Bonjour à tous et à toutes. Ceci est le fruit d'une série de coïncidences qui m'ont enfin poussée à écrire quelques conseils pour les personnes aimant écrire et désirant faire toujours mieux. Vous pouvez le retrouver sur le forum Fairies Fans si vous y êtes inscrit. Ce qui suit en est donc tiré.
Je pense cependant plus honnête de vous prévenir de l'aspect légèrement brouillon, partial et incomplet de ce "guide du scribouillard", qui ne commence à s'avérer ordonné qu'à partir du quatrième billet. J'espère qu'il s'avérera utile au plus grand nombre.
(l'extrait commence à partir d'ici)
Je vous présente un vieux projet un peu embarrassant de par son ambition, et qui se base sur le fait qu'il est quasi impossible de trouver des conseils intéressants sur le net, en matière d'écriture. Et comme il m'arrive de jouer aux grandes théoriciennes, j'ai commencé à m'atteler au programme.
Pourquoi ?
Parce qu'en tant que bêta-lecteur, on se rend vite compte qu'il est très difficile de dire ses défauts à la personne qu'on veut corriger, tout simplement parce qu'on a peur de décourager la personne et éventuellement de se prendre une réponse agressive en pleine figure, mais aussi qu'on sait qu'il est impossible de changer une personne en un jour et qu'il va falloir prendre du temps. Faire des remarques détail par détail.
Et que des fois, on en a si gros sur la patate qu'on laisse tomber et qu'on se contente de lire en premier pour son bon plaisir, de corriger les fautes d'orthographe et d'accord, de relever les incohérences scénaristiques et de dire à l'auteur ce qu'on a adoré et ce qui nous a fait réagir.
Même moi, je vous le dis. Et pourtant, je pense être assez du genre à mettre les pieds dans le plat sans aucune diplomatie.
Ce guide est dédié à Laxus [mais (edit) j'aimerais également ajouter à ce nom toutes les personnes qui ont suivi et argumenté face à ce guide, sur le forum, ainsi que celui de Mezzanotte Luce que j'ai *honte à moi* un peu lâchée ces derniers temps, surtout avec la panne sèche façon DN].
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CONSEILS D'ECRITURE POUR AUTEUR EN SOIF DE PROGRES
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Premier billet : Introduction + Du débutant.
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Vous n'êtes pas un auteur difficile : tout ce que vous voulez, c'est écrire mieux. Seulement, les conseils ne pleuvent pas et l'on se borne à vous répéter d'écrire plus et d'augmenter vous-même votre niveau d'exigence. Et ça ne vous suffit plus.
Quels que soient votre niveau ou votre expérience, il existe pourtant des milliers de détails, des centaines de points qu'un œil extérieur avisé pourrait vous pointer du doigt pour vous aider à progresser. Mais même lorsque vous prenez un relecteur, celui-ci se borne à vous souligner des fautes d'orthographe ou à vous dire ce qu'il a adoré ou non. Et vous vous dites : mais où est la marge ? Qu'est-ce qui me sépare de cet auteur que j'admire et auquel je voudrais peut-être ressembler ?
Car vous voudriez améliorer votre style, et lire d'autres auteurs ne vous suffit plus. Vous voudriez créer de grands personnages, et les vôtres vous semblent fades ou semblables les uns les autres. Et vous voudriez l'imagination, et la reconnaissance, et la fin de la Page Blanche.
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Ce guide n'a pas l'ambition d'être un faiseur de miracle. Il a pour but de vous aider, quel que soit votre niveau, à trouver vous-même une manière de progresser et de pallier aux difficultés que vous rencontrerez au cours de votre écriture. Il se base sur mes lectures, sur mon expérience d'auteure. Je ne prétends pas être une référence, car il existe des milliers de personnes qui ont passé plus d'heures que moi à suer devant une feuille ou un écran, et vous en faites peut-être partie.
Ce que j'ai à vous apporter, en revanche, c'est ma réflexion. Ma propre opinion, personnelle, et qui sera sans doute différente de la vôtre sur certains points en ce sens que nous ne sommes pas identiques. Le regard que je porte sur les choses ne sera donc pas le même que vous. Mais comme j'ai écrit, je suis moi-même passée par les différentes étapes que vous connaissez peut-être, dont cette recherche désespérée de conseils que je ne trouvais nulle part, au milieu des inepties et des évidences classiques, mais que j'ai fini par réunir à force de patience.
