Disclaimer: Je ne prétends pas connaître les horreurs vécues par les anciens combattants et cette fiction ne se veut pas être un manque de respect. Ah et les personnages appartiennent à maître Nolan, l'un des meilleurs réalisateurs ever (oui je fangirlise XD ).
Notes: Je voulais juste que Gibson survive. Que quelqu'un retourne le chercher pendant qu'il se noyait. Alors je me suis fait plaisir !
Il n'y avait plus rien à faire. Même s'ils tentaient de boucher les nombreux trous percés par les avions nazis, les dommages étaient devenus trop graves pour qu'ils puissent réussir à sauver le bateau. Ils devaient quitter ce navire au plus vite.
Gibson tentait encore de sauver l'épave alors que presque tous les autres étaient sortis de la cale inondée. Alex poussa Tommy vers les escaliers avant d'empoigner violemment Gibson par les épaules en criant " come on let's go! ". Sa compréhension de la langue anglaise n'était pas encore tout à fait au point malgré qu'il ait passé la dernière semaine en compagnie de soldats britanniques, mais il ne lui en fallut pas plus pour comprendre qu'il était temps de partir.
Il laissa Alex passer devant lui avant de se mettre à le suivre. Lorsqu'il voulut monter le petit escalier qui menait à l'extérieur de la cale, il se rendit rapidement compte qu'il était maintenu par quelque chose qui refusait de le laisser partir. Il avait beau tirer de toutes ses forces vers l'avant, mais ses doigts ne parvenaient même pas à toucher l'escalier de bois. Gibson voulut crier à l'aide, mais l'eau le submergeait déjà, couvrant sa bouche et son nez. Le cœur battant, il continuait de battre ses pieds sur le sol du bateau englouti, mais ses bottes ne faisaient que glisser sur la surface trempée. Ses bras continuaient de se battre dans l'eau, mais tous les gestes qu'il faisait étaient vains.
Plus il paniquait et plus son énergie vitale diminuait. La bouche grande ouverte, il avalait des litres d'eau salée qui lui brulaient l'œsophage. Ses poumons réclamaient de l'air et ils lui faisaient tellement mal qu'il avait l'impression qu'ils pourraient exploser à tous instants. Bientôt, il n'eut même plus la force d'essayer d'attraper l'escalier. Il se rendit à l'évidence. Il était coincé et les autres ne s'étaient pas aperçus de son absence. Après tout, qui allait risquer sa vie pour venir sauver celle d'un Frog, d'un soldat français qui avait quitté son armée pour fuir les atrocités de Dunkerque ? Personne.
Les yeux encore grands ouverts, il ne voyait plus que l'obscurité de cale et les caisses de bois et autres objets qui commençaient à flotter doucement autour de lui. Dans sa tête, il revivait les derniers mois de sa jeune vie en accélérer. Il se revoyait rejoindre les rangs de l'armée française parce qu'il voulait que la folie hitlérienne s'arrête. Il revoyait les larmes sur le visage de sa mère lorsqu'il lui avait annoncé la nouvelle. Il revoyait ses camarades tombés au combat sous les feux meurtriers des Allemands. Puis Dunkerque et sa folie. La plage, le cadavre du soldat britannique et Tommy.
Tommy qui s'accrochait avec lui en dessous du quai en attendant une nouvelle occasion pour quitter cette plage maudite. Tommy lui donnait une gourde d'eau. Tommy qui lui souriait. Tommy à qui il jetait une corde dans l'eau pour qu'il puisse suivre la barque. Tommy qui le défendait face à Alex qui était prêt à le jeter à l'eau pour sauver les autres mates.
Gibson ferma les yeux et laissa ses bras flotter au gré de l'eau. Il sentit quelque chose tirer ses vêtements dans son dos, mais il était trop léthargique pour faire quoi que ce soit. Bientôt, une force mystérieuse le propulsa vers l'avant et la seconde d'ensuite il sentit ses narines et sa bouche être libérés de l'emprise de l'eau.
Il ouvrit les yeux brusquement avant de recracher une bonne tasse d'eau et de prendre une grande inspiration. Il se trouvait toujours dans l'eau, mais il était hors du bateau. À moins d'un mètre de lui se trouvait Tommy qui nageait vers un autre bateau qui se trouvait assez loin, mais qui semblait venir dans leur direction. Plus près d'eux, il y avait un énorme paquebot qui ne semblait pas être en bon état. Malgré son manque de vitalité flagrant, Gibson remarqua plusieurs hommes sauter par-dessus bord tandis que le bateau était penché d'un drôle d'angle.
