Disclaimer : Rien ne m'appartient tout est à la merveilleuse JK Rowling (comme si quelqu'un en doutait !).

Un texte que j'ai plusieurs fois retravaillé. Le voici dans sa version définitive, avec l'aimable correction de Nya.

Bonne lecture


Nul n'est invisible, et pourtant…

Je ne suis rien. Parfois un faire-valoir, souvent une présence. Pas même, non. Je suis plutôt comme un meuble, je suis là c'est tout, mais personne ne semble plus s'en apercevoir, comme la table immuable qu'on a pris l'habitude d'éviter mais dans laquelle parfois on se cogne encore.

Ma présence, personne ne s'en aperçoit jamais. Je suis invisible. Insignifiant. Négligeable.

Que se passerait-il si je disparaissais ? Quelqu'un s'inquiéterait-il de l'absence de celui dont tout le monde se fout ? Mais la vraie question est plutôt : quelqu'un s'en rendrait-il compte ? Quand se rend-on compte qu'un meuble inutile a disparu ? Quand on est surpris de ne plus se cogner dedans ?

J'ai essayé une fois, pour voir. A Poudlard, on côtoie tant de monde que je me suis dit que quelqu'un le remarquerait bien. Je me suis caché. J'ai passé deux jours à profiter des bienfaits de la Salle sur Demande. Deux jours…

Quand je suis réapparu, ce fut pour m'apercevoir que personne ne s'était préoccupé de mon absence. McGonagall s'est juste renseignée sur ma santé, supposant que j'avais passé ces deux journées auprès de Mme Pomfresh. Je n'ai même pas pris la peine de lui répondre. De toute façon elle n'attendait aucune réponse, à peine sa question posée qu'elle était déjà passée à autre chose, je suis quantité si négligeable.

On ne se soucie pas de moi. Personne. Jamais.

Quand on me remarque c'est pour me railler, me disputer, me mépriser. Il est si amusant de me rabaisser, de me briser. Si simple de ne voir en moi que mauvaise volonté et incapacité, à quoi bon s'encombrer de soucis que je ne peux moi-même gérer ?

Je ne suis pas. Je n'ai jamais été et ce, depuis mon plus jeune âge.

Pour ma famille, je dois être mon père. Pour Dumbledore, je dois être un soutien pour Harry. Pour les professeurs, je dois être un élève qui entre dans le moule. Pour mes camarades, je dois être plus courageux. Pour les Serpentard… Je suis une erreur. Un jouet amusant sans volonté, pensée ou vie propre.

J'ignore qui je suis et pour être honnête, je ne me suis jamais posé la question. J'ai passé mon temps à essayer d'être ce que les autres voulaient voir en moi, ce qu'ils attendaient de moi.

J'ai tenté d'atteindre le niveau de mon père mais j'ai échoué.

J'ai essayé d'offrir mon soutien, mon aide, mais on m'a regardé de haut.

J'ai cherché en moi la dignité d'être plus courageux mais chacun de mes actes fut raillé et réduit à néant.

J'ai travaillé dur, étudié toutes les heures que je pouvais mais ce n'était jamais suffisant.

J'ai fait face, je me suis redressé mais ils m'ont brisé.

Personne n'en a jamais été surpris.

A quoi bon lutter quand personne ne croit en vous ? A force d'être sans arrêt rabaissé, j'ai fini par ne plus croire en moi et c'est comme ça que je suis devenu invisible.

J'en viens même à regretter la période où l'on me traitait encore de benêt, d'incapable ou de boulet. Celle où l'on me reprochait ma naïveté, ma couardise. Même les horreurs des Serpentard valent mieux que ce que je vis maintenant. Au moins on me remarquait, j'existais. Sans vie propre certes, mais j'avais une preuve de mon existence.

Aujourd'hui ? Aujourd'hui, comme je l'ai dit plus haut, je suis un meuble. Quand on me cogne et qu'on me remarque on m'insulte ou me raille. Parfois comme une table à qui il manque un pied, une de mes maladresses me fait remarquer, alors on rit de moi mais on m'oublie tout aussi vite…

Tant d'années à essayer… Tant d'années de souffrance sans récompense, sans aide, dans l'humiliation et la honte, ne récoltant que disputes, insultes et moqueries. Tant d'années…

Mais ce soir c'est fini. Je veux que tout cesse. L'expression populaire dit que l'on ne lutte pas contre un torrent en furie et après avoir essayé j'ai abandonné, mais même en me laissant porter par le courant, j'ai percuté tant de rochers et de branches que je n'en peux plus. Je veux m'échouer sur le rivage et trouver le repos dans l'oubli.