Peut-être ne trouverez-vous pas tout de suite LE conseil que vous recherchez désespérément. Je m'adresse à tous les niveaux, et, puisque chacun progresse à son rythme, il vous faudra sans doute glaner un ou deux éléments dans chaque partie pour trouver votre bonheur.
Si vous en maîtrisez peu, ne cherchez surtout pas à intégrer tous ces conseils à la fois. N'en retenez qu'un ou deux, apprenez à l'appliquer et à en prendre possession jusqu'à ce qu'il fasse partie intégrante de votre schéma mental d'auteur, puis retournez-y pour pêcher une nouvelle technique et avancer ainsi sans devenir un monstre de mécanique et d'application de règles.
L'écriture doit rester un plaisir, et si celle-ci se changer en travail, alors ce sera un échec.
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La première chose que vous devez avoir en tête, c'est que la littérature est un art. Si, à votre stade, le mot vous terrifie comme c'est le cas pour moi, contentez-vous de penser écriture de la même façon que vous vous contenterez de penser auteur quand vous êtes peut-être l'écrivain de demain.
Or l'art ne peut se contenter d'être une opération du Saint-Esprit, une idée que l'on jette sur le papier sans se retourner. L'art n'est rien sans travail.
Et vous verrez vite que le progrès vient avec le temps, même si l'impatience risque de vous guetter à vos débuts. Tout vient à point à qui sait attendre, il vous suffit de persévérer et d'être exigeant avec vous-même.
On dit souvent que les vieux auteurs arrachent leurs textes des mains de leurs éditeurs pour les modifier alors que les jeunes, eux, refusent de revenir en arrière sur un simple mot. C'est tout à fait compréhensible : le jeune a travaillé d'arrache-pied sur son premier texte et a tant souffert pour obtenir ce qu'il considère comme un œuvre enfin lisible que le fait qu'on y exerce la moindre critique le démoralise facilement. Le vieux, lui, a déjà effectué ce travail dix fois, cent fois. Revenir sur un texte ne représente rien pour lui. Il a déjà réussi à achver un premier texte, il ne cherche plus à se prouver qu'il en est capable. Il ne le veut pas fini, il le veut brillantissime.
Le premier conseil que je vous donnerai, et bien qu'il ne convienne pas aux plus grands débutants qui ont encore besoin de respirer et de nourrir leur imaginaire, est d'écrire tous les jours. Même si j'en suis personnellement incapable. Mais si vous en avez le temps et la possibilité, et que vous envisagez d'écrire, qui sait, un roman, un rythme régulier d'écriture est une habitude aussi saine que de manger des fruits tous les jours. Même s'il ne s'agit que de cinq cent mots (je travaille avec un compteur de mots sur Word). Cela vous permettra de stabiliser votre style, et les expressions vous viendront plus facilement.
L'autre conseil que je vous donnerai, c'est de toujours travailler avec un dictionnaire ainsi qu'un dictionnaire de synonymes. Si vous travaillez sur ordinateur comme la majorité des auteurs d'aujourd'hui, internet est votre ami : je vous conseille particulièrement le dicolinternaute, qui a les deux fonctionnalités et est très complet et concis.
Cependant, vous ne devez pas y rester pendu. Si vous ne trouvez pas le terme exact qui vous flotte sur le bout de la langue, ce n'est pas grave : utilisez des synonymes, tournez votre phrase différemment. Contrairement à ce que cet ambitieux psychorigide de Balzac prétendait plus ou moins, l'écriture n'a pas pour but d'être une description exacte de la réalité au détail près du grain de poussière sur la semelle gauche de votre personnage : si le détail n'apporte rien à votre histoire, s'il n'est pas essentiel à sa compréhension ou à son fonctionnement, occultez-le. Votre écriture n'en sera que plus fluide et personnelle.
