Il s'agit d'un double univers parallèle éhonté, dans lequel Scar n'est pas mort à la fin des événements d' « Alien vs Predator », et où traînent aussi les personnages de ma saga sur Stargate Atlantis « Au-delà des étoiles », sans que ce récit s'insère nulle part dans la trame de ladite saga.
Il n'est bien entendu pas nécessaire d'avoir lu au-delà des étoiles pour comprendre. Et les connaissance de base wikipedia sur Aliens vs predator et stargate atlantis devraient largement suffire, donc pas d'inquiétude si vous n'avez pas vu l'un ou l'autre.
Cette histoire m'est venue à l'esprit, il y a quelques semaines, et je l'ai laissée mûrir, le temps de revoir AVP et d'affiner un peu ce microcosme.
Les mots de langue yautja viennent du dictionnaire de Xenopedia, et ceux de la langue wraith sont de mon invention.
Bonne lecture.
Alexa, le nez levé, fixait l'azur infini de l'aride planète brûlée par trois lointains soleils.
D'un petit coup dans l'épaule, qui manqua tout de même la faire basculer en avant, Scar lui fit signe d'enfiler son masque.
Elle eut à peine le temps de connecter les deux tuyaux d'alimentation qu'ils étaient noyés dans le nuage de sable soulevé par le vaisseau qui les avaient déposés et qui repartait rapidement en orbite.
Une fois la poussière retombée, elle vérifia une dernière fois son équipement.
Ses dagues, affûtées et bien rangées dans ses fourreaux de cuisse, sa lance rétractile attachée dans son dos, et celle bien plus artisanale - mais à laquelle elle s'était attachée-, fabriquée à partir du cadavre de sa première proie par Scar, formaient son armement. Armement bien plus réduit que celui du grand alien qui se tenait à côté d'elle. Des spallières, des tassettes et un plastron assorti, complétés par deux brassards, dont un renfermait un localisateur de chasse et le second un système d'autodestruction amovible, formaient son armure - entièrement fabriquée sur mesure pour sa « petite taille » -, sous lequel elle avait trouvé le moyen de coincer un ensemble de toile blanche qui lui éviterait de frire sous les soleils. Scar, quant à lui, s'était simplement passé du filet thermique que les Yautjas enfilaient pour la plupart de leurs chasses, la température excédant pour une fois légèrement celle de son monde natal. Pour le reste, il s'était muni de l'équipement standard de chasse, comprenant shurikens, lance, lame de poignet, dague, canon d'épaule, armure, trousse de soins, système d'autodestruction et ordinateur de chasse.
Par un cliquetis interrogateur, son compagnon lui demanda si elle était prête, et elle acquiesça. Elle lui désigna ce que son ordinateur lui indiquait être le nord de la planète d'un geste de la main, auquel il répondit par un sifflement avant de s'élancer plein sud.
Elle le regarda partir, courant sur la roche jaune à toute vitesse, avant de se mettre à son tour en route, d'un pas rapide et énergique, mais qui ne l'essoufflerait pas.
Très rapidement, elle bénit son respirateur, qui lui insufflait un air filtré et adapté à ses besoins - ce qui dans l'absolu était totalement inutile sur ce monde à l'atmosphère remarquablement identique à celle de la Terre - mais surtout bien plus frais que l'air ambiant surchauffé.
À bord des vaisseaux yautjas, elle en avait besoin pour respirer normalement, dans leur atmosphère bien plus lourde et riche en oxygène, et parfois en-dehors lors des expéditions, mais dans ce cas précis, c'était Scar qui en avait le plus besoin, l'atmosphère étant trop légère pour qu'il puisse la respirer bien longtemps sans s'essouffler.
Elle garda néanmoins son masque, scannant l'horizon dans tous les spectres possibles à la recherche de leur proie.
On lui avait montré des images de la bête qu'ils devaient chasser. Un énorme lézard à la peau grise, aux griffes et aux dents tranchantes.
Avec un mélange de cliquetis, de sifflements et de signes des mains, Scar lui avait fait comprendre qu'en plus de tout ça, la bête était venimeuse, et qu'une morsure serait fatale.
Elle n'avait pu alors que faire la moue en soupirant.
