Chapitre 1

Quand on veut se rendre à la Salle sur Demande

Cela faisait dix-sept ans qu'elle les avait, et cela faisait dix-sept ans qu'elle vivait l'enfer avec eux. Combien de fois n'avait-elle pas reçu de lettres de Poudlard lui disant que ses garçons n'en faisaient qu'à leur tête : ils allaient se promener dans la Forêt Interdite, ils se fichaient continuellement de leurs études et de leurs professeurs. En fait, ils faisaient toujours ce qu'ils n'avaient pas le droit de faire. C'était leur jeu favori : enfreindre les règles. Et aujourd'hui, ils allaient entendre parler d'elle. Molly Weasley entra dans l'infirmerie comme un ouragan et fit sursauter Madame Pomfresh, qui laissa tomber la pile de linge qu'elle avait dans les mains.

« FRED WEASLEY ! Cria Molly en fonçant vers son lit. »

Fred se réveilla en sursaut : il bondit et se retrouva assis en un quart de seconde. George, qui s'était endormi à côté de lui, manqua de tomber du lit, et Liliane, à moitié avachie sur la chaise, se redressa immédiatement, ahurie.

« Si tu n'étais pas mon fils, s'emporta Molly en faisant de grands gestes, je t'aurais tué ! »

Lorsque Fred et George réalisèrent qu'il s'agissait de leur mère, ils se détendirent. Liliane lissa ses vêtements en observant Molly Weasley : c'était une petite femme rousse et un peu ronde, habillée dans des vêtements tricotés et complètement dépareillés. Elle était très en colère contre son fils, mais Liliane sentit vite que c'était une femme aimante et un peu mère poule, prête à tout pour sa famille et ses enfants.

« Maman, c'est bon, soupira Fred en commençant à se moquer d'elle, tout va bien. »

« Tout va bien ?! S'étrangla Molly, parce que tout va bien quand on reste inconscient quatre jours d'affilé et qu'on a failli mourir ?! »

Fred leva les yeux au ciel et se laissa tomber contre son oreiller.

« Tu m'as réveillé, maman. Je suis très fatigué, tu sais. »

Molly pointa un doigt accusateur vers son fils :

« Ne joue pas à ça avec moi, Fred Weasley. Si tu es si fatigué, pourquoi avez-vous installé un campement dans l'infirmerie ? »

Elle désigna ensuite George et Liliane.

« Mais maman ! Je me sentais seul ! Se défendit Fred, je peux pas vivre sans George. »

« Arrête ! Le coupa Molly, et toi, George, je suppose que tu as dormi ici, à en juger par la tête que tu as ! Tu as encore transgressé le règlement ! Tu sais très bien que tu n'as pas le droit de quitter les dortoirs pendant la nuit ! »

« Mais maman, moi aussi je me sentais seul ! Je peux pas vivre sans Fred ! »

Liliane, qui se retenait de rire, finit par craquer. Elle se plaqua la main sur la bouche pour étouffer le bruit : elle ne voulait pas que Molly pense qu'elle se moquait d'elle. Mais la mère des jumeaux l'avait entendue. Elle posa ses yeux sur elle, et Liliane ne sut plus trop où se mettre.

« Liliane Durose, c'est ça ? Demanda-t-elle en se radoucissant un peu. »

Liliane hocha la tête en souriant timidement.

« Je commence à te connaître, dit Molly en souriant elle aussi, Fred et George m'ont beaucoup parlé de toi dans leurs lettres. »

Puis elle se tourna de nouveau vers ses deux fils :

« Vous, je ne veux plus aucun débordement jusqu'à ce que vous ayez passé votre ASPIC ! »

« Maman ! S'exclamèrent-ils à l'unisson. »

Molly leur fit signe de ne pas protester. Madame Pomfresh arriva alors et fut surprise de voir tout cet attroupement autour de Fred et les mines fatiguées des trois adolescents. Elle devina qu'ils venaient de passer la nuit ici, mais elle ne dit rien. Elle lança un regard entendu à Molly et donna un médicament à Fred, puis se retira.