Et si vous trouvez que vous manquez de vocabulaire ou que celui-ci n'est pas intégré et que vous n'êtes pas capable de l'utiliser, alors lisez. Lisez des auteurs publiés, des romans, des journaux, des magazines scientifiques, votre prof de physique ou de maths qui fait des fautes d'orthographe partout, votre prof de français qui utilise des mots ronflants parce que ça l'amuse, et même les tags dans la rue.
Et lisez des débutants. Vous vous rendrez compte que cela ne vous en sera que bénéfique. Chez les auteurs moins doués que vous, vous identifierez peut-être des fautes que vous faites vous-même et vous pourrez ainsi les éradiquer.
Chez les auteurs meilleurs que vous, vous trouverez peut-être des tournures excellentes, une manière de mener un scénario ou de construire l'intrigue, ou d'autres détails qui vous fascineront et que vous tenterez de reproduire à votre manière.
Piochez chez les uns et chez les autres, et ne gardez que ce que vous considérez comme étant le meilleur. Vous vous rendrez compte que, loin de vous rendre conformiste, cet exercice vous permettra de construire votre propre style, car au fil du temps, vous en éliminerez consciemment ou non certains détails qui vous accrochent moins et vous vous enrichirez d'autres que vous trouverez plus agréable. Il se produit exactement la même chose chez les enfants qui apprennent à écrire et regardent les lettres que trace leur voisin de table : hop, un joli L majuscule ? Allons le reproduire et débarrassons-nous de cette mocheté qui hante nos papattes ! D'ailleurs, c'est pour cela que je me retrouve aujourd'hui à écrire mes R de trois façons différentes…
Attention encore ! Ecrire avec style ne signifie pas semer quinze métaphores par ligne ! Vous vous rendrez compte que, lorsqu'il y en a trop, les figures de style prennent le pas sur le sens de votre texte et que votre histoire en devient incompréhensible. La plupart des éditeurs considèrent qu'il faut s'en tenir à une métaphore par page, quitte à la filer, sans quoi vous paraîtrez indigeste. Et cela vaut aussi pour les expressions passées dans la langue courante et dont vous avez peut-être aussi bien que moi oublié l'aspect métaphorique.
Si vous n'êtes pas capable de vous passer de votre ami le Style Grandiloquent, écrivez de la poésie. Et si vous n'aimez pas la poésie, je vous conseille de vous rabattre sur les drabbles (100, 200 ou 500 mots : un chiffre rond) ou au pire sur les OS. Pas de nouvelle, encore moins une histoire. Il est des gens qui aiment les mots mais votre but n'est pas de jouer au prétendant au Prix Goncourt (sans compter que beaucoup de nominés savent être softs).
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Je vais maintenant me rabattre sur les conseils pour grands débutants (ce que j'aurais dû faire depuis le début, mais passons).
Attention à ne pas céder à la facilité : il n'y a rien de plus insupportable pour un lecteur que le style théâtral et les didascalies. Vous n'écrivez pas de théâtre, bon sang ! Ce n'est pas notre sujet ! Avez-vous déjà lu un roman où l'auteur s'abaisse à de telles pratiques ?
Alors le tiret, oui, et les guillemets. Si vous ne savez pas les utiliser ou si vous êtes de ces personnes qui ont trop lu en anglais pour être capables de se souvenir de la manière dont s'écrit notre belle langue, je ne puis que vous conseiller de reprendre les cours de grammaire qui vous avez suivi à l'école primaire. Il existe certes des variabilités de plus en plus tolérées au fur et à mesure que la langue évolue, mais la base consiste en 'guillemet, phrase de dialogue, verbe de parole et éventuel qualificatif, retour à la ligne et tiret pour la tirade suivante (ainsi de suite)'.
N'utilisez pas seulement le verbe dire sous le prétexte que vous manquez de vocabulaire. Les verbes de parole sont importants. Ils reflètent l'état d'esprit de votre personnage. Il existe partout, sur internet, des listes de verbes dans lesquelles vous pouvez piocher après en avoir vérifié le sens (car mieux vaut un vocabulaire pauvre que des mots utilisés à contre-sens qui ne feront que vous tourner au ridicule : souvenez-vous, votre ami dictionnaire est de votre côté !). Murmurer, jeter, insinuer ou s'écrier n'ont pas exactement les mêmes nuances, vous vous en doutez. Et il s'agit de les utiliser.
