NdA : Pour écrire cette fiction , j'ai décidé de prendre comme point de départ la fin « manga » de Poséidon, dans laquelle c'est Kanon qui s'interpose comme bouclier humain entre le trident de l'empereur des mers et Athéna ( contrairement à l'anime où l'inévitable Seiya sauvait - une fois de plus - son inoxydable déesse-princesse-patronne …. !).


Grandeur et déchéance - Chapitre 1

Presque trois jours maintenant qu'il le cherchait. Et rien. Strictement aucun indice. Pourtant il avait passé au peigne fin toute la côte aux alentours de la résidence Solo. S'il se cachait, il ne pouvait pas être loin.

Quand le Sanctuaire sous-marin de l'empereur Poséidon s'était effondré, Sorrento n'avait pas eu le temps de « s'assurer » du sort de Kanon des Gémeaux, ce traître qui avait infiltré les Marinas de Poséidon sous le déguisement du général Dragon des Mers et causé à lui seul une très longue, trop longue liste de morts. Sa dernière vision du monde sous-marin avait été celle d' Athéna formant une bulle protectrice pour ses guerriers avant que la vague déferlante ne le happe. Ensuite, le noir complet. Il n'avait recouvré ses esprits que plus tard, sur la plage, près du corps inanimé de Julian Solo, réincarnation divine de l'Empereur des Sept Mers redevenu simple mortel.

La survie du jeune homme avait été sa priorité, et remettant à plus tard sa chasse à l'homme, il avait porté Julian inconscient jusqu'à sa villa, où il l'avait confié aux bons soins des domestiques qui ne pouvaient en croire leurs yeux de voir enfin réapparaître leur jeune maître, porté disparu depuis de longs jours, et vivant de surcroît !

- C'est incroyable, avait déclaré à Sorrento le médecin personnel de Julian, qui avait été appelé en hâte. Vu son état d'épuisement, on pourrait croire qu'il a couru un marathon sans aucun entraînement préalable ! Je vais devoir lui faire une transfusion, et lui administrer des perfusions de glucose pour lui redonner des forces. Repos total au lit, cela va sans dire, et il devrait revenir à lui d'ici quelques jours.

- Aura-t-il des séquelles ?, questionna Sorrento, rongé par l'inquiétude.

Le docteur secoua la tête.

- Non, c'est peu probable. Il n'a aucune trace de fractures, ou de commotion. Ses réflexes sont moindres à cause de sa grande faiblesse, mais semblent tout à fait normaux. Savez-vous ce qui lui est arrivé ?

- Je ne peux pas vous le dire, répondit franchement Sorrento.

Le médecin n'insista pas. Sans doute avait-il mal interprété les mots de l'Autrichien, et pensé que celui-ci ignorait les causes de l'état de Julian, alors qu'il n'avait voulu que signifier qu'il n'avait pas le droit de les révéler. Soulagé bien que n'ayant pas eu l'intention de mentir, Sorrento jugea cependant plus prudent de ne pas le détromper. De toute façon, il y avait fort à parier qu'il ne l'aurait pas cru, et qu'il lui aurait pouffé de rire au nez s'il lui avait annoncé que le jeune Grec était la réincarnation d'un dieu en qui plus personne ne croyait plus depuis belle lurette. Le lit pour Julian ….et la cellule capitonnée d'un hôpital psychiatrique pour lui !

Maintenant rassuré sur l'état de Julian, il prit la tangente sans demander son reste. A peine dehors, son esprit se tourna vers le seul but de son existence désormais : retrouver le coupable de cette guerre sainte, mort ou vif. Et le cas échéant, lui faire payer la note …. au prix fort !

Pendant trois jours, il ratissa les environs de la villa Solo. Si lui et Julian avaient échoué près d'ici après l'effondrement du Sanctuaire de Poséidon, il y avait de fortes chances pour qu'il en ait été de même pour Kanon – ou son cadavre. Mais il ne trouva rien, ni corps, ni trace de sang , ni même de pas dans le sable. Ce maudit imposteur ne s'était quand même pas volatilisé ? Avait-il servi d'encas aux poissons ? Après tout, il ne méritait rien d'autre !

