Chapitre 1

Le 2 Septembre

—QUOI ?!

Le cri de Ron Weasley, Auror professionnel, résonna dans toute la pièce. Son ami de toujours, Harry Potter, venait de lui faire part de l'intention de Drago Malefoy et de sa femme, Astoria Greengrass, d'entrer dans l'Ordre du Phénix.

— Mais enfin, Harry, ce type est un lâche !

— Je sais Ron, mais il mérite une seconde chance, si tu regardes bien, il n'a été impliqué dans aucune affaire louche ces dix dernières années. Il a changé !

— Mais tu te souviens de Lucius ?

— Ron, rétorqua Hermione Weasley, Lucius était un partisan de Voldemort et a choisi de l'être ! Drago n'a pas eu le choix !

— Mais il l'est quand même devenu !

— Il n'est pas obligé de suivre les pas de son père ! s'exclama Hermione. Je te trouve bien fermé. Donne-lui une chance ! C'était il y a dix-huit ans ! C'est du passé ! Tu pourrais tourner la page !

— Hors de question ! Sa famille a abusé de la mienne pendant de nombreuses années, nous étions des traîtres à notre sang ! Mon père était sans cesse harcelé par ce type ! Ils ont détruit par deux fois notre maison ! Je ne suis pas près de l'oublier !

Hermione poussa un long soupir, un soupir d'exaspération avant tout. Parfois, elle se demandait comment elle faisait pour le supporter.

— Ron, commença Harry, ton père faisait ce qu'il voulait des lois, il les modifiait à sa guise.

— Oui et alors ? interrogea-t-il, excédé.

— Tu n'as jamais touché aux lois pour ton propre intérêt.

Ron croisa les bras sur la poitrine, il n'était pas convaincu.

—Et puis, ton père était un vrai fan d'objets moldus, insista Harry, mais toi, tu es différent, tu ne t'intéresse en rien à toutes ces babioles ! Tu n'es pas comme ton père !

— Certes, admit Ron.

— Qui te dit que Drago est comme son père si toi-même tu n'es pas comme le tien ?

Ron, assis sur sa chaise en cuir, regarda tour à tour sa femme et son ami. Puis, dans un geste de résignation, croisa les bras contre sa poitrine, comme un enfant qui boude. Mais le regard perçant et accusateur d'Hermione le ravisa, il détendit ses épaules et, comme si les mots lui étaient arrachés de la bouche, il dit :

— Bon d'accord, je veux bien lui accorder un entretien, mais il n'a le droit qu'à cette chance là ! Pas une deplus !

Hermione soupira de soulagement, Harry ferma les yeux de contentement. Depuis quelques temps, Ron se montrait de plus en plus entêté, il faisait preuve d'une volonté puérile de s'opposer aux autres, rendant les choses plus difficiles qu'elles ne l'étaient déjà. Il se comportait ainsi depuis qu'il était entré dans l'Ordre. A ses débuts, il se comportait comme un chef qui dirigeait ses guerriers, et quand ils désobéissaient, le chef haussait le ton. Seulement, Harry et Hermione n'étaient pas de gentils soldats et Ron s'en était vite rendu compte. Il avait donc changé de stratégie et avait opté pour l'entêtement perpétuel. Mais cette ténacité affichée et souvent injustifiée n'apportait rien à part de la discorde.

Hermione retourna à son bureau, elle devait travailler sur une affaire de double assassinat de sorciers. Harry, quant à lui, se plongea dans la lecture d'un fabuleux rapport d'autopsie. Ce boulot ne leur laissait aucun répit. Aucune atrocité ne leur était épargnée. Les scènes de crimes étaient toujours plus violentes et plus sanglantes et même après plusieurs années exposés à ce quotidien, ils n'arrivaient pas à comprendre la cruauté qui animait tous ces criminels . Harry en faisait des cauchemars et Hermione souffrait d'insomnie. Ron était le seul à ne souffrir d'aucun de ces symptômes. Il avait su garder la tête froide en toute circonstance même si, quelque fois, pendant qu'il prenait sa douche, on pouvait entendre quelques sanglots provenant de la salle de bain.

