Le lycée … Chaque jour me paraissait plus morne que le précédent. Pis encore, cette morosité m'était devenue quotidienne, tel un purgatoire auquel je devais me rendre pour expier mes péchés. Je jetai un rapide coup d'œil au jeune homme dormant paisiblement, à peine deux paillasses plus loin. J'enviais les humains dans de pareils instants. Si j'avais eu la capacité de dormir, nul doute que je ne ferais que cela ici. J'en savais bien plus que la plupart des humains ici présents, et pourtant, je jouais ce rôle d'ignorante depuis fort longtemps, à présent. L'éternité avait un goût déplaisant, laissant un arrière goût amer dans son sillage. La solitude ne venait qu'en affirmer la teneur de ce sentiment désagréable. Aucun des humains ne m'approchaient. Sans doute étaient-ils trop idiots pour comprendre ce que leur inconscient leur soufflait : j'étais dangereuse.

Je combattais ma nature à chaque instant, bien que cela fût plus facile à présent que des années plus tôt. J'avais acquis, à force de persévérance, un certain contrôle sur cet aspect répugnant de ma personnalité. Et j'espérais qu'un jour cette brûlure dérangeante qui emplissait ma gorge lorsque je me trouvais en présence d'êtres humains, s'estomperait avec le temps. L'heure n'était sans doute pas encore venue, puisque si je ne peinais plus à retenir mon instinct de prédateur lorsqu'une odeur alléchante me chatouillait les narines, je ne pouvais réfréner le flot de venin envahissant ma bouche, ni les cris douloureux que poussait mon estomac pourtant gorgé de sang animal la plupart du temps. Telle était l'existence que je menais, songeai-je avec un humour noir. Combattre le monstre qui partageait mon corps afin de conserver non seulement les humains qui auraient le malheur de croiser ma route, mais également ma raison. Les remords finiraient sans doute par avoir raison de moi au fil du temps.

Je regardais fixement le mur craquelé qui me faisait face. D'un jaune pâle défraîchi, sans accessoire aucun afin d'améliorer le cachet qu'il renvoyait, il était à l'image de Forks High School ; simple et ennuyeux à mourir. Lorsque la sonnerie retentit, une sorte de bourdonnement nasal qui m'irritait les tympans, je quittai la pièce sans me presser. J'avais perdu la notion du temps depuis bien longtemps. En outre, le fait que je ne me nourrissais pas d'aliments humains abrégeait ma pause déjeuné. Un mince sourire étira mes lèvres à cette pensée. Lorsque la nuit tombera, j'irais chasser quelques rares carnivores qui peuplaient la forêt de Forks.

Pénétrant dans la cantine, un plateau dans les mains, je pris place à une table reculée, où les odeurs des humains pouvaient le moins m'atteindre, bien que la salle en fut emplie. Comme à mon habitude, je m'assis au fond de ma chaise et me perdis dans mes pensées. Cela faisait maintenant deux ans que j'avais emménagé à Forks. La plupart des habitants avaient été étonnés, même suspicieux de voir une jeune fille seule, emménager par ici. Mais Forks était, en vérité, l'endroit idéal pour un vampire tel que moi. Il pleuvait fréquemment, et le ciel n'était que rarement dégagé. Cela me permettait de sortir en plein jour sans que ma peau ne scintille au soleil, tel un diamant. Les soupçons n'avaient pas lieu d'être, hormis vis-à-vis de l'absence d'une présence parentale.

Alors qu'une fille pénétra dans la cantine, elle laissa volontairement ou non, la porte entrouverte. Je tentai de capter les différents parfums des fleurs en éclosion, ce qui eu pour vertu de me distraire de la monotonie dans laquelle j'étais engagée. Soudain, alors que je laissai mon odorat poursuivre son chemin, deux odeurs sucrées vinrent chatouiller mes narines. Deux odeurs que je ne connaissais pas. Deux fragrances de vampires. Je bondis de ma chaise. Un peu trop promptement puisque tout les regards convergèrent dans ma direction, mais je n'en avais cure. Deux autres vampires étaient à Forks, et cela n'était pas pour me plaire. Rares étaient ceux, qui à mon instar, étaient végétariens. Je n'imaginais que trop bien les répercussions que leurs chasses pourraient avoir. Je serais dans l'obligation tôt ou tard de quitter Forks et cela, il n'en était pas question !

