Merci à Thomas Astruc et ZagToon pour cette chouette série, ainsi qu'à Steamboat Willie pour sa relecture et ses conseils.
Cela faisait un moment que la nuit était tombée lorsque deux silhouettes fines atterrirent sur la tour Eiffel, depuis le toit d'un immeuble situé non loin de là. Elles se mirent à y grimper par l'extérieur avant de se glisser entre deux poutrelles, vers le sommet. Puis se posèrent là un moment, reprenant leur souffle dans ce lieu si calme, au cœur de la capitale si bruyante et agitée. Ce lieu à l'abri des yeux et des oreilles, que les deux personnes appréciaient pour cette raison, mais aussi pour la vue panoramique et imprenable sur Paris qu'il offrait.
— Bon, la patrouille est finie et il se fait tard, on ferait mieux de rentrer dormir, Chat Noir, remarqua Ladybug après quelques minutes, brisant le silence de la nuit.
— Déjà ? contra celui-ci sur un ton déçu. C'est le printemps, Buguinette, il faut profiter du beau temps et de la douceur de l'air. Et puis, bientôt, les nuits vont tellement raccourcir qu'on aura du mal à faire nos rondes !
— J'ai cours, demain, et je n'ai pas envie d'être encore en retard... indiqua-t-elle en faisant la moue.
— Toi, ma Lady, en retard ? J'ai du mal à le croire ! rétorqua-t-il dans un grand éclat de rire, tandis qu'elle pinçait les lèvres pour ne rien rétorquer.
Elle se redressa et posa la main sur le yoyo qu'elle portait à la taille.
— Attends ! s'exclama-t-il brusquement. Est-ce qu'on peut rester juste quelques minutes pour discuter encore un peu, s'il te plaît ?
Ladybug se retourna vers son partenaire et le fixa quelques instants, indécise. Il avait un air suppliant et les oreilles de chat qu'il portait sur sa tête étaient un peu basses, comme s'il était désolé de s'être moqué d'elle.
— Bon... d'accord pour dix minutes de plus. Mais juste pour discuter, hein ? Pas la peine d'essayer de me faire un numéro de charme, Chaton, OK ?
Chat Noir s'assit sur le sol en métal de la Tour Eiffel et soupira.
— Alors c'est pour ça que tu pars toujours rapidement à la fin de nos patrouilles ? Ma présence t'importune à ce point ?
— Mais non, Chaton, tu ne m'importunes pas, répondit-elle en s'asseyant à ses côtés. Je t'apprécie vraiment, tu le sais, et j'apprécie nos patrouilles.
— Mouais. Franchement, parfois, j'ai des doutes.
— Tu sais, tu es le meilleur partenaire qui soit. J'ai totalement confiance en toi. Et je te considère vraiment comme un ami. Tu es quelqu'un de très important pour moi.
— Mais ? tenta-t-il en levant un sourcil, cherchant ce qui posait problème.
— Mais... commença-t-elle d'une voix hésitante. Chaton, je t'aime vraiment beaucoup... mais... mais je ne suis pas capable de te retourner tes sentiments...
— Je sais... répondit-il dans un soupir résigné, le cœur serré. J'ai bien remarqué. C'est à cause de ce garçon, hein ?
Elle opina, l'air gênée.
— J'espère qu'il te rend heureuse, au moins.
Elle haussa légèrement les épaules. Que répondre à cela ? Sa relation avec Adrien... était-ce seulement une relation, tant il l'intimidait ?
— Sans vouloir te blesser, ma Lady, s'il ne t'a pas remarquée, c'est probablement un imbécile. Il ne sait pas la chance qu'il a... soupira Chat Noir.
Les deux héros restèrent en silence quelques instants, avant que le garçon ne reprenne.
— Parle-moi de lui.
— Hein ? s'insurgea-t-elle. Comment ça ?
— Non mais... reprit-il en se mordant la lèvre. Je ne te demande pas son nom, sa description ou ce genre de choses, hein. Je me doute bien que tu ne me les donnerais pas, de toute façon, termina-il avec une grimace qui semblait vouloir être un sourire.
— Mais pourquoi... pourquoi tu veux... que je te parle de lui ?
— Ben... je me trompe peut-être mais... peut-être que... peut-être que, si ça me semblait plus concret... peut-être que j'arriverais à tourner la page.
— Oh... répondit-elle pensivement, se mettant à réfléchir. Oui mais... qu'est-ce que je pourrais te raconter sans dévoiler quoi que ce soit de son identité ou de la mienne ?
— Euh...
— Tu vois ? remarqua-t-elle sur un ton fataliste.
— Et si... et si tu me racontais... comment tu es... tombée amoureuse de lui ?
— Oh...