Une seule question me taraude mais avec plus d'amusement que d'inquiétude : combien de temps mettront-ils à retrouver mon corps ? Les animaux auront-ils déjà prélevé leur tribut ? Pour une fois je serais utile à quelque chose.

Tout cela m'importe peu en fait, mais j'avoue que j'aimerais beaucoup voir le visage décomposé de celui qui me trouverait à moitié dévoré. Petite vengeance certes, mais quand on a eu une vie si écœurante, on se satisfait de tout ce que la mort peut apporter.

Les escaliers de la tour d'Astronomie se profilent devant moi. La montée est longue mais j'ai tout mon temps. Aucun de mes camarades de dortoir ne s'apercevra de mon absence tardive et Rusard poursuit Peeves qui a retourné son bureau.

Ce sont mes derniers pas, mes dernières respirations, mais cela ne m'impressionne pas. Je n'appartiens déjà plus à ce monde, si jamais j'y ai un jour appartenu.

Je pousse la porte qui donne accès au somment de la tour. Il n'y a personne fort heureusement. La chance me sourirait-elle alors que j'ai décidé d'abandonner ma vie ? Je ne peux y croire, j'ai trop souvent été déçu. Il est plus question d'ironie que de chance.

La nuit est déjà bien entamée et forme autour de moi un écrin d'encre velouté et de diamants scintillants. La lune, fine cicatrice dans l'obscurité, m'observe, parée de sa froide beauté et de son indifférence. Je souris tristement… La nuit est si belle… Je n'ai pas la prétention de croire que la nuit s'est parée de ses plus beaux atours pour moi, ç'en est fini de mon optimisme patenté.

Je profite une dernière fois de toutes ces beautés que la nature peut offrir, bientôt je ne pourrais plus voir et je ne veux pas me bercer des illusions qu'offrent les religions que moldus et sorciers se sont créées pour rassurer leur peur de l'inconnu, leur peur de ne plus être. Mais que pourrais-je craindre, moi qui n'ai jamais été ?

Quelle plus belle aventure que cette inconnue qu'est la mort ? Tous ces instants sont mes derniers mais ce sera bientôt une première fois… Mon premier baiser. Glacé, terrible et mortel : le baiser de Dame la Mort.

J'inspire à fond une dernière fois pour savourer les odeurs qui remontent depuis la forêt, ce parfum subtil et fort, mélange d'humus, de musc, de végétaux en décomposition et des fleurs nocturnes qui ouvrent leurs corolles dans les serres de l'école. Peut-être l'une des rares choses que je pourrais regretter.

Lentement, je monte sur le parapet et jette un dernier coup d'œil sur le monde. Je n'ai pas peur non, pas cette fois. Je me sens prêt, plus prêt que je ne le serais jamais…

Je me lance, il me suffit de basculer. La tour d'Astronomie est si haute que j'ai l'impression que la chute dure des heures. La sensation est sans pareille. Unique. Tellement grisante…

Pour la première fois de ma vie je me sens infiniment vivant. Quand je percute le sol herbeux, le néant s'empare de moi.

Le soleil se lève doucement sur Poudlard. La forêt Interdite s'embrase alors que le disque incandescent dépasse la ligne d'horizon. Les gris et roses de l'aurore s'estompent pour des couleurs plus éclatantes et franches.

Severus Rogue fait sa promenade matinale. Il aime ce calme, ce silence. Pas un cri, pas de course, juste les oiseaux saluant les premiers rayons d'or.

Alors qu'il rejoint le château, passant comme chaque jour au pied de la tour d'Astronomie, il se fige. Dans l'herbe parsemée de marguerites gît un corps inerte. Pas un souffle ne soulève sa poitrine et la blancheur bleutée de sa peau atteste de sa mort. Il reste un moment interdit avant de réagir et d'aller quérir ses collègues et son directeur.

Le froid professeur sera hanté très longtemps par cette image. Lui qui a vu nombre de morts, des corps bien plus mutilés, lui qui a même donné la mort, ne parviendra jamais à oublier celui-là en particulier.

Il est différent, différent en tout point, car pour ce discret adolescent, la mort semble être une délivrance. Si jeune et déjà oppressé par la vie…

Il ne pourra oublier ces yeux vides fixés sur le ciel et ces traits détendus. Mais surtout et par-dessus tout, une chose le marquera à jamais avec ironie et amertume : c'est en cette splendide matinée d'octobre qu'il vit pour la première fois un sourire heureux sur le visage de Neville Londubat.


Un petit commentaire pour la route ?

Vous avez aimé ? détesté ? ça vous laisse totalement indifférent ? je devrais arrêter de massacrer l'oeuvre de JKR ? vous en liriez bien un autre ?

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