Bonjour,

Un petit moment que je n'avais rien publié ici. Je suis partie pour une nouvelle fiction en espérant qu'elle plaise à quelques personnes. L'histoire commence au temps des maraudeurs, avec un petit aperçu de l'enfance de Sirius et s'étendra jusqu'à bien plus tard. Voilà, je vous laisse lire...

Bonne lecture à tous!

Lissoue


CHAPITRE 1

La salle à manger bruissait des voix tantôt graves, tantôt chantantes, agressives, sensuelles, interrogatrices, hargneuses, paisibles ou fortes de toute une famille réunie en ce dimanche pour fêter l'anniversaire de l'un des leurs. D'un côté la table des adultes... De l'autre celle des enfants... Ces derniers mangeaient dans un silence espacé de quelques mots échangés. On n'était pas volubiles dans la famille Black. Fiers de ses origines, de sa qualité de sang-pur, on se devait de tenir son rang avec dignité même dans l'intimité.

Bellatrix, l'aînée allait sur ses dix-sept ans, splendide créature, féline et ardente. Sa chevelure noire et épaisse qui retombait en courbes douces autour de son visage cachait mal son regard foncé au creux duquel brûlait une flamme imperceptible de folie, d'avidité et d'agressivité. On sentait en elle un pouvoir de séduction sans limite que sa mâchoire forte, ses traits volontaires, ses lèvres charnues ne faisaient qu'accentuer. Elle était la Tentation faite femme, un concentré empoisonné conçu pour éveiller le désir masculin. Cependant, les gens qui l'entouraient se méfiaient d'elles. Elle était connue pour être aussi intelligente que manipulatrice et son intérêt croissant pour les forces du Mal n'était pas passé inaperçu. Elle suivait avec application et jouissance la voie ouverte par ses ancêtres.

La seconde, Androméda, était plus discrète, moins tape à l'œil. Plus froide aussi. Son visage impassible ne laissait transparaître aucune émotion. Ses sourires étaient rares et tout en retenus. Ses boucles foncées adoucissaient cependant son physique dur qui la faisait paraître plus âgée que ses quinze ans. Une assurance inébranlable émanait d'elle. Grande et mince, elle observait le monde de ce regard insondable et calme, habituellement réservé aux personnes âgés. Sa famille elle-même ne parvenait pas à la cerner et aurait bien du mal à dire quel était le fond réel de sa pensée...

Enfin, la cadette, Narcissa, se différenciait de ses sœurs par sa blondeur. A seulement treize ans, elle restait encore une enfant. Petite dernière, elle était couvée par sa famille et profitait pleinement de leur indulgente affection. Son égoïsme et ses caprices étaient rapidement oubliés au profit de sa joie de vivre et de sa beauté à peine éclose qui lui promettait un bel avenir. Elle ressemblait à ces poupées de porcelaine aux traits si fins et si lisses de tout défaut qu'on ne se lassait jamais de les admirer. Sa bouche bien dessinée, aux lèvres minces et rosées, sa peau d'albâtre, ses grands yeux clairs, son corps gracile...

Mais au-delà de leur apparence, de leurs intérêts respectifs, un lien invisible et pourtant solide unissait ces trois soeurs...

Face à elles, leurs deux cousins, Régulus et Sirius. Ils se ressemblaient indéniablement. Le premier avait sept ans. Chétif et pâle, semblant dénué de toute confiance en lui, il faisait un contraste frappant avec ses cousines, si pleines de prestance. Il ne manquait pas de charme, mais renfermé sur lui-même, on finissait souvent par ne plus faire attention à lui... Cela ne risquait pas d'arriver à son frère, d'un an son aîné. Derrière le visage encore enfantin, on devinait déjà la beauté sculpturale et orgueilleuse de la famille Black. Il observait, de ses yeux gris, assombris par l'ennui, les gens bavardant autour de lui. Il n'aimait que l'amusement, le rire, l'inconscience, haïssait le sérieux, l'autorité, le devoir et jugeait sans condescendance sa famille guindée réunie pour un repas formel, dépourvu de tout naturel. S'il ne mettait pas encore de mots sur ce qu'il n'aimait pas dans ces réunions familiales, il percevait aisément que ce ne devait pas être ainsi dans tous les foyers. Il décida pour s'occuper de tendre l'oreille vers la table des adultes...

« Tous ces moldus, par Merlin, il m'arrive de ne pas réussir à m'endormir le soir en y songeant. Des parasites qu'il faut exterminer voilà tout.

N'est-ce pas une de vos cousines, Walburga, qui tenta de faire passer une loi autorisant la chasse aux moldus?

