« GUILTY »
(Note de l'éditeur : non, non, Guilty Gear n'appartient pas Kimichan, à moins qu'elle n'ait oublié de me le dire…)
L'air était lourd. L'électricité se sentait et fusait de partout. Pourtant le combat n'avait pas encore débuté. Un éclair déchira le ciel. La tension montait à chaque seconde qui passait. Les deux combattants étaient déjà positionnés et attendaient. Il devait tout faire pour gagner ce match. Il pourrait enfin se battre contre lui. La veste blanche de Ky se soulevait doucement. Les longues mèches blondes de Zato lui fouettaient le visage. L'heure approchait lentement mais sûrement.
Il fallait à tout prix qu'il se dépèche. Il se demandait pourquoi il faisait ça mais c'était plus fort que lui. Il marmonna quelque chose contre la chaleur et accéléra le pas en tournant au coin de la rue. Ses pas résonnaient dans les rues désertes. Il se doutait que la lourdeur de l'air n'était pas due à un phénomène météorologique. Il devait l'empêcher de se battre.
Ky sentait le rythme de son coeur ralentir. Dans quelques minutes il pourrait enfin se lancer. Les yeux fermés, il se repositionna correctement. Un bras au-dessus de la tête, l'autre en avant presque une ligne droite. Les jambes flé- chies mais pas trop. Ecartées à la bonne distance. Zato de son côté semblait confiant. Il affichait un petit sourire satisfait et grattait amoureusement le museau de son dragon d'ombre.
Pourvu qu'il arrive à temps. Etrangement, il se sentait coupable. Mais il ignorait pourquoi. Il n'avait rien fait de mal. Au contraire, il s'efforçait de sauver une vie qui lui était plus précieuse qu'il ne le pensait. Une goutte de pluie s'écrasa sur sa joue. Il l'essuya d'un revers de la main, mais une seconde vint l'embêter au niveau de l'oeil. En quelques secondes, la pluie se mit à tomber drue.
Ky ouvrit lentement les yeux. Son visage ruisselait d'eau alors que celui de Zato était protégé par son ombre. Il inspira et expira doucement. Zato attendait patiemment que son adversaire ait terminé son petit manège.
« Ikimashô ka? » demanda l'homme en noir.
« Hai, ikimashô... »
Un autre éclair déchira le ciel noir de nuages.
La pluie battante ne l'aidait pas à trouver son chemin. Ses vêtements étaient trempés et collaient à sa peau. Cela rendait ses mouvements plus difficiles et un peu plus lents. Il était sûr d'une chose: le combat avait déjà commencé. Désormais il lui fallait faire le plus vite possible sinon il allait y passer.
Kiske était déjà essouflé alors que Zato semblait en grande forme. Après lui avoir porté quelques coups, il se sentait faible. Pourtant son adversaire n'avait fait qu'esquiver ou parrer ses attaques avec son ombre. Alors pourquoi? Il se jeta à nouveau sur lui. Zato cette fois ne se contenta pas d'éviter son coup et son dragon attrapa son bras dans sa machoire puissante.
Quelque chose dans son coeur lui disait qu'il devait se dépêcher s'il ne voulait pas qu'arrive un malheur. Ses pieds glissaient dans les immenses flaques d'eau qui s'étaient formées. Il commençait à être à bout de souffle. Il ignorait depuis combien de temps il courait comme un dératé sous ce déluge dans les rues vides de la ville. Il lui semblait qu'il courait depuis des heures. Enfin au détour d'une rue il sentit une aura familière. Il dérapa dans une flaque et man- qua de s'étaler sur le trottoir. Il se rattrapa de justesse à un poteau à proximité.
Le sang coulait à flot des ses plaies. Ses vêtements blancs étaient déchirés et maculés de sang. Ses forces s'amenuisaient et Zato prenait un malin plaisir à le faire souffrir. Il voulait le tuer à petit feu, cela ne faisait aucun doute. D'ailleurs il avait été prévenu: "Quiconque me barrera la route sera irrémédiablement éléminé".
« Alors, on se fatigue vite à ce que je vois, » lança l'ombre.
« Je n'ai pas encore abandonné... »souffla Kiske.
Il reconnaissait cette aura. Mais elle était si faible. Pourtant il s'était considérablement rapproché du lieu du combat. Malgré cela plus il s'approchait, plus l'intensité de l'aura diminuait. Son coeur battait la chamade. Jamais il n'avait éprouvé un tel sentiment de peur et d'inquiétude pour quelqu'un. Cependant il restait en lui une petite lueur d'espoir d'arriver à temps.