" Come on you fucking frog, follow him! I didn't return in this bloody boat for nothing! "
Gibson reconnut aussitôt la voix d'Alex malgré ses oreilles bouchées et les nombreux bruits environnants. Il se trouvait juste derrière lui et il lui jetait un regard noir. Le même qu'il lui avait fait quinze minutes plus tôt. De manière instinctive, Gibson se mit à nager dans la même direction que Tommy alors que d'autres soldats faisaient de même. Tous semblaient vouloir embarquer sur le bateau blanc qui flottait doucement comme un mirage au milieu de tout cet enfer. Le visage maculé d'huile noire et le souffle court, Gibson nageait le plus rapidement possible. Bien qu'il n'osait pas regarder le paquebot qui coulait à plusieurs mètres de lui, les bruits qu'il entendait ne laissaient rien présager de bon.
Gibson, Tommy, Alex et d'autres hommes chanceux se firent embarquer à bord du nouveau navire qui était déjà plein à craquer avant qu'une explosion retentisse sur la mer huileuse. Un puissant feu prit naissance au-dessus de l'eau, un spectacle à la fois étonnant et terrifiant. Les cris de ceux qui se retrouvaient prisonniers de ce brasier infernal leur parvenaient sans peine et Gibson ressentit une immense pitié. Ils n'eurent cependant pas le temps d'en voir davantage puisqu'ils furent conduits dans la cale par un jeune homme blond qui indiquait aux soldats où se placer.
Le voyage jusqu'à la marina se fit en silence. Les hommes étaient fatigués, trempés, sales et complètement dépassés par les événements. Assis entre Alex et Tommy, Gibson profitait de leur chaleur corporelle pour se réchauffer un peu. Il n'arrivait pas à croire qu'il avait finalement réussi à échapper à Dunkerque. Il avait souvent frôlé la mort durant cette dernière semaine, mais il avait réussi à survivre malgré tout et il s'estimait plus que chanceux.
Il faisait déjà nuit lorsque le bateau s'arrêta au port. Un à un, les soldats sortirent du navire en gratifiant les hommes qui les avaient sauvés d'un mot ou d'un geste significatif. Comme à sa bonne habitude, Gibson suivit Tommy et Alex de près.
" You should stay here with them ", fit Alex en pointant l'homme d'une cinquantaine d'années et le plus jeune.
Incertain d'avoir compris ce qu'Alex voulait dire, Gibson regarda Tommy.
Ce dernier secoua la tête.
" I don't think that's a good idea. "
" Why the hell not? He's a frog for fuck's sake! He can't stay with us!" fit Alex à mi-voix.
" I know but what's gonna happen to him once he's back in France? "
" He'll go home, I guess. I don't care! He just can't stay with us! "
" He saves our lives many times Alex… I think we kinda own him… "
" Own him?! Really?! We just got back in that bloody ship to save his frog's ass! You don't think that's enough? He's the one who choose to left his companions behind, so he's the one who's gonna have to live with this responsibility, not us! "
Les yeux de Gibson alternaient entre les deux soldats. Il savait (ou du moins, se doutait fortement) qu'ils parlaient de lui et de ce qu'il allait advenir de sa personne. Si la voix d'Alex était remplie de frustration et de colère, celle de Tommy demeurait calme et compatissante. Ce dernier ne quittait pas Gibson des yeux comme s'il attendait qu'il dise quelque chose.
Bien qu'il fût incapable de prendre part à cette conversation, il ne pouvait pas retourner en France. Du moins, pas tant et aussi longtemps que la guerre n'était pas terminée. Il refusait catégoriquement d'être contraint à vivre sous le régime de Vichy qu'il n'acceptait pas. Il pourrait rejoindre la Résistance, mais étant donné son statut de soldat déserteur, Gibson n'était pas certain d'être le bienvenu. Pour le moment, son nom devait être sur la liste des soldats porté disparu ce qui le mettait dans une position sûre, mais il ignorait quel serait son futur s'il retournait en France. En dépit de son choix de partir plus tôt de Dunkerque, sa véritable place était dans l'armée française. Il était parti uniquement parce qu'il avait eu peur, parce qu'il en avait eu marre d'attendre que les Anglais viennent les sauver à leur tour. Les hommes avaient eu la mission de tenir la ville face aux Allemands pendant que les Anglais se faisaient sauver par Winston Churchill, mais Gibson n'avait pas tenu.
