Ouuh, mais qu'est-ce, où sont Daryl et Andrea en personnages principaux ? Eh bien... Pas lààà. Pire encore, j'ai carrément créé une OC, j'ai dû me cogner quelque part, ahaah. J'avais envie de reprendre l'arc de Woodbury, mais à travers les yeux d'une habitant de Woodbury, justement. Je suis la trame de la série pour quelques événements, je m'en écarte pour d'autres, un étrange méli-mélo, autrement dit... J'espère, néanmoins, que la chronologie restera toujours claire, d'autant plus que cette histoire me tient vraiment à coeur. De même, en ce qui concerne les publications, je suis du genre aléatoire, mais je me suis fixée un minimum d'un chapitre par mois selon le rythme à laquelle l'écriture avance. Si l'histoire vous plait vraiment, ne vous en faites pas, j'ai quelques chapitres en stock, eheeh, maligne la Aneu..

Je vous souhaite une bien bonne lecture !

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CHAPITRE 1 : MALADROITE

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« C'est joli autour de chez vous, je veux dire, à condition d'aimer la fin du monde. »

Au secours pardon, Frédéric Beigbeder.

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« Arrête de te tourner les pouces et ramène ton joli p'tit cul d'indienne, Pocahontas !

- C'est Ama, crétin, mon prénom n'a pas changé dans la nuit, sifflé-je entre mes dents . »

Il me regarde d'un drôle d'air avant de tout bonnement éclater de rire, comme si ma remarque baignait dans l'humour. Je ne sais pas ce qui me retient de lui enfoncer mon Winchester dans la bouche et d'appuyer sur la détente. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais depuis longtemps exclu cet abruti de première de Woodbury, mais depuis que le Gouverneur l'avait érigé en haut de la pyramide, il se prenait pour le roi du monde. Soudain, une main s'abat sur mon épaule et je ne peux m'empêcher de sursauter, sous le coup de la surprise.

« Merle, arrête d'embêter Ama, annonce une voix qui me glace de part en part. »

Un rapide coup d'œil sur le côté me confirme qu'il s'agit bien là du Gouverneur, dans toute sa splendeur. Cet homme dégage une aura tellement écrasante que je n'ai jamais su me sentir à l'aise en sa présence. J'en ai une peur bleue, oui, même lorsqu'il m'offre un sourire, et pourtant, je lui confierai ma vie, les yeux bandés. Je ne sais pas si cette peur est justifiée, je ne crois pas. Je veux dire, il dirige tel un chef d'orchestre la ville, tous les habitants lui doivent la vie -y compris cet idiot de Merle-, et je n'ai jamais vu la moindre violence émaner de ses gestes.

Alors pourquoi me terrifie-t-il autant ?

Je resserre ma prise sur mon fusil tandis que Merle rit grassement. Pourtant, il n'y a pas de quoi rire.

« Ignore-le, me glisse le Gouverneur à l'oreille avant de repartir aussi vite qu'il était arrivé.

- Allez, Ama chérie, monte dans la bagnole. »

Je m'installe à l'arrière du véhicule, ne souhaitant me retrouver à côté de Dixon sous aucun prétexte. Sa main gauche avait souvent la manie de se poser sur ma cuisse alors que je conduisais et c'était bien un geste que j'avais en horreur. Avec soulagement, je le vois monter à l'avant et Martinez prend le volant. Devant nous, le portail s'ouvre et, alors que nous le franchissons, je me surprends à prier pour être de retour ce soir et de préférence sans aucun de mes membres en moins. Les trajets sont plutôt silencieux, en principe, et celui-ci ne déroge pas à la règle. En fond sonore, seul le grésillement de la radio résonne dans l'habitacle. C'est une habitude que Martinez a toujours eu : laisser la radio allumée pour entendre un quelconque signal de détresse. Peut-être espère-t-il retrouver sa femme, je n'en sais rien. Dans tous les cas, personne ne lui a jamais dit que cela ne servait strictement à rien. Alors il continue, et on oublie presque ce son désagréable qui traîne des souvenirs douloureux.