Notez toutefois que le style théâtral peut être toléré dans certaines conditions très particulières : celles de la parodie et de l'introduction dans un texte de dialogue non oral : par sms, par mail, par discussion instantanée numérisée, etc. Là où le nom de la personne qui parle s'affichera de toute façon, de manière physique. Pas sur des petits papiers échangés en cours, à moins que votre personnage ne tienne à tout prix à se faire chopper par ses profs.
Bien. Vous vous êtes débarrassé de vos dialogues théâtraux, que nous reste-t-il ensuite ?
Un autre fléau. L'utilisation abusive du gras, de l'italique et des majuscules. Pour ces dernières, je vous rappelle que nous n'écrivons pas en allemand et que les noms communs ne prennent donc pas de majuscule, à moins que vous n'ayez un quelconque besoin de déposer le mot ou de le mettre en valeur (les Niffleurs de JKR). Ensuite, souvenez-vous que les majuscules évoquent un hurlement et qu'écrire tout un paragraphe en majuscules peut être ressenti comme une agression par le lecteur.
Vos dialogues – encore ! – ne doivent PAS être distingués par la mise en italique, en gras ou en couleur. Il n'y a rien de plus aberrant que de changer de couleur de police entre deux personnages. Pourquoi donc, vous demandez-vous, tout plein de bonne volonté pour rendre votre texte plus facile à déchiffrer ?
Parce que le lecteur va faire une nette distinction entre récit et dialogue. Parce qu'il va se mettre à ne lire que l'un des deux, et à occulter certains mots. Parce que, las de jongler entre les polices et les écritures, il va se contenter de lire le dialogue, ou la narration, et qu'il va passer à côté de la moitié de l'histoire. Votre écriture n'est pas seulement visuelle, c'est un assemblage de mots et ce sont les mots qui sont importants. Pas le design que vous leur donnez.
Bien sûr, le gras et l'italique peuvent être utilisés au cœur d'un texte, pour distinguer un mot ou une expression qui doit être appuyée à la lecture. Mais notez bien que cela fait encore partie d'usages relativement récents (quoi que leur implantation soit quand même nettement plus ancienne que celle du style théâtral) et qu'il ne faut surtout pas en faire trop. Vous pouvez également utiliser cette technique pour distinguer des coupures de journal introduites dans votre texte, des documents « officiels » selon votre fiction, des indications de panneau et d'annonces, d'affichages, ou encore des lettres et missives. Bref, des documents écrits, à l'intérieur de la fiction (mise en abyme, votre copine est là !).
Et puis je citerai également une exception pour le dialogue. Si vos personnages utilisent deux langues différentes et que techniquement, vous n'arrivez pas à faire de distinction, plutôt que d'ajouter à chaque fois « dit-il en anglais » ou de mettre en en-tête une indication de « dialogue en elfique », vous pouvez avoir recours à l'italique tout en rendant l'idée compréhensible sans note d'auteur l'indiquant. L'italique peut également servir à indiquer un unique mot dans une langue étrangère au milieu de votre dialogue normal, ou encore un dialogue que le protagoniste ne comprend pas ou dont il ne perçoit pas le sens – car il vient de se prendre un coup sur la tête, il est fatigué, il n'écoute pas, etc. -.
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Les défauts courants en matière d'introduction de personnage.
Avant toute chose : l'utilisation de la première personne du singulier peut être perçue comme une facilité, au départ, mais elle présente un énorme défaut. Au début, vous serez sans doute tenté d'adopter un certain raccourci qui est de changer de point de vue comme vous changez de personnage. C'est faisable, certains auteurs travaillant ainsi ont été publiés.
Mais attention. Il s'agit d'un recours exceptionnel, expliqué par la nature même de l'histoire envisagée. N'est pas Daniel Pennac qui veut, et le passage de la troisième personne à la première personne doit être dans un premier temps proscrit. De même que l'alternance des points de vue entre les différents personnages, surtout s'ils sont vos narrateurs. Ne vous considérez autorisés à utiliser ce genre de technique que lorsque vous maîtriserez les trois quarts des techniques présentées dans ce guide. Sans quoi, c'est bien simple : vous ne progresserez pas.