« Papa n'est pas venu ? Demanda George en regardant l'étrange mélange verdâtre d'un œil douteux. »

Fred fit la grimace en le buvant.

« Non, dit Molly en s'approchant de Fred, il est au Ministère. »

Elle saisit les couvertures de son fils et commença à le border.

« Regarde ça, Fred, s'exaspéra Molly, tout est en bataille. Tu ne peux jamais rester tranquille, même quand tu es couché ! »

« Heu ... Maman, c'est bon, dit-il en la repoussant, je peux me border moi-même. »

« Qu'est-ce que papa fait au Ministère ? S'enquit George tandis qu'il allait border Fred. »

Fred lui donna un coup et George s'esclaffa.

« Vous deux ! S'énerva Molly, ne recommencez pas ! Vous me rendez folle ! »

Elle s'interrompit un moment avant de reprendre :

« Votre père est de garde au Département des Mystères, expliqua Molly, il rentre demain. »

Liliane plissa les yeux.

« Arthur Weasley ? Demanda-t-elle à tout hasard. »

Molly fit oui de la tête, puis son visage s'éclaircit :

« Tu es la fille d'Édouard Durose ! Le directeur du Département des Mystères. »

« Oui ... »

Les jumeaux se jetèrent un bref regard,et Molly se tourna vers eux sans rien ajouter :

« Vous deux : plus de bêtises jusqu'à Noël, compris ? Sinon, je peux vous jurer que votre père va en entendre parler, et ça va chauffer ! Fred, je t'ai apporté un petit quelque chose, et pour toi aussi George. Vous partagerez avec Liliane ! »

Elle sortit des gâteaux de son sac, et les garçons les regardèrent d'un œil affamé.

« Et ne me faites plus jamais un coup pareil ! »

Elle alla ensuite embrasser ses deux fils, puis elle fit un grand sourire à Liliane :

« Je suis très heureuse d'avoir enfin pu faire ta connaissance ! J'espère te revoir bientôt ! »

Enfin, elle tourna les talons, non sans quelques remontrances de dernière minute aux jumeaux. Alors qu'elle partait, George eut un sursaut et s'empressa d'aller la rejoindre. Il lui murmura quelque chose à voix basse. Molly semblait un peu réticente, mais George eut l'air d'insister, puis sa mère s'exclama finalement :

« D'accord, ça me ferait énormément plaisir. »

George sourit et remercia sa mère, puis revint voir Liliane et Fred. Ce dernier l'interrogea du regard, mais il l'ignora. Fred s'étira et ne tarda pas à remettre ses couvertures sans dessus-dessous. George bailla et s'étira lui aussi.

« On devrait remonter à la salle commune, dit George, on a une montagne de travail et le premier cours de l'AD cet après-midi. »

Fred avait les yeux rivés sur Liliane : elle avait de toutes petites cernes mauves.

« Ton père est directeur du Département des Mystère ? Demanda-t-il tout bas. »

Liliane hocha la tête.

« Ça m'étonne pas, dit George, c'est le plus glauque. Tu sais pourquoi il est directeur de ce Département ? »

« Il doit forcément y avoir une raison, siffla Liliane, mais je ne l'ai pas encore trouvée. »

« On y va Durose, je suis crevé, enchaîna George en baillant de nouveau. »

Fred, lui, ne cessait de fixer Liliane : il avait du mal à croire que derrière ce visage se cachait une force incontrôlable, et en partie maléfique. Et pourtant, elle était là, elle faisait partie intégrante même de la jeune fille. George et Liliane dirent au revoir à Fred et lui promirent de venir le voir dans la soirée, puis ils quittèrent l'infirmerie en adressant un sourire angélique à Madame Pomfresh.

