L'amour dans l'âme
Par Maria Ferrari
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Disclaimer : Les personnages de Vision d'Escaflowne ne m'appartiennent pas, pas plus que l'extrait du poème que vous pourrez lire dans cette fic, il s'agit de l'œuvre de Jean Genet "Le condamné à mort" que j'ai découvert par l'intermédiaire d'Etienne Daho. Je ne tire aucun profit financier de l'utilisation de ces œuvres.
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—Chapitre 1 – Une voix dans la tête—
Sur mon cou, sans armure et sans haine, mon cou,
Que ma main plus légère et grave qu'une veuve,
Effleure sous mon col, sans que ton cœur s'émeuve,
Laisse tes dents poser leur sourire de loup…
Dans deux heures, il faudra partir ; dans trois heures, je serai mort. Ne me demandez pas comment je le sais ; je le sais, c'est ainsi. Je ne veux pas mourir, pas avant de le lui avoir dit ; c'est trop important.
~oOo~
Son débardeur léger voletait. Elle était assise sur un rocher, à côté d'un lac, les yeux clos, le visage offert au vent. Elle se ressourçait. La bataille venait de s'achever, Allen l'avait ramenée à la maison de son enfance. Il lui avait beaucoup parlé ; elle n'avait pas tout saisi. Sa mère était morte, son père était mort, elle avait été enlevée par des… comment avait dit Allen ?… Zaïters ? C'était un nom comme ça. Ils avaient fait des expériences sur elle. Puis, il y avait eu la guerre. Elle avait fait la guerre. Ah bon ? Elle ne s'en souvenait pas. Tant mieux, avait dit Allen, il l'avait même répété plusieurs fois. Tant mieux. Tant mieux.
Tant mieux.
Il lui avait parlé d'un certain Dilandau. Elle n'avait pas compris. Il parlait d'elle et des… Zaïters, puis, il avait parlé d'un Dilandau. Dilandau. Elle avait dû perdre le fil. Dilandau. Il avait fait la guerre lui aussi. Avec elle. Du moins, c'est ce qu'elle avait compris. C'était confus.
Elle ouvrit les yeux, regarda son pantalon noir. Pourquoi portait-elle un pantalon noir ? Elle ne porte jamais de noir. Sauf à l'enterrement de sa grand-mère. Noir, c'est le deuil, c'est ce que dit maman. Pourquoi un pantalon noir ?
Peut-être que c'est une couleur adaptée à la guerre.
Allen était reparti aussitôt après l'avoir amenée ; il avait des choses importantes à faire. Il lui avait parlé de la paix. C'est vrai que ça semblait être une chose importante à faire : la paix.
Elle regarda les bottes qu'elle avait ôtées, posées sur l'herbe à côté du rocher qui lui servait de siège ; elles étaient noires aussi. Comme le pantalon. Mais elle aimait ces bottes. Elles lui rappelaient les grandes bottes que sa maman mettait parfois quand elle sortait en hiver. Bien sûr, ces bottes-là étaient moins élégantes que celles de sa maman ; elles n'avaient pas de très hauts talons pointus, elles n'avaient pas non plus de longs lacets qui s'entrecroisaient ; mais elles montaient jusqu'aux genoux de la même façon.
Elle avait aussi enlevé sa veste et ses gants. Elle avait trop chaud avec. Et c'était tellement noir aussi.
Le débardeur n'était pas noir. Il était violet… ou mauve. Elle n'avait jamais saisi la différence entre ces deux couleurs. Quelle importance de toute façon ?
Elle portait un collier, une simple chaîne argentée avec un médaillon. Sur le médaillon, il y avait deux lettres : un "D" et un "A". "DA", qu'est-ce que ça pouvait bien vouloir dire ? Peut-être qu'Allen saurait, elle lui demanderait à son retour.
Il y avait un autre bijou : un diadème. Elle le tenait en main ; elle l'avait ôté quand elle était devant les grandes machines qui se battaient. Le diadème avait une pierre au centre ; elle aimait imaginer que c'était un bijou qui valait très cher, que la pierre violette au milieu était très rare. Cependant, elle ne le remettait pas. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle sentait qu'elle ne devait pas porter ce bijou, que la personne à qui elle appartenait ne voulait pas qu'elle le porte. D'ailleurs, elle l'avait immédiatement enlevé car "on" lui en avait donné l'ordre… à l'intérieur d'elle.
Elle descendit du rocher, posa délicatement le diadème sur la veste et ôta son pantalon et son débardeur. Elle se trempa un pied, parut se satisfaire de la température et entra toute entière dans l'eau.
~oOo~
Le couloir semble interminable, et à mesure que j'approche de mon but, je ralentis ; la peur me freine malgré moi. Pourtant, il faut que j'y aille, il faut que je le fasse, je ne peux pas me permettre de partir sans lui avoir dit.
La porte de sa chambre. Je me tiens devant, immobile, hésitant. Pourtant, je ne peux me permettre d'hésiter : il faut entrer.
Que faire s'il me rejette ? Je n'aurais plus qu'à mourir malheureux ! Ne vaut-il pas mieux mourir sans savoir ? Mourir idiot ?
Non. Non, il vaut mieux savoir.
J'avance une main tremblante.