Il était aveuglé par la pluie et son propre sang. Il n'avait jamais mené un combat aussi difficile. Comment se faisait-il qu'il soit écrasé aussi facilement? Zato n'était qu'égratigné ça et là comme s'il s'était battu avec un buisson de ronces. Une nouvelle fois l'ombre s'empara de son bras. La puissance de la morsure fit lâcher son épée à Ky. L'ombre le souleva sans difficulté et le laissa pendre quelques instants. Après quoi Zato le jeta avec violence contre le sol.
« Je crois qu'il est temps d'abréger tes souffrances... »
Le jeune homme releva la tête, puis se mit lentement à quatre pattes.
« Quel courage! Mais il ne te servira à rien en enfer! Shinee! »
Lorsqu'il arriva sur le lieu du combat il crut qu'il était trop tard. Zato tenait Ky grâce à son ombre. Il jeta son dragon à l'assaut de sa gorge. Le sang jaillit de la blessure. Sol resta tétanisé un instant devant cette scène. Zato ordonna à son ombre de lâcher les bras du jeune homme pour pouvoir l'étrangler tout en le vi- dant de son sang. Ky était pendu aux mâchoires du dragon. Il pensait qu'il était mort. Et pourtant Kiske leva ses bras déchiquetés au prix de douloureux efforts et tenta avec le peu de force qu'il lui restait d'écarter les mâchoires.
C'était trop dur. Il allait mourir de la main de Zato. Pourtant il fallait qu'il tienne. Il devait se dégager des mâchoires. Ses bras le faisaient horriblement souffrir et malgré cela il trouva le courage de les lever et d'essayer d'écarter les mâchoires du dragon. Soudain la pression diminua et les mâchoires lâchèrent prise. Alors qu'il tombait un bras le rattrapa. Ky ouvrit les yeux et reconnut les épais cheveux bruns en bataille et le bandeau rouge et blanc de Sol Badguy. Que faisait-il ici? Il ressentit un pincement au coeur, car son pire ennemi venait de lui sauver la vie. Malgré tout, il était heureux que Sol soit là.
« Qu'est-ce... que... tu... fais... ici? » souffla-t-il doucement.
« Urusei baka... Je suis venu te chercher... »
Sa tête tomba lentement sur l'épaule de Badguy et tout devint noir autour de lui.
Courir dans les rues mouillées était assez difficile alors courir de toit en toit était un pari dangereux. Mais il n'avait pas le choix, même s'il avait une moitié de cadavre sur les bras. Finalement, il ne regrettait pas d'être allé le chercher. Dans ses yeux, il avait cru lire une certaine gratitude. Il fallait qu'il rejoigne sa planque le plus vite possible avant que Zato ne reprenne ses esprits. Heureusement que Ky n'était pas trop lourd.
Zato se releva lentement. Pourquoi est-ce que ce crétin de premier ordre était venu le déranger? Le prêtre français était sa proie. Il ne la laisserait pas s'échapper comme ça. Rien ni personne n'avait le droit de lui ravir ses proies. Zato préparait déjà sa vengeance qui ne manquerait sûrement pas de cruauté.
Des chuintements lui parvenaient. Ils se rapprochaient et bientôt son visage fut inondé. Sol dégringola à moitié de son hamac et lâcha un grognement vers le beau berger allemand qui se réfugia dans un coin de la pièce:
« Sale clebs... » marmonna-t-il.
Il se leva et se dirigea vers une petite porte qu'il poussa doucement pour éviter qu'elle ne grince. Sur le lit, le prêtre français délirait dans son sommeil. L'améri cain s'assit à côté de lui et épongea son front. Un corbeau se posa sur le rebord de la fenêtre. Le brun se doutait qu'il arrivait.
Badguy avait changé le cours des choses. Le prêtre aurait dû mourir lors de ce combat. Quelle plaie, à présent il devait se rendre chez l'américain pour finir le travail de Zato. Et puis quel dommage, un si beau garçon, français, intelli- gent, fort et cultivé de surcroit. Sauf si il se produisait un imprévu...