Depuis les événements de Bouvetøya, depuis la mort du reste de l'expédition Weyland, depuis qu'elle avait appris de la pire manière qui soit que l'homme n'était pas seul dans l'univers, et que ce qui se cachait dans l'obscurité du ciel n'était ni inoffensif ni bienveillant, les Yautjas étaient devenus sa nouvelle famille. Bon, le terme « famille » était sans doute exagéré, puisque la plupart la traitait avec dédain, voire dégoût, ou dans le meilleur des cas, l'ignorait. Seul Scar et l'ancien qui, en lui offrant sa lance rétractile, lui avait proposé d'un geste de les suivre ou de rester seule sur la banquise, semblaient voir en elle autre chose qu'un moucheron gênant.
Elle en avait déjà été consciente alors. Pour les Yautjas, les humains n'étaient que des proies, ou au mieux des esclaves. Pourtant, elle n'avait presque pas hésité, car viscéralement, elle avait senti qu'elle n'était plus la même. Qu'Alexa Woods, guide en milieu glaciaire et fervente protectrice de la nature, était morte en même temps que le reste de l'expédition Weyland, six-cents mètres sous l'Antarctique. Qu'elle avait passé un seuil et que jamais elle ne pourrait revenir en arrière. Jamais elle ne pourrait retourner dans le monde des hommes et faire comme si tout ça n'existait pas. Alors elle avait acquiescé, et avait suivi le gigantesque alien sans un regard en arrière.
Le changement avait été rude.
Pour les grands prédateurs, les blessures et la faiblesse se traitaient en privé. Ça avait été sa première leçon.
Scar étant mourant, et le retrait de la larve monstrueuse qu'il portait en lui n'ayant pas amélioré la situation, il avait été mis au ban de l'équipage, et durant presque trois mois, elle fut totalement seule dans ce monde inconnu.
L'ancien qui l'avait invité s'était assuré qu'elle reçoive une chambre (ou plutôt un placard-cocon) et un masque modifié spécialement pour elle. Pour le reste, elle avait dû se débrouiller.
Elle mit trois jours à trouver comment se procurer de l'eau, et en fut réduite en attendant, à recueillir avec son T-shirt la condensation omniprésente à bord du vaisseau surchauffé pour pallier sa déshydratation de plus en plus grave. Il lui en fallut trois de plus, pour découvrir le « réfectoire ».
Ses maigres rations de barres énergétiques n'avaient tenu que quatre jours, malgré un sévère rationnement, si bien que lorsque, suivant un guerrier particulièrement massif, elle arriva dans le grand hall garni de tables, et dont tout un coin était occupé par des dizaines de carcasses d'animaux tantôt séchées, tantôt salées, tantôt rôties, quand elles n'étaient pas tout simplement crues, cela faisait deux jours qu'elle n'avait rien avalé.
Après quelques instants d'hésitation, elle s'était avancé, marchant avec une assurance qu'elle ne ressentait pas, jusqu'à arriver devant l'alien qui distribuait la nourriture.
Ce dernier s'était retourné, demandant machinalement ce qu'elle voulait dans sa langue cliquetante, regardant un point bien au-dessus de sa tête avant de se figer, et de baisser les yeux.
La tête penchée de côté, il l'avait détaillée, son regard s'arrêtant longuement sur la marque sur sa joue, puis avec un soupir outré, il avait répété sa question qu'elle ne comprenait pas.
Avisant une bestiole grillée ressemblant vaguement à un bœuf, elle l'avait désigné du doigt, et c'était vu remettre un bon kilo de viande brûlante, comme ça, sans même une assiette, ou une pique pour la tenir.
Changeant sans arrêt de main afin de ne pas trop se brûler, elle était repartie, et sans un regard en arrière s'était réfugiée dans sa minuscule chambre avant de manger, malgré la faim qui la tenaillait.
Le morceau lui avait suffi pour deux repas, et depuis, elle avait pris l'habitude d'aller aux heures les plus creuses chercher sa ration du jour, mettant de côté dans un genre de plat qu'elle avait récupéré les restes pour le repas suivant.
Après deux semaines d'un régime purement carnivore, elle était en cétose (2), et prête à tuer pour une feuille de salade.
C'est à peu près à ce moment-là qu'un guerrier s'était présenté à sa porte, lui fourrant une petite boîte dans la main avant de tourner les talons sans un regard.
Dedans, elle avait découvert de grosses tablettes vertes, qui une fois diluée dans de l'eau, donnaient un genre de jus au goût herbeux. Ce n'était pas très bon, mais après de la viande sans aucun assaisonnement à tous les repas, ça lui avait semblé un véritable délice.
Elle avait donc continué ainsi sa vie monotone, errant dans les coursives du gigantesque vaisseau toute la journée, jusqu'à ce que le même Yautja qui lui avait apporté les compléments ne vienne la chercher.