Fred se retrouva seul dans son lit, les gâteaux de sa mère sur les genoux. Il en croqua un sans plus tarder. Tandis qu'il se régalait, il repensait à ce qui s'était passé : il repensait à l'histoire de Liliane, mais aussi aux rêves qu'il avait faits pendant qu'il était inconscient. Il y avait d'ailleurs un lien très explicite entre ses rêves et l'histoire de Liliane ; c'était en posant sa main sur son front qu'elle les lui avait transmis. Mais il avait tout de même beaucoup de mal à s'imaginer une Liliane enragée et prête à assassiner le premier venu. Ça faisait froid dans le dos, il n'y avait pas de doute, mais il y avait aussi quelque chose d'admirable : il fallait avoir eu la force de se dresser contre les puissances maléfiques, et un père aussi fou que dangereux. Un père qui ne méritait pas mieux que d'aller brûler en enfer, ou de se faire dévorer vif par un loup garou. Comment était-ce possible de livrer sa fille au pire des bourreaux ? Surtout Liliane. Elle était attachante, et elle avait aussi un don pour se mettre dans des situations embarrassantes et ne pas respecter le règlement. Mais au-delà de ça, il y avait aussi son côté sensible et cette jolie lueur de vie qui brillait parfois très fort dans ses yeux ...

Fred s'arrêta un moment de mâcher. Pourquoi donc était-il en train de penser cela ? C'était n'importe quoi ! Mais sérieusement, pensait-il, elle était juste une jolie jeune fille un peu détraquée, rien de plus. Il sembla s'accoutumer de cette explication, et il se remit à manger. Il fallait juste ne pas la mettre en colère, et ils avaient risqué gros en lui prenant sa potion. Potion qui d'ailleurs, avait failli le transformer en Liliane, version mangemort hybride. Cependant maintenant, il comprenait d'où venaient ses changements d'humeurs si brutaux et ses choix parfois un peu trop radicaux.

Il ne voulait pas attendre le lendemain soir pour sortir de l'infirmerie : il voulait assister au premier cours de l'AD, et puis, il s'embêtait sérieusement sans son frère. Il n'avait que lui-même pour plaisanter : non pas qu'il ne se trouvait pas drôle, mais c'était plus marrant avec George. En plus de cela, il n'avait pas titillé Liliane depuis une semaine. Mais il allait quand même falloir qu'il se méfie, il ne voulait pas finir en bouillie, ou avec un membre en moins pour l'avoir mise en colère. Il se redressa pour s'assurer que Madame Pomfresh n'était pas dans les parages. Il se leva, s'habilla rapidement, puis sortit discrètement de l'infirmerie.

« Monsieur Weasley, fit la voix de l'infirmière, vous n'espériez pas vous en sortir de cette manière ? »

Fred ferma les yeux : si, il espérait sincèrement s'en sortir de cette manière.

« Il me semble que votre mère veux que vous restiez sage, non ? Continua Madame Pomfresh. »

Fred soupira, puis retourna vers son lit d'un pas traînant.


George s'était endormi sur ses devoirs. Il avait la tête posée sur son avant-bras droit, l'autre main tenait encore sa plume, en suspend au-dessus d'un parchemin taché d'encre. En face, Liliane n'était pas mieux: elle piquait du nez sur son cours de botanique et avait du mal à garder les yeux ouverts. Elle somnolait presque, elle finit même par fermer son livre et poser sa tête dessus.

« Toi aussi tu dors ... ? Murmura George sans ouvrir les yeux. »

« C'est ce qui va finir par arriver, répondit Liliane, la voix traînante. »

George se releva finalement et appuya sa tête sur sa main, non sans bailler à gorge déployée.

« Voilà ce que ça donne, quand tu nous racontes des histoires qui font peur, plaisanta-t-il, on dort pas de la nuit, et après, on traîne toute la journée. »

Liliane rit, mais resta la tête collée à son livre.

