« S'il te plaît, ne pleure plus.
Car si le monde entier te hait, moi, je te pardonne.
S'il te plaît, ne pleure plus.
Car si tu hais le monde entier, moi, je te pardonne.
Alors explique-moi !
Que dois-je faire pour que toi, tu me pardonnes ? »
Frederica B.
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Première nuit : Ascension
Tout semblait indiquer une journée de printemps des plus ordinaires, aujourd'hui. Les doux rayons du soleil réchauffaient les arbres, dont les nouveaux feuillages se mouvaient lentement dans les quelques brises fraîches, derniers restes de la fin de l'hiver, un climat apaisant qui semblait aspirer à la tranquillité de l'esprit et l'oisiveté du corps. C'était dans cette ambiance qui ne présageant rien d'inhabituel que le lycée Sakuragaoka avait repris vie après plusieurs jours de calme plat. La vie s'écoulait normalement, en cette semaine de rentrée, pour les nouveaux élèves qui découvraient peu à peu leurs professeurs, leurs classes, et commençait à peine à nouer de nouvelles relations, amicales ou non, avec le reste de leurs camarades.
Les cours s'étaient terminés assez tôt, en milieu d'après-midi, mais le lycée battait encore d'un certaine effervescence grâce aux nombreuses activités des divers clubs présents en son sein. Alors comme à son habitude, le groupe de musique douce du lycée s'était réuni dans leur salle de club, pour leur « répétition » quotidienne. Répétition, qui, de manière générale, consistait à goûter autour de la table tout en délaissant les instruments de musique dans leurs étuis. Aujourd'hui n'échappait donc pas à la routine qui s'installait inexorablement, les quatre jeunes filles prenait leur thé autour de la table, en parlant de tout et de rien, dans l'ambiance sereine de la pièce doucement chauffée par le soleil.
– Hé oh, Mio-chan, tu dors ?
– Hein ?
La jeune bassiste releva la tête lorsqu'une main étrangère passa soudainement devant son champ de vision. Elle fixa la propriétaire de cette main, qui n'était autre que Yui, à moitié affalée sur la table.
– Tu peux me prêter ton cahier de maths steuplé ? se répéta cette dernière avec un grand sourire suppliant.
– T'exagères, on est rentrées y'a à peine quelques jours, tu pourrais faire un effort ! râla la concernée en croisant les bras.
– Maaais ! J'ai dû faire ma valise super vite hier pour emporter des affaires, alors j'ai oublié le mien... s'il te plaîîît !
Mio roula explicitement des yeux pour témoigner de son exaspération, mais finit par céder et sortit un cahier rouge de son sac posé à terre, et vint le poser sur la table en face de la guitariste, intriguée par les paroles de cette dernière.
– Toi aussi tes parents ont reçu une lettre de la directrice ? demanda la bassiste alors que son amie ouvrait le cahier.
– Wah, ton écriture est trop mignonne Mio-chan ! s'exclama Yui en zappant totalement la question.
– Moi c'est pareil, hier mes parents m'ont forcée à tout préparer à la dernière minute, soupira longuement Ritsu.
Le fait que leurs parents reçoivent tous la même lettre du lycée n'était pas foncièrement étrange, c'était surtout que cette lettre arrivait bien tard et de manière assez inexplicable. En se balançant sur sa chaise, la batteuse fixait un rayon de soleil sur le plafond, se demandant distraitement la raison de cette lettre. D'habitude quand on voulait envoyer ce genre de lettre, on s'y prenait un peu en avance, non ? Mais de toute façon, ce n'était pas cette légère interrogation qui allait l'inquiéter.
– En tout cas, ce n'est pas une raison, tu pourrais être un peu attentive aux cours au lieu de rêver, continua Mio.
Pour toute réponse, Yui se balança de droite à gauche en faisant un sourire
– Tu dis ça, mais toi, t'es dans la lune depuis le début de l'après-midi !
Ritsu laissa retomber sa chaise sur ses quatre pieds, pour lui adresser un regard gentiment moqueur. Ayant l'impression de devoir se justifier, Mio eut un court soupir d'exaspération.