Sorrento était sur le point de croire que ç'avait été le cas lorsque son cosmos perçut soudain une faible vibration. Kanon !!!! Ce sale traître était donc toujours en vie ? Ses cinq sens soudain en alerte, il tenta de déterminer d'où cela provenait. Pas très loin, légèrement sur sa gauche, derrière ces rochers. Il les escalada, et parvint à une petite crique, invisible depuis la plage. Il la balaya du regard. Aucune trace du fugitif. Pourtant, il ressentait toujours cette vibration, et plus intensément que tout à l'heure ; il devait donc être sur le bon chemin. Ses longs doigts de musicien se crispèrent sur sa flûte, et il continua d'avancer avec prudence. Il connaissait trop Kanon, à présent, pour ne pas savoir qu'il y avait tout à craindre de cet homme. Même blessé, il devait encore être puissant et dangereux. Comment avait-il pu imaginer un seul instant qu'un homme comme lui pouvait succomber d'un coup de trident, même divin, dans la poitrine ?

- Le seul moyen de se débarrasser d'un serpent, pensa-t-il en serrant les dents, c'est de lui couper la tête …

Kanon avait peut-être survécu à l'enfer de la prison du Cap Sounion, mais cette fois-ci, il ne s'en tirerait pas à si bon compte !

Progressant pas à pas, il finit par le débusquer. Kanon gisait sur le ventre sur une langue de sable entre deux rochers qui le dissimulaient aux regards. Ses vêtements, déjà en piteux état avant même qu'il ne soit emporté par la furie des eaux, n'étaient plus que lambeaux et découvraient de larges zones de peau tuméfiée, lacérée, déchirée. L'océan ne lui avait pas fait de cadeau en le rejetant contre cette côte et en le ballottant au gré des vagues tel un vulgaire fétu de paille. On aurait dit qu'il s'était vengé de la destruction de l'empire sous-marin.

Découvrir l'homme qu'il haïssait le plus au monde dans ce triste état ne causa aucune joie à Sorrento. De la colère, du mépris, de la pitié presque, mais de la joie, non. Il ne s'était pas félicité non plus de la mort des guerriers divins de la princesse Hilda de Polaris – et sa conscience, maintenant qu'il savait qu'eux aussi avaient été le jouet de ce complot sordide, s'en trouvait un peu apaisée.

Et pourtant cet homme avait fait de lui un assassin !

Il le contempla un instant en silence. Kanon semblait à demi-mort. Mais lorsqu'il lui toucha le bras du bout du pied, il eut un gémissement à peine audible et se recroquevilla sur lui-même.

- Ainsi, tu es toujours en vie, dit seulement Sorrento d'une voix parfaitement calme.

Kanon mit un long moment à réagir. Etait-il réellement si diminué physiquement, ou essayait-il de l'amadouer ? L'Autrichien jugea préférable de ne pas relâcher sa garde. La moindre erreur face à un adversaire de cette trempe pouvait lui coûter la vie. Le Grec finit par tourner péniblement la tête vers lui et, ouvrant les yeux, esquissa un sourire crispé par la douleur.

- Tu viens exécuter la sentence ?, demanda-t-il simplement d'une voix étouffée.

Sorrento ne répondit rien. Il se contenta de lever son bras armé de sa flûte vers le ciel. Kanon suivit d'un regard exempt de toute émotion cette main prête à s'abattre sur lui comme la colère divine.

- Attends … Ai-je droit à une dernière volonté, comme tout condamné à mort ?

Rien d'ironique dans son ton, ni de provocateur. Au contraire, il paraissait incroyablement détaché, résigné sur son sort.

- Dis toujours.

Pour toute réponse, Kanon, au prix d'un douloureux effort, passa un bras au-dessus de sa tête, et, écartant doucement l'opulente chevelure qui ondulait dans son dos jusqu'à mi-cuisses, dénuda une nuque d'une fragilité insoupçonnée.

- Un coup, un seul …

A bout de forces, il ferma les yeux, dans l'attente du coup de grâce.

Mais rien ne vint.

Sorrento était resté figé dans la même position, bras en l'air, prêt à briser d'un seul coup de flûte la nuque offerte. Les Dieux savaient combien ce traître l'avait mérité ! Athéna et Poséidon avaient tous deux failli mourir à cause de ses ambitions démesurées, pas un seul des guerriers divins d'Asgard n'avait survécu, ni aucun général de l'empereur des mers lui excepté, les chevaliers de bronze avaient dû endurer mille souffrances, et il préférait ne pas penser au nombre probablement incroyablement élevé et encore inconnu de victimes innocentes qui avaient péri aux quatre coins du monde dans les raz-de-marée et les inondations !