Il commençait enfin à sentir son corps. Mais il se dit qu'il aurait préféré rester à errer dans les ténèbres. La douleur se répandait entièrement dans chaque partie de son corps. Il fit un effort pour ouvrir les yeux. Mouais... C'était pas génial-génial. Premièrement sa vision était totalement floue. Deuxièmement s'il essayait de tourner les yeux, il avait l'impression qu'une perçeuse lui vrillait le cerveau. Troisièmement, il ne voyait que le plafond. Quelle barbe de n'être qu'une gigantesque plaie ouverte. Et ses pensées dérivèrent de nouveau et il sombra dans l'inconscience.
Une bouilloire siffla et il courut jusque dans la cuisine. Il manqua de s'étaler en shootant presque dans le chien. L'américain lâcha un flot de jurons en anglais avant d'entrer dans la cuisine. Il en ressortit presque aussitôt avec un plateau chargé. Badguy se dirigea vers la chambre et poussa la porte avec son postérieur. Son invité émit un gémissement en l'entendant entrer.
« Ah ça va! Fais pas la fine bouche... » lâcha Sol en posant le plateau sur le chevet près du prêtre.
Il aida le jeune homme à s'asseoir et cala les oreillers dans son dos. Puis le brun prit une tasse de thé avec une paille et fit boire le blessé. Celui-ci avala doucement le liquide chaud. Bien qu'il refusait de l'admettre, il appréciait Badguy et ses manières rudes.
Finalement, il n'était pas réellement obligé de se presser. Ca l'arrangeait bien. S'il ne se précipitait pas, il pourrait se passer quelque chose et il n'aurait pas besoin de finir le travail de Zato. Par contre, il se réservait certains droits. Hum... Et si il allait faire un tour dans ce petit café...
Pas moyen de retrouver la trace de sa proie ni même celle de son sauveur. Ils n'avaient pas pu se volatiliser ainsi. Zato était bien embêté. Trois jours qu'il cherchait sans arrêt le français et l'américain. Il n'avait pas d'autre choix que de faire appel à son réseau. Et cela risquait de prendre du temps. Tant pis...
Il s'était de nouveau endormi. Enfin, si l'on pouvait appeler ça dormir. C'était un sommeil agité où ses cauchemars et ses peurs le poursuivaient sans trève. Pour la énième fois il épongea le front brûlant du prêtre. A bien le regarder, il ne s'agissait que d'un gosse. Il ne devait pas avoir plus d'une vingtaine d'années. Alors que lui, il avait largement dépassé la centaine, même s'il n'y paraissait pas. L'américain s'assit sur le sol et prit la frêle et douce main du blond dans la sienne. Il veillerait sur lui aussi longtemps qu'il le faudra.
Depuis un moment, il se sentait mieux. Peut-être que la fièvre était tombée? En tout cas, il avait cette sensation que là où il était rien ni personne ne pour- rait lui faire de mal. Il ouvrit lentement les yeux. La lumière provenait de sa gauche. La lampe de chevet. A côté, le réveil indiquait trois heures quarante-cinq du matin. Et la tête posée sur le bord du lit, Sol dormait. Ky remarqua en- fin que les doigts de son sauveur emprisonnait doucement sa main. Il caressa le dos de la main de Badguy avec son pouce avant de se rendormir. Et cette fois son sommeil fut calme pour de bon.
Il avait bien fait de poster son corbeau sur la ligne électrique juste en face de l'appartement de Badguy. Comme ils étaient attendrissants tous les deux. En fin de compte, il ne tuerait pas le prêtre. Il préférait suivre l'évolution de leur relation. Et si au bout du compte il se lassait, il en finirait aussi bien avec l'un qu'avec l'autre. Pour l'instant faire joujou avec les clients et le personnel du ca- fé était intéressant. Il irait les voir plus tard.
Hum... L'américain ne devait pas utiliser un vrai nom. Et il semblait que le mot "carte de crédit" soit exclu de son vocabulaire. Il devait faire vite pour le re- trouver, sinon il serait probablement obligé de faire le tour de la planète pour mettre la main sur sa proie. Zato soupira en posant sa main sur le crâne de son dragon. Il allait devoir envoyer des hommes sur le terrain.
Il ouvrit lentement les yeux. Il sursauta quand il comprit qu'il s'était endor- mi. Un regard circulaire pour vérifier qu'il n'y avait personne. Heureusement que non. Il reporta son attention sur son blessé. Celui-ci regardait par la fenêtre. Il lui tenait toujours la main. Sol pensait que lorsqu'il se réveillerait, il lâcherait sa main. Le prêtre tourna son regard vers lui:
« Bien dormi? » demanda-t-il d'une voix rauque et faible.