– Je repensais juste au texte au milieu de la cour, je l'ai relu ce matin en passant, mais...
– Ah oui, l'épitaphe ! S'exclama Yui sans crier gare. J'me demande qui a eu l'idée de mettre un truc de ce genre en plein milieu de la cour d'un lycée !
– Il est là depuis la construction du lycée, d'après ce que j'ai entendu dire, commença à expliquer Mugi. Si ça se trouve, ils l'ont juste construit pour que justement, on s'interroge dessus.
Cette réflexion sembla, et une fois n'est pas coutume, faire un peu réfléchir Yui, qui leva les yeux au ciel d'un air évaporé, mais aussi les autres, qui restèrent quelque temps silencieuses, plongées dans leur propres hypothèses concernant cet étrange texte philosophique posé sur une pierre en plein milieu de la cour.
– Moi, je m'interroge surtout sur la directrice, vous l'avez pas trouvée... bizarre ? questionna Ritsu après quelques secondes.
– Comment ça ?
– Ben, normalement, une directrice, c'est une vieille femme, là, elle est presque trop belle pour être vraie.
Mugi fit un simple sourire amusé, alors que Mio soupira en appuyant son index sur le front de son amie au serre-tête.
– Avant tu râlais parce que celle du collège était trop stricte et aigrie, et maintenant qu'on a une directrice jeune, tu râles encore ?
Ritsu émit un léger rire, et recula en s'appuyant une nouvelle fois contre le dossier de sa chaise, mettant cette dernière en équilibre sur ses deux pieds arrières. La salle du club resta silencieuse quelques secondes, un moment de blanc durant lequel personne ne prenait la parole, comme si chacune cherchait comment enchaîner sur une autre discussion. Cependant, le bruit qui brisa le silence fut celui des téléphones portables. Chose assez étrange, puisqu'ils sonnèrent quasiment tous en même temps, indiquant la réception d'un message avec les quelques notes musicales propres à chacun. Après un léger regard intrigué de la part des quatre jeunes filles, d'un même mouvement elles sortirent leurs appareils.
– Un message de la directrice..., grommela la batteuse qui se demandait ce qu'on pouvait bien encore leur vouloir alors que les cours étaient terminés.
– C'est un rendez-vous à l'amphithéâtre, peut-être qu'ils veulent faire une annonce à tous les élèves, supposa Mugi en rassemblant les tasses vides.
Cette hypothèse sembla valable aux autres membres du groupe, vu que c'était l'une des pièces les plus grandes du lycée, qui pouvait accueillir la totalité des élèves.
– C'est étrange, normalement, ils mettent une affiche ou font un appel par haut-parleur..., marmonna alors Mio en relisant le message sur l'écran de son téléphone d'un air perplexe.
– Allons-y maintenant ! C'est peut-être quelque chose de très spécial ! s'exclama Yui d'un ton enthousiaste.
Puisque la jeune guitariste s'était soudainement levée et commençait à partir avec l'air insouciant qu'elle savait si bien faire, le reste du groupe se leva à son tour, et suivit leur camarade qui sortait déjà de la pièce.
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La salle était encore vide à notre arrivée, ce qui est plutôt normale vu que le début de la " conférence " est dans une demi-heure… Mais là n'est pas le problème…
– Tiens ? Fais-je en examinant avec soin les sièges que composent. Pourquoi il y a des feuilles avec des nombres randoms accrochés sur les chaises ?
Cela n'a interloquée que Mio :
– Des nombres randoms ?
– Oui, regardes, 72, 587, 242, 65, 415, 92, 330, 62, 83, 481…
– Ah oui c'est vrai, ça… constate-t-elle en regardant la rangée suivante. 66, 273, 78, 24, 226, 633, 701, 0, 258, 37, 28, 466, 7…
– là c'est 370, 74, 11, 105, 30, 61, 382, 477, 27, 266, 87, 38, 91…
– C'est totalement illogique. Regardes, là il y a 105, 37, 70, 5…
– Eh, Oh ! On a trouvé des places chouettes ici en plus y'a des jolis nombres écrits dessus !
