Un autre genre de malédiction
Cette mini-fanfiction a été écrite dans le cadre de l'anniversaire Rumbelle du forum Once Upon a Time France.
A l'origine un long OS, il s'est transformé en petite fanfiction.
Cette fiction est déjà écrite, elle se compose de 5 parties et d'un épilogue. Une partie sera publiée chaque dimanche ou lundi.
Prompt : Réécriture, S7
Weaver, Lacey, Enquête, Hyperion Heights
Rating : T pour mention d'alcool
Disclaimer : rien ne m'appartient, ni l'univers ni les personnages de la série, je ne touche par d'argent de cet écrit.
Partie I
D'aussi loin qu'il se souvenait, Seattle avait toujours été une ville remplie de néons, de flot de voitures continues et d'une ambiance oppressante malgré la grandeur des espaces. Les immeubles exigus avec leurs échelles extérieures semblaient se tasser sur eux-mêmes tandis que les bâtiments plus modernes, les petites échoppes où les commerçants menaient leurs affaires tant bien que mal, ouvraient un peu la vue.
L'inspecteur Weaver, plus célèbre membre des forces de l'ordre de sa division, aimait pourtant cette ville étrange qui lui pesait un peu plus de jour en jour. Il aimait arpenter les rues une fois vidée le soir – quitte à s'aventurer dans certains quartiers peu recommandables. Il avait apprit au fil des ans à errer sous les lumières jaunâtres des lampadaires sans se faire remarquer, et prenait plaisir à marcher longuement lorsque son travail lui laissait un peu de répit.
Il devait bien admettre que cela était rare. Après tout, il était complètement dépendant de son métier - dans tous les sens du terme. Il ne s'était jamais vu faire autre chose, et force était de constater qu'il était bon à ce qu'il faisait. Ses collègues ne s'y trompaient d'ailleurs pas : sa réputation n'était plus à faire, bien qu'elle soit teintée d'énormément de mystère sur lequel ils aimaient réfléchir. Les rumeurs sur ses techniques peu orthodoxes, les quelques indics qu'il retrouvait dans de vieux entrepôts désaffectés et le nombre impressionnant d'arrestation à son actif avaient bâti sa réputation.
Weaver aimait suffisamment son métier pour savoir le faire correctement – et cela incluait quelques sacrifices moraux. En réalité, ce n'était pas tout à fait vrai. Après tout, il était intimement convaincu que tout véritable homme de bien possédait un code moral qu'il respectait coûte que coûte, aussi tordu que soit ce code. Le sien ne tenait qu'à quelques règles.
Rendre justice à tout prix,
Même si cela impliquait certains détours discutables.
Si certains interrogatoires musclés et plusieurs marchés douteux avec des personnes qu'il méprisait profondément avaient pu faire jaser auparavant, cela avait toujours été pour la bonne cause, et payant sur la fin. Weaver était un homme intelligent qui savait ce qu'il fallait entreprendre pour obtenir vérité et gain de cause parfois. Et aux vues de l'admiration et parfois même de la crainte qu'il inspirait, ses supérieurs et concitoyens étaient également assez lucides pour fermer les yeux sur ce qui les arrangeait quand ils voyaient midi à leur porte.
Des heures passées sur le terrain, et le moins possible au bureau, étaient ce qui rythmait sa vie. Elle n'était pas ordonnée, chaque jour était différent. C'était ce qu'il aimait dans ce métier d'ailleurs. Mais en y réfléchissant, une certaine routine s'était installée depuis des années : arrêter des petites frappes, rendre service à Victoria pour obtenir plus en retour, cacher ses traces et recommencer. Ses mâtinées étaient constituées d'odeur de café et de tuyaux de ses indics, l'après-midi d'opérations et ses soirées d'activités plus ou moins licites, qu'importe leur nature dans le fond.
Il n'avait jamais trouvé le temps long, ni ses tâches répétitives, jusqu'à l'arrivée d'un certain Henry Mills dans son quartier. Parfait inconnu – et après tout, Seattle était une ville immense, rien d'étonnant à cela – avait mis sans dessus dessous la petite vie bien rangée de ses concitoyens en quelques jours seulement. Amené par la petite Lucy – Weaver avait toujours eu un faible pour les enfants, et encore plus pour cette jeune fille qui se cachait la dure réalité comme elle pouvait – cet Henry ne lui avait rien valu de bon pour l'avenir de la ville.