« C'est fou, enchaîna George, à quel point les choses s'éclaircissent. Je comprends mieux maintenant pourquoi tu traînais avec Malefoy : t'avais pas besoin de te cacher, avec lui ... »

Liliane acquiesça doucement.

« Mais je comprends pas pourquoi tu as pensé qu'il fallait te cacher avec nous ... Enfin, on est quand même plus cool que Malefoy, Fred et moi ! »

Liliane redressa la tête et se frotta les yeux.

« C'est parce que je pensais qu'il pouvait me comprendre. Et puis, avec lui, j'avais pas besoin de trop parler pour qu'il saisisse les choses. »

George fronça les sourcils.

« T'as l'impression qu'on comprend rien ? »

« Mais non, pas du tout, mais vous, c'est différent : je vous connaissais moins que lui, et je pense pas que vous viviez avec des mangemorts ... »

« Non, c'est vrai, admit George. »

Il se balança sur sa chaise, songeur.

« Si je t'embête, finit-il par demander, tu vas me manger ? »

Liliane ouvrit des yeux surpris.

« Je vous mange habituellement ? »

George eut un sourire malicieux:

« Non, mais je préfère être sûr. »

Il posa ensuite ses deux bras sur la table et regarda Liliane droit dans les yeux :

« Durose, tu t'es déjà demandée pourquoi t'arrivais à communiquer avec Fred ? »

« Évidemment, répondit immédiatement Liliane, mais j'ai pas vraiment trouvé. J'ai appris qu'il s'agissait d'une relation privilégiée de nos esprits, qui en général, s'établit après un contact physique. Mais jamais j'avais touché Fred lorsque ça s'est manifesté pour la première fois.

« T'as vraiment pensé à tout ? Insista George. »

« Je crois oui, pourquoi ? T'as une idée ? »

George eut un sourire en coin.

« J'en ai une, oui ... »

Liliane leva un sourcil, attendant que George lui explique, mais il se contentait simplement de la regarder en souriant étrangement.

« Alors quoi ? S'impatienta Liliane. »

George s'esclaffa.

« Tu m'énerves, George Weasley, dit finalement Liliane en le toisant. »

« Je sais, lui répondit-il sans se départir de son sourire énigmatique. »

Il attendait juste qu'elle lise dans ses pensées. Il le lui aurait bien dit, mais il voulait l'embêter jusqu'au bout, et faire durer un peu le plaisir.

« Me carbonise pas de l'intérieur, quand même ! Rigola-t-il. »

Liliane se concentra un peu pour capter ses pensées. Puis sa bouche s'ouvrit tellement grand qu'elle aurait pu gober tous les moucherons de la salle commune.

« Non mais ! S'indigna George, je suis vraiment le seul à le voir ou vous faites tous les deux exprès ? »

Liliane secoua la tête.

« Je pense que tu cherches très loin, George, dit-elle, je le saurais, si j'étais amoureuse de ton frère ... »

« C'est drôle, il m'a dit exactement la même chose que toi. »

Liliane le regarda un moment sans rien dire, puis se contenta simplement de hausser les sourcils en soupirant.

« Je m'avoue pas vaincu, Durose ! Chantonna George en se levant, je vous prouverai à tous les deux que j'ai raison ! »

Il allait tourner les talons, mais il ajouta :

« Enfin non, murmura-t-il en se penchant vers Liliane avec un sourire charmeur, vous le découvrirez par vous-même, mes petits ingénus. »

George mima de lui souffler un baiser, puis il lui fit un clin d'œil et disparut dans les dortoirs.

Alors ça, c'était la meilleure ! De toutes les blagues que George et son frère avaient faites depuis qu'elle les connaissait, celle-ci était de loin la plus farfelue ! Amoureuse ! Amoureuse de Fred Weasley ! Un comble !