« Si on veut... » marmonna l'américain. Il faut changer tes bandages et euh... tes fringues aussi...
Badguy s'attendait à une réaction effarouchée de la part de Ky, mais bizarrement il lui sourit.
Ah, quel délice! L'eau fraîche qui coulait sur sa peau, éteignait le feu qui embrasait ses blessures. Bien sûr cela n'avait pas été une mince affaire de se dévêtir quand le simple fait de bouger éveillait une douleur qui faisait hurler chaque muscle et chaque parcelle de peau de son corps. Evidemment, l'américain l'avait aidé à retirer ses vêtements. Ce dernier avait paru gêné. Honnêtement, cela ne dérangeait pas Ky de se mettre nu devant lui. Le prêtre n'avait jamais cru les commérages qui circulaient au sein de l'Ordre, disant qu'il ne laissait pas indifférents certains membres. Avec Sol, c'était tout autre. Il sentait bien qu'au contact de cet homme, quelque chose changeait en lui.
Vive les cafés dans les rues sombres et donc peu fréquentés. Zut, comment allait-il passer inaperçu, parce qu'il faisait jour malgré tout. Tiens, il avait ou- blié la porte de derrière. Ah oui, il lui fallait ranger sa faux. Le battant grinça sur ses gonds, laissant passer un rai de lumière qui éclaira l'horrible spectacle qui s'était déroulé dans le petit établissement. Le dieu lécha les dernières tra- ces rouges sur ses doigts avant de partir pour se distraire ailleurs.
Tiens, qui pouvait bien venir le voir? En tout cas, ce subordonné semblait mort de peur. Zato marmonna un vague "dôzô", toujours enfoncé dans son con-fortable fauteuil en cuir. La porte s'ouvrit sur un être plutôt étrange: ni homme, ni femme. Il en émanait une aura puissante, inquiétante même. Si cette person- ne voulait un entretien, il lui fallait faire attention à ses propos. Mais cela pou- vait être une opportunité.
Il attendait. Il ne pouvait faire que ça. Il ne pensait pas qu'une créature aussi frêle et mince pouvait être aussi belle. Il ne l'avait vu que quelques minutes. Chaque muscle de son corps était dessiné à la perfection. Malgré les plaies, il le trouvait incroyablement sculptural et séduisant. De temps à autre, l'américain jetait un oeil au rideau transparent pour voir si le français n'avait besoin de rien ou s'il ne se trouvait pas mal. Des doigts fins tirèrent le plastique et le visage angélique du prêtre apparut, souriant et détendu:
« J'ai fini. Puis-je avoir une serviette? » demanda-t-il poliment.
Sol ne dit rien et se contenta de lui tendre un tissu éponge bien plié. Le jeune homme le remercia dans sa langue avant de sortir de la baignoire. L'infirmier ne put s'empêcher d'admirer le coprs du blond. Ce n'était pas dans sa nature de s'occuper des autres et plus particulièrement de son ennemi juré mais une drôle de sensation l'y poussait.
Rien de tel que des bandages propres ainsi que des vêtements frais et légers. De nouveau installé sur le lit, il soupira d'aise. Badguy avait insisté pour le por ter jusqu'à la chambre. Certes, il était rude et froid. Mais il avait un bon fond. Le prêtre se dit qu'il avait eu tort de le juger si hativement. Il enfonça un peu plus son menton dans le col roulé qu'il portait et inspira profondément. Le vête ment exhalait une délicieuse odeur sucrée, chaude et douce. Ky posa sa tête sur l'oreille tout en continuant de respirer le parfum du col. Il s'assoupit doucement en rêvassant à la vie qu'avait dû mener son sauveur. Celui-ci posa, malgré lui, un regard tendre et bienveillant sur son blessé.
Sa petite entrevue avec Zato s'était bien passée. Pas d'anicroches. One avait accepté de rester sage pendant quelques temps. Cela lui permettrait d'observer l'évolution de leur relation. En attendant le bon moment, il se divertirait avec des humains dans un coin sombre, comme il l'avait fait avant de rendre visite à Zato.
Il aurait les informations en temps voulu. Il pouvait se permettre un délai, mais si il attendait trop à son goût, il romprait le contrat et ferait de la chair à pâté des deux fuyards. Peu importait que Testament soit en colère. Du moment qu'il achevait le prêtre et qu'il se vengeait de l'américain. Mais à présent, il disposait d'un certain temps pour préparer son châtiment.