Il n'était visiblement pas le seul à ressentir cela. Victoria non seulement intéressée par cette arrivée mais surtout inquiète. Weaver avait observé – et bien malgré lui participé – à plusieurs événements liés au jeune homme, et malgré les ennuis que cela lui avait attiré, il était presque content de voir un peu d'animation autre que la chasse au criminel par ici.
Avec un peu de chance, Victoria tomberait grâce aux manipulations du jeune homme et de ses amis – y compris de son collègue Roger que Weaver appréciait secrètement.
Cependant, cela ne changeait en rien certaines habitudes, y compris ses petites pauses au bar de Roni au moins une fois par semaine. Installé au bar, un verre de Scotch à la main pour lui rappeler ses origines lointaines dont son accent qui faisait tiquer ses interlocuteurs la première fois, il restait dans son coin. Parfois, Roni se joignait à lui et ils échangeaient quelques mots, créant au fil des années une sorte d'amitié distante. La barmaid était l'une des seules personnes à qui il parlait en dehors du cadre du travail, et il devait avouer que ces quelques mots de temps à autre étaient assez rafraichissant.
En résumé, il n'avait pas le temps de s'ennuyer au milieu d'un emploi du temps bien réglé.
Mais il avait constaté plusieurs changements récemment. Outre les problèmes que s'attiraient toujours les mêmes personnes – comme Jacinda qui ne pouvait décidément rien faire seule – ou Henry qui semblait attirer les ennuis comme un aimant, différentes anomalies s'étaient manifestées dernièrement.
Outre les petites révoltes qui se mettaient sur pied ici et là contre la dictature mise en place par Victoria et les nouveaux projets qui commençaient à fleurir, Weaver s'était surpris à découvrir plusieurs personnes dont il aurait dû connaître l'existence et qu'il n'avait jamais remarqué.
Cela avait commencé lorsqu'il avait tenté de trouver un nouvel associé. Il avait épluché de nombreux dossiers d'agent de police, et celui de Roger l'avait particulièrement marqué. Un espèce de sentiment fort et inexplicable qui lui indiquait qu'il avait trouvé la bonne personne. Il avait ensuite été facile de se convaincre que ses rapports et l'avis de ceux qui les entouraient avaient été la raison l'ayant poussé à le choisir.
Puis il avait commencé à s'intéresser à la colocataire de Jacinda, cette jeune femme dont les beignets commençaient à être célèbres dans le quartier. Puis ensuite d'autres personnes, les vendeurs de supermarchés comme les fleuristes attiraient son regard plus qu'auparavant.
Cela n'était rien en revanche comparé à ce qu'il ressentit la première fois que Lacey French passa la porte du commissariat.
Il était dans son bureau, oublieux des enquêtes autour de lui. L'animation, les innombrables dossiers et la paperasse n'étaient pas pour lui. Weaver était plus qu'heureux de laisser tous ces détails aux autres, trop occupé à régler ce qui importait vraiment.
Cependant, il n'avait pu échapper aux bruits de plus en plus fort qui émanait du hall d'entrée. Ce ne serait pas la première fois qu'un citoyen en colère ou un détenu ne fasse du grabuge. Il était assis, en train de réfléchir à ses prochains mouvements par rapport à Victoria, ignorant tant bien que mal le raffut. Les éclats de voix commençaient à devenir plus clairs, et la voix d'une femme s'infiltra dans chaque recoins de son bureau. Il parvint à distinguer un accent subtile qui lui fit lever le nez de ses plans et autres notes, et le ton de son collègue à la réception qui tentait de garder son calme alors qu'il aurait dû être en position de force.
Weaver finit par se lever, vaguement intrigué par ce qui pouvait bien se passer mais surtout vivement agacé d'être ainsi perturbé. Lorsqu'il ouvrit la porte qui menait à hall d'entrée, il était bien déterminé à mettre un terme à ce cirque, et espérait retourner à ses affaires le plus rapidement possible.
Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il découvrit une petite dame haute comme trois pommes en train de fixer un homme faisant deux fois sa taille avec des yeux remplis de détermination et dont le mascara commençait à couler légèrement.
« - Je veux voir Mr. Weaver. »
En temps normal, Weaver aurait eu une folle envie de se réfugier dans son bureau après avoir envoyé l'intruse déguerpir le plus vite possible. Il n'aimait pas les esclandres au commissariat, en particulier ceux qui le concernaient. Tout au plus, il pouvait prendre un malin plaisir à humilier verbalement le gêneur avant de l'oublier, ou de le retrouver dans son bureau après qu'il ait fait les démarches adéquates.