Et notez bien que les exceptionnels auteurs à avoir joué ainsi avec le feu ont alterné d'un chapitre à l'autre et ne se sont pas amusés à faire de la réécriture de scène. Même votre bien-aimée Stephenie Meyer a renoncé à son idée de réécriture façon Edward, et pourtant, son projet n'était pas totalement stupide.
La plaie la plus abominable, en ce domaine, et que vous devez ABSOLUMENT éliminer de vos écrit, c'est ce virus du P.O.V Machin qui se répand – mais quel fléau – sur le web. Si vous en voyez un quelque part, cela ne peut signifier que deux choses : soit l'auteur ne sait pas écrire, auquel cas il a besoin d'indiquer de manière non fictionnelle quel personnage va s'exprimer, car il aurait été incapable de vous le faire deviner par sa seule écriture, soit l'auteur est un très, très gros fainéant. J'en rajouterai une troisième : il se peut que vous ayez affaire à un débutant qui reproduit ce qu'il a vu ailleurs, ne sachant pas qu'il existe des alternatives. Dans tous les cas, lecteur, je vous conseille de passer votre chemin ou d'indiquer gentiment à l'auteur qu'il lui faudra un jour songer à s'exercer autrement, s'il ne veut pas rester éternellement embourbé dans sa propre médiocrité.
La nature aberrante du système P.O.V repose d'ailleurs dans son nom. Ceux qui l'utilisent savent-il seulement ce que l'abréviation signifie ? Pas tous. Car il s'agit d'une locution anglaise – même ici, notre belle langue passe à la trappe – : Point Of View, point de vue en français.
En bref, débarrassez-vous-en.
Mais, car il y a un mais, l'alternance des points de vue possède son propre intérêt : celui de donner un nouvel éclairage à une situation. Dans un récit mené à la troisième personne, il permettra de circuler d'un personnage à l'autre, d'introduire des méchants, de dévoiler des bribes d'intentions des uns et des autres en se décentrant d'un héros unique – les séries télévisées américaines adorent ce genre de pratique, comme dans Heroes, Le Trône de Fer, etc. – ou encore de maintenir un mystère sur la réciprocité d'une relation qu'il sera possible de briser par la suite, par le fameux changement de point de vue – je pense par exemple à Théo et Sixie dans l'excellent Réseau(x), ou encore à Petra dans le formidable Belles dans la Jungle –.
Venons-en à l'introduction de votre héros à plus proprement parler.
Il existe un certain nombre de choses qui caractérisent les débutants et qui sont à ne surtout pas faire, à moins que vous ne vous présentiez comme un auteur confirmé. Celui-ci, que je vais citer pour exemple, est le début typique de la personne qui écrit ses premières lignes :
« Je m'appelle Ravenia, j'ai quinze ans, j'ai de longs cheveux blonds avec une mèche bleu électrique
sur le côté droit, des yeux verts, des boutons sur le front,… et je suis une fille parfaitement banale. »
Là, je dirai que c'est le début qui est banal. Et affligeant. Avec une description pareille, votre Ravenia n'est pas banale. A ce propos, le mot « banal » est à chasser de tous vos écrits. Oubliez-le dès lors que vous touchez à un clavier. De même que le mot « ordinaire », « normal », et dans une certaine mesure, le mot « moyen ».
Commençons par le commencement dans cette analyse. Le prénom. Sommes-nous vraiment obligés d'apprendre le prénom de votre personnage dès la première ligne ? Est-il si essentiel à votre histoire que ne pas le connaître d'ici la fin du second paragraphe nous expose à des radiations nucléaires façon Fukushima ? A un abêtissement spontané ? A l'incompréhension totale de votre texte ?
Est-ce que votre prénom a un sens dans l'histoire ? Est-il probable qu'une Sakura soit européenne ou une Ravenia française ?
Est-il essentiel que l'on connaisse son âge ? Surtout si vite ? Qu'y a-t-il de capital derrière cette présentation digne d'une carte d'identité ou d'un portrait à un correspondant étranger ? La mèche bleue électrique caractérise-t-elle votre personnage au point d'en être essentielle ? Ne pourrait-elle pas être rousse, votre Ravenia ? La couleur de ses yeux va-t-elle révolutionner le monde ?