Furieuse, je laissai mon plateau, attrapant rapidement mon sac et me dirigeai à allure humaine vers ma voiture. A peine étais-je montée que je fis vrombir le moteur et quittai le lycée dans un crissement de pneus. J'avais décapoté la voiture de manière à pouvoir suivre ces odeurs librement, et surtout sans attirer l'attention, enfin, dans la mesure du possible. Je savais que mon attitude des plus étranges allait irrémédiablement faire l'objet de cancans, mais je n'en avais que faire. Je me concentrais sur ces deux odeurs sucrées et élargis mon champ de recherches. Un grognement s'échappa de mon torse. Les fragrances provenaient de ma maison. Enfonçant la pédale de l'accélérateur, je ne mis que quelques minutes avant de m'arrêter brusquement devant chez moi.

J'ouvris promptement la porte. Peut-être trop puisque celle-ci émit un long grincement avant de s'encastrer dans le mur. Respirant l'air à pleins poumons, je me dirigeais sans hésitation vers le salon, où je trouvais à ma grande surprise les deux vampires assis sur mon divan. Ils formaient un couple, au vu de leur posture. La femme était petite, à l'apparence vulnérable et fragile. Ses cheveux noir corbeau pointaient dans tout les sens alors qu'elle m'adressa un sourire éblouissant. Je me stoppai, quelques peu décontenancée. Son compagnon agrippa sa main avec force. Il ne voulait pas, de toute évidence, que la jeune femme m'approche. Elle lui sourit tendrement avant de se lever et de sautiller dans ma direction. Je m'étranglais devant la grâce avec laquelle elle se déplaçait. Mais elle ne me laissa guère le temps de m'enfoncer plus profondément dans mes réflexions qu'elle prit la parole.

« Bonjour Bella, commença-t-elle de sa voix chantante. Je suis Alice, et voici mon compagnon, Jasper. »

Ce dernier m'adressa un vague signe de tête. Il était tendu comme un arc. Sans doute croyait-il que j'allais attaquer sa compagne. La surprise prédominait sur la myriade de sentiments qui me traversaient à ce moment là. Comment diable ce petit bout de femme connaissait mon nom ? Que faisait-ils chez moi ? Que me voulaient-ils ?

« Bonjour, finis-je par répondre, tendue. Puis-je savoir comment connaissez-vous mon nom ?

- J'ai eu une vision, nous concernant tous les trois, sourit la dénommée Alice.

- Une vision ? Demandai-je en haussant les sourcils.

- Certains d'entre nous développent des talents qu'ils avaient déjà montrés lors de leur humanité. En ce qui me concerne, j'avais des prémonitions. Ce don s'est amplifié lors de ma transformation. Je peux désormais entrapercevoir quelques secondes provenant du futur. Mais mes visions restent très subjectives, admit-elle tristement. Une seule décision peut les contrecarrer. »

Je plongeais mon regard doré dans les leurs et ne découvris aucune trace d'un quelconque mensonge. En outre, ils étaient végétariens. Une bonne chose. Je ne tenais pas à me quereller avec eux. En réalité, ils semblaient assez sympathiques, une fois la première surprise passée. Ils ne me voulaient aucun mal, je pouvais le ressentir. De toute manière, s'ils m'étaient hostiles, ils m'auraient d'hors et déjà attaqué. Mes muscles alors tendus, se détendirent imperceptiblement tandis qu'un sourire éclaira le visage la dénommée Alice. Curieusement, leur présence m'apaisait, d'une manière que je ne pouvais me l'expliquer. Mon instinct me soufflait que je pouvais leur accorder ma confiance sans jamais craindre d'être trahie. C'était un sentiment très étrange, mais réconfortant. Dans ma nature, l'instinct primait sur les autres de nos sens décuplés et de ce fait, je pouvais m'y fier.

« Une vision donc. Et qu'as-tu vu ?

- Jasper et moi venions à ta rencontre, ici même.

- Pourquoi donc ? Demandai-je vivement. Je veux dire, pourquoi devions-nous, nous rencontrer ? Me repris-je, en voyant le lutin qui me faisait face perdre son sourire.

- Alice et moi recherchons un port d'attache, déclara Jasper en couvant tendrement sa compagne du regard. Nous errons depuis bien trop longtemps dans ce monde. Nous voudrions un endroit où nous établir. Non définitivement, puisque la population finirait par remarquer notre évidente différence du commun des mortels, mais un lieu où nous pouvons revenir fréquemment, en toute sérénité.

