— J'ai besoin de ton aide.
Le poing de Gai s'immobilise à quelques centimètres du poteau d'entrainement. Si le nouveau venu n'a pas cherché à masquer son approche, il a à peine entendu sa requête. Le garçon laisse ses bras retomber le long de ses hanches avant de se retourner. Genma se tient quelques pas derrière lui, le regard fixé sur le sol. Il relève les yeux et son cadet voit à quel point c'est difficile pour lui.
Quelques semaines plus tôt, il l'a croisé à l'hôpital. Soutenu par un jeune homme intimidant,couvert de pansements, il paraissait plus mort que vif. À présent, il paraît en meilleure forme mais ce n'est qu'une impression.
Son regard semble mort.
Gai voudrait tendre les mains vers lui, le serrer contre lui comme son père le fait quand il ne se sent pas bien ou pas à la hauteur. Mais il n'ose pas. Il ne sait pas quoi dire pour le réconforter. Il voudrait retrouver le Genma d'avant la guerre, celui qui riait tranquillement devant ses éclats enthousiastes. Qui voyait la timidité cachée derrière son attitude et qui se contentait de l'accepter tel quel malgré ses bizarreries.
Il ne sait pas quoi dire, quoi faire... alors, à la place, il tend un pouce victorieux et s'exclame :
— Mon ami ! La glorieuse force de notre jeunesse t'illumine ! Que puis-je faire pour toi ? Mon aide t'es toute acquise !
— Frappe-moi.
Quoi ?
Toute la superbe de Gai s'envole devant le ton plat de son ami.
— Que... Genma ?
Il remarque que les doigts de son vis-à-vis agrippent le bas de son t-shirt. Tremblent aussi...
— Tu as entendu... Frappe-moi !
Le garçon recule d'un pas, lui qui n'a jamais battu en retraite face à un adversaire.
— Non !
— Pourquoi ?
La question fuse sans un temps d'attente, ne lui laisse pas le temps de réfléchir à sa réponse.
— Je ne veux pas te faire de mal !
Genma ne lui laisse pas le loisir de parler ou d'hésiter d'avantage. Sa jambe part et seuls les réflexes de Gai lui permettent d'éviter de prendre son pied dans la figure.
— Que...
Son compagnon poursuit son attaque et, bientôt, le garçon se laisse prendre par les mouvements familiers. Combien de fois se sont-ils entrainés ensemble ? Gen est un peu plus lent que d'habitude, ses blessures le font souffrir. Gai esquive l'attaque avant de passer à l'offensive. Et, là, sans prévenir, Genma se fige devant son poing, les yeux écarquillés. Paralysé face au danger.
Le choc l'envoie rouler à plusieurs pas.
Horrifié, Gai le rejoint en courant. Son aîné se redresse et secoue la tête, sa pommette rougie gonfle déjà. Il grimace et sa main se pose quelques instants sur son ventre, là où, sous ses vêtements, se cachent des blessures que le garçon ne peut que deviner.
— On recommence, dit-il d'un ton décidé.
— Mais...
— On recommence ! Jusqu'à ce que je ne panique plus quand tu me frappes !
Gai ouvre la bouche pour protester avant de s'interrompre. Il croise le regard décidé de son ami, constate le pli entêté qu'a pris sa bouche. À la place, il lui tend la main pour l'aider à se relever.
— Très bien, mon ami. Nous nous entrainerons ensemble.
Genma se contente de hocher la tête mais ses épaules tendues se relâchent quelque peu.
(Plus tard, ce jour-là, Gai recevra la visite d'un Raidou passablement irrité face aux ecchymoses de Genma.
Le lendemain, cependant, quand son ami le rejoint sur le terrain d'entrainement, il ne se défile pas. Jour après jour, ils poursuivent leurs échanges et peu à peu, Genma cesse de se figer. Il reprend la maîtrise de sa vie même s'il se cache derrière des sourires vides...
Gai ne désespère pas pour autant de lui rendre sa joie de vivre.)