Il comptait tout de même continuer à se battre. Il se faisait la promesse solennelle de ne plus jamais flancher. S'il avait survécu à l'horreur de Dunkerque, il était capable de survivre à tout. Il en était persuadé.
" Gibson… What do you want to do?" demanda Tommy d'une voix calme. " Do you want to come with us or you want to go with them? "
Son index pointa l'homme du bateau et son fils qui regardaient les soldats qui continuaient à son sortir de la cale.
" He doesn't understand you anyway. Come on. We gonna miss the train. "
Alex passa son bras autour des épaules de Tommy avant de l'entraîner avec lui dans la direction opposée. Bien qu'il se laissa tirer par son ami, Tommy jeta un regard par-dessus son épaule.
Gibson demeurait immobile parmi la foule de jeunes vétérans qui prenaient tous la direction du train. Son cœur était tiraillé entre l'option de suivre Tommy ou bien de recommencer à zéro en retournant dans son pays natal. S'il retournait en France, il savait qu'il ne pourrait revoir sa mère de sitôt et qu'il devrait se cacher. S'il poursuivait la guerre, ce serait aux côtés d'Anglais qui ne connaîtraient jamais sa véritable identité et qui le prendraient pour un homme muet. Ça, c'était dans le cas où Alex et Tommy acceptaient de préserver sa nationalité jusqu'à la toute fin.
Ce n'est que lorsqu'il ne vit plus ses deux compagnons habituels que Gibson se mit à courir pour aller les rejoindre. Passant l'étape des différents kiosques qui offraient des objets, de la nourriture ou de l'eau, il zigzagua parmi la foule jusqu'à ce qu'il parvienne à repérer les deux jeunes hommes. Il s'immisça entre eux avant de passer un bras autour des épaules de Tommy et l'autre autour des épaules d'Alex avec un sourire. Surpris, les deux autres lui jetèrent un regard.
" So you made your decision… Welcome aboard! " fit Tommy en lui souriant.
Alex n'avait pas l'air aussi content que son camarade.
" Stay alive this time. There's no way I'm gonna come back for ya twice " marmonna-t-il entre ses dents.
Même s'il n'avait pas tout à fait compris ce qu'Alex venait de dire, Gibson éclata de rire. Il relâcha ses deux amis. Ils se mirent à la file à la suite des autres soldats afin d'embarquer à bord du train passager qui les attendait. Une fois à l'intérieur, ils choisirent l'une des nombreuses cabines fermées où ils se laissèrent choir sur les banquettes confortables. Tommy s'installa pour dormir en position fœtale à la verticale, la tête appuyée contre sa couverture encore roulée. Alex tourna la tête vers la fenêtre et Gibson poussa un petit soupir de soulagement.
Quelques minutes plus tard, le train se mit en route. Gibson se laissa bercer par ce transport terrestre. Il avait oublié la sensation de sécurité que l'on pouvait ressentir à bord d'un tel véhicule. Pour une fois, il ne tanguait pas sur un bateau malmené par les eaux vives et déchaînées qui menaçait de se faire bombarder ou détruire par une vicieuse torpille ennemie. Pour une fois, il pouvait respirer sans avoir peur de perdre le souffle à tout instant. Pour une fois, il pouvait fermer les yeux et se laisser transporter vers l'inconnu.
Il s'endormit avant même de s'en rendre compte. Le silence, le confort, la chaleur et la sécurité dans laquelle il baignait avaient finalement eu raison de lui tout comme la fatigue et l'épuisement physique et émotionnel.
Il se réveiller au petit matin par les rayons du soleil. Le train poursuivait sa route et le décor extérieur avait complètement changé. Gisbon sourit lorsqu'il vit toute la verdure qui défilait de l'autre côté de la fenêtre. Elle semblait si rayonnante, si vivante et si brillante que ça lui fit chaud au cœur. Ça faisait changement de Dunkerque et sa triste plage dénuée de couleur avec ses hommes aux visages terrorisés.
" It's beautiful right ? " demanda Tommy qui souriait aussi.