En quoi sa banalité nous intéresse-t-elle ? Si elle est banale, ce n'est pas un personnage, encore moins une héroïne. Il est inutile de nous parler d'elle. Elle n'a pas d'histoire, pas de futur, pas de passé. Elle ne nous touche pas. Harry Potter, Light Yagami ou encore Cosette étaient-ils banals ? Un personnage ne peut pas être banal par nature, car cela signifie qu'il n'a rien qui lui permette de vivre une aventure digne d'être narrée.
Et d'ailleurs, le mot normal en lui-même est ambigu car il signifie que rien ne distingue une personne de la masse. Or cela fait carrément d'elle une personne exceptionnelle (le Mr. Brown d'Agatha Christie !) car personne n'est « normal ». Tout le monde a un petit quelque chose qui le distingue des autres, même si l'on peut élargir cette idée en « faisant entrer les gens dans des cases » : ça s'appelle la personnalité.
« - Ravenia Heaven Locker ! s'exclama ma meilleure amie. Tu n'as pas fini ? »
Excusez-moi pour cet extrait frappant de réalisme.
Il y a vraiment des gens qui écrivent ça. Pourtant, vous avez beau créer une fiction, la cohérence et la logique ne sont pas interdites. Elles sont même très conseillées, si vous voyez ce que je veux dire. Qui, dites-moi qui interpelle une autre personne, une connaissance et amie de surcroît, en utilisant son prénom, son second prénom et son nom de famille ? Vous avez déjà fait ça ? Même sur le ton de la plaisanterie ?
Merci. Alors effacez-moi cette abomination avant que je me fâche.
A la limite, vous pouvez ajouter le nom de famille pour les discours officiels et les remises de diplômes. Mais même un inconnu qui présente un gros écart hiérarchique ne vous appellera pas Ravenia Locker. Vous serez Mademoiselle Locker peut-être, mais pas plus. Rappelez-vous que nous sommes francophones et que nous parlons comme tel.
Je ne compte pas vous faire un grand discours sur la manière de choisir un prénom de personnage. Souvenez-vous juste qu'il a été choisi par les parents, qu'il représente une culture (géographie, ethnie, religion, niveau social…), des références personnelles et une époque. Et que donc il existe des limites à l'absurdité.
Comme nous parlions de la présentation des personnages, je vais en retourner à leur description. Les gens aiment bien ça, la description, les détails pas très utiles mais qui remplissent une page supplémentaire sur le chapitre. Je parle évidemment des auteurs. Souvenez-vous qu'en écriture, il s'agit de dégager un essentiel et de se débarrasser de l'inutile. A moins que cela de serve à caractériser la personnalité de votre personnage, je me fiche de savoir que votre passant bousculé dans la rue soit un grand blond aux yeux bleus de vingt ans avec ce qu'il faut de musculature, une veste en cuir et des converses vertes, à moins qu'il occupe plus de ses dix lignes de description détaillée dans votre histoire.
Bref, tout le monde se fout de la couleur des yeux de vos vingt protagonistes à moins que ce ne soit un signe distinctif (les fameux yeux verts d'Harry Potter), donc merci de se limiter à l'essentiel. En plus, ce serait long à retenir. Gardez en tête que le lecteur est par nature fainéant et qu'il sautera le passage si cela ne l'intéresse pas.
Ensuite, à absolument éviter :
«Ensuite, parmi les amis de Ravenia, il y avait Ethan, qui était son meilleur
ami d'enfance et qu'elle connaissait depuis toute petite.
Ethan était un jeune homme timide et maladroit, qui rougissait quand une
fille lui adressait la parole mais qui était très intelligent et drôle par ailleurs.
Il n'aimait pas les spaghettis et était très loyal, bien que rusé quand le besoin
s'en faisait sentir pour protéger ses amis ou sa famille. »
Oh. My. Godasse.