Et la femme ne faisait pas exception. Vêtue d'un haut bleu foncé raisonnablement décolleté, d'un jean noir et de talons qui lui donnaient le vertige rien qu'à les fixer, elle toisait la pauvre jeune recrue qui ne savait pas où se mettre. Malgré les bon quinze centimètres qu'elle arborait, elle restait bien plus petite que lui – et il était pourtant petit pour un homme. Fichu standard.
Quant à son visage, il devait admettre qu'elle était une très belle femme malgré les ans. Ses grands yeux bleus attiraient immédiatement le regard. Son visage était rond et ses lèvres pincées dans un signe d'agacement très visible, surmontés d'une couche de rouge à lèvres voyant, mais assez clair. Ses longues boucles brunes étaient remontés en chignon, et quelques mèches blanches se perdaient ici et là, unique signe de son âge. Il essaya de déterminer son âge, et cela se révélait plus difficile qu'il n'y paraissait. Son visage n'était pas marqué par les ans, à part quelques ridules autour de ses yeux et aux commissures des lèvres, preuve de nombreux fous rires et d'une jeunesse bien remplie. Il ne lui donnait pas plus que lui-même, les mèches qu'elle ne daignait pas teindre trahissant tout de même une certaine maturité. Peut-être autour de quarante, cinquante ans. Même moins, son visage semblait encore jeune, et ses cheveux blancs pouvaient résulter d'un quelconque traumatisme après tout.
Il fronça les sourcils en approchant. Cette femme ne lui disait absolument rien. Il se demanda ce qu'elle pouvait bien lui vouloir quand elle détourna son attention du pauvre réceptionniste qui ne savait plus où se mettre. Weaver le soupçonnait d'être sur le point d'appeler la sécurité. Lorsqu'il aperçut les deux agents qui approchaient, il comprit que c'était exactement ce qu'il avait fait.
La visiteuse se tourna vers Weaver, l'air excédé. Du haut de son petit mètre – soixante ? Weaver doutait même qu'elle les atteigne – elle semblait très sûre d'elle. Et après l'avoir entendue depuis son bureau, elle ne manquait pas de caractère pour terroriser une jeune recrue.
« - Que se passe-t-il ici ? »
Le jeune homme qui avait dû s'occuper de l'inconnue tourna la tête vers lui, visiblement soulagé de le voir dans l'entrebâillement de la porte.
« - Inspecteur !... Cette dame demandait à vous voir. Je lui ai dit que vous étiez occupé mais…
- Vous êtes Weaver ? »
La visiteuse croisa les bras et observa l'inspecteur des pieds à la tête. Weaver essaya de suivre le fil de ses pensées. Son regard plus curieux que méfiant s'arrêta quelques instants sur son visage, analysant tout ce qu'elle pouvait, avant de détailler sa mise et ses vêtements. D'après son regard, elle ne s'attendait pas à ce qu'elle avait trouvé.
Il approcha, toujours un peu sceptique mais désormais intrigué. Ce n'était pas tous les jours qu'une belle inconnue venait crier dans tout le commissariat qu'elle voulait le voir sans en révéler la raison.
« - Lui-même. Et vous êtes ?
- Lacey French. J'ai besoin de votre aide. »
Il croisa les bras à son tour et étudia son visage résolu, se trouvant à baisser la tête pour la détailler. C'était un changement agréable, de ne pas être le plus petit de la conversation. Cela ne lui arrivait que très peu souvent. Bien qu'il soit en règle général celui qui menait la conversation comme il l'entendait, il n'empêchait que ne pas avoir à se dévisser le cou n'était pas déplaisant.
« - D'aucun dirait qu'hurler sur le lieu de travail de la personne dont vous avez besoin n'est pas très avisé, dearie. »
Ladite Lacey, loin de se laisser démonter, soutint son regard et plaça ses mains sur ses hanches. Il se demanda un instant s'il s'agissait de se rendre menaçante – ce qui était tout bonnement impossible – avant de réaliser qu'elle était juste agacée.
« - Ce n'est pas ma faute si vos collègues refusent de m'aider. »
« - Je ne pouvais pas vous laisser entrer comme ça !... » essaya de se défendre le jeune officier.
« - Et alors, que devais-je faire, prendre rendez-vous ?! »
Weaver ne put retenir un léger sourire en coin en voyant les boucles brunes de Lacey voler alors qu'elle dévisageait sa pauvre victime, le fusillant du regard.
