Brother Knows Best
En entendant claquer la porte d'entrée, les ailes de Gabriel se dressèrent aussitôt.
« C'est moi ! » lança une voix tout à fait reconnaissable.
« Je connais personne qui s'appelle Moi ! » répondit le Messager avant de se mettre à rigoler.
« Oh, pas mal, celle-ci » commenta Lucifer en rentrant dans la pièce pour déposer un bisou sur le crâne de son protégé. « Alors, tu as été sage ? »
« A peu près » déclara le garçon roux, les yeux baissés.
« Qu'est-ce que ça veut dire, à peu près ? »
« Oh, rien… »
Lucifer fit de son mieux pour prendre l'air autoritaire.
« J'espère pour toi, avec ton anniversaire qui arrive la semaine prochaine, ce serait dommage d'être privé de cadeau, tu ne crois pas ? »
Les plumes bleues soulignées d'or de l'adolescent se hérissèrent très légèrement.
« Au sujet du cadeau… »
L'Étoile du Matin plissa les yeux.
« Oui, je t'écoute. »
Gabriel avala sa salive.
« Il paraît que la Terre est très jolie… et je me demandais… »
« Sur Terre ? Tu veux aller sur Terre ? » lâcha Lucifer, pinçant la bouche comme si son cadet venait de proférer une bêtise effarante. « Enfin, Gabriel ! Regarde-toi, aussi fragile que du verre ! Tu n'es qu'un bébé, un petit poussin ! Pourquoi vivons-nous à l'écart, d'après toi ? »
Le Messager rentra la tête dans les épaules. Il aurait peut-être mieux fait de fermer sa grande bouche, en fin de compte…
« Je sais pourquoi… »
« Oui, pour qu'il ne t'arrive rien ! » coupa Lucifer avant de prendre une mine tragique. « Oh, je sais que viendra ce jour maudit où l'oiseau voudra quitter son nid… mais pas tout de suite. »
« Mais… »
Un long doigt pâle vient se poser impérieusement sur les lèvres de Gabriel.
« Chut ! Écoute, mon petit, n'écoute que ton frère. Nous sommes dans un monde amer, car de toutes les manières, partout le mal guette sur Terre… »
Un sourire positivement diabolique apparut sur le visage de l'Étoile du Matin.
« Bandits » commença-t-il d'énumérer avec une jubilation quasi sadique, « voleurs, poisons, sables mouvants, cannibales, serpents, oh, la peste aussi ! »
« Non ! » s'écria Gabriel qui était encore assez jeune pour avoir peur du noir.
« Si ! » asséna Lucifer avant de poursuivre : « De grosses bestioles, l'homme aux dents pointues… »
Il marqua une pause en prenant une expression tragique.
« Ça suffit ! Tout cela me contrarie ! Voilà ce que je suggère : évite les tracas, reste avec moi. Écoute ton frère… »
Gabriel se mordit la lèvre.
« Mais je… »
Lucifer se détourna théâtralement.
« Ou si tu veux, fais-toi renverser par un rhino ! Vas-y, fais-toi agresser et jeter dans le fossé ! Je suis juste ton frère, qu'est-ce que j'en sais, moi ? Je t'ai seulement élevé, aimé et protégé ! Vas-y, abandonne-moi, je le mérite ! » fit-il, la voix chevrotant comme un sanglot. « Laisse-moi mourir tout seul ! »
Le garçon sentait les débuts de la culpabilité lui mordiller le ventre.
« Luci, arrête » gémit-il, mais son aîné ne parut pas l'entendre.
« Et entre nous – c'est moi qui te le dis – tout seul tu es perdu ! » décréta l'Archange brun. « Tu es mal vêtu, immature, maladroit – ils te mangeraient tout cru ! »
Saisi par une honte brusque, l'adolescent se recroquevilla tandis que son gardien le critiquait sans pitié :
« Sot et naïf, tu n'es qu'un empoté, étourdi et même un peu flasque… Mais excuse-moi, tu te laisses aller, ma beauté ! »
L'expression de Lucifer s'adoucit.
« Comme je t'aime, je te dis tout, grand frère te comprend, il peut t'aider et surtout, la seule chose que j'espère… »
Il ouvrit les bras avec un sourire radieux. Éprouvant un soulagement indicible devant l'offrande de paix, Gabriel s'y jeta avec abandon.
Lucifer referma les bras autour de son protégé.
« Mon trésor ? »
« Oui ? » souffla le Messager.
Les yeux de l'Étoile du Matin étincelaient d'un éclat inhabituellement dur.
« J'espère que tu ne me parleras plus d'aller sur Terre. »
L'adolescent se raidit avant de s'avachir sous le poids de la défaite.
« Oui, Luci » dit-il mollement.
L'Archange brun lui caressa les cheveux.
« Oh, ne fais donc pas cette tête… Tu sais que je t'aime très fort. »
« Je t'aime encore plus » rétorqua Gabriel, un petit sourire jouant à la commissure de ses lèvres.
« Je t'aime le plus » déclara Lucifer. « Surtout ne l'oublie pas. »
Sinon… tu le regretteras.
Oui, j'ai inséré dans la chanson un verset qui a été coupé dans le montage final.