Apprenez, les enfants, que lorsque vous écrivez, personne ne sera convaincu que votre Ethan est timide, maladroit, drôle, intelligent, loyal, rusé et continuez la liste selon vos préférences, tant que vous ne l'aurez pas montré. Comme ça, par exemple :
« - Hey, Ethan ! Tu n'aurais pas des spaghettis en rab ? demanda Abigaïl,
qui était une grosse morfale.
Ethan rougit.
-T…tu peux prendre c…ce que t-tu veux, bafouilla-t-il.
De toute manière, il n'aimait pas ça. »
Aw, c'est compliqué ! J'avoue que je m'amuse bien avec les exemples et que je collectionne les prénoms clichés des premières fics que j'ai pu lire sur internet. Ne manquent plus que les séries du type April, May, June et Jude…
Après, il va s'agir de garder la cohérence. Votre Ethan ne va pas s'énerver sur la première fille qui passe parce qu'elle a insulté Ravenia et lui cracher dessus ou la passer à tabac. Non souvenez-vous de votre fiche personnage, il va la fermer, parce qu'il est timide, que c'est une fille même s'il s'agit aussi d'une garce, et comme vous aviez décidé qu'il était rusé, il va éventuellement suggérer à Ravenia ou à sa meilleure amie une manière soit de calmer le jeu avec l'agresseur, parce qu'il n'est pas bon d'avoir des ennemis et qu'il est intelligent, soit de venger Ravenia sans qu'ils ne soient mouillés (parce que ça va faire avancer le scénario).
Ah oui. Les smileys et les notes d'auteur n'ont rien à faire à l'intérieur d'un texte. Sauf parodie.
Et le BUT de votre histoire, c'est de SERVIR le SCENARIO et d'aller JUSQU'AU BOUT. Donc tous vos personnages et toutes vos actions doivent être tournés vers cet unique but. L'exception à la règle, c'est l'anecdote drôle ou pas qui elle servira à mieux cerner les personnages et à détendre l'atmosphère après un épisode de suspense à haute tension. Bref, ça sert encore au scénario.
Que dire, que dire… chers auteurs débutants, puisque je viens de l'évoquer là, vous ne pouvez pas écrire d'histoire sans scénario. Il y a bien sûr quelques personnes à l'imagination débordante qui vous pondront une histoire au fil de la plume, mais d'un, ces personnes sont exceptionnelles et de deux, que font-elles lorsque l'idée qui suit se trouve avoir une incohérence avec ce qui précède ? Le fait d'écrire dans le fil de l'action n'offre aucun recul, amène à des romans-fleuves où les personnages avancent pour mieux reculer, s'emmêlent les pinceaux et se mettent à loucher sur Plus Belle la Vie et Les Feux de l'Amour, et où le sujet initial dérive, dérive… jusqu'à vous mener à tout en son contraire.
Ne croyez pas que les auteurs de thrillers ne savaient pas exactement qui était le tueur ou comment allait se solder leur intrigue dès leur premier chapitre. Sinon, comment sèmeraient-ils leurs indices sans se contredire ?
Pour les auteurs débutants, également, je tiens à rappeler que l'orthographe n'est pas une option, que les dictionnaires existent, que, si vous avez du mal à vous corriger, vous pouvez toujours relire votre texte « à froid » et après cela, demander les services d'une tierce personne bien intentionnée qui éliminera les abominations restantes (on l'appelle relecteur ou bêta-lecteur). Ce n'est pas une honte : Balzac était nul en orthographe et il s'en tire plutôt bien niveau postérité.
De même pour la grammaire, la conjugaison : le Bescherelle est votre ami et vous ne progresserez jamais si vous ne prenez pas conscience des fautes que vous faites et si vous ne prenez pas l'habitude de les traquer. Il n'y a pas de « je suis un crétin congénital de l'orthographe » : ça s'apprend. Par la pratique. Point.
« Je marcha dans la rue lorsque je glissa sur une peau de banane et je perda mes clés. »
Oui mes amis, ça n'existe pas.
Une petite règle de base de la conjugaison, puisque cette erreur est sans doute la plus courante de la « nouvelle langue française façon six-quinze ans » et qu'elle vous servira peut-être plus que si je me mets à disserter sur les doubles consonnes et la coupure des mots.
Première question : êtes-vous à l'imparfait ou au passé simple ?