« - Je peux essayer de vous aider. »
Elle se tourna de nouveau vers lui, et quelque chose dans son regard attira son attention. Elle avait les yeux tournés vers lui. Il y distingua quelque chose qu'il ne voyait que trop rarement dans cette ville, quoique de plus en plus souvent. Il l'avait vu dans les yeux de Lucy. Toutes les fois qu'il l'avait croisée. Puis dans ceux d'Henry, de Jacinda et de son amie depuis qu'elles avaient ouvert leur food truck.
Une pointe d'espoir.
Il resta là, à l'observer l'air penseur, alors qu'elle approchait de lui.
« - Vraiment ? »
Il observa ses yeux bleus, essayant de comprendre cet éclat qui les habitait, et qui faisait briller tout son visage. Il devinait le sourire hésitant et gonflé d'espoir qui se profilait sur ses lèvres peinturlurées. Et la proximité qu'elle n'hésitait pas à imposer entre eux sans méfiance était inhabituelle pour quelqu'un qui ne cherchait pas à l'intimider.
Mais il n'était pas assez stupide pour se laisser distraire par un joli visage.
« - Mais cela à un prix. »
Son visage se renfrogna immédiatement. Elle ne chercha pas à reculer, mais il sentit son corps se crisper et une distance invisible se former entre eux. Etrangement, cela le perturbait. Il s'attendait à cette réaction pourtant.
« - Je croyais que les forces de l'ordre avaient pour seul objectif d'être au service de la population ? »
Il hocha la tête, mi moqueur mi amusé. Il était parfaitement conscient qu'elle ne croyait pas un mot de ce qu'elle disait. Même si des idéalistes comme Roger croyaient encore à de nobles causes, la plupart des officiers de longue date étaient désabusés ou bien beaucoup moins patient.
Weaver avait personnellement choisi de ne perdre ni ses idéaux ni sa capacité à attendre qui lui avait tant servi. A la place, il avait tiré profit de la nature humaine et de leurs vices pour se procurer plusieurs avantages ou obtenir de précieuses informations. Il ne se contentait pas de son cercle d'indicateurs. Certaines personnes étaient prêtes à payer pour ce qu'elles voulaient.
Et une intuition lui soufflait que Miss – Madame ? Il n'avait pas vu d'alliance à son doigt – French en faisait partie. Elle n'était pas la première à faire un scandale au commissariat, mais la seule qui avait réussi à intimider plusieurs de ses collègues.
Il se contenta de lui offrir un sourire qu'il savait condescendant.
« - Vous avez offensé mes collègues. Si vous souhaitez que je vous écoute, il faudra d'abord vous excuser auprès d'eux. »
Elle le fixa, l'air outré, avant de jeter un coup d'œil rapide vers ceux sur qui elle criait il n'y avait pas cinq minutes. Elle était en train de se demander s'il lui demandait vraiment de s'excuser auprès d'eux avec un air complètement ébahi, pour son plus grand plaisir.
Au bout de quelques secondes, elle finit par soupirer.
« - Si je le fais, vous m'aiderez ? »
Il sourit de nouveau.
« - Je vous écouterai et considérerai votre cas.
- C'est tout ?!
- Donnant donnant, dearie. »
Elle baissa les yeux, le temps de réfléchir, et il nota cette habitude dans un coin de son esprit. Même les détails les plus insignifiants pouvaient se révéler utiles pour plus tard.
Lacey finit par se tourner vers les gardiens et le réceptionniste. Avec une ironie à peine dissimulée et une exagération totalement volontaire, elle inclina la tête.
« - Veuillez accepter mes excuses les plus sincères, Messieurs. »
Ce n'était pas exactement ce qu'il avait en tête, mais Lacey avait tenu parole, comme l'indiquait son sourire satisfait lorsque qu'elle se tourna vers lui.
« - Et maintenant, vous allez m'écouter ? »
Il la considéra un instant, alors que les autres personnes présentes les fixaient, parfois amusés mais pour la plupart révoltés du comportement de la jeune femme.
Weaver, quant à lui, trouvait cela plus que distrayant.
Il plaça sa main près du dos de Lacey, et il se demanda comment elle parvenait à ne pas avoir froid avec son simple blouson aux vues de son haut. Il n'osa pas la toucher, mais la proximité qu'il instituait fut suffisante pour faire froncer les sourcils à Lacey.
Il leva ensuite le bras vers son bureau.
« - Après vous. »
Elle se tourna vers lui avant de commencer à avancer et de s'éloigner de l'assemblée qui s'était massée, pour un endroit plus discret.