Il soupira et s'adossa au battant. Quelque chose ne tournait pas rond chez lui. Pourquoi prenait-il soin de lui? Il entrebailla la porte et jeta un oeil sur le jeune homme endormi. Comment avait-il pu être l'ennemi de quelqu'un d'aussi doux et paisible? Etrangement, il ressentait le besoin impératif de réparer les choses. Sol sourit: ses vieilles fringues étaient un peu trop grandes pour le blond qui paraissait encore plus fragile qu'il ne l'était. C'était décidé, il l'inviterait à dîner ce soir. Certes, il devrait faire attention à ne pas se faire prendre par les sbires de Zato, voire par lui-même. Badguy entra dans la petite chambre et s'assit à même le sol. Il repoussa une mèche des fins cheveux blonds de Ky qui retombait devant ses yeux. "Un ange est entré dans ma vie" pensa-t-il.
Il s'éveilla doucement. La chaleur et la douceur de ses vêtements étaient si agréables. Il s'assit lentement et posa ses pieds nus sur le carrelage froid. Il en- trebailla la porte et quelque chose de chaud se frotta à sa jambe et se faufila dans la chambre. Le blond regarda derrière lui et vit un très beau chien de race qui s'installait sur le lit. Il s'approcha de l'animal et commença à le papouiller. Le berger allemand se mit à lécher le visage du prêtre qui bascula en arrière. Le canidé sauta sur son ventre, ce qui coupa le souffle au pauvre jeune homme qui émit un faible gémissement. La porte s'ouvrit à la volée et Sol vira le chien à coups de jurons. Ky le laissa l'aider à le relever. Pour une fois que quelqu'un était aux petits soins avec lui.
Ah, comme il était doux de s'enivrer chez les humains. Ils avaient une saveur si capiteuse, comme un grand cru. Cela le changeait des âmes amères de d'habitude. Et de leur côté, la situa tion semblait évoluer assez rapidement. C'était terriblement intéressant et exitant. Il espérait qu'ils ne s'arrêteraient pas en si bon chemin. Comme les humains étaient divertissants.
Cela ne pouvait être que lui. Un tel carnage ne pouvait être que son oeuvre macabre. Voilà pourquoi il semblait si survolté. Cela devait faire bien longtemps qu'il n'avait pas goûté au sang humain. Finalement, il allait le laisser agir et il se débarasserait d'eux trois en même temps. Ainsi il asseoirait sa réputation et son règne sur le monde entier.
Cela faisait bien une demi heure qu'il voulait ouvrir la bouche. Il s'était lové dans le canapé et n'avait pas l'air de vouloir bouger. Il lisait tranquillement et il n'osait pas le déranger. Pourtant, il fallait qu'il se lance, sinon il n'aboutirait à rien. Il inspira longuement pour se calmer et se donner du courage:
« Hum hum... »
« Qu'y a-t-il? » demanda le prêtre en levant les yeux de son livre.
« Vous... Enfin... Tu... tu dois... t'ennuyer ici... Ca te dirait... si on... mangeait un morceau dehors? » s'enquit-il d'un ton bourru et hésitant.
« C'est d'accord. Mais à une seule condition: vous devez me laisser marcher tout seul. »
Sol secoua la tête en signe d'abdiquation. Il avait rencontré quelqu'un aussi têtu que lui.
Comme c'était grisant toute cette vitesse! Jamais il n'aurait cru qu'il était aus -si amusant de se déplacer sur une moto. Il avait toujours considéré ces engins trop bruyants, trop rapides et surtout trop dangereux. Finalement il avait beau coup de préjugés. Pour la première fois depuis qu'il avait été nommé chef de l'Ordre Sacré des Saints Chevaliers, il se sentait réellement vivant. Une voix sèche le ramena à la réalité:
« Hey, what are you waiting for? » lança le brun.
« Oh, pardon! » s'excusa le prêtre en descendant de la selle.
Il retira son casque tandis l'américain calait sa bécane avec la béquille. Son sau -veur lui arracha presque le casque des mains puis il partit devant.
« Ah! Attendez-moi! » s'exclama le blond en le prenant par la main.
« Je croyais que tu voulais marcher tout seul... »
« Oui, mais je ne sais pas où nous allons, » répondit-il simplement.
