Mayunaise le 1er novembre 2016
Bonsoir bonsoir ! Cette fanfic marque mon retour au HPDM (et mon retour tout court !). Elle est basée sur La Belle et la Bête, exploite les populaires Auror!Harry et Werewolf!Draco mais en dehors de ça, elle reste plutôt canon. Et son titre comporte un jeu-de-mot volontaire dont je ne suis pas peu fière.
De quoi ça s'agit : Août 2000, deux ans après la guerre. Suite à la disparition d'un jeune Auror au Manoir Malfoy, Harry Potter est dépêché sur place à son tour. Pris au piège par un concours de circonstances, il se rend rapidement compte que quelque chose ne va pas : ni le manoir ni Malfoy ne semblent dans leur état normal. Mais tandis que le Survivant tente de percer le mystère, sa relation avec Malfoy change petit à petit...
Détails techniques et stylistiques : Pour celleux qui ne me connaissent pas, je suis du genre régulière et je finis TOUJOURS ce que je commence. Update tous les 15 jours, date de la prochaine publication en fin de chapitre. 13 chapitres sont prévus. Ambiance sombre et (je l'espère !) mystérieuse, mais rien de d4rk. Sûrement quelques descriptions bien sales et glauques comme je les aime.
Note de mai 2017 : Bienvenue aux lecteurs de fics finies ! :D N'hésitez pas à laisser des reviews, avec vos impressions, vos remarques et tout ce qu'il vous passe par la tête !
Disclaimer : J'emprunte l'univers et les personnages de Harry Potter à JK Rowling et l'intrigue de La Belle et la Bête à Disney et à Cocteau. Le seul profit que je tire de mes histoires, c'est le plaisir de lire des reviews.
LE MONSTRE DE L'AURORE
Chapitre 1 : Sinon la folie, du moins un grand dérangement
De part et d'autre du manoir, les terres vertes et paisibles du Wiltshire s'étendaient à perte de vue. L'herbe haute et dense qui recouvrait entièrement le sol servait d'abri à d'innombrables insectes bourdonnants ainsi qu'à des tribus entières de rongeurs des champs. Tout était silencieux et immobile et, en même temps, tout bruissait et frémissait.
Des collines, au loin, cassaient gentiment la monotonie de la plaine, sans jamais lui faire de l'ombre. Au contraire, leur doux relief incitait les âmes rêveuses à la contemplation, et nombreux étaient les visiteurs à avoir laissé leur regard se perdre dans le paysage, se repaissant de son profond romantisme.
Mais le sorcier qui venait d'apparaître devant les grilles du manoir n'accorda pas plus d'une seconde au décor, pourtant bucolique à souhait. Il était un Auror entraîné et, qui plus est, un Auror en mission. Cela signifiait qu'il ne s'intéressait qu'aux éléments suspects ou anormaux – il n'avait pas de temps à perdre avec la beauté immuable de la campagne anglaise. Son attention était entièrement focalisée sur le Manoir Malfoy, dans l'ombre acérée duquel il se tenait.
La bâtisse était aussi impressionnante que dans son souvenir. Ses deux ailes grises flanquées de tourelles s'avançaient prétentieusement dans les jardins, comme les énormes pattes d'un sphinx. Ses hauts murs de pierre s'élançaient vers le ciel, avec l'arrogance d'un Empire State Building, écrasant de leur âge quiconque se tenait à leurs pieds, et ses toits noir d'encre, tout là haut, luisaient à peine sous le soleil estival.
Grande, pointue, austère, plantée au milieu des champs à la façon d'un inébranlable monolithe, la demeure en imposait tout autant que Poudlard, sans en avoir la chaleur... En tout cas, à première vue. Harry Potter remarqua en effet rapidement que quelque chose n'allait pas et sa main se resserra inconsciemment sur sa baguette.
Les jardins du manoir, autrefois si bien entretenus, étaient manifestement à l'abandon. Les parterres de fleurs étaient envahis par le chiendent ; les arbres couverts de mousse n'avaient pas été taillés depuis des mois ; la pelouse était constellée de fruits pourris, à moitié dévorés par les fourmis ; les chemins ne formaient plus de lignes nettes, car le gravier, faute d'être ratissé, s'était éparpillé dans l'herbe.
