Être avec lui c'est comme plonger sans bombonne d'oxygène. Tu retiens ton souffle en allant plus profond, en t'éloignant de la surface, jusqu'à ce que tu en meures ou que tu réussisses à remonter pour reprendre ton souffle. Et si tu réussis vraiment à retourner à la surface, tout ce que tu veux faire c'est y retourner. Le plus tôt possible. Encore et encore. Une inéchappable dépendance. Mais chaque fois que tu plonges, tu te demandes si tu seras capable de retourner à la surface, cette fois. Tu te demandes si la mer te laissera de nouveau vivre ou si elle va se retourner et t'arracher la tête sans le moindre avertissement. Le danger, et l'excitation de jouer avec le feu.

Il est comme la mer elle-même, magnifique, enchanteur, mais suivant son propre rythme. Comme les marées, il va et il vient à sa guise. Ceux qui osent tenter de le retenir sont châtiés, et en gardent les cicatrices telle l'érrosion par l'eau des plus solides rochers.

Pourtant je ne peux que le désirer de plus en plus, plonger dans ses profondeurs, me perdre dans son paradis sous-marin. J'aspire à être comme ces poissons qu'il aime, pouvoir respirer sous l'eau pour ne plus jamais avoir à remonter à la surface et pouvoir me perdre complètement en lui. J'aimerais envoyer chier le soleil levant et le garder dans mes bras pour toujours et à jamais, laissant le reste du monde derrière... créer un monde seulement pour nous deux.

Mais je sais que je n'arriverai jamais à le retenir de cette façon. Et ça m'enrage autant que ça m'excite. Je peux voir dans ses yeux que le feu qui l'anime est composé de ce puissant besoin de liberté. Tout comme l'animal dont il porte le nom, il ne peut pas respirer s'il ne peut pas bouger, s'il n'est pas libre.

Et je suis le chat qui guette le pirahna dans l'aquarium, ma patte toujours douloureuse de sa morsure, mais tout de même désireux de l'attraper. Il crée une dépendance plus forte que n'importe quel alcool, n'importe quelle drogue... et la sensation de manque n'en est que plus agonisante.

La meilleure chose que j'aie fait a été de m'associer avec lui, mais ça a aussi été ma plus grosse erreur. Jamais je n'ai vu quelqu'un d'aussi fort, de corps et d'esprit, ni d'aussi volatile que lui. Il est le seul à ne pas trembler de terreur devant moi, peu importe mon niveau de colère. Il est le seul à se relever chaque fois, peu importe la violence des abus, physiques ou verbaux, et à oser tenter de répliquer. Il est le seul qui aie jamais réussi à me faire ressentir ce qu'on appelle la peur. J'ai peur qu'il disparaisse, pour ne jamais revenir. J'ai peur qu'il me quitte. J'ai peur qu'il soit tué. J'ai peur de lui. J'ai peur de l'effet qu'il a sur moi, sur ma santé mentale. Il est une faiblesse dont je ne pourrai jamais me départir, parce que, sans le moindre doute, ça me détruirait. Tout comme sans eau, il est impossible de vivre.

Sa respiration laborieuse est comme le ressac des vagues, ses gémissements plus magnifiques que le chant des baleines. Sa peau est plus douce que des gallets polis par la mer et ses cheveux plus fascinants que l'écume sur la crête des plus hautes vagues sous la lumière de la pleine lune. Il est plus attirant que l'attraction des vagues et il est mien. Rien qu'à moi. Du bout de ses orteilles au dernier de ses longs et magnifiques cheveux, chaque molécule de son être m'appartient. Pour toujours. Et ça fait de moi l'homme le plus puissant au monde. Plus que mes flames de la colère, plus que ma position, plus que l'homme qui m'a adopté. Je ne voudrais pas qu'il en soit autrement.