Sol poussa un grognement mais ne lâcha pas la main du jeune homme. Quelques personnes se retournaient sur leur passage mais il s'en fichait éperduement. Simplement parce qu'il avait trouvé son ange gardien.
Une nouvelle fois, il attacha son regard sur le blond. Cela devait être la quinzième fois qu'il l'admirait par-dessus sa carte. Malheureusement pour lui, un serveur vint prendre leur commande et donc adieu le poste d'observation. Quand le prêtre posait les yeux sur lui, il lui souriait gentiment. Par contre, lui, poussait invariablement un grognement ou reniflait et gardait les sourcils froncés. C'était son pire ennemi, alors pourquoi l'avait-il invité à dîner dans son restaurant préféré? Peut-être parce qu'il n'arrivait pas résister à ce visage d'ange. D'accord mais pourquoi le considérétait-il comme un ange? Tout bonnement parce qu'il était assez grand et mince, qu'il avait un teint diaphane, des yeux bleu-vert, une peau soyeuse, des lèvres fines, un corps sublimement sculpté et un sourire à faire fondre n'importe quel iceberg.
« Quelque chose ne va pas? » s'enquit le français, un peu soucieux.
« Oh! Euh... Si, tout va très bien. A part que je meurs de faim! »
« Vous étiez perdu dans vos pensées, non? »
« Ouais... Ça te dérange? »
« Pas le moins du monde. A quoi pensiez-vous? »
Argh! Il était incapable de mentir. Alors autant jouer la carte de la franchise:
« I was thinking of you... »
Il s'était régalé. Il n'y avait pas plus délicieux que le sang et la chair des hu-mains. Ah zut! Il avait oublié de dire à son corbeau de les suivre. Cela n'allait pas être une mince affaire que de les retrouver dans cette ville immense. Hum, ce n'était pas bien grave. Pour l'instant, il préférait profiter des plaisirs de la chair avec cette séduisante jeune femme qui lui proposait ses services.
Ah, enfin un rapport concluant. Venom n'avait pas chômé. Durant son absence, son petit protégé avait repris les affaires à sa place. Et en matière de combat et d'obéissance aveugle, il n'avait pas perdu la main. Toujours aussi fiable, aucun doute là-dessus.
« Je viens vous faire mon rapport, Maître, » dit Venom en s'agenouillant.
« Je t'écoute, » répondit Zato en enroulant une mèche autour de son doigt.
« Ils sont dans un petit appartement dans le sud de la ville. Pour l'instant, ils sont absents. J'ai demandé à trois hommes de les suivre. Le prêtre français est encore assez faible. Voilà pour le moment, Maître. »
« C'est parfait. Tu as fait de l'excellent travail. Va les attendre pour leur donner un petit avertissement. Tu seras récompensé. »
Le disciple se retira et One éclata de rire. Un rire fou.
Il s'amusait comme un gamin. Ce qu'il adorait par-dessus tout c'était faire courir Sol un peu partout et ensuite l'entendre le réprimander. Il lui souriait et l'américain abandonnait. Cela faisait bien cinq ans que sa vie n'était que res-ponsabilités et devoirs. Cinq longues années enchaîné au statut de dirigeant de l'Ordre Sacré des Saints Chevaliers. Alors pour le moment, il profitait de cette liberté à laquelle il ne goûterait probablement plus jamais. Et puis cette rue commerçante était si riche, si vivante avec toutes ces lumières, toutes ces cou- leurs attrayantes et toutes ces musiques si enivrantes qu'il en était totalement étourdi. Derrière lui, Badguy veillait sur lui attentivement:
« Be careful! Et ne mange pas n'importe quoi! And stop running! »
« Je ne suis plus un enfant, » rit le français, les bras chargés de friandises.
« Eh ben, on dirait pas... Hey, do you listen to me! »
Il éclata de rire et courut vers un étalage de peluches. Ce soir son coeur s'envolait vers un monde plus merveilleux que jamais.
Il soupira pour la énième fois de la soirée. Le prêtre était assez gravement blessé et pourtant il courait de mangasins en étals sans être à bout de souffle ni même souffrir de ses nombreuses plaies. Ce n'était pas logique. Il secoua le tête et abandonna à comprendre comment fonctionnait une pile électrique comme ce gosse. Gosse qui d'ailleurs avait disparu de son champ de vision:
« Oh shit! Where is this stupid boy! »
S'il ne s'était pas mis à réfléchir, il ne l'aurait pas perdu de vue. Allons, il y à peine trente secondes, il était occupé à admirer la vitrine de cette confiserie. Il n'avait pas pu disparaître comme ça. Tiens, cet ours, ce n'était pas le sien par ha-sard? Ah ouf, il était juste là! Cette fois, pas de pitié!
