remarquer des allés et venus étrange de plusieurs hommes dans un quartier malfamé de Londres. Je décidais d'y retourner même si je ne pouvais concevoir au fond de moi que pareils créatures existasses en cette terre. Cette nuit-là mis fin à mes doutes pour de bon. Je surpris un des hommes de marbres entré dans un vieux bar miteux accompagnés d'une fille de joie. Je les observai par la fenêtre. Ce que je vis me glaça le sang. L'homme très pâle plongea ses dents dans le cou de la fille, et lui mit une main sur la bouche afin d'étouffer ses cris. Quelques secondes plus tard, il l'a laissa tomber nonchalamment sur le sol, telle une bûche de bois. Elle n'était plus qu'un cadavre désormais. Le vampire émergea alors, je prie mes jambes à mon cou, dans la panique je fis tomber mon arme. Le vampire me suivit, il avait sûrement du sentir que je l'espionnais. Je pris un chemin qui me conduisis directement dans une allée sombre, j'étais piégé, le vampire m'avait traqué ! Ne pouvant appeler à l'aide dans cet endroit désert, je pris la seule issue qui s'offrit à moi. Je m'engouffrais alors dans une bouche d'égout.

J'errais plusieurs heures dans les égouts de Londres, ne sachant où me rendre. Je décidai tout de même de sortir à la prochaine sortie. A peine ayant sorti la tête de ma cachette, j'aperçu le vampire qui se tenait juste devant moi, se jeter sur moi. Il m'avait senti même en restant à la surface. Alors q' un coup de feu retentit, le vampire réussit à me mordre le bras. Il fut touché et s'éloigna si rapidement qu'il me fit tombé dans les égouts en me relâchant. Le venin commença alors à agir dans mes veines. Je courus aussi vite que possible et m'affala dans un coin, dans ce qui me sembla être une vielle cave souterraine.

Ainsi commença ma nouvelle vie de monstre.

Allongé par terre, me tordant de douleur, et mordant la poussière, j'essayais en vain d'étouffer mes cris, à l'aide de vieux sacs entreposés çà et là dans la vieille cave. Je sentais le venin, ce poison mortel, se propager doucement, lentement dans mes veines. Je pensais alors que j'étais en train de mourir dans d'atroces souffrances suite à la morsure de cette créature. Je croyais que les flammes de l'enfer m'accueillaient. Je ne sais combien de jours je suis resté dans cette cave à m'empêcher de hurler, de peur que l'on me trouve et que l'on me fasse subir le même sort qu'aux autres sangsues. « Tout ce qui aura été infectés devra être brûlé ». C'était la règle.

Je ne pourrais jamais oublier cette douleur. Mon corps me brûlait, ma peau me piquait de l'intérieur, comme si une multitude d'aiguilles chauffées à blanc me transperçait l'épiderme en même temps. Mon esprit était confus, je ne pouvais penser qu'à la douleur. Ce qui m'avait semblé être des jours après, je commençais à percevoir de nette amélioration. C'était un sacré soulagement pour moi qui ne voulait plus y croire. Je ne savais pas si je commençais à m'habituer à la douleur, mais celle-ci me dérangeait moins au niveau de la morsure faite sur mon bras. Sur la fin de cette longue agonie, mes gencives me brûlèrent atrocement. Je pensais alors que c'était à cet endroit que le venin terminait sa propagation. J'avais tort, je ne le découvrirai que plus tard mais en fait mes gencives gardaient un stock inépuisable de venin. Je sentais que mon corps avait changé. Je pouvais percevoir des sons qui venaient de l'extérieurs des égouts et au-delà même des rues de Londres. Ma vue s'étant amélioré aussi, j'apercevais des choses que l'œil humain ne pouvait voir. Et surtout, je pouvais sentir le sang, cette odeur, qui me fit frémir de la tête au pied. Je ne pouvais m'empêcher d'avoir faim en humant ce parfum. Ma gorge me brûlait. Cette torture que j'avais subie pendant des jours durant, n'avait été en fait que ma transmutation en vampire. J'étais désormais l'un deux. La transformation m'avait troublé. Et quand je réalisais ce que j'étais devenu, alors il me fut impossible de vivre avec.