On passe le panneau brisé en deux, seul repère qui nous indique que nous sommes sur la bonne route. Il doit rester trois kilomètres avant que nous atteignons la ville où nous nous ravitaillons. Je me demande si un homme s'est coincé dans les pièges que nous avons installés, comme la dernière fois. Il était encore vivant et plus ou moins conscient quand nous étions arrivés, et c'est Merle qui s'était fait un plaisir de le remonter du trou où il était bêtement tombé. Il avait éclaté de rire en remarquant qu'une partie de son bras avait été arrachée puis, il l'avait achevé. Tout simplement. Je n'étais pas habituée à tuer des hommes, je ne le suis toujours pas, d'ailleurs, si bien que je n'avais rien pu avaler durant le reste de la journée. Martinez arrête la voiture devant les premiers pièges et nous continuons notre avancée à pied. Je tue les rôdeurs qui se sont empalés contre nos piques, emmêlés dans nos filets, mais je ne touche pas à ceux qui se trouvent au fond des trous. Le Gouverneur souhaite qu'on les garde en vie. Je n'ai jamais osé lui dire qu'un homme pouvait mourir en tombant dedans parce que c'est lui, le chef, et que je n'ai pas à discuter ses ordres. C'est assez simple de récupérer de grandes quantités de nourritures dans ces conditions, sans avoir cette épée de Damoclès qui pèse constamment au-dessus de nos têtes. Encore une fois, tout se fait dans le silence. Je n'ai pas grand chose à dire, de toute manière et il est hors de question que je n'adresse une seule parole à Merle. Ses regards lubriques qu'il réserve à toutes les femmes qui croisent son chemin me suffisent amplement et ce serait comme lui tendre une perche. C'est alors qu'un bruit que je ne pensais plus jamais entendre remplit la ville. Je regarde à droite et à gauche, imaginant que je suis en train d'halluciner avant de remarquer que même Martinez à arrêter d'empiler les conserves dans le coffre pour lever les yeux vers le ciel. Je l'imite et ce que je découvre me pétrifie littéralement. Un hélicoptère. Un putain d'hélicoptère est en train de voler dans le ciel.

« Merde, visez moi ça ! s'exclame Merle, n'en revenant pas non plus. Ces enfoirés pilotent un hélico ! »

Alors qu'il prononce cette dernière phrase, une fumée noire commence à s'échapper de l'arrière. Ma main en visière, je plisse les yeux pour mieux observer cette étrange scène, avant de les écarquiller. Merde, ils vont exploser en plein vol à ce train-là ! L'hélicoptère entame une rapide descente et je me demande si c'est volontaire ou non. Puis, il s'écrase dans un fracas énorme au beau milieu de la petite forêt.

« On devrait aller les aider, je déclare à haute voix sans réellement m'en rendre compte. »

Je reçois un regard moqueur.

« Y'a écrit Croix Rouge sur notre front, Poc' ? rétorque Merle.

- Non, sur le tien, c'est écrit Connard. Connard. »

Sa mâchoire se crispe et je vois bien qu'il essaye de refouler sa colère. Mais je n'ai pas peur, parce que Martinez n'hésiterait pas à le mettre au sol s'il venait à esquisser le moindre geste violent envers moi. Ce dernier soupire, d'ailleurs avant de tourner la tête dans ma direction.

« On va jeter un rapide coup d'œil, mais on n'embarque aucun blessé avec nous, annonce-t-il. »

Je me mords la lèvre inférieure, pas forcément ravie par ces propos. Néanmoins, c'est mieux que rien et il a raison : on ne peut plus se permettre de faire rentrer des blessés graves à Woodbury. C'est dangereux et, de toute manière, nous n'avons plus les moyens de nous en encombrer. Alors que je reprends ma place sur la banquette arrière, je me dis que je pourrais sûrement convaincre Martinez de ramener un blessé léger. Je serais même prête à minauder auprès de Merle, au risque que sa main encore valide ne m'effleure allègrement le postérieur. Mais arrivés sur les lieux du crash, ce sont des gémissements qui nous accueillent et je devine aisément que les chances d'en sauver un sont maigres. L'odeur me prend aux tripes, si bien que je me vois contrainte de recouvrir mon nez et ma bouche de ma main pour ne pas risquer de dégobiller mon précédent repas. De mon autre main, je tiens fermement mon Winchester, comme pour me rassurer. L'hélicoptère fume encore, mais cette fois-ci d'une fumée blanche. C'est alors qu'une seconde voiture se gare à côté de la nôtre et, par réflexe, je charge mon fusil, avant de me détendre en découvrant qu'il ne s'agit que d'une autre patrouille de Woodbury. Le bruit et la curiosité ont dû avoir raison d'eux, comme nous et c'est avec stupéfaction que je vois le Gouverneur descendre du véhicule. Ouah. Rares étaient les fois où il décidait de sortir des murs.