Et il n'y avait pas un seul paon albinos à l'horizon.
Quant au manoir en lui-même, il ne payait pas plus de mine, tout compte fait. Sa façade et ses beaux balcons disparaissaient par endroits sous la masse verte et compacte du lierre grimpant. Ici et là, on pouvait apercevoir une fissure dans la roche ou encore les écailles brillantes d'un lézard des murailles, amateur des vieilles maisons abandonnées. Et les fenêtres, dont la transparence aurait dû alléger la lourdeur décatie de l'ensemble, n'étaient d'aucun secours : tous les rideaux étaient tirés, bien que l'on soit au beau milieu de l'après-midi.
Si Harry n'avait pas mieux su, il aurait pu parier que plus personne n'habitait là depuis longtemps.
Ces petits détails étranges, cette drôle d'atmosphère qui planait sur le lieu, cette odeur de pourriture qui émanait, semblait-il, de la terre et des fondations elles-mêmes... Tout cela n'augurait rien de bon. Devant le Manoir Malfoy, l'Auror eut un très mauvais pressentiment mais il était trop exercé pour se laisser aller à la panique.
Il procéda à un examen standard des sortilèges de protection qui entouraient la résidence et, sans surprise, constata qu'aucun ne lui causerait de fil à retordre. Cela avait cependant moins à voir avec sa propre virtuosité qu'avec la simplicité des enchantements à défaire. Car même si on avait rendu sa baguette à Draco Malfoy à la fin de sa période de probation, comme convenu, on avait pris soin de la brimer au préalable.
Et dire que cet événement officiel n'avait eu lieu qu'une semaine auparavant ! Comment l'ancien Serpentard pouvait-il déjà s'attirer des ennuis, alors qu'il venait tout juste de récupérer sa baguette et sa liberté ?
Après deux années de travaux d'intérêt général, durant lesquelles il n'avait causé aucune sorte de problème selon son tuteur, on aurait pu imaginer qu'il allait continuer à faire profil bas, mais non.
N'était-il pas satisfait d'avoir échappé une première fois à la prison, grâce au témoignage de Harry lors de son procès ? Tenait-il tant à emménager à Azkaban, où il croupirait pour l'éternité en compagnie de son père et d'autres gais lurons ?
Pourquoi s'était-il empressé, sa baguette à peine retrouvée, d'ériger autour de son domaine toutes les barrières magiques qui lui étaient permises ? Cherchait-il seulement à se protéger d'éventuelles représailles ou avait-il quelque chose à cacher ?
Et pourquoi diable le jeune Auror envoyé la veille au manoir pour lui demander des comptes n'était-il jamais revenu ?
Harry ne s'expliquait pas comment une visite cordiale aurait pu dégénérer en kidnapping ou en disparition. Cela tombait bien : un des objectifs de sa mission était justement de le découvrir.
xXx
Avant que la porte d'entrée du Manoir ne se soit refermée derrière lui, le sorcier avait déjà machinalement jeté plusieurs sorts, dont un Charme du Bouclier, un Sortilège de Détection de Magie Malveillante et un Sortilège de Révélation de Présence Humaine, tous trois d'indémodables classiques. Il retint son souffle, un Sortilège de Désarmement sur le bout des lèvres, mais rien ne bougea.
Ces dix dernières années, le Manoir Malfoy avait été l'objet de plusieurs fouilles, dont deux toutes récentes. L'été qui avait suivi la guerre, des Aurors, des Briseurs de Maléfices et des Langues de Plomb l'avaient remué de fond en comble et quasiment tous les artefacts qui avaient appartenu à Voldemort et à ses fidèles avaient été détruits à ce moment-là. Par mesure de sécurité, la veille de la restitution de sa baguette à Draco Malfoy, le manoir avait été de nouveau fouillé, afin d'en éliminer les derniers résidus de Magie Noire.
En théorie, la résidence était débarrassée de tout objet ayant trait, de près ou de loin, aux Forces du Mal. En théorie, donc, Harry n'avait rien à craindre de ce côté-là. Et c'était pour cela qu'il se préparait davantage à affronter un être humain qu'un tabouret de piano ensorcelé...