OoOoOoOo
La posture crispée de Lacey montrait clairement qu'elle ne savait pas vraiment dans quoi elle mettait les pieds, malgré sa volonté de faire croire le contraire. Elle n'était pas à l'aise dans l'antre de la justice de Seattle. Bien qu'elle n'ait jamais été impliquée officiellement dans de quelconques délits, elle en avait commis plus que son dû dans sa jeunesse.
Entre les petits vols dans les boutiques, les fugues tard le soir lorsque son père ne l'autorisait pas à mettre le nez dehors et évidemment, les soirées où elle était trop ivre pour se souvenir de ce qu'elle avait fait – légalement ou non – la veille.
Elle avait cessé ses folies lorsqu'un de ses compagnons avait choisir de devenir policier. Keith était un poids mort et il n'aurait pas hésité à la dénoncer pour une promotion. Elle avait donc rompu et avec lui, et avec ses activités. Cela remontait à bien des années. Cependant, les vieilles habitudes avaient la vie dure, et éviter de se retrouver dans un endroit rempli de personnes pouvant la mettre en cellule était l'une d'elles.
Cependant, elle n'avait pas vraiment le choix.
Lorsqu'elle pénétra dans le bureau de Weaver, elle ne fut qu'à moitié étonnée de le trouver très vide. Pas d'objet personnel ni de photos sur le bureau. Juste quelques dossiers et une veste déposée sur le dossier de la chaise. Rien d'étonnant à cela, il n'était pas le genre d'homme à s'épancher et à garder des traces de femme et enfant sur son lieu de travail.
Un lieu très fonctionnel, par conséquent. Sans âme. Pourtant, la personnalité de Weaver était inscrite partout dans la pièce. Le manque de décoration, son air impressionnant – elle devait bien l'avouer – et les quelques rumeurs qu'elle avait entendu avant d'arriver ici lui donnait une aura suffisamment intimidante pour rendre quiconque rentrait dans cette pièce nerveux.
Il la laissa entrer en première et alla s'asseoir sur le bureau en l'invitant à s'asseoir d'un mouvement de bras. Il la fixa quelques secondes alors qu'elle observait les environs, et finit par hausser un sourcil.
« -Eh bien ? »
Revenant à la réalité, Lacey avança et s'installer dans la chaise faisant face au bureau. Elle n'aimait pas cela. La chaise était – certainement à dessein – extrêmement inconfortable. Et la position de Weaver, en hauteur, la mettait mal à l'aise. Il semblait la toiser, comme un rapace, attendant le bon moment pour frapper. Mais elle n'avait pas le choix. D'après ce qu'elle savait, il était le seul à pouvoir l'aider.
Elle ajusta le col de son blouson avant de soupirer. Elle croisa bras et jambes, et laissa son dos reposer dans le fond de la chaise d'un air nonchalant.
« - On m'a dit que vous étiez la personne à venir voir si quelqu'un avait besoin d'une enquête discrète.
- Et ce quelqu'un serait vous, je suppose. »
Elle haussa les épaules.
« - Je ne m'en suis pas cachée. »
Il recula un peu, le dos bien droit alors qu'il l'observait.
« - Cessons de tourner autour du pot, dearie. Pourquoi avez-vous besoin de mon aide ?
- J'ai besoin de m'assurer que cela restera entre nous. »
Elle vit le coin de ses lèvres se relever, et elle fronça les sourcils, n'aimant pas son air assuré.
« - Avez-vous quelque chose à vous reprocher ? »
Elle secoua la tête, lentement. Elle s'éloigna du dossier de la chaise et se rapprocha.
« - Si vous ne gardez pas le secret, cela n'aura aucun intérêt. »
Il pencha la tête.
« - Je ne pourrai pas me décider sans aucune indication, Mrs French.
- Miss, » corrigea-t-elle par automatisme sans remarquer le léger sourire qui se dessinait sur le visage de son interlocuteur.
Elle regarda dans le vide, pesant le pour et le contre.
« - J'ai besoin de garanties, Monsieur l'inspecteur. »
Il fronça les sourcils en se penchant.
« - Miss French, bien que vous m'intriguiez, je ne vois pas en quoi garder vos petites cachotteries pourraient m'intéresser…
- Cela concerne Victoria Belfrey. »
Lacey n'avait pas prévu d'abattre ses cartes aussi vite. Elle constata avec une certaine satisfaction l'éclat d'intérêt renouvelé qui brillait dans les yeux du policier, et elle su qu'elle avait visé juste. Elle commençait à cerner la crème des forces de l'ordre de cette ville. Il avait ses propres objectifs. Ses propres buts et d'après ce qu'on lui avait dit, sa capacité à découvrir ce qu'il voulait de Belfrey s'il le souhaitait.