Cette chère Araminta – petit soupir- une vraie femme si vous voulez mon avis. Ces imbéciles du ministère l'ont empêché de réaliser son rêve. Elle en est morte la pauvre.

Le pire, c'est pourtant, sans aucun doute, et pour mon plus grand malheur, les traîtres à leur sang. Ces sorciers pervertis qui prennent la défense des sang-de-bourbes, des moldus, de tous ces déchets de l'humanité. Et dire que parfois ils se cachent jusque dans notre propre famille.

Ne dîtes pas de telles insanités Pollux, je préfère ne même pas y songer. Les Black sont épargnés, Merlin soit loué.

Tu oublies Isla, Cedrella, Phineus, ma chère Irma. N'étaient-ils pas des Black avant d'avoir été déshérités pour s'être compromis avec des moldus ou des traîtres à leur sang? »

Sirius estima qu'il en avait assez entendu. Il ne se souciait guère de ces histoires. Eduqué dans la haine de toute personne dépourvue de magie ou frayant avec eux, il n'avait pourtant que peu d'avis sur la question. Il n'avait jamais côtoyé que de très loin ces « parasites » et s'il les méprisait par habitude, il devait bien s'avouer qu'ils ne le dérangeaient point et il avait dû mal à comprendre ce dégoût farouche que déversait sa famille sur ces êtres...

Il se détourna pour se réintéresser à sa propre tablée. Il n'aimait décidément pas Bellatrix. Elle s'était toujours montrée antipathique avec lui et ne savait pas assez rire à son goût. Il lui préférait Androméda qui même s'il ne l'aurait jamais admis, jouait un rôle maternel déterminant pour lui. Elle lui avait toujours porté une affection tendre, un attachement plus profond que le reste de son entourage. Bien que gardant une certaine distance, il la voyait dans son paysage d'enfant comme un point d'attache. Il s'entendait également avec Narcissa. Ils passaient du temps ensemble et on ne savait qui des deux entraînait l'autre vers les bêtises. Si c'était toujours lui qui écopait des punitions, il n'en gardait pas rancune à sa cousine pour autant. Quant à la relation qu'il entretenait avec son frère, la chose était plus complexe; proches en âge, ils l'étaient beaucoup moins pour ce qui était du caractère. Il se savait le plus fort des deux, et s'estimait également le plus intelligent. Il s'était donc imposé, avec complaisance, le devoir de protéger Régulus, qu'il voyait comme un être faible et craintif. S'il n'y avait pas de réelle complicité entre eux, la confiance était tout de même là.

A la fin du repas, les filles se levèrent de table et montèrent les escaliers suivies de près par leurs cousins. Arrivées devant la porte de la bibliothèque, elles entrèrent sans un mot et claquèrent la porte aux nez des deux garçons, se contentant d'expliquer brièvement qu'elles voulaient discuter tranquillement. Trop orgueilleux pour insister, Sirius redescendit pour sortir, abandonnant à son tour un Régulus indécis.

« Sirius, tu vas où?

Je vais m'amuser dehors puisque ces greluches – il utilisait ce mot que lui avait involontairement appris sa mère à tout bout de champ – ne veulent pas de moi.

Maman n'aime pas qu'on sorte dans la rue tout seuls, elle dit qu'on risque de croiser des gens méchants.

Je n'ai pas peur! Déclara le garçon d'un air de défi. Mais si tu es trop peureux pour venir tu n'as qu'à rester ici. Je ne t'oblige pas à me suivre. »

Régulus hésita quelques instants, regardant son frère s'éloignait, pesant le pour et le contre... Il ne tarda plus à prendre sa décision et se précipita derrière Sirius.

Ils débouchèrent dans une rue large réservée aux habitations où les voitures étaient aussi rares que les passants. Un fin crachin nappait la ville d'une lumière terne et l'air respirait l'odeur d'automne, tiède, épaissie par le parfum des feuilles mortes, du vent soufflant avec constance sur un Londres brumeux. Le 12, Square Grimmaurd disparut derrière les enfants...

Sirius, tout sourire, commença à courir sur le trottoir, évitant les flaques, laissant ses mains recevoir la pluie fine et ses cheveux noirs se perler de gouttes infimes.

« Sirius, attends-moi! »

Tu sais quoi, Régulus? Je suis pressé d'aller à Poudlard!

Ah bon? Pourquoi?

Ne sois pas stupide! Imagine comme ça doit être génial! Pas de parents sur le dos, pleins d'autres gens comme nous! »

Régulus restait sceptique devant l'enthousiasme de son frère.