~oOo~
Allen, Van et Hitomi marchaient vers le manoir. Pour la première fois depuis de longues semaines, le roi de Fanelia ne portait pas son épée ; il l'avait symboliquement déposée sur une table. Il se sentait léger et triste ; léger car la guerre était finie, triste car cela signifiait sans doute le départ prochain d'Hitomi.
La jeune fille était arrivée avec la guerre, elle repartirait en même temps ; c'était logique. De plus, même s'il était sûr qu'elle l'aimait, il savait qu'elle avait véritablement envie de rentrer chez elle. Cette envie de revoir sa maison et sa famille était bien supérieure à l'amour qu'elle lui portait. Il n'avait pas le droit de la retenir. Non, il ne le pouvait pas. Peut-être allait-elle rester quelques jours… combien de jours ?
Allen, lui, était pleinement heureux. La guerre était finie, il avait retrouvé sa sœur, il sentait bien qu'Hitomi n'allait pas tarder à partir, il l'aimait beaucoup, néanmoins, il trouvait normal qu'elle rentre chez elle. Tout allait pour le mieux.
Hitomi aussi se sentait bien. Elle n'avait pas encore songé à son futur départ. Pour l'instant, elle ne voyait qu'une chose : c'était la première fois qu'elle voyait cette planète en paix depuis son arrivée. Elle n'osait plus l'espérer.
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Allen voulait présenter sa sœur à Hitomi et Van. Il tenait à le faire tout de suite. Il voulait exorciser le souvenir de Dilandau, leur montrer que sa sœur n'avait rien en commun avec lui. Il entra le premier dans le manoir, fit signe à Van et Hitomi de le suivre. Il appela Serena – personne ne répondit –, monta à l'étage et en redescendit bredouille.
« Elle doit être sortie », expliqua-t-il. Ils en firent autant. Allen paraissait avoir son idée, il partit droit devant lui.
« Tu sais où elle se trouve ? demanda Hitomi.
— Je ne suis pas sûr… Quand elle était petite, elle adorait aller près du lac. Cela inquiétait toujours ma mère, elle avait peur qu'elle se noie. »
L'intuition d'Allen se révéla juste. Serena se baignait au milieu du lac ; elle agita le bras quand elle les vit et nagea pour revenir près du bord. Quand elle eut pied, elle marcha et son corps se découvrit peu à peu. Lorsque ses deux seins ronds et blancs sortirent de l'eau, Allen se décomposa, Hitomi parut gêné, Van contempla un instant et se força à détourner les yeux, le visage rougissant.
« Serena ! cria Allen.
— Quoi ? » fit-elle en finissant de sortir de l'eau ; elle était totalement nue, elle avait fait ça en toute innocence. Allen s'empressa de la couvrir. Van était tourné, il glissa un œil discret derrière lui. Trop tard. Elle était déjà couverte.
« Je peux ? » demanda-t-il afin qu'ils soient sûrs qu'il n'ait pas regardé. Il se tourna dès qu'il eut obtenu l'aval d'Allen. La première chose qu'il remarqua fut le regard curieux et insistant que lui jetait Serena. Elle le regardait comme si… comme si elle avait remarqué son émoi devant son corps. Comme si elle sentait le pouvoir qu'avait son corps sur Van. Le jeune roi secoua la tête, il se faisait des idées. Serena était innocente, elle était comme une enfant. Pourtant… quand elle l'avait regardé… il avait vu comme des cercles rouges autour de ses iris bleus. Van secoua la tête de nouveau. Il se faisait des idées. Oui, il se faisait des idées.
Serena s'habilla à l'abri des regards après avoir été gentiment sermonnée par son frère qui lui avait expliqué en quelques mots que son corps n'était plus celui d'une enfant et l'importance de la pudeur. La jeune fille réapparut, fraîche et resplendissante une fois ses effets revêtus.
Ils retournèrent tous au manoir.
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Allen parlait beaucoup. Van aussi. Hitomi aussi. Serena écoutait. Elle ne comprenait pas tout ce qu'ils disaient. Ils parlaient de choses qu'elle ne connaissait pas. Elle écoutait donc religieusement, tâchant d'ordonner, de retenir tout ce qu'ils disaient. Ce n'était pas facile.
Dilandau. Hitomi venait de mentionner Dilandau. Elle n'avait pas bien compris ce qu'elle avait dit. « Quand Serena était Dilandau », qu'est-ce que ça voulait dire ? Aurait-elle mal compris ce qu'Allen avait raconté ? Elle avait cru que Dilandau était une personne, en fait, ça serait un… état ? Serena était absente, Serena était malade, Serena était jolie, Serena était gentille, Serena était intelligente, Serena était Dilandau… Qu'est-ce que ça pouvait bien vouloir dire : être Dilandau ?
« C'est moi Dilandau. »
Serena se figea. Elle avait entendu une voix à l'intérieur d'elle. La même voix qui lui avait ordonné d'ôter le diadème. Elle regarda autour d'elle, sachant qu'elle ne trouverait pas la personne qui avait parlé, c'était dans sa tête, ça n'était pas ailleurs.
« Serena, ça ne va pas ? »
La voix inquiète d'Allen. Elle cligna des yeux pour chasser le flou et vit qu'ils la regardaient tous les trois. Ils avaient tous l'air inquiet.
« Non, non, ça va », répondit précipitamment la jeune fille en reprenant sa marche.