… Et pourtant il ne pouvait pas !!!

Une boule enserrait sa gorge comme dans un étau, tandis des larmes de rage brouillaient son regard et coulaient sur ses joues. Il était furieux contre lui-même : combien fallait-il donc de morts et de sang versé pour qu'il juge un homme assez méprisable pour ne pas mériter un procès ? Il n'avait donc aucun cœur, puisqu'il était incapable de venger les victimes de ce monstre ! En définitive, il ne valait guère mieux que lui !

Son flûte, lancée avec violence contre les rochers, fit entendre un son clair et vint rouler sur le sable tout près de Kanon. Celui-ci ne bougea pas.

Il fallut quelques minutes à Sorrento pour retrouver un semblant de sérénité. Mais lorsqu'il se pencha pour ramasser sa flûte, sa décision était prise.

- Lève-toi !, ordonna-t-il à Kanon, qui n'avait toujours pas fait un mouvement.

Il n'eut aucune réaction. Sorrento le poussa du pied. En vain. Il s'agenouilla alors à côté de lui, et, le prenant par une épaule, le souleva. La tête de Kanon plongea vers le bas, comme désarticulée. Il avait perdu connaissance.

Ce ne fut qu'alors que Sorrento aperçut la large tache sombre sous lui. Le sable de la plage avait bu tout son sang.

****

Ce fut un grand moment dans l'histoire du Sanctuaire : un général de Poséidon, demandant le plus poliment du monde à être reçu par Athéna en personne, et ce seulement quelques jours après le terrible combat qui avait opposé les deux déités ! Il y avait de quoi s'interroger.

Surtout que ledit général n'arrivait pas les mains vides. Il y eut bien des murmures dans son dos, tandis qu'il escaladait, imperturbable, les marches du grand escalier du Sanctuaire. A plusieurs reprises, il entendit un nom maudit en ces lieux : Saga …

Sorrento ne jugea pas utile de relever l'erreur des braves gens qui le dévisageaient d'un air d'effroi tout en se demandant pourquoi les chevaliers d'or n'intervenaient pas pour chasser l'intrus. Celui qu'il tenait dans ses bras, plus mort que vif, n'était pas Saga, mais son jumeau, Kanon. Visiblement, ici, personne ne connaissait son existence. L'ex-général Dragon des Mers n'avait donc pas menti lorsqu'il avait fait état de son adolescence vécue dans l'ombre de son frère.

Mais après tout, le passé de Kanon ne le regardait pas, et son futur encore moins. D'autres s'en chargeraient légitimement à sa place. C'était dans cette intention qu'il était venu jusqu'ici.

Il s'était attendu à une hostilité larvée, après les récents évènements, mais il n'en fut rien. Lorsqu'il atteignit le Palais où se trouvait Athéna – il pouvait sentir son cosmos, doux et puissant comme à l'accoutumée – les gardes présentèrent les armes. On avait dû leur faire le mot dès qu'il s'était présenté au bas des marches.

Saori Kido se tenait dans la salle du Trône, une majesté innée émanant d'elle. Elle était Athéna jusqu'au bout des ongles, bien plus que Julian Solo avait jamais été Poséidon. Sorrento s'arrêta, intimidé malgré lui. Comment avait-il pu porter les armes contre elle ? Jamais il ne pourrait effacer cette faute.

Saori invita Sorrento à s'approcher d'un petit signe de tête. Des deux côtés du tapis rouge , se tenaient, très dignes, quatre chevaliers d'or. Un cinquième, un étrange personnage dépourvu de sourcils et au front incrusté de deux points tout comme le drôle de gamin qui avait apporté au chevalier du Dragon l'armure de la Balance pendant la bataille occupait la partie de l'estrade située à la droite d'Athéna – le futur Grand Pope , maître du Sanctuaire, sans doute.

- Sois le bienvenu au Sanctuaire, Sorrento de Sirène, dit Athéna.