Mais s'il faisait montre de vigilance, c'était plus par respect pour les procédures que par crainte d'une réelle embuscade. Car même s'il y avait réellement guet-apens, ce dont il doutait fort au vu du résultat négatif du Sortilège de Révélation de Présence Humaine, il ne s'inquiétait pas outre mesure. En effet, la baguette de Malfoy avait été si sévèrement brimée qu'elle ne consentirait même pas à lancer un Maléfice de Bloquejambes.
L'Auror attendit cependant quelques secondes de plus, toujours sur le qui-vive, prêt à se battre avec la fureur qui faisait désormais sa réputation, mais il finit par accepter que rien n'allait soudain lui sauter dessus et se décida à avancer très prudemment dans l'immense hall d'entrée, le bruit de ses pas étouffé par l'épaisse moquette.
Etant donné qu'il ne voulait toucher ni aux rideaux tirés ni aux cierges éteints, il éclairait son chemin à la lumière de sa baguette, comme un cambrioleur ou un adolescent avide de frissons. Et tout comme un voleur ou un gamin dans l'obscurité, il n'était pas tranquille. La nuit ne devait pas tomber avant deux heures et pourtant, les ombres dans le couloir étaient déjà noires et profondes, mouvantes. N'étaient-elles pas le repaire fétiche des monstres ?
Toutefois, quand l'Auror pointait sa baguette vers un recoin où il était certain d'avoir vu du mouvement, il n'y avait jamais rien. Il se faisait sûrement des idées. Il se faisait des idées, point. Et comme il n'avait plus onze ans, il se jura de se reprendre, tout en restant très, très méfiant.
Ainsi, avant de passer devant une porte – et ce n'était pas ça qui manquait, dans ce corridor – il vérifiait systématiquement par un sortilège informulé que rien de maléfique ne se trouvait derrière. Et même si sa baguette lui répétait incessamment que ne rôdait nul danger, et même si son Hermione Granger mentale le traitait, exaspérée, de parano, il avançait toujours avec la circonspection d'un chat en territoire inconnu, évitant soigneusement de toucher quoique que ce soit, se contorsionnant pour ne frôler aucun des coffres, chaises ou autres meubles qui étaient entassés pêle-mêle le long des murs.
Mais tout était calme et il atteignit les grands escaliers centraux sans encombre ni croiser âme qui vive. N'importe lequel de ses collègues aurait probablement fait une pause à ce moment-là mais Harry Potter ne s'autorisa même pas un soupir de soulagement. Tout relâchement pouvait lui être fatal. Après tout, un Auror avait disparu la veille...
– Hominum Revelio, murmura-t-il pour la énième fois depuis qu'il avait pénétré dans le Manoir.
Il faillit sursauter quand sa baguette pivota dans sa main pour pointer résolument vers le sol. Jusque-là, le sortilège n'avait rien donné. Il emprunta les escaliers qui menaient aux cachots le cœur battant, hésitant entre excitation et appréhension.
Les hurlements de Hermione et les rires démoniaques de Bellatrix Lestrange menaçaient de résonner dans ses oreilles, le visage de Ron, défiguré par l'impuissance et le désespoir, était à deux doigts de surgir, comme un spectre, devant ses yeux... ses souvenirs de la guerre ne parvinrent pourtant pas à se frayer un chemin plus avant dans sa conscience, car Harry savait désormais comment les tenir à distance.
A ses débuts, il souffrait des assauts du passé aux moments les plus inopportuns. Il suffisait d'un visage, d'un lieu, d'une phrase pour détourner son attention de sa mission et lui faire perdre pied, ce qui l'avait fait atterrir un nombre non négligeable de fois à Sainte Mangouste.
Dès qu'il avait été mis au courant de son petit problème de concentration, Robards, le Chef du Bureau des Aurors, lui avait conseillé de prendre rendez-vous avec un Psymage ou un Occlumens. C'était seulement le jour où il avait évoqué l'éventualité de le suspendre de ses fonctions, arguant que ses traumatismes faisaient de lui un sorcier instable et donc un Auror peu fiable, que Harry avait finalement suivi son conseil.
