[Mais qui pouvait ressentir ce que vivait Ian, qui ?]

Ian se détestait. Il n'y avait pas d'autres mots. Il se haïssait de toute son âme et il ne voulait qu'une chose : mourir. Il avait failli frapper sa petite sœur avec une batte de baseball. Il avait failli tuer le bébé de l'homme qu'il aimait bordel ! Il faisait pleurer sa sœur, donnait toutes les responsabilités à Lip et privait Carl de son grand frère.

Ian savait qu'on l'aimait sinon personne ne lui aurait rendu visite à l'hôpital et n'aurait pleuré pour lui. Mais il ne voulait pas qu'on l'aime, il voulait qu'on le laisse crever dans un coin. Le pire pour lui était de voir Mickey, putain que c'était dur. Ian était fou amoureux de Milkovich mais le blessait énormément. Évidemment, ce n'était pas sa faute mais, merde quoi, il ne voulait pas le faire souffrir. Pas quand Mickey était une des personnes, voir la personne qu'il aimait le plus sur cette foutue planète.

Ils avaient passé des moments merveilleux. Ian se souvenait de tout. Une des premiers fois où il lui fit l'amour, leurs deux mains crispées l'une avec l'autre contre les étagères. Quand il s'était battu aussi et qu'ils s'étaient retrouvé ensemble par terre, couverts de sang mais qu'ils s'étaient relevé comme si de rien n'était en buvant une bière et finissant par baiser. Comme toujours. Leurs discussions, leurs bagarres, leurs fous rire. Tout se finissait entre sang et sourire, entre haine et amour. Ian et Mickey ne se détestaient pas, ils étaient même pour ainsi dire sur la même longueur d'onde.

Être romantique, c'était carrément pas leur truc. Pourquoi partager un repas aux chandelles quand on peut boire une bière contre les barbelés d'une prison ? Pourquoi perdre du temps à se câliner quand on peut se battre ? Pourquoi apporter des roses rouges quand on peut se partager une clope ? Pourquoi faire l'amour délicatement dans des draps propres quand on peut baiser sauvagement contre un mur ?

Couple ou pas ? La question que Mickey avait esquivé très longtemps avant de finalement s'avouer et avouer aux autres qu'il était gay, et "je m'en bas les couilles de votre avis" et donc oui, un couple. Un couple très étrange mais un couple quand même.

Puis Ian avait déserté l'armée et avait continué sa petite vie minable dans un bar gay. Il n'avait pas vraiment pensé que Mickey viendrait le chercher jusque là, à vrai dire il avait plutôt voulu se faire oublier et oublier.

Ian se détestait encore plus, et il n'aurait pas cru ça possible, quand il apprit la triste vérité. Il était bipolaire. Alors c'était lui l'héritier de cette merde dans la famille ? Bah, il était celui qui le méritait le plus après tout. Ian aurait voulu hurler à sa famille, à Mandy, à Mickey, de le tuer ou de le laisser se tuer. Se planter un couteau dans les veines ou dans le cœur et crever misérablement comme il aurait du. Si les autres avaient pu voir toute sa souffrance, si seulement..

Puis vint l'hôpital. Les cachets. Les repas avec tous ces tarés dont il faisait parti. Les hallucinations. Les nuits blanches ou hantées par les cauchemars. Les cicatrices. Les hurlements. Les pleurs. La tempête. La haine. La colère. La tristesse. Le dégoût. Le vide.

Le vide, la pire chose. Être tiraillé par ses sentiments c'est l'horreur, mais ne plus avoir de sentiments c'est encore pire. Penser à sa propre mort ou celle de ses proches en se disant que, putain, ça ne nous affecterait même pas. Sauf Mickey. Parce que Mickey c'est pas pareil. Ian n'arrive pas à se dire qu'il peut mourir, qu'il peut le perdre. Même si le plus jeune fait tout pour que le brun parte et ne revienne jamais. Il ne lui parle pas, ne le regarde pas, ne lui rend pas ses étreintes. Mais Milkovich revient. Pas forcément tous les jours, mais il vient plusieurs fois par semaine. Et Ian veut le tuer de se faire de mal ainsi. Il veut lui hurler qu'il est malade, que c'est fini, qu'il ne l'aime plus, qu'il doit trouver quelqu'un d'autre, quelqu'un de mieux que lui, et que bordel c'est pas bien compliqué.

Ian a l'impression d'être dans un autre monde. Un monde où les bruits les plus infimes normalement sont de véritables marteaux. Une balle de ping-pong, un pion sur un plateau de dames, un couteau posé sur une table. Que de bruits qu'on ne remarque pas, qui passent inaperçu, mais qui font de la vie de Ian un enfer. Il est incapable de se concentrer sur une discussion même si celle ci l'intéresse. Il préfère partir et aller dormir. Entre les cauchemars du monde réel et de son sommeil, Ian choisit la deuxième option parce que dans celle-ci Mickey ne souffre pas à cause de lui.

Putain que c'est dur d'aimer quelqu'un comme Ian aime Mickey. L'amour qui vous cisaille le ventre comme pour vous tuer tout doucement est le pire. Comment ça l'amour est un bon sentiment ? Refuser de se nourrir, devenir jaloux, détester tout ce qui nous sépare de l'être aimé, Ian appelle ça l'enfer. Et l'enfer semble être un très bon synonyme de l'amour bizarrement.

Pour finir, Ian doit avouer que voir Mickey revenir aussi souvent est un énorme paradoxe qui le tue et le tient en vie. Ian a besoin de sentir les bras musclés autour de lui, de sentir l'odeur du sang et du tabac, de voir les yeux clairs le regarder avec amour. Alors parfois, mais seulement de temps en temps, Ian lui rend son étreinte. Lui murmure qu'il l'aime. Lui sourit doucement. Répond à ses questions. Lui parle de détails insignifiants : que la bouffe est dégueulasse, qu'il a battu un tel aux échecs.

Ian sait qu'il aime Mickey, mais qu'il lui fait du mal.

Surtout Ian sait que Mickey l'aime, et que ça lui fait du mal de savoir qu'il s'attache à lui alors qu'il mérite mieux.

Le plus jeune aimerait bien jeter tous ses cachets, refuser de manger et vomir ce qu'on lui aurait forcé à ingurgiter, se tailler les bras et crever.

Mais Ian se rappelle d'une phrase que lui a dit Mickey lors d'une de ses récentes visites :

" Grouille toi de guérir bordel, notre vie nous attend "

Alors Ian fait tout son possible pour le faire, pour guérir.

Il l'a promit à Mickey, il va aller mieux et..

Et après ils vivront une putain de belle vie.