« Fouillez les alentours, ordonne Martinez. »

Les lieux sont rapidement investis et, bientôt, notre premier invité indésirable clopine jusqu'à nous. Un gamin, dont je ne connais pas le nom, le prend en joug, mais la voix du Gouverneur le rappelle à l'ordre :

« Ne tirez qu'en cas de nécessité. »

Il abaisse donc son arc et c'est Schumpert, qui manie l'arc comme personne, qui s'en occupe en lui décochant une flèche entre les deux yeux. Le silence est toujours le mot d'ordre, mais avec le raffut que l'hélicoptère a provoqué, je ne peux m'empêcher de penser à tous ces morts qui sont en train de se traîner la patte jusqu'ici. Ils trouveront un vrai banquet frais si nous ne nous dépêchions pas de déguerpir. D'autres rôdeurs ne tardent pas à arriver. Je garde mon fusil chargé, prête à tirer si la situation venait à tourner à notre désavantage, tandis que Martinez leur explose littéralement le crâne avec une batte de baseball. Je détourne les yeux, ce spectacle me révulsant toujours autant, mais le son du massacre force mon cerveau à y superposer toutes sortes d'images.

« Un survivant, Tim ! appelle soudainement le Gouverneur. »

Je me retiens à grande peine de sourire en entendant la bonne nouvelle. L'ambiance dans cette forêt reste toutefois assez pesante et je ne cesse de jeter des œillades par-dessus mon épaule au cas où un rôdeur aurait la bonté d'esprit de me surprendre par derrière. Tout semble sous contrôle, Schumpert décoche une seconde flèche dans l'œil gauche d'une de ces créatures et je ne peux qu'admirer sa précision. Non pas que je ne le suis pas, ma foi, je me débrouille plutôt bien avec une arme entre les mains, mais il était rare qu'avec un revolver, je parvienne à les tuer du premier coup. Des grognements de plus en plus insistants me tirent de mes pensées et, un œil dans la lunette de mon arme, je fais un tour complet sur moi-même. Il n'y a rien, absolument rien, pas même le mouvement d'un buisson et pourtant, j'ai la nette impression qu'ils sont plus proches que jamais. Je les entends rugir encore une fois de faim avant que la forêt ne retombe dans ce silence si inquiétant. Mon cœur tambourine au bout de mes doigts, et je peux presque sentir la sueur glisser le long de mon cou, sous mon épaisse tignasse noire. J'ai peur, terriblement peur à ce moment-là, et je me rends soudainement compte que jamais je ne m'habituerai à ce nouveau monde. Je dois déjà faire un effort presque insurmontable pour ne pas détourner le regard d'un rôdeur dont l'intestin se traîne derrière lui, alors je me dis que j'ai de la chance d'être à Woodbury, beaucoup de chance. Moi, toute seule, dans la nature ? Je survis une journée, tout au plus, si je ne me choppe pas une crise cardiaque en passant. Pourtant, je me propose toujours pour les raids, pour dompter cette peur, parce que c'est ainsi que le monde tourne désormais, et que je ne compte pas crever de sitôt.

Le ricanement de Merle parvient jusqu'à mes oreilles et je me tourne dans sa direction. Il a la tête baissée, derrière un fourré, et je me demande s'il rit à cause d'un couple de lapins en train de copuler. Ce serait bien son genre, tiens, mais curieuse, je m'avance tout de même jusqu'à lui. J'évite le pilote de l'hélicoptère coupé en deux par l'hélice et dont le ventre se vide tout autour de lui puis je me fige nette en écartant le buisson. Deux femmes, une qui parait en pleine forme et l'autre qui semble côtoyer la mort, la tête dans la terre.

« Qu'est-ce que tu leur as fait ? demandé-je à Merle, un brin inquiète par l'état de la blonde. »

Il porte sa main valide à sa poitrine.