- Je ne comprends pas, fis-je tout en fronçant les sourcils.

- Nous pensons tous deux que tu pourrais être ce port d'attache, murmura Alice, comme intimidée bien que je soupçonnais que ce sentiment ne fasse pas partie de son caractère. Nous ne voulons pas former un clan, mais une sorte de famille, liée par un puissant lien fraternel. »

Je ne sais quelle tête j'arborai, mais Alice laissa échapper un éclat de rire cristallin. Mais que diable racontaient-ils ? Être leur port d'attache, comme une sorte de … famille ?

Si mon cœur battait encore, nul doute qu'il aurait loupé un battement. Une famille … J'en avais tant rêvé par le passé. Ma solitude me pesait bien plus que je n'osais me l'avouer. Cela faisait presque cent longues années que j'étais seule, sans personne avec qui dialoguer, nouer des liens. Je n'osais croire que mes plus chers souhaits deviendraient réalité. J'étais pourtant damnée, vouée aux enfers, et voilà qu'ils apparaissaient, comme réponse à mes souhaits les plus chers. Cela ne se pouvait, tout simplement. Je les observais tour à tour, quelque peu sceptique.

« Alice, tu l'as dis toi-même, tes visions sont très subjectives. Comment croire une telle chose ?

- N'est-ce donc pas ce dont tu as toujours rêvé depuis ta transformation, Bella ? Une sorte de famille ?

- Je n'osais plus nourrir des tels espoirs, avouais-je. Notre espèce … Je ne vois en moi que la part monstrueuse. Je ne pense pas être à la hauteur de vos attentes.

- Bella, nous ne voulons pas nous imposer, Jasper et moi. Nous ne voulons certainement pas te forcer la main.

- Nous venons juste te faire une proposition, renchérit son compagnon. Alice a vu que ce futur, cette cohabitation entre nous, fonctionnerait. Il est vrai que ses visions sont changeantes, mais certaines s'avèrent authentiques.

- Laissez-moi la nuit pour réfléchir … Revenez à l'aube et j'aurais votre réponse, murmurai-je, décontenancée.

- Nous reviendrons à l'aube, dans ce cas, murmura Jasper de sa voix chaude. »

A ma grande surprise, Alice m'étreignit avant de quitter l'habitacle. Me laissant tomber sur le divan qui grinça sous ma robustesse, je tentais de mettre un peu d'ordre dans mes pensées chaotiques. Je me repassais mentalement la scène qui avait eu lieu. Comment cela était-ce possible ? J'étais arrivée dans les plus brefs délais, pensant avoir affaire avec d'hostiles vampires, et voilà qu'un couple m'ouvrait les bras pour fonder une sorte de famille. C'était totalement insensé et pourtant si tentant ...

La monotonie dans laquelle je vivais depuis des décennies me lassait, l'éternité n'était plus si attrayante qu'elle pouvait l'être lors de mes premières années en tant que vampire. Quant à savoir si l'idée de ne plus vivre seule m'enchantait, cela ne faisait aucun doute. Alice semblait être pleine de vie, spontanée et surtout adorable. Je ne doutais pas du fait que nous deviendrons bien vite de grandes amies. Quand à son compagnon, Jasper … Ma vue surdéveloppée m'avait montré de nombreuses cicatrices sur son visage. Il doit en être de même pour son corps. Ainsi, il était un combattant aguerri, en conclus-je. Ancien combattant alors. L'idée qu'Alice le laisse risquer sa vie me rendait sceptique. Ils semblaient bien trop attachés l'un à l'autre pour laisser la mort s'interposer entre eux.

Le lien qui les unissait semblait unique en son genre, un mélange de force et de passion, un amour incomparable et si beau qu'aucun mot de ma connaissance ne puisse le qualifier. J'avais toujours été intimement persuadée que ma condition de végétarienne me rendait plus prompte à établir des liens avec les autres individus. J'avais devant mes yeux un exemple parfait pour étayer ma théorie. Pourtant, je ne m'étais jamais risquée à nouer contact avec des humains, craignant la découverte du secret que je tentais de garder.

