Quel désespoir me saisit ! Quelle frayeur m'accable !

Ah ! Pyrrhus ne peut-il donc être raisonnable ?

Il m'assure la survie de mon seul enfant

En échange, pour notre hymen il veut mon consentement.

Néanmoins mes vœux lui seront toujours rebelles.

Aux Troyens et à Hector dois-je rester fidèle ?

Sauver mon fils et perdre une nouvelle fois la guerre ?

Rester fidèle, et déroger à mes devoirs de mère ?

Que faire ? Quelle direction faut-il suivre ?

Astyanax, mon malheureux enfant, doit-il vivre ?

Laisser périr mon fils ? Je ne peux y songer.

Oublier mes promesses ? Il ne faut y penser.

Hélas ! mon pauvre cœur ne peut se décider :

Su père et du fils, il est le précieux allié.

Mais je ne puis être une épouse et une mère.

Ô, cieux divins ! Par pitié, dites-moi que faire.

Sauver un fils et abandonner un époux ?

Soustraire cet enfant innocent au grec courroux ?

Ces douces pensées en moi provoquent l'horreur.

Je ne peux sauver mon fils que par le déshonneur.

De Pyrrhus j'ai souhaité la pitié sans l'obtenir,

J'ai espéré que mes pleurs pourraient l'attendrir.

Mais Achille, son père, a tué mon Hector,

Lui-même sacrifiera son fils sans remords.

De tant de Troyens le Grec a versé le sang

Et n'a jamais eu pour cet acte de tourments.

Je ne peux regarder ce criminel roi

Dans revoir la chute de la puissante Troie.

Mes pères me donnent le devoir de le haïr

Et mon défunt époux m'aide à l'accomplir.

Pyrrhus, pourquoi avoir proféré une telle menace ?

Je vous vouais déjà une haine tenace.

Par malheur, mon fils va subir votre rage impitoyable.

Non, je ne puis m'y résoudre ! J'en suis incapable.

Dois-je laisser conduire mon fils au trépas ?

Voir avec lui périr tout souvenir de Troie ?

Ou au seigneur de l'Épire offrir mon bras ?

Il faut accepter. Ainsi mon fils ne mourra pas.

Je ne puis cependant souhaiter que mourir

Afin dans mon devoir de ne jamais faillir.