Il approcha encore, plus qu'intéressé et plus calme étrangement. Il ne savait pas à quoi s'attendre, et cela pouvait se révéler décevant. Ou alors obtenir plus qu'il ne l'espérait. Lacey savait cela, et allait en jouer. Elle avait besoin de lui, et elle n'allait pas le laisser passer.
Il se retrouva à quelques centimètres d'elle.
« - Victoria Belfrey ? Pourquoi pensez-vous que cela a un effet sur moi ? »
Elle sourit et soutint son regard sans aucune hésitation.
« - C'est Roni qui m'a dit de venir vous trouver. Elle m'a dit que vous pourriez m'aider. Elle semblait plutôt sûre d'elle. »
Elle le vit douter, et se demanda bien pourquoi. Elle avait entraperçu Weaver quelques fois au bar de Roni, mais elle s'y rendait toujours à des heures décalées de lui. Dans ses souvenirs, ils n'avaient jamais consommé au même moment.
De plus, elle avait limité ses errances nocturnes, et ne se permettait quelques folies qu'une fois de temps en temps. Mais une fois un peu alcoolisée, plus qu'elle ne l'avait été depuis des années et un peu désespérée par ses problèmes, elle s'était épanchée auprès de Roni, qui la connaissait depuis aussi longtemps qu'elle se souvenait. Malgré qu'elle soit plus jeune qu'elle, Roni avait la réputation rassurante d'être toujours à l'écoute, et un peu une mère pour tout le quartier. Elle était la confidente idéale dans ce genre de situation.
Et elle avait recommandé Weaver après quelques secondes d'hésitation. Lacey n'avait plus rien à perdre et elle l'avait écouté.
Weaver était en quelque sorte une dernière chance après tout ce qu'elle avait pu entreprendre.
« - Roni, vous dîtes ? »
Elle se contenta d'hocher la tête. Il pencha la tête avant de se lever. Son mouvement brusque la perturba quelque peu, de part leur proximité, et recula alors qu'il faisait le tour de la table pour s'asseoir – enfin – à sa place.
« - Je ne dirai rien à Miss Belfrey, » dit-il après quelques moments de silence. « Mais je ne garantis pas mon aide. Cela viendra seulement si votre cas me semble urgent. »
''Intéressant'' était sûrement plus approprié. Lacey hésita, cherchant à deviner s'il était sincère ou non, avant de soupirer. Il devait bien se douter qu'elle n'avait pas d'autres choix, sinon elle aurait cherché à faire une déclaration officielle au lieu d'insister pour son aide. Elle n'allait peut-être pas obtenir de contrepartie, mais il assurait qu'il allait garder le silence…
Bien, elle n'avait rien à perdre et il mourrait d'envie d'entendre ses informations.
« D'accord… »
Elle regarda ses mains aux ongles vernis de couleur doré, et se lança.
« Mon père, Moe, tenait une horlogerie il y a des années. Il s'amusait parfois à chercher à inventer de nouveaux objets, il était passionné de nouvelles technologies. Il a même vendu quelques brevets. Puis, un jour, il a commencé un projet qui semblait intéresser Miss Belfrey. Il était enthousiaste et s'était confié à moi. Puis, alors que son projet avançait, il a soudainement disparu. Je l'ai cherché partout pendant plusieurs années, sans rien trouver. »
Elle sentait toute son attention dirigée sur elle, mais une certaine nervosité commençait à l'envahir. Elle ne savait pas ce qu'elle ferait s'il refusait, et elle se hâta de donner les informations intéressantes.
« - Je n'aurais jamais soupçonné Miss Belfrey. Hormis le timing, rien n'indiquait qu'elle pourrait être liée à la disparition de mon père. Mais elle était la propriétaire de la maison de mon père. Elle a insisté pour que les lieux soient libérés très vite une fois que les paiements du loyer se sont arrêtés. Et lorsque je suis venue récupérer les affaires de mon père, je jurerai que quelqu'un était passé par là et que plusieurs objets étaient manquants. »
Le silence religieux de l'inspecteur était difficile à interpréter, qu'il soit rassurant ou au contraire sceptique.
