Viens la mort, on va danser
Aimer, la meilleure préparation à la mort
Marcel Jouhandeau.
Un, deux, trois, des pas simples. Il faut juste se déplacer. Un, deux, trois, des pas simples. Il faut juste danser. Un, deux, trois, des pas simples. Il faut juste mettre ses mains sur ses hanches. Un, deux, trois, des pas simples. Il faut juste la regarder dans les yeux. Un, deux, trois, des pas simples. Il faut juste faire semblant de l'aimer. Un, deux, trois, des pas simples. Il faut juste l'oublier. Un, deux, trois, c'est si simple la valse, mais sans elle...
Je me souviens de cette valse... Nous étions en pleine nuit, la Lune montrait tout son être au monde entier, fière de sa pâleur. De son regard bienveillant, elle nous regardait danser près de cet arbre. Je te faisais tournoyer dans ta robe blanche. Tu riais. Tu me souriais. Tu étais tellement belle dans cette robe. Je pouvais voir les étoiles briller dans tes yeux chocolats. Nos pieds fouettaient l'herbe et le vent se glissait dans nos cheveux. C'était une nuit splendide, magique.
Mes mains sur tes hanches, parfois glissaient vers tes fesses et tu les remontais en souriant et en riant.
« Un peu de candeur, voyons ! »
Tu étais tellement innocente... Si pure, si douce... Tu étais un ange descendu sur Terre pour veiller sur nous.
Cette valse, qui en n'était pas vraiment une, ne finissait jamais. Toute la nuit, à l'infini.
Te rappelles-tu la promesse qu'on s'était faite cette nuit-là ? Pendant que je te tenais dans mes bras, et que je sentais ton odeur vanillé, la tête dans ton cou.
Moi, je m'en souviens comme si c'était hier. Tu avais penché tes lèvres près de mon oreille et tu m'avais dit :
« Pour toujours et à jamais »
Je t'avais répondu la même chose. Une promesse qu'on n'a pas réussi à tenir.
Depuis cette nuit, depuis cette valse, depuis ta mort, on m'oblige à valser avec d'autres femmes.
Un, deux, trois, c'est si simple la valse, si simple avec toi.
Mais aucune d'entre elles ne te ressemble. Il y en a des brunes, d'autres ont les yeux marrons, d'autres encore sont aussi intelligentes que toi. Mais aucune n'égale ta beauté, ta pureté et ton innocence. Aucune n'est toi.
Un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois... Pour toujours et à jamais, n'est-ce pas ?
J'ai envie de retrouver cette sensation de danser dans tes bras. Ma danse est ailleurs, près de toi, près de la mort. Et non près de ces femmes...
Dois-je danser avec ta plus proche amie pour te retrouver ? Oui ? Qui est-elle ? Elle est belle, douce, comme toi ? Oui ?
Alors je vais l'inviter à danser. Je la cherche. Ne la trouve pas. Elle se cache ton amie.
Et enfin je la vois. Dans sa robe noire, elle me fixe de ses yeux charbons.
Je la regarde, lui souris et lui dis :
« Viens la mort, on va danser »