Cela lui avait coûté une dizaine de séances toutes plus épuisantes les unes que les autres, plusieurs nuits blanches comme l'astre lunaire et quelques crises de nerfs dignes de ses quinze ans mais, en fin de compte, il avait réussi. Depuis la fin de l'année précédente, les images cauchemardesques de la guerre et de ses morts étaient enfermées à double tour dans une contrée éloignée de son esprit. Bien entendu, elles ne s'étaient pas évanouies dans le néant et, repliées sur elles-mêmes, elles attendaient patiemment que sa vigilance faiblisse.
Pour le moment, Harry Potter tenait bon.
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L'Auror passa devant la cellule où Ollivander, Luna, Gripsec, Ron et lui avaient été retenus prisonniers et il eut malgré lui une pensée pour Dobby, qui les avait tous tirés de là. Il se força à observer attentivement l'intérieur des cellules suivantes pour ne pas repenser au cadavre de l'Elfe de Maison qui reposait près de la Chaumière aux Coquillages.
Il s'arrêta soudain. Entre les barreaux rouillés d'une cellule en tout point identique à ses voisines, il venait d'apercevoir l'Auror Lewis Caldwell.
Lewis était un jeune sorcier d'un naturel jovial, plein de bonne volonté et toujours prêt à rendre service, que ce soit pour faire le thé ou des heures sup'. Il riait de bon cœur aux blagues les plus pitoyables et s'arrangeait pour payer régulièrement sa tournée le samedi soir.
Pour l'heure, il semblait en bien piteux état, recroquevillé qu'il était dans un coin de la pièce, endormi en chien de fusil. L'estomac noué, Harry envoya une boule de lumière vers lui. Le poids qui pesait sur ses épaules se fit plus léger quand il vit que son collègue n'était apparemment pas blessé.
– Lewis, chuchota-t-il, en agitant sa baguette illuminée pour attirer l'attention du dormeur. Lewis !
Il n'osait pas parler trop fort, de peur de voir débarquer les Elfes de Maison ou Draco Malfoy. Il savait bien que, tôt ou tard, il lui faudrait affronter son ennemi d'école pour lui demander des explications et éventuellement pour le conduire en garde à vue. Toutefois, sa priorité actuelle était de libérer Lewis et, pour ce faire, il pouvait largement se passer de la présence du maître des lieux.
– Quoi ? Qu'est-ce que... Harry ! Je veux dire, Auror Potter ! s'exclama Lewis, toute trace de sommeil envolée au moment où il avait aperçu le visage de l'autre sorcier.
Il se précipita vers la porte de sa cellule et s'agrippa aux barreaux, comme un détenu de longue date désespéré de recevoir la visite d'un parent, d'un proche, d'une vague connaissance, d'un inconnu même.
– Fais-moi sortir de là, je t'en prie ! Un simple Sortilège de Déverrouillage suffira, mais il m'a pris ma baguette et je me suis retrouvé prisonnier et je ne–
– On discutera plus tard, tu veux ? le rabroua Harry. Alohomora !
Lewis ouvrit la porte grinçante d'un coup d'épaule et se jeta avec reconnaissance sur son aîné, mais Harry le repoussa, agacé. Ce n'était ni l'endroit ni le moment. Quand ils seraient tous les deux de retour au Ministère sains et saufs, qu'ils auraient fait leur rapport à Robards et qu'ils auraient été congédié par lui, alors seulement Lewis pourrait sortir petits gâteaux et assortiment de thés de Noël pour fêter sa libération et remercier son sauveur.
Mais aussi tentante soit la perspective d'un quatre-heures dégoulinant de gratitude, elle devait attendre. Son collègue libéré, Harry n'avait pas d'autre choix que de partir à la recherche de Draco Malfoy, désormais accusé de séquestration.
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– Auror Potter, sauf ton respect, je t'assure que c'est une mauvaise idée, geignit Lewis, pendant qu'ils remontaient les escaliers. Malfoy était dans un de ces états, hier... Il débloquait totalement, il était comme fou ! Est-ce qu'il ne serait pas plus sûr de filer sans demander notre reste et de revenir plus tard avec des renforts ?