Elle avait été conduite dans une sorte de salle de réunion, où elle avait assisté à un briefing dans une langue qu'elle ne parlait pas avant de se faire conduire dans la vaste armurerie du vaisseau.
C'est alors seulement qu'elle avait compris ce qu'on attendait d'elle.
Aucune des pièces d'armure n'étant à sa taille, pour sa première chasse après sa brutale initiation, elle était sortie seulement équipée de sa lance et de deux dagues.
Elle n'avait même pas pu bénéficier d'un localisateur, ces derniers étant montés sur les énormes brassards.
En compagnie de quatre chasseurs dont pas un ne voulait lui adresser la parole, elle avait été déposée sur un monde tempéré pour y chasser un genre de fauve rouge à six pattes.
Les aliens étaient partis au galop, la laissant loin derrière, et c'est en serrant les dents qu'elle les avait suivi. Une heure plus tard, elle avait totalement perdu leur piste, et s'était contentée d'avancer en direction du soleil, une boule amère au creux du ventre.
Lorsque la nuit était tombée, elle s'était arrêtée en haut d'une colline, dos à un arbre.
C'est de là, qu'elle avait entrevu, très loin dans la plaine, les éclats bleus des canons des aliens.
C'est là aussi qu'un des terribles prédateurs avait décidé de faire d'elle sa proie.
Elle avait frémi, saisie d'un pressentiment et s'était jetée de côté avant même de comprendre, alors que le fauve déchiquetait de ses griffes le tronc, là où elle s'était trouvée un instant plus tôt.
Elle avait roulé de côté, et saisissant à l'aveuglette sa lance, l'avait brandie avec un hurlement de peur.
Le monstre avait rugi et s'était jeté sur elle, la forçant à une nouvelle esquive.
La troisième attaque, elle la para, sa lance en travers de la gueule béante.
Ses bras faiblissaient, couverts de griffures profondes, et elle n'allait pas tarder à renoncer, lorsque l'animal, plus intelligent qu'il n'y paraissait, s'était reculé pour tenter une nouvelle approche.
Elle s'était relevée en gémissant, et l'avait défié du regard, alors qu'il la contournait largement.
Par deux fois encore , elle dut l'esquiver avant d'arriver à ficher son arme dans son épaule musculeuse.
Le monstre avait rugi de douleur, roulant, ruant et griffant l'air en tentant de se débarrasser de l'arme, en vain.
Surmontant sa peur, elle avait finalement bondi, ignorant les griffes qui lui éraflèrent les chevilles, avant d'atterrir de tout son poids sur la hampe de la lance, transperçant l'omoplate et tuant la bête.
Une fois certaine de sa victoire, elle avait prélevé la vessie de l'animal et s'en était servie pour former un cercle d'urine autour de l'arbre, espérant que ça éloignerait ses congénères.
Elle avait ensuite passé la nuit à construire une sorte de civière afin de pouvoir transporter l'énorme carcasse, puisque de ce qu'elle avait compris, cette fois, ils chassaient pour la viande et non les trophées, quoiqu'elle ne doutât pas que les aliens aillent en prélever sur leurs propres proies.
Le lendemain, alors qu'elle rebroussait péniblement chemin, tirant son fardeau derrière elle, elle avait été rattrapée par les quatre Yautjas, portant chacun un demi-fauve.
Les aliens avaient insisté pour inspecter sa proie, et avec une joie sombre, elle avait vu leurs regards
surpris se poser sur elle, alors qu'ils découvraient les blessures profondes de sa lance.
Oui, elle avait tué toute seule, et sans arme à feu, un de ces monstres. Oui, elle méritait vraiment la marque qui ornait sa joue.
À partir de ce jour-là, elle avait participé aux chasses, la plupart du temps en suivant de loin les guerriers, tuant des proies lorsqu'elle en avait l'occasion.
Une ou deux fois, elle avait abattu un animal avec l'aide d'un Yautja, mais la plupart d'entre eux semblait mettre un point d'honneur à ne pas se trouver trop près d'elle.
Scar lui avait manqué. Il l'avait traitée comme une égale, comme une alliée de valeur, et pas comme un fardeau. Pour les autres, elle avait beau ramener sa part de proies, ils la traitaient toujours comme un boulet.
Lorsque le grand alien qui lui avait sauvé la vie s'était présenté à sa porte, si longtemps après leur départ de la Terre, elle avait failli pleurer de joie.