Yui nous ramène un peu de cette étrange constatation, quoique, je me demande pourquoi ne pas avoir numéroté simplement ces chaises, même, pourquoi avoir numéroté ces chaises ? Sans réponses, on se dirige en direction de Mugi et Yui.
497, 94, 134, 74.
En tout cas, elles sont loin d'être superstitieuse.
Ou elles n'ont pas froid aux yeux.
Ni à la tête d'ailleurs.
Ou elles sont totalement inconscientes.
Ou les trois en même temps.
Tout le contraire de Mio, en somme.
– Je… Je refuse de m'asseoir ici ! Sort cette dernière en voyant tous ces porte-malheurs sur les sièges.
– Allez ! Fais pas ta chochotte Mio ! Ce ne sont que des superstitions pour faire peur aux enfants ! Sois un peu mature ! Tente de rassurer Yui en la poussant vers la chaise 497
– Tout justement, la maturité, ce n'est pas de pousser les gens à faire des choses qui n'ont pas envie de faire !
– Oh, c'est bon ! T'es pas drôle ! Souffle-je pour la mettre bien mal
– Je le sais très bien.
– Dis juste que t'as peur !
– Mais… Pas du tout ! Qu'est-ce que tu t'imagines ?!
– J'imagine…
Je pense qu'il est temps de la faire frissonner, hihihi…
– Je m'imagine les fantômes du lycée venir t'embêter tout au long de l'intervention de la directrice ! Ils vont te faire tellement du mal que tu vas crier et…
– Non !
Je suis peut-être allée trop loin, vu la taille de la bosse qu'elle m'a infligée en haut du crâne. Bref…
Assise derrière la place demandée, Mio contemple les élèves venant à cinq minutes du début. Beaucoup d'entre eux ont mis leurs valises sur le côté avant de s'installer.
Et puis quand le dernier élève s'installe, juste à côté de moi.
– Bonjour à tous, chers élèves ! Dit une voix bien enjouée maintenant connue de tous
Une lumière révèle alors notre toute nouvelle directrice, et à ce qu'il paraît, elle s'appellerait Béatrice…
– Vous voici réunis, élèves et professeurs, car j'ai une annonce importante à vous faire…
Mais mon attention n'était pas à son discours soporifique. Non, c'était juste la personne située juste à ma gauche… Allez savoir pourquoi…
– T'as amené ta guitare avec toi ?!
Réponse lunatique :
– Ben oui, j'emporte toujours Gitah avec moi : en allant dormir, à la douche, et même ici !
– Attends, t'as donné un nom à ta guitare ?
– Mais oui, c'est Gitah !
– Gitah ? Pour…
– Silence ! Y'en a qui veulent écouter !
… Deuxième bosse.
– Pfff ! T'es vraiment pas drôle sue ce coup, Mio.
– M'en fiche ! T'as qu'à être plus silencieuse et attentive. Me sort-elle avec reproche.
– Être attentive aux paroles de cette femme louche ? Ce que tu peux en dire des énormités, toi !
– Attends voir, toi ! Je vais te…
– HUM, HUM, HUM !
Oups…
– Voilà, t'es contente ? Maintenant tout le monde nous regarde !
753 personnes exactement, Mio. À braquer le regard sur toi, d'ailleurs.
– Ce n'est pas moi qui ai élevé la voix…
– Euh…
Elle est embarrassée et honteuse, ce qui normal. Ben oui, qui ne le serait pas lorsque on fait une connerie et qu'on se fait choper par des centaines de personnes ? Moi ?
– Je… Je m'excuse du dérangement. Bredouille la bassiste en faisant une courbette rapide.
– Ce n'est pas grave mademoiselle Akyiama. Dit Béatrice en faisant des gestes de la main. Tu peux te rasseoir.
Et brusquement elle s'assied sur sa chaise n°646. On aurait crû qu'elle casserait la chaise en bois massif tellement elle y est allé fort ! L'incident alors clos, tout reprend son cours normal, mais je ne peux pas m'empêcher de me retourner et d'esquisser un sourire envers celle qui s'est fait réprimander.