A la pensée des autres lycéens, Alice et Jasper me revinrent rapidement en tête. Ils pourraient certainement venir avec moi au lycée, ainsi le temps me paraîtrait moins long, bien que je me devais de leur laisser une certaine intimité. Ils étaient en couple alors que j'étais seule. Alice pourrait prétendre être en première, tout comme moi et Jasper, qui paraissait plus vieux, serait en terminale. Il fallait créer un lien de parenté entre nous. Elle pourrait être … ma sœur ? Ou bien ma cousine ? Que sais-je encore ? Soudain, je m'interrompis dans mes réflexions et finis par esquisser un sourire. J'étais instantanément partie du fait que nous allions former un clan, peut-être une véritable famille par la suite.

Alice devait certainement exulter si jamais elle avait eu une quelconque vision. Ma décision était donc prise. Ils viendraient habiter ici, en ma compagnie. Je me mis sur mes jambes en une seconde à peine. La villa dans laquelle j'avais élu domicile regorgeait de pièces vides. Ils n'auraient que l'embarras du choix en ce qui concernait leur future chambre. Je passais le reste de ma journée à ranger la maison, déplaçant tel ou tel objet selon mes souhaits. Lorsque le crépuscule arriva, je me trouvais à la clairière, ma peau nimbée des derniers rayons de soleil. J'avais déniché quelques cerfs dans la forêt qui m'avaient servi de repas. Le sang de ses herbivores me répugnait, mais si je ne me nourrissais pas, je serais plus faible face à l'appel du sang humain. Cela était prohibé.

Je restais ainsi, une bonne partie de la nuit, à observer les étoiles. Je m'étais découvert un véritable plaisir à les observer des heures entières, des nuits durant. Le ciel était d'une splendeur inégalable, et cela me permettait d'oublier l'espace de quelques instants ma condition de vampire, pour n'être que Bella. Simplement Bella Swan. Lorsque la lune laissa place aux premières lueurs de l'aube, je franchissais le seuil de ma maison, sentant les douces fragrances sucrées d'Alice et Jasper. Je les rejoignis en souriant alors qu'Alice se jeta littéralement dans mes bras.

« Oh Bella, merci, murmura-t-elle la gorge nouée par l'émotion. Tu ne peux savoir ce que cela me fait.

- Elle ressent exactement la même chose, ma chérie, sourit Jasper avec de me serrer amicalement dans ses bras à son tour.

- Une famille … nous allons former une famille, fis-je extatique.

- Oui, pépia-t-elle. »

Sans crier gare, elle m'entraîna dans une folle danse. Je me croyais revenue à l'adolescence, elle et moi, gesticulant comme de jeunes ingénues autour du sofa, laissant notre joie déborder. Voilà bien longtemps que je n'avais pas ressenti un tel sentiment d'exaltation. Je ne croyais d'ailleurs pas que j'allais un jour éprouver de nouveau cette sensation. Je n'étais plus l'abjecte vampire, j'étais simplement Bella, qui venait d'exaucer un de ses souhaits les plus chers. Je ne doutais plus un seul instant que ma décision avait été la bonne, cela était à présent une certitude. Alice et moi allions rapidement devenir de grandes amies, peut-être même davantage, mais en ce qui concernait Jasper, je restais quelque peu sceptique. Il m'intimidait, telle était la vérité. Il s'efforçait pourtant de me mettre à l'aise, et j'aimais à penser qu'avec le temps, ce sentiment s'estomperait.

Ils formaient un couple tout à fait à part, mais pourtant si complémentaire. Alice était débordante de vie, spontanée à souhait, une vraie petite boule d'énergie à elle toute seule. Nul doute que face à sa volonté, vous n'aviez d'autre choix que de plier. Quand à son compagnon, Jasper, était quelqu'un de bien plus posé, bien plus réfléchi. Chacune de ses décisions était mûrement réfléchie. Bien plus calme et discret qu'Alice, il était fortement intimidant. Par ailleurs, comment ne pas remarquer les nombreuses cicatrices qui devaient certainement recouvrer l'ensemble de son enveloppe corporelle ? Comment ne pas le craindre après cela ? La crainte s'effacerait sans doute avec le temps, pensai-je. J'apprendrais à lui faire confiance, à leur faire confiance. Car même si leur seule apparition dans ce qui peut s'apparenter à une existence relève de l'improbable, je préférais que les liens entre nous s'instaurent en douceur.