Le sourire de Gibson s'élargit. Il jeta un rapide coup d'œil à Alex qui dormait toujours, le visage appuyé contre la fenêtre.
" I'm glad you've decide to come with us. I know we can count on you. You can count on us too. Don't worry too much about Alex. "
Encore une fois, Gibson ne saisissait pas tous les mots qui sortaient de la bouche de Tommy, mais il se doutait qu'il s'agissait de quelque chose de positif. En retour, il lui fit un signe de tête.
- Merci, murmura-t-il.
Quelques minutes plus tard, le train s'arrêta dans un endroit presque désert. Deux garçons semblaient transporter des caisses de légumes tout juste à côté de la fenêtre du compartiment des trois amis. Alex interpella les gamins et il eut droit à un journal. Tommy fit la lecture d'un texte qui semblait être adressé à la population et qui concernait les combats qui avaient eu lieu à Dunkerque. Bien que Gibson ne comprit qu'un nom et qu'un mot ou deux, l'expression des deux autres semblait en dire long concernant cette nouvelle. Il regarda Alex et Tommy tour à tour, mais il ne lisait que de la fatigue dans leurs yeux.
" We shall never surrender. "
Le train se remit en marche et le silence fut de retour dans la cabine. Alex et Tommy se contentaient de regarder à l'extérieur tandis que Gibson feuilletait le journal à la recherche de nouvelles sur la France ou autre chose à se mettre sous la dent. Il trouva bien un article ou deux, mais il ne parvient pas à comprendre de quoi il s'agissait ce qui était assez frustrant. Il allait devoir faire des efforts pour s'approprier l'anglais. Au moins, la comprendre à défaut de pouvoir la parler. S'il prononçait un mot dans la langue de Shakespeare, il serait aussitôt trahi par son accent, mais la compréhension serait déjà quelque chose d'important dans son cas.
Environ deux heures plus tard, le train se mit à ralentir. Bientôt, ils aperçurent des visages inconnus à l'extérieur. Ils venaient d'arriver dans une gare. Plus le train perdait de la vitesse et plus les gens semblaient vouloir se rapprocher des fenêtres. Ils avaient tous un sourire sur les lèvres et plusieurs d'entre eux applaudissaient chaudement l'arrivée des vétérans de Dunkerque. Certains venaient même cogner gentiment contre la vitre en espérant pouvoir saluer les héros britanniques.
Les trois amis échangèrent un regard, incertains de ce qui tout ceci signifiait. Lorsqu'un homme courut à la fenêtre de leur cabine pour leur offrir des bouteilles de bière et des fruits, Alex n'hésita pas une seconde pour s'emparer de ce butin.
" Thanks mate! " s'exclama-t-il à l'homme avant de distribuer les cadeaux à ses camarades.
Ils se mirent tous les trois à sourire en gratifiant les passants qui continuaient d'affluer aux fenêtres avec un signe de la main. Ils avaient l'air si heureux et si reconnaissants que Gibson était certain que ces gens avaient été désinformés. À ses yeux, Dunkerque avait été un désastre sur tous les plans pour les Alliés. Non seulement ils avaient perdu du terrain, mais en plus ils avaient perdu beaucoup d'hommes en attendant les secours. Sans parler de ses compagnons français qui étaient toujours prisonniers de cette terrible ville…
Un frisson lui parcourut l'échine à cette pensée. Pendant qu'il avait le loisir et le luxe d'être au chaud dans un train avec des gens qui l'accueillaient comme un héros, ses frères d'armes étaient toujours à Dunkerque à essayer de défendre le territoire comme ils le pouvaient. Il ressentit une immense culpabilité à cette idée et il reposa aussitôt sa bouteille et sa pomme sur la table qui trônait entre les deux banquettes.
Le train s'immobilisa complètement et un chaos prit naissance dans le corridor. Les hommes étaient sortis de leur cabine en chantant et en poussant des cris de victoire tout en se pressant les uns contre les autres. Ils avaient hâte de pouvoir rejoindre le bain de foule qui continuait d'affluer autour du train.
Ce fut aussi le cas d'Alex et de Tommy qui pressèrent Gibson afin qu'il se lève.
" Come on mate get up! Let's go celebrate! " s'exclama Alex en le tirant par le bras.
C'est avec une boule dans la gorge que Gibson suivit ses camarades en dehors du train.