« Pocahontas, tu m'crois capable de faire du mal à une femme ? Ça me brise le cœur. »

J'ignore son ton sarcastique pour me jeter à genoux sur le sol, remettant mon fusil sur mon épaule. Alors que j'avance une main en direction de la femme évanouie, sa coéquipière esquisse un mouvement pour m'en empêcher avant de rencontrer la lame luisante de Merle.

« On ne bouge pas, poupée. »

Je pose deux doigts en haut de son cou, m'assurant que son cœur bat toujours.

« Il faut la ramener à Woodbury, elle va mourir, déclaré-je en levant les yeux sur Merle. »

Alors que je m'attends à un nouveau ricanement de la part de Merle, celui-ci semble montrer de la compassion pour cette femme. Ses sourcils se froncent légèrement et quelque chose en lui me dit qu'il n'est pas si indifférent à son sort.

« Tu la connais ? demandé-je finalement.

- Elle s'appelle Andrea, marmonne-t-il au bout de longues secondes à la dévisager. Merde. »

J'ai du mal à comprendre toute la situation, mais j'imagine qu'elle faisait partie de son ancien groupe, celui qui l'avait laissé sur un toit, si j'en crois les rumeurs qui circulent à Woodbury. Alors pourquoi semble-t-il presque attaché à cette Andrea ?

« Merle, Ama, qui sont ces personnes ? demande alors la voix tonitruante du Gouverneur. »

Je me relève brusquement pour lui faire face. Comme souvent, lorsqu'il sort en dehors des murs, il a le visage fermé et j'ai l'impression de ne plus avoir le même homme qui dirige Woodbury devant moi. Moins chaleureux, moins avenant également. En réalité, si je croisais son chemin en tant que simple survivante errante, je ferais demi-tour immédiatement. Merle baragouine qu'il les a trouvé accroupies derrière le buisson, sans doute attirées par l'hélicoptère, comme une mouche pouvait l'être avec du miel.

« Elles rentrent avec nous. »

Ces mots franchissent mes lèvres sans même m'en rendre compte et c'est en recevant quelques regards surpris que je prends conscience de l'avoir pensé tout haut. Du coin de l'œil, je sens le regard du Gouverneur me sonder. Je n'aime pas du tout ça, mais bien décidée à dompter toutes mes peurs, sans exception, je lève les yeux sur lui. On se dévisage longuement et pourtant, je suis bien incapable de deviner ses pensées, son visage étant revêtu d'un masque impassible. Finalement, et contre toute attente, je vois le coin de ses lèvres se relever, presque imperceptiblement, mais le fait est là : il me grimace un sourire. J'ai l'impression qu'il attendait le jour où je me réveillerai, le jour où j'oserai enfin prendre les devants sur une décision, aussi maigre soit-elle. Alors, poussée par une audace dont je ne me croyais plus capable, je poursuis :

« Martinez a dit qu'on ne ramènerait pas de blessés, mais aucune des deux ne l'est, pas vrai ? Elle est juste malade, et on a de quoi la soigner. »

Je me demande si ce n'est pas par élan de solidarité féminine que je me sens soudainement attachée à cette cause.

« J'la connais, finit par intervenir Merle. »

Et il se retient d'ajouter qu'il souhaiterait que toutes les deux rentrent avec nous, pour une raison qui m'échappe. Le Gouverneur nous considère, l'un après l'autre, avant de se retourner vers Martinez qui balaye du regard les alentours.

« Toi qui n'voulais ramener personne, qu'en penses-tu ? »

Je tique en remarquant le ton sarcastique qu'il a employé, comme s'il était irrité qu'il prenne des décisions pareilles sans l'en informer. Martinez s'agite et sa poigne se resserre sur sa batte de baseball, puis il se détend en soupirant.

« Ce n'est pas moi le Gouverneur, répond-t-il d'un air entendu et le susnommé semble se satisfaire de cette réponse. »

J'ai presque envie d'applaudir sa jolie prouesse de retomber sur ses pieds. Merle étouffe un ricanement, mais personne n'y fait attention outre mesure, trop habitué à l'entendre régulièrement s'esclaffer telle une hyène.

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« Elle faisait partie d'mon ancien groupe, une vraie casse-couille, celle-là, j'te jure, déclare-t-il avant de finir dans un rire gras. Elle était aussi là quand j'me suis retrouvée menotté sur ce toit d'merde.