– Alors ? T'étais tellement dégoûtée que tu as voulu casser ta chaise ? fais-je d'un ton moqueur
–…
Mais elle ne me répond pas. Qu'est-ce qu'elle a dorénavant, à la fin ?
– Ohé ! Mio-chan ? Ici la Terre ! Tu me reçois ?
Toujours aucune réponse.
– Je le sens pas du tout ça. Tout ça à cause de cette sorcière… ! MIO-CHAN !
– Excuse-moi Ricchan, mais…
… Bosse, Troisième du nom…
– Je ne contrôle plus mes mouvements à part ceux de la bouche…
– Comment ça, tu ne te contrôles plus ?
Je mets alors à dévisager son regard, enfin de ce qu'il reste de son regard. Il est vide. Vide et Blanc. Blanc comme la Neige. La peau n'était guère plus vivante : pâle et raide. Sans expressions. Son ventre ne bouge presque plus, on la dirait presque mort-vivante.
– Je suis vraiment désolé, Ricchan. Finit-elle par sortir, avec un ton qu'accompagne souvent les larmes, tout en levant une main haut dans les airs.
Et puis elle me gifle de toutes ses forces. À tel point que cela me fait décoller du siège et me fait atterrir devant de la scène, une quinzaine de mètres plus loin.
La seule et unique réaction de cette directrice qui me regarde d'en haut, c'est un sourire. Puis un fou-rire. Long. Saccadé. Fort. Trop même. Aigu. Elle donne mal à la tête, cette garce.
– Alooors ? Dit cette dernière d'un ton si moqueur que ça me donne envie de gerber. On s'est fait rejeter par sa meilleure amie ?
– C'est… essaye-je de sortir. Votre faute… si… elle m'a… porté un coup…
Son rire reprend de plus belle
– Mais c'est qu'elle est perspicace la fille à son papa ! Dommage qu'il ne soit plus là pour l'aider !
– Comment pouvez-vous dire ça… alors qu'il n'est… même pas revenu de chez nous ?! Dis-je avec rage.
– C'est très simple…
Elle rapproche sa tête de la mienne pour mieux me balancer :
– Je l'ai tué !
Et à l'oreille, elle susurre :
– Et te voilà sûrement la prochaine sur la liste… Regarde ton amie.
Je me tourne ma tête vers l'auditoire… Le visage de Mio est toujours impassible, sans émotions. Pâle. Le regard vide et blanc. Mais maintenant, de longues lignes rouge vient parsemer ce visage inerte et ses mains toutes blanches. Et le plus important, c'était que ces gouttes qui tracent ces lignes courbées, tombent d'en haut…
… C'était ce qu'il y avait dans ma tête…
Et avant de m'endormir une bonne fois pour toutes, j'entends quelques mots, une sorte d'annonce faite par celui qui m'aura fait tomber :
– Moi, Béatrice, sorcière qui peut tuer indéfiniment ses ennemis, a tué l'ancien proviseur pour pouvoir lui succéder et ainsi renaître de ses cendres !
À la fin de cette première nuit de cauchemar, 751 élèves et professeurs sont encore debout… Mais pour combien de temps ?
[Ending]
Ce matin, une lueur d'espoir bleu
Vient scintiller aux creux de tes yeux.
(Transperçant l'Espace et le Temps)
Mon seul but est de récupérer cette or,
Et pourtant, ça se répète encore,
Mon monde finira baigné dans le sang !
(Et je perdrai tout ce que j'ai eu cœur à sauver depuis tout ce temps!)
Je t'aiderai à surmonter tes peurs, tes angoisses et
Tes hésitations – Un jour tu me croiras !
Un jour renaissant peut-il à nouveau être là ?
(Ou est-ce trop demander?~~)
Sous cette pleine lune, je me battrai
Contre cette sorcière avec toi.
Avec ce si beau sourire, le glas sonne
et je trouverai la force pour tuer Dieu en personne !
Tout ce que je veux, c'est de rêver avec toi
Où tout reste en vie jusqu'à l'éternité !
Pour réussir, je tenterai tout, même six pieds sous terre !
Je ne regretterai pas, Ton existence est mon vœu le plus cher!~
[Fin de l'ending]