« - Je suis certaine que ce sont pas des objets que mon père a emporté lors de son départ s'il est volontaire. J'en avais vu certains lorsque je me suis rendue chez lui pour chercher des indices sur où il pourrait être allé. Miss Belfrey a dérobé certains objets. J'en suis persuadée. Et si elle l'a fait, elle a quelque chose à se reprocher. Que cela soit à cause du projet de mon père ou… autre chose. Peut-être que cela peut me mettre sur la piste de mon père. »
Elle finit par se taire, soudainement très lasse, mais également soulagée d'avoir vidé son sac. Se confier à Roni après quelques verres n'était pas comparable à la vérité pure et sans filtre qu'elle venait de révéler, bien qu'il s'agisse d'un inconnu.
Elle n'osa pas relever les yeux, et attendit le verdict comme le couperet du bourreau. S'il décidait de ne pas tenir parole et de tout dire à Victoria… eh bien, dans le meilleur des cas, son loyer serait redressé de manière immédiate, mais elle ne serait qu'un moucheron pour quelqu'un comme la gérante. Et dans le pire, elle découvrirait peut-être plus rapidement que prévu son père.
La voix de Weaver s'éleva après un long moment.
« - Vous êtes certaine que votre père n'est pas parti de sa propre volonté ? Aurait-il des raisons de ne pas vous prévenir ? »
Elle soupira.
« - Nous n'avons pas toujours été en bon termes. Je n'ai pas été la fille la plus facile dans ma jeunesse. Mais je pense qu'avec le temps, je me suis assagi. Nos relations s'étaient un peu améliorées. Il ne serait pas parti à ce moment précis. Cela fait déjà longtemps… »
Elle soupira de nouveau, et mit sa tête dans ses mains. Son père lui manquait terriblement, et l'inquiétude qu'elle contenait depuis une éternité déjà lui pesait. Comment expliquer ses cheveux blancs qui ne se manifestaient qu'en mèches dans ce cas ?
« - Inpecteur, croyez-moi si je vous dis que j'ai tout essayé, pensé à toutes les hypothèses. Je n'ai pratiquement rien trouvé en des années de recherche. Dans quelques jours, mon père aura près de quatre-vingt, s'il est toujours en vie. Ne pas savoir où il est… est devenu invivable. Je ne serais pas venue sans bonne raison. »
Elle garda les yeux baissés, et elle sentit Weaver approcher.
« - Mon aide a un prix, Miss French. »
Elle leva la tête, soudain alerte. S'il demandait un prix, c'est qu'il était intéressé. Et alors…
« - Vous… allez m'aider ?
- Si vous me donnez ce que vous voulez. »
Elle se mordit les lèvres.
« - Je n'ai pas beaucoup d'argent mais je pourrai vous payer !
- Non non, » la coupa-t-il. « Je ne veux pas de votre argent. Cela ne m'intéresse pas. »
Elle sentit son cœur battre dans sa poitrine.
« - Mais alors…
- Mon prix, c'est vous. »
Elle sentit tout son être se figer, alors que ses mots ne l'atteignaient pas. La phrase faisait lentement son chemin dans son esprit, et une révolte intérieure grondait, réveillant le caractère fougueux qu'elle avait laissé se noyer trop longtemps dans la crainte. Mais il ne la laissa pas se torturer plus longtemps.
« - Si nous découvrons quoique cela soit, vous me serez redevable. Vous aurez un dette. En tout cas, vous ferez tout ce que je vous demande. Vous ne ferez pas n'importe quoi. Les informations, les preuves… vous ne direz rien à personne. Il faut que vous me fassiez confiance et m'écoutiez en ce qui concerne nos recherches. »
C'était à mille lieux de ce qu'elle imaginait, et tant mieux. Elle soupira de soulagement, seulement pour une courte durée. Combien de temps ferait-il durer ce fameux service.
« - Mais vous allez m'aider à retrouver mon père ?
- Vous avez ma parole. »
Elle hocha la tête une nouvelle fois et regarda le sol avant de plonger son regard dans le sien.
« - Alors c'est entendu. J'accepte votre deal. »
Il sourit lentement et saisit rapidement son blouson avant de se diriger vers la porte devant une Lacey figée. Il ouvrit la porte et se tourna vers elle.
« - Eh bien, venez Miss French, nous avons une enquête à mener. »
OoOoO
Elle savait qu'elle avait fait une erreur lorsqu'elle avait choisi de ne pas mentir concernant la prophétie et sa traduction au Dark Castle. Elle aurait dû prétendre ne pas comprendre, ou le mener sur une fausse piste. Elle savait pourtant qu'il ne trouverait aucun répit avant d'avoir trouvé le Gardien et qu'il n'accepterait jamais l'idée de la perdre.