- Je suis sûre que tu l'avais mérité, je réponds en croisant les bras sous ma poitrine. »

Il me fusille du regard et je me dis que j'aurais peut-être dû la fermer au lieu de vouloir me la jouer téméraire.

« J'sais même pas pourquoi je te raconte ça, soupire-t-il en rejetant la tête en arrière. »

Moi, je sais. Parce que, mine de rien, je suis ce qui se rapproche le plus d'une amie, pour lui. J'ai beau tirer la gueule quand je me retrouve avec lui, je crois qu'au fond, il rend mes journées moins fades. Avec qui d'autre pourrais-je échanger des répliques cinglantes sans me faire étrangler sur le champ ?

« Parce que tu m'aimes bien, je réponds finalement.

- J'aime ton petit cul d'indienne, corrige-t-il. »

Je souris brièvement et lui aussi.

« Tu sais ce qui m'emmerdes le plus dans le fait de voir cette blondasse, ici ? »

Je secoue la tête.

« C'est qu'elle soit toute seule avec une autre donzelle blackos que j'n'ai jamais vu.

- Et ? T'es en train de t'inquiéter pour ceux qui t'ont obligé à te faire couper la main ? »

Je ne peux m'empêcher d'être amère envers ces personnes. Je ne les connais pas, je ne sais pas ce que Merle non plus a fait pour mériter ça, mais ce n'est pas correct, à mon goût. Je pense qu'une épidémie de rôdeurs n'excuse pas une telle chose. Il hausse les épaules et tente de paraître détaché en ajoutant :

« Y'avait mon frangin, dedans. »

Mais je perçois une certaine colère dans sa voix qui prouve que ça l'affecte plus qu'il ne voudrait le montrer.

« Je ne savais pas que tu avais un frère. »

Il ricane.

« Tu n'sais rien, Poc'. Tu n'sais rien. »

Il a raison, et je ne redis rien après ça. Sur son lit, les yeux clos, Andrea paraît si sereine, à des kilomètres de l'état de crise de notre pays. Je pense qu'elle va s'en sortir, puisqu'aux dires de son amie, Michonne, qui est peu bavarde, elles ont passé tout l'hiver dehors et celui-ci a été particulièrement rude. Alors succomber à une petite grippe ? Non, je ne pense pas que ce soit dans ses projets. Si je ne voyais pas sa poitrine se soulever à intervalle régulier, je pourrais presque croire qu'elle n'était plus qu'une enveloppe charnelle.

Merle siffle, sa manière d'attirer l'attention sur lui. Je tourne donc la tête dans sa direction, me demandant si quelqu'un lui a déjà fait la remarque qu'il existait bien d'autres moyens d'interpeller une personne.

« T'es d'quelle tribut ?

- Qu-Quoi ? Je bégaie en fronçant les sourcils, pas certaine d'avoir bien entendue la question.

- Ta tribut, son nom, réédite-t-il.

- T'es vraiment le dernier des crétins. »

Il esquisse un sourire provocateur, avant de ricaner.

« Tu te crois drôle, peut-être ? je reprends en le fusillant du regard. Tu veux savoir si je sais parler avec de la fumée et quelles plumes de poulet j'me plante sur le crâne, aussi ?

- C'que tu peux être susceptible, toi, rétorque-t-il en secouant la tête. »

Je l'ignore royalement, allant même jusqu'à tourner la tête dans une autre direction que lui. Je me demande pourquoi il reste là, alors qu'une seule sentinelle suffit largement pour garder cette femme, par mesure de précaution.

« Pourquoi t'es là ? demandé-je finalement. »

La question semble le surprendre, mais il masque rapidement sa surprise en revêtant son éternel sourire narquois.

« Parce que j't'aime bien, répond-il en reprenant mes propos. »

Mes lèvres s'étirent d'elles-mêmes en un sourire. J'allais ajouter quelque chose lorsqu'un mouvement sur le lit me coupa net la parole. Nos deux regards convergent sur Andrea qui s'éveillait petit à petit.