Liliane se leva quelques minutes après et rassembla ses affaires : le cours de l'AD allait débuter dans une heure, et ils devaient arriver séparément pour ne pas éveiller les soupçons d'Ombrage et de sa Brigade Inquisitoriale. Tout en remontant ses affaires, Liliane se demandait si Drago pouvait être capable de la dénoncer s'il découvrait un jour. Elle ne pensait pas vraiment. Car même s'ils s'étaient tous les deux faits une raison, ils ne se détestaient pas, bien au contraire. Les sentiments de Liliane vis-à-vis de ce garçon étaient très mitigés : elle avait eu un léger faible pour lui durant les trois premiers mois, mais son absence de courage et de personnalité la rebutaient. Et il manquait aussi cruellement de fantaisie et de légèreté.

Lorsqu'elle eut rangé ses affaires, Liliane redescendit dans la salle commune, toujours en débat avec elle-même sur les qualités et les défauts de Drago Malefoy : il était très mignon, mais pas assez naturel. Il se surveillait trop, il ne se laissait jamais aller à rire pleinement, complètement. Mais à bien y réfléchir, Liliane non plus n'osait pas, sauf quand elle était avec les jumeaux. Fred et George étaient son échappatoire, ceux avec qui elle était certaine d'oublier qui elle était. Et maintenant qu'ils savaient, ce sentiment s'était renforcé, parce que son secret était partagé. Ils savaient à quoi s'en tenir, mais ce n'était pas pour autant qu'ils avaient changé d'attitude vis-à-vis d'elle. Ils l'avaient pris avec philosophie et recul, encore une fois. Et pourtant, Liliane se demandait si elle méritait vraiment des amis comme eux. Parce qu'elle savait à quel point elle pouvait être caractérielle, voire même blessante. Alors qu'eux respirait la joie de vivre et n'étaient jamais désagréables à l'égard de qui que ce soit. Mais quand même, elle ne comprenait toujours pas que George soit venu lui dire qu'elle était amoureuse de son frère. C'était vrai qu'ils avaient une connexion très particulière, unique même, mais il s'agissait simplement d'un parfait accord de leurs esprits. Du moins, elle pensait que c'était ça. Après tout, elle n'en savait rien, et il y avait peut-être bien quelque-chose de plus fort entre eux. Quelque chose qui aurait commencé par cette fois où Fred avait réussi à entendre Liliane comme elle l'entendait, un dimanche d'octobre. Liliane se mordilla la lèvre. C'était vraiment simpliste comme explication. George n'était vraiment pas allé chercher loin.

Elle sortit de la salle commune pour se rendre à la Salle sur Demande, et quelle fut sa joie de voir Ombrage, toujours aussi souriante, trottiner vers elle.

« Miss Durose, dit-elle de sa voix aiguë, pourriez-vous me suivre jusqu'à mon bureau ? »

Liliane quitta son for intérieur et interrogea son professeur du regard.

« Vous n'avez pas le choix, de toute manière, caqueta Ombrage en se retournant. »

Liliane serra les dents : qu'avait-elle encore fait ? Elle suivit néanmoins Ombrage d'un pas trainant jusque dans son bureau. C'était la première fois qu'elle y entrait, et elle ne cacha pas son dégoût pour les horribles chats qui lui miaulaient dessus à travers leurs assiettes. Il y avait des petits napperons roses partout, et la pièce empestait le parfum.

« Asseyez-vous, je vous prie, dit Ombrage en prenant place derrière son bureau. »

Liliane s'assit sur le fauteuil aux motifs floraux, interdite.

« Vous avez des petits yeux, Miss Durose, débuta Ombrage sans cesser de sourire. »

Elle se servit une tasse de thé. Son calme exagéré et son petit air constamment réjoui agaçaient Liliane au plus haut point. Elle prit le même ton qu'elle et lui répondit :

« Ils ont toujours été petits. »

C'était évidemment faux : Liliane avait de grands yeux en amande. Le sourire d'Ombrage se crispa tandis qu'elle avalait sa première gorgée de thé. Liliane pria pour qu'elle s'étouffe avec, ceci en lui adressant un sourire angélique.