Les voilà donc partis pour de nouvelles aventures, l'esprit troublé et la désagréable sensation de se battre contre la montre. Rumple n'avait plus qu'une seule obsession depuis qu'elle lui avait révélé le contenu de ce livre poussiéreux : se libérer de la malédiction du Dark One à n'importe quel prix. Ce Gardien mystérieux dont ils ne savaient rien avait prit une place si importante dans sa vie, qu'il ne passait pas un jour sans qu'elle ne regrette d'avoir été trop honnête.
Il ne voyait pas la frustration qu'elle éprouvait chaque jour d'attente qui passait. Ils s'étaient rendus à l'Edge of Realms – après tout, il espérait que le Gardien se montre au bout de quelques temps. Mais après cinq ans sans signe de lui, malgré la paix qu'ils avaient réussi à trouver par miracle dans cette petite maison et le temps passé à simplement profiter l'un de l'autre, ses craintes n'avaient pas été apaisées. Au contraire, elle n'avait cessé de grandir avec chaque nouveau cheveux blanc qu'il découvrait entre ses boucles brunes.
Leur retour au Fairytail Land lui déplaisait au plus haut point.
« -Rumple, pourquoi ne prends-tu pas le temps de vivre plutôt que de chercher absolument le besoin qui te permettra de mourir ? »
Il se tourna vers elle, préparant leurs malles alors qu'elle restait dans le lit, à le fixer d'un air fatigué. Il approcha, soucieux. Malgré son inquiétude grandissante, il se montrait toujours extrêmement prévenant. Cela ne l'étonnait qu'à moitié, étant donné que toute sa vie – ou plutôt sa quête pour y mettre fin – ne tournait qu'autour d'elle.
Il s'assit auprès d'elle, et prit l'une de ses mains qu'elle avait placé autour de ses genoux, recroquevillés contre sa poitrine.
« - Belle, il le faut. Je ne te regarderai pas t'éloigner de jour en jour sans rien faire, alors que rien ne change pour moi. »
Elle baissa les yeux vers leurs mains, et lia leurs doigts en retenant un soupir.
« - Mais je suis là pour l'instant. Et je veux profiter de ce que nous avons maintenant plutôt que passer le restant de mes jours à chercher quelque chose que nous ne trouverons peut-être pas à temps. Vivre ma vie et non pas espérer trouver une fin à la tienne. »
Il l'écouta attentivement, ayant appris de ces années à n'en faire qu'à sa tête sans se préoccuper des pensées des autres, avant de secouer la tête.
« - Je comprends. Mais je ne resterai pas ainsi les bras croisés. Tu dois comprendre que si cette quête est difficile pour toi, ne rien faire est insupportable pour moi alors que je sais qu'attendre ici ne résoudra peut-être rien. »
Elle baissa les yeux sans les relever cette fois.
« - Je regrette de te l'avoir dit, » souffla-t-elle une nouvelle fois.
Il posa ses mains contre ses épaules avant de se rapprocher pour l'enlacer.
« - Belle, aurais-tu pu vivre avec ce secret pendant toute une vie ?
- Pour être honnête, oui. Totalement. Si cela nous avez permit de nous reposer quelques temps, oui. »
Il soupira et secoua la tête. Il reprit sa main dans les siennes, et un long silence s'installa avant qu'il ne reprenne la parole.
« - Je comprends ton point de vue. Mais tu dois également comprendre le mien. Je ne supporterai pas de te regarder dépérir sans tenter quoi que cela soit. »
Ses yeux s'adoucirent un peu, et il baissa la voix, comme pour ne pas la brusquer.
« - Cela ne nous empêchera pas de vivre. Je te le promets. Je ne laisserai pas mes obsessions gâcher tes rêves ou tes besoins. Mais tu dois également accepter mes recherches. »
Elle serra sa main, voyant à quel point les euphémismes qu'il utilisait le heurtait. Elle n'aimait pas cette situation, savoir qu'il avait raison et qu'elle ne pouvait rien y faire. A part être raisonnable, ou continuer d'argumenter afin de trouver un meilleur compromis. Mais elle savait bien qu'elle avait scellé sa décision au moment même où elle lui avait révélé la vérité avant de partir pour l'Edge of Realms.
C'est donc avec un sourire un peu las mais sincère qu'elle hocha la tête, et le soulagement qu'elle vit dans ses yeux lui permit de calmer ses propres doutes, du moins pour l'instant.