« Je vais chercher l'infirmière, déclaré-je en me levant précipitamment. »

Puis, je suis restée à vagabonder dans Woodbury, le reste de la journée. Merle et la jeune femme avaient certainement des choses à se dire, et bien que curieuse, je ne souhaitais pas me sentir comme une intrus entre eux. Mon regard se pose de personnes en personnes, contribuant à la vie en communauté. Actuellement, nous sommes soixante-treize. Quand je suis arrivée ici il y a sept mois, nous étions une dizaine, tout au plus. Je n'ai pas construit ces murs qui nous encerclent, mais j'ai l'impression qu'une partie de moi y est enfermée. Un soupir s'échappe de mes lèvres lorsque je me rends compte que cela fait autant de temps que je suis ici… Que le temps passe lentement. Trop habituée à cette vie, je ne sais pas si je serais capable de vivre ailleurs, ou pire, de devoir vivre comme ces deux femmes, à l'extérieur. Je sais que nous ne sommes pas protégés de tout danger, mais pour le moment, ni rôdeur, ni homme, n'est venu chercher les ennuis à notre porte. A l'horizon, le soleil commence à décliner.

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« Et t'vois, la nana, elle avait littéralement l'feu au cul et-…

- Attends, tu connais le mot littéralement ? »

De sa main valide, Merle me donne un léger coup dans le bras, suffisamment pour que je grimace.

« De toute façon, pourquoi tu me racontes tout ça ? demandé-je en arquant un sourcil. »

Non pas que ses histoires d'un soir m'intéressent particulièrement. Il ricane, puis hausse les sourcils de manière suggestive.

« Pour t'impressionner, Poc. »

Je secoue la tête, néanmoins amusée de sa réponse. Il y a deux jours, j'aurais tout fait pour ne pas me retrouver avec Merle et, aujourd'hui, j'en viens à apprécier le temps passé avec lui. Cela dit, il reste toujours un crétin fini. Surplombant l'extérieur du haut des barrières, mon regard se pose sur un rôdeur. J'arme mon fusil, puis l'observe à travers la lunette. Réflexe de grand-mère, je sors légèrement la langue de ma bouche, comme si ce simple geste pouvait m'aider à mieux concentrer. Et je tire, en le loupant honteusement.

« Tu vois double, ou quoi ? ricane Merle. »

Je le fusille du regard. Il donne un coup de tête en direction du rôdeur qui se rapproche en traînant une cheville cassée derrière lui.

« Essaie encore une fois. »

Je me replace correctement derrière mon fusil, fermant un œil pour mieux le distinguer à travers le viseur.

« Pense à rien d'autre, concentre-toi bien sur sa gueule. T'inspires et tu tires quand t'expires. »

Un peu de mauvaise foi, j'exécute ses ordres, faisant mouche. Je hausse les sourcils avant de me retourner vers Merle qui m'adresse un maigre sourire, hochant la tête.

« S'rait peut-être temps d'apprendre à les tuer d'premier coup, réplique-t-il en me lançant un regard qui en dit long. »

Sa remarque me met à l'aise, comprenant le sous-entendu qu'il souhaitait me faire passer, sans pour autant attirer l'attention des autres sentinelles. Ses yeux me crient que Woodbury n'est peut-être pas la forteresse qu'on espérait tous, qu'il est possible que je me retrouve dehors un jour ou l'autre. Mon arme toujours en main, je m'approche de Merle, de manière presque naturelle si ce dernier ne dardait pas sur moi un regard gênant. J'ai carrément l'impression d'être nue.

« Tu es au courant de certaines choses ? demandé-je à voix basse. »

Il hausse les épaules, tournant la tête en direction des familles se promenant paisiblement dans la petite ville.

« J'en sais rien. On l'saura bien assez tôt. »

Quelque chose me dit qu'il me cache un truc, mais je n'insiste pas. Je recule de quelques pas, reprenant ma place initiale tandis qu'il porte une main à sa poitrine, feignant la tristesse.

« Si proche et tu t'éloignes déjà.

- Tss, je souris.

- J'peux reprendre mon histoire ? »

J'hausse les épaules, pas certaine de vouloir écouter la suite.