L'Ordre du Phénix avait subi un traitement spécial de la part du Ministère depuis la deuxième grande guerre. Reconnaissant que sans les Aurors de l'Ordre, le monde des sorciers serait sans doute tombé aux mains de Lord Voldemort, il avait donné un statut légal à cette association, l'affiliant ainsi au Ministère. Cette restructuration avait provoqué la disparition du Bureau des Aurors et ses employés, ne voulurent en aucun cas travailler avec les Aurors de l'Ordre du Phénix, déclarant qu'il était indigne de travailler avec une organisation précédemment illégale. Seulement, Harry n'avait accepté ce rattachement qu'à condition que l'Ordre garde toujours cette autonomie qui le caractérisait. C'est ainsi que la salle à manger de l'ancien Q.G de l'Ordre fut rénovée et utilisée à des fins plus professionnelles et que les quelques Aurors qui avaient consenti à travailler avec l'organisation travaillaient en free-lance.

Vers quinze heures trente, les gonds du portillon d'entrée du 12, Square Grimmauld se mirent à grincer. Harry regarda par la fenêtre, écarta les rideaux de dentelle blanche et aperçut deux silhouettes.

La première était un homme, la quarantaine. Ses cheveux blonds, qui tiraient sur le blanc, étaient soigneusement peignés et rejetés en arrière. Sa peau aussi était d'un blanc nacrée, ses yeux gris fixaient le sol, et, d'une certaine manière, exprimaient assez bien l'état du sorcier. Il réfléchissait. Son costume noir donnait à cet homme un air supérieur et intelligent

La seconde silhouette était une femme, du même âge que l'homme, et qui le tenait par le bras. Ses habits étaient de la même couleur que ceux de son mari : noirs. De sa robe à son tailleur, de ses chaussures à talons à ses gants en velours.

— Regarde-les, fit Ron avec une certaine médisance, on dirait la famille Adams.

Drago Malefoy et Astoria Greengrass sonnèrent à la porte et le bruit métallique se répercuta dans le long corridor comme dans une église.

C'est Hermione qui alla ouvrir. Elle salua le couple avec la plus grande des politesses et les fit assoir dans le salon, près de la cheminée où Ron et Harry les attendaient.

Quand il aperçut Harry, Drago ressentit un petit pincement au cœur, il éprouvait de la mélancolie. Il esquissa un sourire, Harry le lui rendit. Il présenta sa femme et annonça sa paternité. Hermione fut enchantée, Ron un peu moins

— Il entame sa deuxième année à Poudlard, déclara Astoria.

— Comment oses-tu ? murmura Ron à l'intention de Malefoy.

Hermione lui donna un coup de coude en le foudroyant du regard. Ron se tut. Puis elle tourna la tête vers le couple et afficha un sourire gêné. Ron jetait un froid, il ne faisait aucun effort.

— Bon, déclara Harry, je suis ravi de voir que tu décides de te tourner vers le bon côté et de rejoindre l'Ordre.

— Oui, répondit Drago, qui avait perdu la suffisance qui marquait habituellement sa voix, j'ai décidé de ne pas suivre le même chemin que Lucius. Même s'il a su préserver notre famille de la ruine, je ne lui pardonne pas de ne pas nous avoir laissé choisir notre voie…

Quand le nom de son père sortit de sa bouche, il était teinté d'un profond dégoût. Dégoût accentué par le fait qu'il n'ait pas appelé Lucius par « papa » ou « mon père » ou « père ». Non, juste Lucius. Le fait qu'il ait nommé son père par son prénom accentuait ce dégoût et créait une distance claire entre le père et le fils.

— Ses mauvaises actions ont fait honte à la famille des Malefoy, je veux montrer que je suis différent de lui.

— Je vais vomir, persifla Ron.

Drago fit semblant de ne pas entendre.

Hermione lui donna un coup de coude. Drago se pencha en avant.

— Ecoutez, je suis vraiment désolé pour tout ce qu'il s'est passé il y a dix-huit ans. J'ai était embrigadé contre mon gré. Je ne savais pas ce que je faisais. Je voulais que vous sachiez que je m'en veux énormément.

—Et que nous vaut un tel revirement ? demanda Ron, abrupt.

— Une personne qui m'est très chère m'a fait entendre raison, répondit-il simplement.

Ron émit un petit rire narquois. Hermione sentait qu'il n'y croyait pas du tout.