« Je ne vous ai pas vue avec Monsieur Malefoy depuis un moment, Miss Durose, reprit Ombrage. »

Liliane ne cilla pas : elle n'abandonna pas ses airs de Sainte Nitouche, et lui répondit le plus naturellement du monde :

« On s'est pas pas vus de la semaine, rien de plus. »

« Oh vraiment, feignit de s'étonner Ombrage, comme c'est dommage. La convalescence de Monsieur Weasley vous pesait beaucoup, c'est cela ? Vous n'aviez plus de temps à accorder à votre camarade. »

Immonde dindon en tutu rose.

« Je pense pas, répondit Liliane en s'enfonçant dans son fauteuil et en croisant les jambes, que ça vous concerne réellement. »

« Oh, mais bien au contraire, très chère. »

Les mains de Liliane se crispèrent sur les accoudoirs.

« On ne néglige pas ainsi ses amis, Miss Durose, vous devriez le savoir. »

Liliane ne broncha pas, mais elle sentait l'énervement monter en elle. Ombrage la provoquait, il ne fallait pas qu'elle cède.

« Surtout Monsieur Malefoy, poursuivit Ombrage, un garçon si charmant, avec tellement de principes et ... »

« Pourquoi vous vouliez me voir ? La coupa Liliane. »

Le sourire d'Ombrage s'élargit et elle but de nouveau dans sa tasse.

« Pour m'assurer que vous alliez bien, Mademoiselle, votre père m'a demandé de veiller sur vous, vous savez, et cela le blesse énormément de ne pas avoir de vos nouvelles. »

Liliane serra encore plus ses mains sur les accoudoirs : ses phalanges en devinrent blanches.

« Vraiment ? Articula-t-elle. »

Ombrage se pencha vers elle et prit son air de circonstance :

« Mais que croyez-vous, Miss Durose ? Demanda-t-elle tout bas, quel doit-être le sentiment d'un père aimant lorsque sa fille décide de n'en faire qu'à sa tête. »

La tasse qu'Ombrage tenait dans sa main vola en éclat, répandant du thé et des morceaux de porcelaine partout sur son bureau.

« Quelle poigne, dit-elle en fixant Liliane droit dans les yeux. »

« Je vous le fais pas dire, cracha cette dernière. »

Ombrage donna quelques coups de baguette magique pour nettoyer tout ça, puis se resservit une autre tasse d'un air désintéressé. Liliane la regardait faire, tout en essayant de ne pas se laisser emporter par l'énervement qui avait maintenant fait place à la colère.

« Je disais donc, Mademoiselle, que vous devriez montrer à votre cher père que vous tenez encore à lui, mettez-vous seulement à sa place. Je suis certaine qu'il attend Noël avec impatience, qui plus est. »

La seule chose qu'Édouard Durose attendait, c'était que sa fille ne soit plus qu'un vulgaire pantin malléable à souhait. Eh bien ! Il pourrait attendre longtemps.

« Je suis pas venue ici pour que vous m'appreniez à bien me comporter avec mon père, siffla Liliane sans quitter Ombrage des yeux. »

« Mais je ne fais que vous aider, insista Ombrage en posant la main sur son cœur, vous savez à quel point cela me tient à cœur. »

Garce ! Garce ! Garce !

« Heureuse de le savoir, cingla Liliane, maintenant, si vous n'y voyez pas d'inconvénients, je m'en vais, transmettez mes salutations à ce très cher Édouard Durose ! »

Liliane se leva avec empressement et se dirigea vers la porte, mais elle se ferma sous son nez.

« Miss Durose, dit Ombrage, revenez vous asseoir immédiatement. »

Son ton avait perdu de sa légèreté, et Liliane le nota. Elle serra les poings et les enfonça dans ses poches, avant de retourner s'avachir dans le fauteuil, exagérant sa négligence et son exaspération.