« Donc j'disais, avec son p'tit string qui dépassait, elle se trémoussait, et moi j'suis qu'un homme. »

Il sourit, se remémorant sûrement les jolies courbes de Cassy, cette fameuse rouquine dont il me vantait le derrière depuis dix bonnes minutes. Merle ponctue son histoire de geste plus obscènes les uns que les autres, mimant tour à après tour, la manière dont elle lui offrit une gâterie, les mouvements de sa langue magique, comme il se plaisait à l'appeler, la façon dont sa poitrine débordait de son body, ou bien encore comment il la prit, sauvagement, sur le capot de sa voiture. Ni surprise, ni choquée, je reste cependant muette durant quelques instants, quelque peu dérangée par la manière débridée dont il aborde le sujet. M'impressionner ? J'ai autant envie de rire que de mettre une distance de sécurité entre nous.

« Je ne sais même pas pourquoi je reste là à écouter tes histoires de cul, je soupire, gardant néanmoins un vague sourire sur mes lèvres.

- Parce que tu m'aimes bien, rétorque-t-il, d'un air entendu. »

Je secoue légèrement la tête, néanmoins amusée de sa phrase. Puis mon regard se pose sur Woodbury. L'ambiance est à la fête, aujourd'hui, le Gouverneur a remis les générateurs en marche pour l'occasion. J'aurais bien aimé profiter de ce moment avec les habitants, avec Karen, notamment, qui s'occupe d'offrir des verres de citronnade frais à ceux qui se présentent à sa table. Mais les murs ne peuvent pas être laissés à l'abandon et mon tour de surveillance vient seulement de commencer. Je profiterai de la soirée particulière qui se profile à l'horizon, pour m'amuser à mon tour, me détendre et oublier les peurs qui m'habitent. Au loin, j'entends le Gouverneur faire un discours sur l'une des pelouses. Je souris en l'écoutant, lorsqu'il déclare que malgré le fait que Woodbury tienne avec du scotch et des morceaux de ficelles, c'est notre petit chez nous. Je ne serais jamais aussi bien nulle part ailleurs.

« Essaye de bien viser la tête d'ces connards ambulants, la prochaine fois, déclare Merle. »

Sa voix me fait revenir sur terre et je me rends compte que son tour de garde est terminé, et qu'il va pouvoir profiter de la fête. J'hoche la tête, bien que je sache pertinemment que mes prochaines tentatives seront des échecs.

« Salut, Poc', finit-il par dire avant de descendre de notre poste et de se mélanger à la foule. »

Plus tard dans la journée, l'un de nos véhicules quitta l'enceinte de la ville. A l'intérieur, je distingue sans mal Milton ainsi que Martinez et Merle. J'adresse un regard interrogateur à ce dernier, me demandant d'abord pourquoi on ne m'a pas proposé d'en faire partie alors que Milton, certainement le gars qui a la pire bleue des rôdeurs que je puisse connaitre, en soit. A travers sa fenêtre vitrée, il me réponds que c'est pour les festivités de ce soir.

« On n'avait pas déjà des rôdeurs ? questionné-je, surprise.

- Michonne les a buté. »

Je fronce les sourcils, puis repense à ses paroles, celles me préconisant qu'il serait temps que j'apprenne à tirer correctement. Mes yeux verts se posent vers l'horizon, songeant que ramener ces deux femmes ici n'était peut-être pas la meilleure idée du siècle.

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« Ama ? Ama, c'est moi, tu m'ouvres ? m'appelle la voix fluette de Karen. »

En trottinant, j'ouvre la porte à mon amie, un grand sourire aux lèvres. Elle me plaque deux bises sonores sur les joues avant de se jeter littéralement sur le lit. Karen est une brunette trentenaire, tout comme moi, mais elle a su garder une candeur qui m'étonnera toujours. Constamment joyeuse, tout le monde l'apprécie, ici. C'est le rayon de soleil de Woodbury, au même titre que les enfants.

« Tourne-toi voir, déclare-t-elle alors. »

Et je m'exécute, faisant virevolter ma robe à fleurs. Ce soir est le grand soir, j'ai tellement hâte d'y être que j'en trépigne d'impatience. Je me revois à l'âge de dix-huit ans, lorsque j'attendais patiemment que l'aiguille atteigne minuit pour me faufiler en boite de nuit, prête à dévorer la nuit.

« J'en suis presque jalouse, commente-t-elle.

- Tu as quasiment la même, répliqué-je en lui faisant un grimace. »

Elle pouffe de rire brièvement, rejetant la tête en arrière sur mon matelas, les yeux fixés sur le plafond blanc.

« T'as entendu la nouvelle ?

- Michonne qui est partie ? questionné-je.

