Courte fiction sur Susan, qui a bien changé en grandissant. Tous les personnages appartiennent à CS Lewis.
Bonne lecture ! :)
Ça leur est tellement facile de me juger. Me juger, tenir le procès de ma vie, accuser …De quel droit ? Se sont-ils seulement demandé comment, moi, j'ai vécu tout cela ? Non…bien sûr que non. Susan est une grande fille. Elle est capable de gérer ces émotions sans l'aide de personne. Eh bien, voilà, messieurs mes frères, mademoiselle ma sœur…Susan joue effectivement à la grande. Et évidemment, ça ne plait pas ! C'est plus que ça…je sais qu'ils me méprisent pour ce que je suis devenue. Tout comme je me méprise aussi. Que je me hais ! Que je hais cette robe qui me fait un décolleté plongeant, que je hais ce rouge qui ourle mes lèvres, le trait bleu qui agrandit mon regard, le rose qui s'étale en grandes plaques sur mes joues….Je hais le regard que les hommes posent sur moi, leurs mains qui s'attardent sur mes hanches, leurs yeux rivés sur ma poitrine. Je me sens sale, si sale.
Mais le pire, c'est leur silence. Leurs regards qui glissent sur moi, contenant comme un blâme voilé. Pourtant ils ne disent rien. Ils me regardent puis baissent les yeux ou détournent le regard, comme si le spectacle de ma personne était trop difficile à soutenir. Pourquoi mon aîné, pourquoi mon cher Peter ne vient-il pas me voir ? Pourquoi ne me dit-il pas : « Susan, Susan. Pourquoi t'éloigner de nous ? Redeviens ma jolie sœur. En ce moment, tu es laide. Laisse-moi te redonner ta beauté. » . Mais Peter ne dit rien. Il me regarde partir et soupire. Et moi, je comprends que je suis seule. Absolument seule.
Livrée à mes tristes réflexions devant la glace, je n'entends pas la porte s'ouvrir doucement. Et Peter apparait. Je sursaute.
- Susan ? Nous passons à table, si tu manges avec nous, bien entendu.
Il y a quelque chose dans sa voix qui me fait tressaillir. Du reproche, de la tristesse ? Tout n'est peut-être pas perdu.
- Susan ?
En guise de réponse, je le bouscule et me précipite dans la salle de bains. Le miroir au-dessus du lavabo me renvoie la même désastreuse image : une moi aux lèvres rouge sang, aux paupières éclaboussées de bleu, au rose qui masque mon teint albâtre… Je tourne le robinet, l'eau jaillit.
Peter redescend dans la salle à manger. Les têtes se tournent vers lui, pleines d'espoir. Il secoue la tête tristement et les visages autour de la table semblent s'affaisser. En silence, ils commencent à se servir à manger. Peter pense à Susan et se demande une fois encore comment ils ont pu en arriver là. Comment a-t-il pu laisser sa sœur prendre ce si mauvais chemin ?
Soudain, il sent une douce chaleur qui se glisse dans sa main. Susan ! Toute débarbouillée, accroupie à ses pieds. Surpris, il enserre la délicate main avec plus de force.
- Je ne veux plus être comme ça. Je veux être de nouveau cette soeur que vous aimiez.
Les bras de Peter se referment sur le corps secoué de sanglots tandis que Lucy et leur mère caressent le visage inondé de larmes et qu'Edmund passe une main tendre dans les cheveux de sa sœur retrouvée. Doucement, Peter murmure à l'oreille de Susan : « Nous n'avons jamais cessé de t'aimer. »
Ce petit texte traînait dans mon tiroir depuis X temps...Je l'avais écrit parce que j'avais détesté le fait que Susan soit la laissée pour compte dans les livres. En tout cas...thanks for reading ! ;)