« Que dirait Édouard, s'il vous voyez. »

« Toujours la même chose ! Répondit Liliane, que je suis bonne à rien et que je lui ai toujours fait honte ! »

Ombrage esquissa un sourire.

« Je suis certaine qu'il aimerait beaucoup savoir ce que vous venez de me dire, Miss Durose. »

Liliane ne répondit rien, elle bailla sans même prendre la peine de mettre la main devant sa bouche.

« Vous n'avez pas encore testé mes plumes, Miss Durose, n'est-ce pas ? Demanda Ombrage en posant une plume rouge sang et un parchemin en face de Liliane. »

La jeune fille baissa les yeux sur la fameuse plume rouge : c'était donc ça son seul argument ? L'imprimer de sa méchanceté et de sa cruauté ?

« Je m'en ferais une joie, s'exclama Liliane en saisissant la plume, que dois-je écrire, très chère professeur ? »

Ombrage la fusilla du regard, et Liliane esquissa ce même sourire mi-doux, mi-mauvais.

« Vous allez écrire, dit Ombrage d'une vois sèche, je dois respecter mes professeurs ».

Liliane leva la tête vers elle avec dédain :

« Vous m'avez faite venir pour me pousser à bout et ensuite me punir comme vous avez puni tous les autres. Et vous m'avez fait venir pour pouvoir dire à mon père à quel point je suis détestable et dévergondée. »

Ombrage se leva et fit lentement le tour de son bureau. Puis elle vint se placer à côté de Liliane et se pencha vers elle :

« Vous comprenez vite, Liliane, même lorsque l'occlumentie vous résiste. »

Une des assiettes sur laquelle un chat faisait sa toilette alla se briser au sol.

« Vous êtes énervée ? Demanda innocemment Ombrage, et bien pour la peine, vous écrirez : Je ne dois pas m'énerver inutilement ».

S'en était trop. Les mains de Liliane commencèrent à trembler, et elle les appuya sur le bureau de toutes ses forces pour stopper les tremblements. Ombrage retourna s'asseoir en face d'elle et reprit sa tasse, tout en attendant que Liliane commence ses lignes. Après avoir inspiré plusieurs fois, elle prit la plume et commença à écrire. Elle écrivit plusieurs fois les mêmes lignes, les mêmes mots, et ils commencèrent à se graver sur le dos de sa main. Cela lui picotait, mais elle avait connu pire. Alors, elle ne broncha pas, elle ne montra même pas qu'elle avait mal. Elle espérait seulement qu'Ombrage ne le remarquerait pas.

Elle avait rempli tout le parchemin : cela lui avait pris une demi-heure, le cours de l'AD devait avoir commencé. Elle redressa la tête, posa la plume, puis se leva :

« J'ai terminé, dit-elle en montrant le dos rougi de sa main, j'espère que vous remplacerez l'assiette que je vous ai cassée par mon parchemin ! »

« Vous ai-je donné l'autorisation de quitter mon bureau, Miss Durose ? »

Liliane la fixa d'un œil narquois, puis lui adressa un sourire plein d'amertume :

« Non. »

Sur ce dernier mot, Liliane quitta le bureau du professeur Ombrage en claquant la porte.

Ombrage était abasourdie, mais elle avait maintenant du pain sur la planche : elle allait raconter à Édouard ce qui s'était passé, et Liliane allait commencer à avoir de sérieux problèmes. Il était temps : Poudlard n'était pas fait pour les fous dangereux. Ombrage se pencha et saisit le parchemin de Liliane. Elle plissa les yeux pour déchiffrer sa petite écriture fine. Elle lut plusieurs fois la punition de haut en bas, puis de bas en haut. Pourtant, il s'agissait bien de ça. Pendant une demi-heure, Liliane avait écrit afin de garder comme tout souvenir de cette heure de retenue :

« Je ne dois pas écouter Dolores Ombrage ».