- Ouais. »

J'hausse les épaules, son départ ne me faisant, à vrai dire, ni chaud, ni froid. Elle n'a malheureusement pas su s'intégrer à Woodbury, ce sont des choses qui arrivent. Je pense qu'elle aurait été expulsée, de toute manière. Elle faisait peur aux enfants, le Gouverneur s'en méfiait et, pour couronner le tout, elle avait tué ses rôdeurs. Ce n'était que justice. Je coiffe rapidement ma tignasse noire devant le vague miroir que j'ai récupéré lors d'une sortie, puis me retourne vers Karen. Je lui tends une main, qu'elle saisit, pour l'aider à se relever et nous quittons enfin ma petite chambre.

Plus j'approche des lieux, plus la musique enivre mes sens. Un bon vieux Rock qui résonne dans Woodbury, les gens se bousculent par moment, souhaitant à tout prix être au premier rang, les plus jeunes d'entre nous courent, fin excités à l'idée d'assister au spectacle. D'une manière générale, tous les visages sont illuminés d'un sourire, y compris le mien. En haut de l'estrade, aux meilleures places, se trouvent le Gouverneur et Andrea. Il est clairement dans son élément, dans la foule, à saluer les habitants, à laisser hurler sa joie tandis que la blondinette semble plus effacée. Je ne me fais pas de soucis pour elle, elle s'adaptera à Woodbury, elle m'a l'air plus désireuse de s'intégrer que son amie

« Pocahontas, Karen, on vous a presque réservé les meilleures places, déclare Merle, sorti de nulle part, en désignant d'un geste de main aristocratique lesdites places.

- J'en attendais pas moins, répliqué-je en posant une main sur ma hanche.

- Prêt à éclater Martinez ? questionne alors la brunette.

- C'bouffeur de piment va cracher ses dents. Vous crierez mon nom, même si j'aurais préféré qu'ce soit dans d'autres circonstances, termine-t-il en s'éloignant.»

Je secoue la tête, néanmoins amusée. Eh bien, dites-moi, je ne suis pas certaine d'avoir déjà vu Merle avec une telle pêche à l'idée de combattre. Agrippant mon poignet, Karen me fait zigzaguer entre les personnes encore debout jusqu'à nous faire rejoindre notre banc, juste devant celui du Gouverneur. Ce dernier nous gratifie d'un large sourire.

« Profitez bien, les filles, ça va être du grand art ! s'exclame-t-il avant de rire. »

Je n'ai pas peur de ce Gouverneur-là, je le préfère, même. Je suis contente de le voir ainsi, aussi détendu, sans qu'une ride ne marque son front constamment plissé par l'inquiétude. C'est ce Gouverneur qui m'a sorti de la vie sauvage, celui qui m'a tout offert sur un plateau d'argent, m'offrant un sourire de réconfort lorsqu'il m'a tendu une bonne tasse de thé fumante. C'est ce côté-ci de sa personnalité que j'ai appris à apprécier et qui ne me donne pas des frissons et mon petit doigt me dit que, malgré son arrivée éclair, Andrea y est pour quelque chose. Puis, dans un bruit si caractéristique, les projecteurs s'allument, illuminant les six rôdeurs attachés en cercle. Je n'ai pas peur d'eux non plus, ils sont fermement ligotés et n'ont ni dents, ni ongles. Je dompte doucement ma peur lors de ces combats, également, en me forçant à les dévisager sans détourner le regard. Martinez entre en premier au milieu des rôdeurs, sautillant, jouant au dur à cuire devant ces derniers et, envahie par la même adrénaline que les spectateurs, je me lève. En réalité, tout le monde se lève comme un seul homme, poussant des cris, des encouragements, frappant des mains et, bientôt, seul le prénom de Merle est scandé dans l'arène tandis que celui-ci arrive sur la piste. Le show, ça le connait.

Le combat commence enfin et je ne peux empêcher mes lèvres de s'étirer en un large sourire, tandis que je hurle des encouragements à l'attention de cet idiot de Merle. Nous avons adopté un étrange mode de vie, c'est vrai, mais je ne l'échangerai contre rien au monde. Plus tard, je me rendrais compte qu'il s'agissait là de mon dernier moment de pur bonheur à Woodbury.

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Merci d'avoir lu, j'vous aime !