Je décidais de ne pas aller au lycée quelques jours, le temps de faire plus ample connaissance avec ceux qui constitueraient à présent ma famille. Alice et moi discutions à bâton rompu durant les journées qui s'écoulaient, alors que Jasper intervenait moins fréquemment, plus discret que sa compagne. J'avais pourtant pu déceler en lui une âme joueuse, si bien que la seconde nuit que nous passions ensemble, nous avons mesuré notre force, en guise de plaisanterie. Nous avions ri aux éclats durant des heures entières, loin de Forks et de ses habitants. Il était prévu que le couple intègre d'ailleurs le lycée sous peu. Alice allait se glisser dans le rôle de ma chère et tendre cousine, qui, ne supportant plus l'autorité de ses parents, avait emménagé avec moi. Son petit ami, Jasper Hale, ne résistant pas au départ de l'élue de son cœur, l'avait suivi, si bien que nous partagions tout trois ma demeure. Nous n'avions pu nous faire passer pour des sœurs, des ressemblances physiques nous faisant défaut. De plus, nous n'aurions pu, Alice et moi, être toutes deux en première, si nous avions eu la même génitrice.

Je n'ai d'ailleurs aucun souvenir de ceux, qui avait été mes parents par le passé. Mes souvenirs humains étaient bien trop diffus pour que je puisse en retirer quoi que ce soit. L'exercice était par ailleurs, très inconfortable. Cela m'ennuyait quelque peu, car j'aurais aimé l'idée de pouvoir mettre un visage sur le nom de mes défunts parents. Aucun journal de l'époque n'avait déclaré quoi que ce soit les concernant. Mes recherches m'avaient laissé bredouille. Jasper m'envoya une onde de calme, en sentant la nostalgie et la frustration m'envahir. Je lui décrochais un sourire timide auquel il répondit par un grand éclat de rire. Alice sautilla jusqu'à lui pour enfin prendre place sur ses genoux.

« Alors, Bella, commença-t-elle, mutine, que dirais-tu d'une journée shopping demain ? Ainsi, nous irions au lycée lundi avec de nouvelles tenues, qu'en dis-tu ? S'extasia-t-elle.

- Alice, grognais-je, tu sais parfaitement ce que je pense du shopping.

- De toute manière, j'ai vu que nous allions faire les boutiques demain, alors ne résiste pas, ria-t-elle de son rire cristallin. »

Je soupirais en guise de capitulation tout en levant les yeux au ciel alors que Jasper laissa échapper un éclat de rire. Nous étions sur la bonne voie, tout trois, je le pressentais.

« Jasper, chéri, ne ris pas trop, car tu seras également de la partie, ajouta le lutin avec un clin d'œil.

- Tu n'oserais pas me faire ça ? Rétorqua-t-il suppliant, tout rire cessé.

- Il faut bien t'habiller, enfin ! Il est hors de question que tu te promènes nu dans le lycée ! S'exclama-t-elle, outrée. La décision est prise, demain nous allons faire la tournée des magasins, s'écria Alice, extatique. »

Jasper et moi nous jetâmes un coup d'œil, quelque peu horrifiés. La journée de demain promettait d'être épuisante, bien que techniquement, nous n'étions jamais fatigués. Notre statut nous épargnait tout les besoins humains, d'où le fait que nous ne dormions jamais. J'avais toujours secrètement espéré qu'un jour, l'ennui m'aurait à un tel point submergé, que je finirais par trouver ce qui pouvait s'apparenter à un semblant de sommeil. En vain. Dorénavant, je n'avais plus besoin de cela, Alice et Jasper emplissant mes journées, balayant la monotonie dans laquelle j'étais engagée depuis bien longtemps. Leur entrée dans mon existence est un véritable évènement.

La journée du lendemain ne fut pas aussi terrible que je le redoutais. En réalité, je m'étais réellement amusée. Il n'en était pas de même pour Jasper, évidemment. Alice avait dévalisé les boutiques, au sens littéral du terme. Les hôtesses de caisses avaient eu les yeux exorbités sous l'effet de la surprise. Elle avait déployé leurs plus grands efforts pour nous satisfaire, n'ayant sans doute jamais rencontré des clients aussi extravagants que nous avions pu l'être. Nous étions revenus, la voiture surchargée de vêtements, qui étaient superflus il fallait l'avouer, mais nous aurons de quoi nous vêtir durant un laps de temps indéterminé. Nous étions fins prêts pour notre entrée au lycée.