Il ne répondit rien, et continua d'avancer dans sa direction, son fardeau humain dans les bras. A sa droite, un chevalier d'or eut un mouvement de méfiance.

- Milo, je t'en prie, souffla à côté de lui son collègue, un longiligne jeune homme blond aux paupières closes.

Sorrento préféra faire semblant de n'avoir rien remarqué et alla déposer Kanon aux pieds de la déesse.

- Je vous amène celui qui est responsable de cette guerre et de tous ces morts, Majesté, et le confie à votre Justice, quelle qu'elle soit. Et je viens aussi pour implorer votre pardon.

Il mit un genou en terre devant elle en signe de respect.

- Que veux-tu dire, Sorrento ? Mon pardon , tu l'as, et tu le sais bien. Comme tous ceux qui sont morts dans cette bataille, que ce soit à Asgard ou dans le Sanctuaire sous-marin, tu as été dupé par Kanon.

- Je ne parle pas de cela, Majesté. Je suis venu vous supplier de me pardonner de n'avoir pas été capable d'éliminer ce traître. Je voulais le faire … mais je n'ai pas pu.

Athéna sourit.

- Tu voudrais donc que je te pardonne d'avoir eu un geste d'humanité ?

- Il a essayé de vous tuer, Majesté !

- Je sais. Et je sais aussi qu'il m'a protégée de son corps pour expier sa faute.

- Qu'allez-vous faire de lui, alors ?

- Je n'en sais rien, répondit franchement Athéna. Mais la question trouvera peut-être une réponse d'elle-même, ajouta-t-elle d'une voix triste en regardant l'homme à demi-mort qui gisait à ses pieds.

Elle se tourna vers le chevalier aux longs cheveux mauve qui se tenait immobile près d'elle.

- Mu, veux-tu bien t'occuper de lui ?

- A vos ordres, Majesté, fut la réponse, prononcée d'un ton neutre qui n'échappa pas à Sorrento.

Le chevalier du Bélier souleva avec précaution Kanon et quitta la pièce, sans que les autres daignent s'intéresser un tant soit peu de son sort. Apparemment, les chevaliers d'or étaient loin d'accueillir celui qui était presque un des leurs à bras ouverts …

- Comment va Julian ?, s'enquit Saori.

Sorrento surprit une lueur de tristesse dans son regard. Elle semblait avoir une réelle affection pour le jeune homme. Lors de la bataille, lorsque ses chevaliers l'avaient pris pour cible, elle avait fait tout son possible pour éviter qu'il ne soit blessé, voire tué. Comment aurait-elle pu sacrifier un innocent ?

- Physiquement, il va le mieux possible compte tenu des circonstances, d'après le médecin. Mais quand il va se réveiller …

Sa phrase mourut dans un soupir.

Saori baissa les yeux et réfléchit un instant. Elle aimait bien Julian. Certes, c'était un gamin pourri-gâté, qui n'en faisait qu'à sa tête et n'admettait pas un non comme réponse. Il était très conscient de sa beauté et de son charme, en usant et abusant sans vergogne. Combien de fois l'avait-elle vu à la une des magazines people au bras d'une nouvelle conquête, réelle ou supposée ? Malgré cette réputation de playboy, il fallait reconnaître que la demande en mariage qu'il lui avait faite ne l'avait pas laissée indifférente. Non pas qu'elle ait eu la moindre intention d'y donner une suite favorable, mais, même si elle s'en défendait, elle en avait été flattée. Elle était certaine que derrière ses airs supérieurs se cachait une sincérité en laquelle peu auraient cru, néanmoins. Mais comment aurait-il pu deviner à ce moment-là que le lien qui les unissait était d'une tout autre nature qu'amoureux, que leurs chemins se croisaient sans cesse depuis des siècles, et qu'il en serait probablement ainsi jusqu'à la fin des temps ? Pourtant c'était Julian qui lui avait demandé sa main, pas Poséidon. Dans toute cette histoire, où commençait l'amour et où s'arrêtait la fusion de deux cosmos divins, même antagonistes ?

- J'ai peut-être une proposition à te faire, Sorrento. Mais je comprendrais que tu la refuses. Tu es un général de Poséidon, après tout…

Sorrento leva les sourcils, étonné mais pas inquiet. Qu'avait-elle donc en tête ?

A suivre .....