Toujours le même paysage. Un cratère béant défigurait Paris tel la trace qu'aurait laissé le coup de poing plein de rage d'un géant furieux. Le ciel, couleur de poussière, s'irisait de teintes orangées avec le couché du soleil. Toujours la même pluie. Acide, corrosive, meurtrière.

Les gonds de la porte gémirent quand on l'ouvrit. Le Visiteur entra en trombe. Il retira le morceau de tissu qu'il portait devant la partie inférieure de son visage pour se protéger des vapeurs nocives produites par les pluies acides et le jeta dans un coin. Deux profondes rides marquaient son front ensanglanté, il était soucieux. Il s'assit à la table du laboratoire et se servit une tasse de café.

Henry abandonna ses expérimentations et se tourna vers lui. Il fixait un point sur la table, la mâchoire tendue, les lèvres pincées. Le scientifique n'aimait pas le voir dans cet état.

Le Visiteur se passa les mains sur le visage et soupira :

- On n'y arrivera jamais, Henry, les pluies ne cesseront pas. Peut-être que tu as raison ? Peut-être qu'il y a un dieu et qu'on se bat contre lui ?

Henry s'approcha de son ami. Il hésita quelques secondes, passant son poids d'un pied sur l'autre, puis posa sa main gantée sur l'épaule du bâtard.

- Ne dis pas ça. Si, toi, tu perds espoir, que nous reste-t-il ? On y arrivera, je le sais.

Le Visiteur tourna la tête pour regarder le docteur dans les yeux. Il le fixa ainsi, son regard planté dans le sien, pendant presque une minute, comme à la recherche de quelque chose qui se trouverait au fond des prunelles électroniques de l'androïde. Puis il couvrit la main d'Henry de la sienne et esquissa un timide sourire.

C'était bien connu, le Visiteur n'avait pas d'amis. Il n'en avait qu'un.