— Bien, conclut Harry, vous commencez demain, mais bien sûr vous serez à l'essai, si tout se passe bien dans les deux prochains mois, vous serez engagés.

— J'espère que mon entrée dans l'Ordre rachètera ma mauvaise conduite.

Ron ne put résister, il était exaspéré par la situation. Comment ce fils de Mangemort osait-il se présenter chez les Aurors ?

— Une bonne action ne suffit pas à racheter un passé de perversion, vociféra-t-il.

Hermione se tourna vers son mari :

— Mais ça suffit pour le condamner ? s'exclama-t-elle.
—Oui ! répliqua-t-il d'un ton sec.

Puis se tournant vers Malefoy, il pesta :

—Comment oses-tu mettre ton fils à Poudlard, Ecole que tu as détruite avec tes semblables ? Comment oses-tu te présenter devant nous, après tout le mal que tu nous as fait ? Tu te souviens ? Hermione a été torturée sous tes yeux et tu n'as rien fait !

—Ron…, siffla Hermione.

—Harry et moi avons enduré sept années de moqueries et des railleries ! Tu te souviens que tu m'appelais « Weasley le traître à son sang » ?

—Ron…

—Comment peux-tu prétendre au poste d'Auror, alors que toute ta famille est composée de prisonniers d'Azkaban et d'escrocs ? Alors qu'ils ont tué tant de gens ? Tu sais ce qu'il s'est passé après la bataille de Poudlard ? Hermione a eu un problème. Avec tous les morts qu'elle a vu, toutes ces vies qui s'en sont allées sous ses yeux, eh bien, une nuit, elle a fait un énorme cauchemar. En fait, elle s'est carrément évanouie. Quand elle s'est réveillée, elle était devenue empathique. Elle ressent les émotions des gens. Un fardeau. Causé par les gens de ton espèce Malefoy !

—Ron ! s'indigna Hermione. Arrête ce jeu-là tout de suite !

Quand elle se tourna à nouveau vers Malefoy, elle s'aperçut qu'il la regardait avec une réelle surprise mais aussi culpabilité immense dans le regard :

— Je suis désolé, je ne savais pas.

— C'est bien beau de faire ses excuses dix-huit ans après ! vociféra Ron. Mais ta famille a déjà fini le travail.

— Je ne suis pas comme eux, siffla Drago.

— Mais tu es un Malefoy, et un Malefoy reste un Malefoy !

Drago se leva brusquement, Ron le suivit, dégaina sa baguette et la pointa sur le torse de son ennemi. Drago n'avait pas sorti la sienne. Il se tourna vers sa femme, dont les yeux, comme ceux d'Hermione et de Harry, étaient écarquillés de stupeur :

— Bon, coupa Harry, vous revenez demain pour commencer.

Astoria se leva, ses genoux s'entrechoquaient. Harry les raccompagna à la porte, suivit d'Hermione, qui passait un savon à Ron, qui avait rangé sa baguette.

Puis, au moment de sortir, Drago fixa Ron et déclara :

— Scorpius est à Gryffondor.

Le claquement de la porte de l'appartement de Ron et d'Hermione résonna dans tout l'étage.

— Comment peux-tu être aussi stupide ? fulmina Hermione. Il a changé !

— C'est ce qu'il te fait croire ! Mais les Malefoy ont toujours étaient manipulateurs ! Son père s'est servi du Fudge pendant dix ans !

— Mais enfin, protesta Hermione, ce n'est pas possible d'être aussi borné !

Ron s'affaissa dans le canapé en cuir.

— Ecoute, toute cette histoire me fatigue ! déclara-t-il. De toute façon, il commence demain, il a deux mois pour faire ses preuves. Je suis sûr qu'il ne tiendra pas sans tremper dans une affaire louche.

— On verra bien, conclut amèrement sa femme.

Elle posa alors son sac et son manteau, enleva ses chaussures et se dirigea vers la salle de bain. Avant de fermer la porte derrière elle, Hermione regarda à nouveau son mari :

— Tu sais, quand tu lui as dit que j'étais devenue empathique, il était loin le sentiment de désinvolture qui lui était si propre. Il se sentait coupable. Coupable du mal qu'il a causé, lui et sa famille. La culpabilité, voilà ce qu'il ressentait. Il a changé, que tu le veuilles ou non.