— Tu vois, ça c'est concret, ça devrait m'aider à vraiment réaliser que je n'ai aucune chance avec toi. Et, en même temps, je ne crois pas que ça puisse me donner d'informations sur lui ou sur toi, si ?
— Non, ça ne devrait pas... répondit-elle sur un ton pensif.
Elle réfléchit quelques instants, puis le fixa en soupirant.
— Tu es vraiment sûr que tu veux que je t'en parle, Chaton ?
— Je t'écoute, ma Lady, répondit-il sur un ton qui se voulait ferme.
— Bon... commença-t-elle en hésitant encore. Alors... Je suis tombée amoureuse de lui à cause d'un chewing-gum et d'un parapluie.
— Hein ? s'étonna-t-il en ouvrant de grands yeux.
Elle éclata d'un rire nerveux.
— Ça paraît fou, hein ?
— Euh... euh... hésita Chat Noir avant de reprendre suffisamment contenance. Ça a surtout l'air très bizarre, dit comme ça. Comment ça, un chewing-gum et un parapluie ? demanda-t-il en passant nerveusement sa main sur sa nuque.
— Le chewing-gum était collé à ma place en classe et, comme je ne connaissais pas ce garçon, j'ai d'abord cru que c'était lui qui l'avait mis là, alors je me suis mise en colère contre lui. Mais, à la fin de la journée de cours, il est venu m'expliquer qu'en fait, il était innocent et cherchait seulement à le décoller. Puis il m'a donné son parapluie parce qu'il pleuvait et que j'avais oublié le mien. Il était tellement gentil... Tellement serviable... Tellement adorable... Mais depuis, je n'arrive même plus à lui parler sans bafouiller !
Sur ces mots, Ladybug enfouit son visage entre ses mains, la tête entre ses genoux. Stupéfait, Chat Noir réussit de justesse à s'empêcher de s'écrier : « Marinette ! ».
— C'est ridicule, hein ?
— Euh... Non, non, pas du tout, euh... Ma Lady...
Chat Noir resta silencieux, ne sachant pas quoi dire de plus, tentant de calmer les battements de son cœur. À la réflexion, est-ce qu'il avait vraiment compris ce que Ladybug venait de dire ? Il se souvenait parfaitement de cette scène. De cette scène avec Marinette. Marinette, sa charmante camarade de classe, qu'il considérait comme l'une de ses plus proches amies.
Alors comme ça, Ladybug était Marinette ? Marinette était Ladybug ? Sa Lady ? La jeune héroïne volontaire et décidée, toujours prête à passer à l'action, si douée au combat, était aussi l'adorable collégienne maladroite, timide mais si douée qu'il appréciait tant et... Attendez... Mais alors, ça voulait dire... Elle était amoureuse de lui ? De lui, Adrien ? Sa Lady ? Vraiment ?
Il observa la jeune fille avec davantage encore d'attention qu'il ne l'avait jamais fait jusque-là, la gorge nouée. Et plus il l'observait, plus il était convaincu que c'était bien Marinette, ce qui ne faisait qu'augmenter son trouble. C'était elle sous le masque. Mais aussi... c'était elle qu'il aimait. Et plus il pensait à elle, plus il comprenait combien il l'aimait, elle, elle tout entière, Marinette et Ladybug, et combien il l'aimait encore plus de savoir qui elle était vraiment.
Il se souvint brusquement qu'on lui avait déjà demandé, plus d'une fois, s'il y avait quelque chose entre Marinette et lui. Et qu'il avait affirmé, à chaque fois, qu'elle était seulement une amie, pour lui. Comme il avait été aveugle, comme il s'était leurré ! Il avait refusé de voir que la douce Marinette l'attirait... À cause de Ladybug... à cause d'elle-même...
Mais il devait reprendre la maîtrise de ses émotions, sinon, il risquait de tout mettre par terre. Pas question de la brusquer ou de la blesser ! Et pourtant... il fallait qu'elle comprenne. Il ne pouvait pas lui cacher ça. Lorsqu'il eut l'impression de s'être suffisamment calmé, il reprit la discussion sur un ton qui se voulait désinvolte. Il fallait qu'il soit certain, qu'il lève le dernier petit doute qui lui restait.
— Et ça s'est passé il y a longtemps, genre quand tu es rentrée en sixième, puisque tu ne le connaissais pas, c'est ça ?
— Non, c'était cette année, répondit-elle en relevant la tête. Il est nouveau dans ma classe. Il est même nouveau au collège... enfin ça, je ne devrais peut-être pas te le dire, ajouta-t-elle en baissant un peu la tête.
— Ma Lady, tu sais combien il y a d'établissements scolaires à Paris ? rétorqua-t-il avec un sourire très malicieux, très Chat Noir, pour masquer son trouble.
— Certes ! reconnut-elle en souriant. Ça reste donc léger comme indice, ouf !