Harry ne répondit pas, tout d'abord parce que les plaintes de Lewis commençaient à lui taper sur le système et ensuite parce qu'un Lumos un peu plus puissant que les précédents lui offrit une vision qui lui coupa momentanément le souffle. D'ordinaire, le Sortilège de Lumière découpait un cercle presque parfait dans les ténèbres, chassant les ombres, inattaquable, à la manière d'un Patronus miniature au milieu d'une bande de Détraqueurs.
Mais le dernier Lumos de Harry avait sorti un pan de mur de l'obscurité et, sur ce pan de mur, une ombre avait été arrachée à ses consœurs. Elle qui évoluait jusque-là parmi toutes les autres, anonyme, s'était tout à coup retrouvée cruellement projetée, épinglée au mur incurvé des escaliers. Et cette ombre crucifiée appartenait incontestablement à un être humain.
Dès qu'il la vit, Harry sut qu'il était trop tard. Malfoy allait à leur rencontre. Il avait l'avantage.
Le blond ne prit même pas la peine d'utiliser sa baguette magique, il se jeta tout simplement en avant, les bras écartés, entraînant dans sa chute les deux Aurors épouvantés. Les trois sorciers dégringolèrent dans les escaliers et atterrirent lourdement sur le sol de pierres des cachots, dans un mélange de robes, de chaussures et de parties de corps.
Malfoy, qui était au dessus de la pile, n'eut aucun mal à se saisir de la baguette encore illuminée de Harry. Aussitôt fait, il se releva d'un bond, vite suivi des deux autres, sur qui il se dépêcha de braquer la baguette dérobée. Son bras tendu oscillait nerveusement de gauche à droite, afin de tenir ses deux adversaires en respect.
Harry se plaça inconsciemment devant Lewis.
– Ne bougez pas ! Aucun de vous deux ! grogna Malfoy d'une voix terrible, juste avant que la baguette ne s'éteigne, les plongeant dans le noir.
Depuis qu'ils s'étaient tous relevés, il n'avait pas dû se passer plus de quatre ou cinq secondes, mais Harry avait eu le temps de noter, à un rythme affolé, tout ce qui clochait chez l'héritier Malfoy. Et la liste était si longue qu'un sentiment de panique s'infiltra malgré lui dans ses veines, comme le venin létal du Basilik.
Du temps de Poudlard, on aurait pu reprocher bien des choses à Draco Malfoy, mais personne n'aurait songé à critiquer le soin qu'il apportait à son apparence. A vingt ans, l'homme était méconnaissable.
Ses cheveux blonds étaient longs et emmêlés et semblaient n'avoir pas été coupés ni même coiffés depuis des semaines. Des mèches hirsutes tombaient de chaque côté de son visage façon lianes, tandis que d'autres, à l'arrière de son crâne, défiaient insouciamment les lois de la gravité.
Une barbe épaisse poussait anarchiquement sur ses joues creuses ; son cou maigre et veiné soutenait sa tête avec difficulté, comme la tige malade d'une grosse fleur. Ses yeux gris, enfoncés dans leurs orbites, étaient trop grands pour son étroit visage et leur mouvement constant trahissait sinon la folie, du moins un grand dérangement.
Quant à ses vêtements, bien que tout à fait corrects, du peu que Harry en avait vu, ils ne lui allaient pas du tout. Ils étaient trop simples, trop peu précieux : Malfoy semblait avoir emprunté le costume d'un autre, avec son col qui baillait et son pantalon qui plissait autour de ses chevilles.
Il faisait penser à Sirius Black à sa sortie de prison et à Remus Lupin les jours qui suivaient la pleine lune.
Mais le plus curieux, c'était que bien qu'il paraissait avoir décidé que ni sommeil ni nourriture n'étaient dignes de sa naissance, il n'avait pas non plus l'air d'être en si mauvaise forme physique.
Certes, son visage sans couleur ni rondeur criait « maladie ! » à qui voulait l'entendre, certes, ses yeux écarquillés étaient bordés de cernes gonflées et violacées, mais d'un autre côté...