« Moi je trouve qu'on est bien ici.

Et si je te dis qu'une fois qu'on ira à l'école, les filles nous laisseront entrer avec elles dans la bibliothèque? »

Le garçon réfléchit intensément à cette éventualité. Lui, comme Sirius, aurait voulu savoir ce qui se disait dans cette pièce où à chaque fois, les trois soeurs se réunissaient pour converser. Il allait faire part de la conclusion de ses réflexions à son frère quand il remarqua que celui-ci avait le regard posé sur quelque chose en particulier... Il s'y intéressa alors également...

L'attention de Sirius avait en effet été attirée par une petite fille qui venait de sortir d'une des maisons adjacente à la sienne. Elle se tenait sous un parapluie fantaisiste duquel dépassait une tête blonde au visage rond et aux yeux clairs. Elle portait un imperméable rouge qui ne laissait voir que des bottes en caoutchouc de la même couleur. L'ensemble de sa tenue lui donnait une allure de petit chaperon rouge, couronnée par une expression naïve et enfantine. Lorsqu'elle tourna son regard vers les deux garçons, se sentant observée, elle afficha une mine surprise. Sirius s'avançait déjà vers l'enfant, souriant, lorsqu'il sentit une légère pression s'exercer sur son bras. Régulus observait l'inconnue, inquiet, hésitant.

« Viens, Sirius, on rentre. Maman ne veut pas qu'on parle à des gens comme elle.

Ne dis pas n'importe quoi! S'exaspéra son frère, elle ne va pas se jeter sur nous pour nous dévorer. Si maman ne l'apprend pas, ça ne fera de mal à personne.

Si elle nous interdit de les approcher, il doit bien y avoir une raison... »

Régulus ne se départissait pas de sa mine apeurée. Son aîné le soupçonna de craindre, plus que la moldue, la colère maternelle. Cette dernière était un sujet de discorde constant. L'un la craignait et aurait fait n'importe quoi pour y échapper, l'autre passait son temps à la provoquer.

« Je veux rentrer!

Eh bien va t-en! Je ne t'ai rien demandé! »

Voyant que son frère fixait avec fascination le petit être blond qui leur faisait face et qui leur adressait à présent un regard interrogateur, Régulus se décida à se détourner pour remonter jusqu'à chez lui. Et c'est imprudemment, sous les yeux éberlués de la moldue qu'il disparut.

« Bonjour, moi c'est Sirius!

Qu... Pour... »

Elle ne semblait pas avoir entendu la phrase qu'avait prononcé le garçon, trop occupée par le mystère de la volatilisation de l'autre enfant. Elle était pourtant sûre qu'il était juste devant elle encore quelques secondes auparavant. Certaine de sa vision, son visage se teintait à présent de peur et d'émerveillement entremêlés. Elle n'aurait pu dire lequel des deux sentiments prenait le pas sur l'autre... La curiosité, la poussa à tourner son attention vers celui qui avait déclaré se nommer Sirius.

« Je m'appelle Gabrielle. Tu es nouveau ici? »

Non, pas du tout pourquoi? »

La réponse de Sirius acheva de décontenancer la gamine qui se tenait toujours abritée sous son parapluie sur lequel on voyait des coccinelles rouges prêtes à prendre leur envol. Elle se gratta le nez du bout de ses doigts enfantins qui sortaient de sa parka retroussée aux manches car trop grand pour elle. Le sorcier apprendrait plus tard que c'était chez elle, signe d'intense réflexion. Pour l'heure, il venait de prendre conscience que l'acte de son frère avait révélé leur secret à la moldue. Il haussa mentalement les épaules, se disant après tout que cela pourrait être drôle de raconter sa vie à cette fille. Malgré les dires de sa mère, il avait dû mal à croire qu'il fallait exterminer cette Gabrielle. Elle n'avait pas l'air si différente que lui. Et puis, il fallait bien avouer qu'elle était plutôt jolie avec ses boucles blondes, ses légères tâches de son, sa peau si claire qu'elle semblait plus fragile que du verre et son sourire éclatant qui engageait à aller vers elle. Elle lui faisait quelque peu penser à Narcissa. En moins belle naturellement. Elle n'avait pas la grâce, la prestance naturelles de sa cousine. De toute façon, il n'avait rien à perdre maintenant qu'elle avait aperçu une chose si étrange à ses yeux. Dans le pire des cas elle était bête et sans intérêt, mais il s'ennuyait et cela pourrait toujours faire un bon animal de compagnie... Sa mère n'avait jamais voulu de chien dans le manoir Black...