Sa convalescence l'avait laissé amaigri, ce qui signifiait qu'il était juste un peu moins massif, mais toujours aussi impressionnant, ses nouvelles cicatrices ajoutant en facteur d'intimidation à ce que son affaiblissement lui avait enlevé.
Il l'avait saluée d'un cliquetis joyeux, et s'était glissé dans la minuscule pièce, la forçant à reculer presque jusque sur l'espèce de couche qui faisait office de nid.
Elle avait levé le nez pour l'observer, alors qu'il la fixait, l'air content, absolument pas gêné par le fait qu'ils n'étaient même pas séparé d'une main.
A nouveau, il avait gaiement cliqueté, puis farfouillant dans sa pochette de ceinture, en avait sortis un méli-mélo d'os, de dents et de griffes, qu'il lui avait fourré dans les mains.
Elle avait stupidement fixé le tout, avant qu'il ne les désigne, puis elle, avant de se passer un doigt sur la gorge.
Alors elle avait compris. Ses trophées. Ceux qu'elles n'avaient pas pris, faute d'en voir l'utilité, il les avait récoltés en douce pour elle, et les lui donnait à présent.
« Merci » avait-elle murmuré avec un sourire reconnaissant.
Ils étaient encore restés ainsi, immobiles et silencieux, puis avec un drôle de ronronnement, Scar était reparti comme il était venu.
À partir de là, elle s'était sentie bien moins seule.
Son ami mit un point d'honneur à faire équipe avec elle durant les chasses, et elle soupçonnait que c'était à lui qu'elle devait les pièces d'armure adaptées à sa taille. En plus de leurs équipées, Scar prit l'habitude de passer chaque jour plusieurs heures avec elle, tentant de lui apprendre sa langue, et s'amusant à massacrer la sienne.
Il comprenait l'anglais, mais faute de cordes vocales et de lèvres, ne pouvait le parler, tout comme elle, faute de mandibules, ne pouvait vraiment parler le yautja. C'est en voyant Scar tenter d'assembler des grognements et des cliquetis pour reproduire les mots qu'elle prononçait qu'elle eut l'idée de faire pareille.
Remplaçant les cliquetis par des claquements de langue, et approximant les grognements et les sifflements, elle parvint finalement à prononcer quelques vagues mots, qui provoquèrent un fou-rire à l'alien.
Alors qu'elle diversifiait son vocabulaire, et devenait de plus en plus capable de comprendre leur langue, elle comprit finalement pourquoi. Scar, avec un sens de l'humour bien particulier, lui avait principalement appris à dire des gros mots.
Alors qu'elle devenait capable de comprendre leur langue, elle avait pu appréhender leur société, et ses règles. Elle avait beaucoup appris, et beaucoup compris. Si dans la pyramide, elle avait survécu grâce à son instinct et à la chance, à présent, elle avait de véritables notions de combat et de chasse.
Scar avait participé avec elle à quelques petites chasses, celles auxquelles participaient les jeunes, ceux qui n'avaient pas encore passé l'épreuve du sang.
Ça l'avait rendu fou de rage. Il avait passé l'épreuve, avait vaincu une reine r'ka, et pourtant il était consigné avec les jeunes, les débutants, tout comme elle, car il n'était pas revenu sain et sauf, et aux yeux des anciens, il devait à nouveau prouver sa valeur.
Cela faisait presque un an qu'elle avait quitté son monde natal, et même si une profonde nostalgie lui étreignait souvent le cœur, elle commençait enfin à se faire à sa nouvelle routine. Or cette chasse sortait clairement du cadre habituel. C'était leur épreuve.
Les anciens ne l'avaient pas dit comme ça, mais même pour elle, il était évident que cette chasse était un test, destiné à prouver leurs capacités. Et à présent, elle en savait assez sur le monde des Yautjas pour savoir que la faiblesse n'était pas tolérée.
S'ils échouaient, ils seraient bannis.
Avec un soupir, elle se remit en marche. Il fallait qu'elle trouve un nid.
(1) Les spallières sont les plaques d'armure qui couvrent les épaules et le haut des bras, les tassettes celles sur l'avant des cuisses, et le plastron couvre le torse. Quant aux brassards, il s'agit bien évidemment de l'avant des bras.
(2) La cétose est un « système de survie » du corps, qui se met à consommer le gras du corps pour le transformer en sucre quand celui-ci est absent ou trop faible dans l'alimentation.
Les régimes du type Atkins sont basés là-dessus, et à terme, ça peut devenir dangereux. Deux des symptômes typiques sont une urine et une odeur corporelle très âcre.