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L'ancien Serpentard se tenait courbé, les jambes arquées, la tête en avant, à la manière d'un fauve enragé s'apprêtant à bondir. Sa main droite était étroitement refermée sur la baguette de Harry et sa main gauche formait un poing serré et impatient.
Il était peut-être souffrant, mais il était loin d'être faible. Au contraire, il semblait tirer sa force du mal qui le rongeait, comme certains hommes alités, juste avant de mourir, ont subitement assez d'énergie pour se lever, marcher et aller aux toilettes, alors qu'ils n'ont pas mis un pied par terre depuis des mois.
Après avoir mentalement reconstitué le portrait décharné de Malfoy, Harry sut qu'il devait faire preuve de prudence. De ce fait, il ne profita pas de l'obscurité pour courir aveuglément vers Malfoy et tenter de récupérer sa baguette et il ne chercha pas non plus à communiquer avec Lewis.
Les criminels les plus retors ne lui faisaient pas peur. Avec eux, il se permettait de prendre des risques. Cependant, il avait toujours eu un peu plus de mal avec les psychopathes. Ceux-là avaient perdu la raison et ils n'en étaient que plus dangereux, car imprévisibles.
Il était encore trop tôt pour classer avec certitude Malfoy dans l'une ou l'autre de ces deux catégories. Son apparence et son attitude étaient très éloignées de celles d'un homme sain de corps et d'esprit, mais cela n'impliquait pas nécessairement qu'il ne le soit pas – évidemment, cela n'impliquait pas non plus qu'il le soit. Dans le doute, les Aurors faisaient mieux de se tenir tranquilles.
– Lumos ! marmonna Malfoy, rompant enfin les ténèbres et le silence, peut-être pour rien, peut-être pour engager la conversation.
Harry se jeta sur l'occasion.
– Monsieur Malfoy, dit-il d'une voix calme et assurée, comme s'il ne s'adressait pas à un homme armé qui n'avait pas l'air de lui vouloir du bien. Je suis l'Auror Potter et–
– Je sais qui tu es, Potter ! le coupa l'ancien Serpentard, sans abaisser sa baguette d'emprunt. Et je sais pourquoi tu es là, figure-toi !
Harry se retint de répliquer que tout cela n'était en fait qu'une immense méprise et qu'il n'était pas là pour enquêter sur la disparition de l'Auror Caldwell mais pour inviter Malfoy à une garden party. Cependant, l'ancien Serpentard avait beau être son ennemi d'école, il était avant tout un suspect, et un suspect hargneux. Il faudrait faire sans les commentaires sarcastiques.
– Monsieur Malfoy, retenta Harry. Pourrions-nous nous installer dans une autre–
– Une autre rien du tout, le coupa de nouveau Malfoy, avec un sourire méchant et médusé. Tu crois que je vais vous conduire dans un salon et discuter poliment avec vous, autour de tasses en porcelaine et de petites cuillères en or ? Vous ne bougerez pas d'ici !
– Malfoy... soupira Harry, qui avait de plus en plus de mal à contenir sa colère. Malfoy, si tu ne veux pas aggraver ton cas, tu ferais–
– Mais qu'est-ce que j'ai fait de mal, hein ? De quoi est-ce qu'on m'accuse ? l'interrompit Malfoy pour la troisième fois.
Son expression torturée, son ton ingénu, sa main tremblante, il imitait la confusion d'une victime de façon plus que convaincante. Sentant Lewis derrière lui lever les yeux au ciel, Harry faillit faire de même, car lui aussi était ébahi par l'audace de leur suspect. Mais même si certaines réparties bien senties lui démangeaient terriblement la langue, il était un professionnel.
– Activité magique suspecte autour du Manoir Malfoy, séquestration d'un Auror dans l'exercice de ses fonctions et refus de coopérer avec des représentants de l'autorité. Subtilisation de ma baguette magique ainsi que, pour la forme, usage de violence, verbale et physique, envers l'Auror Caldwell et moi-même, énuméra-t-il.