« Tu es fou! Tu veux te faire choper ou quoi! »s'écria Sol, énervé.
« Pardon... J'ai vu votre collection de "Queen"... Alors quand j'ai vu ce magasin de musique, je me suis dit que... »
« It's all right... » marmonna l'américain en ébourrifant les cheveux du blond.
Celui-ci lui sourit. Et c'était reparti pour un tour! Il souhaita que ses batteries soient vite à plat, parce qu'il ne tiendrait pas toute la nuit.
Il avait longtemps attendu ce moment. Son maître était enfin de retour à la tête du Cercle. Il avait tant espéré et ses prières s'étaient réalisées. Cette fois, il veillerait sur lui et le protégerait de tous les ennemis qui lui barreraient la route. Rien n'était plus important que Zato, son seul et unique maître. Il lui était dévoué corps et âme. Sa vie lui appartenait et il pouvait en faire ce que bon lui semble. Il était prêt à tout pour rester à ses côtés.
Ah, cette femme humaine avait réussi à l'épuiser. Lui, Testament, le Dieu de la Mort. Mais c'était agréable. Et de plus, il mourrait de faim. Tant pis. Il s'était dit qu'il ne la tuerait pas seulement son envie de chair et de sang était trop présente. Il était désolé pour elle, mais c'était l'heure de passer à table...
Jamais quelqu'un ne s'était inquiété de cette façon pour lui. De plus, il le trouvait charmant quand il était en colère. Il faisait exprès de s'éloigner un peu trop au goût du brun pour pouvoir se faire gronder. Même si c'était un peu méchant pour ce dernier. Et puis il y avait cette petite phrase qui résonnait dans sa tête "I was thinking of you". Elle tournait encore et encore comme une ritournelle. Elle provoquait en lui une intense sensation de chaleur, une petite boule se formait au creu de son estomac et son coeur battait au moins cinq fois plus vite que la normale. Une fois de plus, il le tira de ses pensées:
« Hey! Tu comptes prendre racine? »
« J'arrive! » s'exclama-t-il en le rattrapant.
« Bon, il se fait tard. On fait encore un ou deux trucs et après on rentre. Ok? »
« Ça me va. »
Ils s'assirent sur un banc dans le parc. Il avait envie d'admirer les étoiles. Le nez dans le ciel, il se sentait bien. Il avait passé une soirée si délicieuse. Et magique aussi. Il tourna son regard vers son ange gardien et remarqua qu'il tremblait légèrement. Il s'approcha lentement:
« Vous avez froid? » demanda-t-il doucement.
« Ça va, j'aurai dû prendre une veste un peu plus chaude, c'est tout. »
Il rit. Et dire qu'il portait "sa" veste par-dessus son pull.
Le voyage de retour fut plus rapide. En arrivant devant l'immeuble, il avait senti une aura menaçante. Pour plus de sûreté, il avait suggéré de prendre l'escalier. Erreur. Ils rencontrèrent un type bizarre qui les avertit que Zato préparait sa vengeance. Ensuite il disparut. Ils étaient rentrés sans autre problème. Le prêtre n'avait pas paru inquiété par la venue de cet homme. Il n'avait pas voulu se coucher tout de suite. Résultat, le blond dormait dans le canapé, en compagnie de sa peluche. Sol se pencha et souleva doucement le blessé qui s'ac-crocha à lui instinctivement. Il le porta jusqu'à la chambre et l'allongea avec toutes les précautions du monde. Puis il sortit de la pièce et alla se coucher sur le clic-clac. Le brun commençait à plonger dans le sommeil quand il perçut un bruit. Il se mit sur son séant et prit son arme, prêt à se battre:
« Tu m'as fait peur crétin! »
« Pardon, je ne voulais pas vous réveiller. »
« Qu'est-ce que tu fiches debout à une heure pareille? »
« Je n'arrive pas à dormir. »
« Et pourquoi ça? Tu dormais bien tout à l'heure. »
« Parce que je pense à vous... »
Il soupira et fit de la place pour le jeune homme. Quelle galère...