Pour cela, passez à la seconde personne du singulier : « Tu marchais dans la rue lorsque tu glissas sur une peau de banane et tu perdis tes clés. » Le premier est donc un imparfait, le second un passé simple et le troisième… un verbe du troisième groupe, merci bien l'école primaire.
Et l'imparfait se conjugue comme ceci :
Je marchais
Tu marchas
Il marcha.
Et le passé simple se conjugue comme ceci :
Je marchai
Tu marchais
Il marchait.
Et le verbe perdre se conjugue ainsi au passé simple :
Je perdis
Tu perdis
Il perdit.
A noter qu'au présent, il se conjugue ainsi :
Je perds
Tu perds
Il perd.
Merci de noter où se trouvent les « s » et où ils ne se trouvent pas. Il n'y a aucune honte à se tromper. Il y en a à ne pas chercher à se corriger. J'ai très longtemps fait l'erreur de la première personne du passé simple et je n'en suis pas moins capable aujourd'hui de me débrouiller convenablement.
Je tiens également à écrire un rapide passage sur la ponctuation qui sera un peu plus traitée par la suite. Si la ponctuation existe et ne se résume pas à des virgules et des points, ce n'est pas pour rien.
Il faut se dire que les signes de ponctuation représentent des pauses réservées à la respiration dans un texte, dont la plus courte serait la virgule et la plus longue les points de suspension. Vous pouvez faire l'analogie avec les silences, en musique, qui vont de la pause au trois-quarts de soupir en passant par X nuances. A l'écrit, c'est pareil. La ponctuation existe et elle n'est pas faite pour les chiens. Il y a des - , … . : ! ? !? et même des espaces entre les paragraphes et des alinéas hors format web. Vous savez, ces trucs qui permettent de ne pas s'avaler dix lignes d'un coup et de respirer un grand coup à la fin tellement vous êtes soulagés d'en avoir fini.
Vous pouvez même isoler des phrases pour les mettre en valeur. Souvenez-vous de Bottero qui est peut-être le plus grand auteur jeunesse de ces dernières années. Et par opposition, dites-vous que Flaubert était un peu crétin de s'imaginer que tout le monde avait les capacités d'apnée d'une baleine blanche.
Enfin une chose, si vous aimez le vocabulaire et les nouveaux mots qu'on vous a enseignés la semaine dernière, souvenez-vous que tout le monde n'est pas sur un pied d'égalité, que votre lecteur, c'est tout le monde, et qu'il existe des nuances entre cœur et myocarde ou entre parent et géniteur, et qu'elles ne sont pas faites pour les autres. Vous devez utiliser le sens des mots, pas vous en gargariser. Votre but est de raconter (même si là on passe au niveau au-dessus).
Une petite dernière, niveau fautes d'accord : les participes.
Retenez : « Au passé composé, le participe s'accorde avec le sujet lorsque l'auxiliaire est être mais pas lorsque l'auxiliaire est avoir ». Il existe cependant une exception à ce non-accord en présence de l'auxiliaire avoir : la présence d'un pronom avant cet auxiliaire. Auquel cas le participe s'accordera au pronom introduit.
Illustration :
Elles ont mangé.
Elles sont mangées.
Il y avait un gâteau. Elles l'ont mangé.
Il y avait une tarte. Elles l'ont mangée.
Il y avait des biscuits. Elles les ont mangés.
Et voilà les trois quart des fautes de conjugaison d'éliminées.
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Dans cette partie :
-Introduction
-Jeune auteur/Vieil auteur
-Régularité
-Réalisme et vocabulaire (1)
-Lectures nourricières
-Dictionnaires
-Figures de style (1)
-Style théâtral
-Gras/Italique et cie
-Langues étrangères (1)
-Introduction de personnage pour débutant : erreurs courantes
-Point de vue (1)
-De la normalité
-Le prénom
-Apparence et description (1)
-Caractères et personnages (1)
-Premiers clichés : l'interpellation (1)
-Irruption de l'auteur dans le texte (1)
-Scénario v.s roman-fleuve
-Orthographe
-Passé simple, 1re personne.
-Ponctuation et mise en forme (1)
-Accord du participe passé
… et bien d'autres.