– Depuis quand est-ce un crime que de protéger mes terres et de désirer un peu de tranquillité ? s'écria pitoyablement le blond. Cela ne vous suffit pas, d'avoir brimé ma baguette ? Dans ce cas-là, il ne fallait pas me la rendre, si c'était pour m'accuser ensuite de torts imaginaires ! Tous les sortilèges que j'ai utilisés sont parfaitement lég–
– Très bien, alors maintenant tu vas aussi me dire que l'Auror Caldwell a passé la nuit dans cette cellule de son plein gré et que tu ne l'as absolument pas malmené ? Que sa séquestration est un coup monté du DMLE, un prétexte pour t'envoyer en prison ? Que je t'accuse à tort, que tu es innocent ? Comment oses-tu te faire passer pour une victime ?
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– Je ne suis pas assez stupide pour prétendre ne pas avoir enfermé ton ami... l'Auror Caldwell, répondit lentement Malfoy, en faisant tourner la baguette volée entre ses doigts.
Lui qui était tout-à-l'heure fébrile, effervescent, au bord des larmes, était soudain tranquille et détendu. Cette brusque saute d'humeur ne fit qu'inquiéter Harry davantage.
– Je l'aurais laissé repartir, s'il n'avait pas eu la bêtise de toucher à ce qu'il n'avait même pas le droit de regarder, reprit l'ancien Serpentard, en adressant une grimace méprisante à Lewis.
Durant un instant aussi court qu'angoissant, Harry crut que Malfoy faisait référence à ses appendices génitaux, puis il se mit une gifle imaginaire. A quoi pensait-il, sérieusement ?
– Est-ce que c'est vrai, Lewis ? Est-ce que tu as fait quelque chose que tu n'aurais pas dû faire ? demanda-t-il à son collègue, en chassant de son esprit toute image déplacée.
L'air penaud, Lewis baissa le menton, avouant sa culpabilité sans prononcer un mot. Harry l'insulta généreusement dans sa tête. Il ignorait ce qu'il s'était passé la veille et il ne doutait pas que la réaction de l'ancien Serpentard avait été disproportionnée, inappropriée – confisquer la baguette d'un Auror et jeter ce dernier aux cachots ! – mais il venait d'apprendre que Malfoy n'avait pas agi sans motif, ce qui compliquait grandement leur affaire. Si Lewis était en tort... si c'était lui qui avait commencé...
– Comment aurais-je pu savoir qu'elle était si importante pour lui ? bougonna le jeune Auror, en relevant la tête avec défiance. Elle m'intriguait, c'est tout. Je ne pensais pas à mal, Auror Potter. Et même si je n'aurais pas dû toucher, cela ne valait pas une nuit en cellule !
– Mais qu'est-ce que tu as–
– La fleur, Potter, cracha Malfoy à contre-cœur. Ton sans-gêne de collègue a failli lui arracher un pétale.
Encore une fois, Harry fit tout son possible pour ne pas répondre quelque chose qui n'aurait fait qu'envenimer la situation. Car si Malfoy était atteint au point d'enfermer Lewis pour avoir commis le sacrilège de toucher à une fleur, que réserverait-il à celui qui se foutrait ouvertement de sa gueule ?
– Et cela t'a blessé, dit Harry, l'expression la plus neutre de son répertoire plaquée sur le visage.
Il ne pensait sincèrement pas que Malfoy allait répondre. Il était évident que l'éloquence du blond variait selon son humeur. La boule de nerfs furieuse déversant son animosité à tout bout de champ ou l'enfant perdu à qui on a volé sa peluche avait laissé place à une nouvelle incarnation.
Ses épaules amollies, ses lèvres entrouvertes, tout indiquait qu'il avait déserté son enveloppe charnelle pour se perdre dans un monde lointain, où les paroles de Harry n'avaient pas plus de signification que le nombre de pois des coccinelles. Mais sa baguette ne flancha jamais et les deux Aurors restèrent sagement immobiles.
Dans les sombres cachots du Manoir, les secondes passèrent, fugitives, rythmées par la respiration discrète et mécanique des trois hommes.