Je décidai donc de mettre fin à mes jours. Les tentatives suicidaires normales me seraient désormais impossibles. Il fallait pourtant trouver une solution. Je partis de cet horrible endroit et remonta à la surface. Ce qui ne fut pas sans difficultés, il me fallait désormais lutter contre mon envie naturelle de manger. Je me jetai donc du premier pont désert que je trouvai. Sans succès bien évidemment. Je découvris par là-même occasion que je pouvais respirer sous l'eau. Etant mort je n'avais bien entendu plus besoin de respirer. Tout ceci me répugnait grandement. Je trouvai alors une autre solution que j'espérais plus radicale, je sautai donc d'une falaise. Je priai une dernière fois dieu, et sauta en vain. Je sautai si vite, et si puissamment, que je fus très vite en bas. La douleur fût indescriptible car inexistante. A peine un léger picotement sur la peau, dû au grain de sable s'incrustant dedans. Je me relevai sans peine. Je sentis sur mon visage et pu voir sur tout mon corps des fissures qui le craquelai, mais elles se refermèrent en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

Ne sachant plus quoi faire, je m'éloignais de Londres. Je marchais pendant des jours, la soif devenait insoutenable. J'essayais d'éviter les routes fréquenté par les humains. En repensant à cette période sombre de ma vie, je dois avouer que je ne suis pas mécontent de m'être trouvé dans une région pluvieuse comme Londres. Puisqu'à l'époque, je n'avais pas encore pu constater l'effet que prenais ma peau au soleil.

Depuis un sentier cahoteux, j'aperçu au loin une voiture garé sur le bas-côté d'une route. Aucun signe de vie alentour, je m'approchais, prenant un énorme risque. C'est là que je me vis, dans le reflet de la vitre arrière. J'étais pâle comme la mort, des cernes violets- noirs venaient s'ajouter sous mes yeux, d'ordinaire bleu, ils étaient désormais d'un rouge flamboyant. Malgré mon aspect de revenant, je me trouvais l'air (bizarrement) plus beau qu'autrefois.

Je courus aussi vite que je pu, plus pour fuir mon aspect démoniaque que pour prendre le risque de croiser un humain. Je m'arrêtais enfin dans une forêt, afin de ne pas attirer l'attention. J'errai donc, dans la forêt, ne sachant plus à quel saint me vouer, et m'allongea au pied d'un arbre centenaire, sans manger en espérant que mort s'en suive.

Des jours passèrent, je faiblissais, mais ne mourrait pas. Peut-être que la haine que j'éprouvais envers mois même me maintenait en vie. Un soir, alors que je fermais les yeux prêt à mourir contre l'arbre, je perçu un bruit sourd, lointain, qui fit vibrer le sol. Une horde de cerf passa non loin d'où je me tenais. J'étais doté d'une sorte de sixième sens, et arrivais à entendre le battement de leur cœur, ainsi que les pulsations de leurs veines. Certains d'entre eux étaient blessés, le sang me fit défaillir. Malgré moi, je me mis soudainement à charger. L'animal en moi prit le dessus. Je me jetai sur plusieurs d'entre eux et à très grande vitesse, engloutis des litres de sang. La soif que je ressentais depuis ma transformation, s'étancha peu à peu. Le feu dans ma gorge s'éteignit. J'étais comme soulagé d'un poids. J'avais trouvé le moyen de contourner le problème. Je pourrai désormais vivre sans tuer d'humains. Mon goût pour la vie, revint peu à peu aussi tôt après avoir bu du sang. L'on dit que le sang est synonyme de mort mais avant tout il est 'la vie'.

Je restais un monstre certes, mais j'allais essayer de devenir le meilleur vampire possible. En me nourrissant, mes forces revenaient, je pouvais donc réfléchir plus sagement et je me surpris à moins détester l'être que j'étais devenu. En me nourrissant des animaux, comme autrefois, je me sentais moins mauvais.

Je ne comptais en aucun cas retourner vivre chez mon père. Je savais qu'il me rejetterait quel que soit le mode de vie que j'avais adopté. Pour lui je resterai un monstre.

J'ai toujours été un excellent élève de mon vivant, si je puis dire, et était fasciné par le domaine de la science, j'aurais désormais l'éternité devant moi pour apprendre à exceller dans ce domaine. J'avais toujours eu envie de devenir médecin. Ce serait bien entendu quasiment impossible pour moi de le devenir maintenant. Mais je me refusais à exclure définitivement cette idée.

Je ne me déplaçais que la nuit. J'avais aussi remarqué qu'en me nourrissant du sang animal, mes yeux prenait une tout autre couleur. Ils devenaient marron-or. Si j'avais soif, je remarquais qu'ils étaient d'un noir de jais.