– Il faut qu'il paie, finit par annoncer Malfoy, comme un juge prononce une sentence. Il est entré chez moi sans y avoir été invité. Il a touché la fleur sans en avoir le droit. Il a crié et pleurniché toute la soirée sans raison et, à cause de lui, je n'ai pas pu dormir.
Pendant qu'il parlait, il n'avait pas quitté les deux Aurors des yeux et de la baguette et Harry entendit distinctement ses espoirs voler en morceaux. Quelle que soit son humeur, Malfoy ne baisserait jamais la garde. Si Harry réussissait à rejoindre les escaliers sans recevoir un maléfice dans le dos, ce serait déjà un miracle, mais s'il parvenait à entraîner Lewis dans sa fuite, ce serait une preuve indubitable que Merlin n'était pas mort.
Plus Harry réfléchissait, plus il était convaincu d'avoir mis le doigt sur la solution, la seule solution. Sans baguette, il pourrait toujours se débrouiller contre Malfoy, ce qui n'était clairement pas le cas de Lewis. Il fallait qu'il trouve un moyen pour rester et pour faire s'échapper Lewis, mais cela semblait impossible, sauf s'il négociait avec le maître des lieux.
– Est-ce que... Est-ce qu'il faut impérativement que ce soit Lewis qui soit puni ? Ou bien est-ce que je ferais aussi bien l'affaire ? Attends ! Avant de t'insurger, Malfoy, réfléchis-y vraiment. Tu ne connais pas l'Auror Caldwell. Mis à part le préjudice qu'il t'a causé, tu n'as aucune raison de lui en vouloir. Alors que moi... Imagine, Harry Potter, ton prisonnier ! Celui que tu as toujours rêvé d'écraser et d'humilier, celui qui est–
– D'accord, gronda Malfoy. J'accepte. Un caillou contre un diamant, j'y perds peu au change.
Harry dissimula son étonnement du mieux qu'il le put. Qui aurait pensé que cela serait si facile de convaincre Malfoy de laisser partir Lewis ? Ça avait été si facile que le brun ne songea même pas à se réjouir de sa petite victoire... Oh non, son inquiétude augmenta encore d'un cran.
– Non ! cria Lewis, en attrapant le bras de son aîné. Auror Potter, Harry, tu ne peux pas faire ça ! C'est un monstre !
– Remettrais-tu en question le jugement de ton supérieur ? rétorqua froidement l'ancien Gryffondor, en se dégageant.
– Ho, je n'oserais pas, mais quand même... bredouilla l'autre Auror, dont le regard exprimait quelque chose à mi-chemin entre la soumission et la supplication.
– Assez ! Mettez-vous d'accord. Peu m'importe, au final, celui qui reste, tant que l'un de vous deux part. Je ne pourrai supporter cette scène larmoyante plus longtemps, maugréa Malfoy, en faisant crisser ses ongles sur le manche de la baguette de Harry.
– Pars, Lewis, dit Harry, d'un ton qui n'acceptait pas d'objection.
En réalité, il était secrètement soulagé que Lewis s'en aille. Depuis qu'il était entré dans le monde magique à onze ans, de nombreuses personnes l'avait aidé et il n'avait jamais rechigné à travailler en équipe. Mais il aimait agir seul. Il n'était d'ailleurs jamais aussi efficace en mission que quand son partenaire était occupé à autre chose.
Si Malfoy avait choisi de les garder prisonniers tous les deux, Harry n'aurait pas pu se concentrer comme il l'aurait voulu sur son enquête, car il n'aurait eu de cesse de s'inquiéter pour la sécurité de son collège. Heureusement, si Malfoy tenait parole, Lewis serait bientôt hors de danger et Harry pourrait dévouer toute son attention à l'incompréhensible chaos qui baignait le Manoir Malfoy et son étrange propriétaire. En effet, malgré son présent statut de prisonnier désarmé, il comptait bien mettre à profit son séjour forcé au Manoir pour enquêter.
Quelque chose n'allait pas, il y avait un mystère, et Harry Potter brûlait de le résoudre.
A Suivre...
Chapitre 2 en ligne le 15 novembre
Un premier chapitre, c'est toujours délicat. J'attends donc vos petits mots et vos avis avec impatience ! Merci de m'avoir lue :)