Il n'y a rien de mieux que de rechercher une salle qui n'existe que quand on en a besoin. Que devait-il faire pour trouver l'entrée : se balader dans tout Poudlard en rasant les murs, ou peut-être y coller l'oreille pour entendre quelque-chose ? Il connaissait tous les passages secrets de l'école, mais jamais il n'avait entendu parler de cette fichue Salle sur Demande. Il pouvait tout aussi bien l'appeler à haute voix ou même s'adresser au poteau en face de lui : rien n'y faisait, il ne la trouvait pas. Et ce n'était pas comme s'il ne la demandait pas, justement.

Il s'appuya contre le mur et croisa le bras en soupirant bruyamment. Il fronçait les sourcils, contrarié. Puis il entendit des pas à l'autre bout du couloir, alors il prit un air détaché et se mit à siffloter en jouant avec ses bulles baveuses. Alors qu'il en enfournait une dans sa bouche, il vit Liliane s'approcher. Elle avait le regard rivé au sol et serrait très fort sa main gauche. Lorsqu'elle leva les yeux, son visage s'éclaira. Fred avala sa bulle baveuse et lui fit son petit sourire en coin.

« Perdu sans ton frère ? Demanda Liliane en arrivant à sa hauteur. »

« J'ai l'impression d'être amputé quand il est pas là, répondit Fred en scrutant la main gauche de Liliane. »

Liliane ne savait pas ce que c'était d'être amputé d'un membre. Elle espérait d'ailleurs ne jamais le savoir, elle savait suffisamment de choses.

« Qu'est-ce que t'as à la main ? Demanda Fred en se redressant. »

Sans plus tarder, Liliane fourra précipitamment sa main dans la poche de son jean.

« Ma main ? »

Fred lui attrapa le bras, mais elle se dégagea.

« Fred, arrête ! S'exclama-t-elle en reculant, tout va bien ! »

L'interpellé s'arrêta net, mais pas parce que Liliane le lui avait demandé.

« Mais Lili, dit-il avec un sérieux qui ne lui était pas ordinaire, je ne suis pas Fred. »

Liliane croisa machinalement les bras en levant les sourcils.

« Évidemment que si, t'es Fred Weasley, et quelque-chose me dit que tu es parti de l'infirmerie en catimini. »

Elle lui rendit son sourire en coin, mais Fred ne broncha pas.

« Non, moi c'est George. »

Liliane secoua la tête :

« Non, tu es Fred, je le sais. »

Il en profita pour attraper sa main et la retourner.

« Ah ! Ah ! S'exclama-t-il, triomphant, je t'ai eue, Lili. »

« Peut-être, mais t'es pas George pour autant. »

Fred ne répondit rien et porta son attention sur sa main. Ses yeux s'agrandirent et il s'écria :

« Géant ! Jamais j'aurais eu idée de faire ça ! Elle s'en est pas rendue compte ? »

Liliane fit non de la tête.

« Tu vas avoir des problèmes, Lili, reprit-il, et ça va pas être tendre. »

« Je sais, répondit-elle plus bas, mais qu'est-ce que tu veux ? C'était plus fort que moi.»

Elle eut un petit rire en terminant sa phrase.

« Pourquoi t'as été punie ? »

Liliane cessa immédiatement de rire.

« Parce que mon père le lui a demandé, et elle a profité du fait que je vois plus Drago pour me mettre le grappin dessus. Quand je vais rentrer à Noël, ça va chauffer à la maison ... »

Alors qu'elle parlait, Liliane se rendit compte que Fred tenait toujours sa main dans la sienne. Il s'en rendit compte au même instant, et vit que l'expression du visage de Liliane avait changé. Il la lâcha sans plus tarder, confus.

Confus ? Lui, confus ? Il s'inquiéta : c'était bien la première fois qu'il était mal-à-l'aise avec une fille.

Liliane, elle, suivait tout ce qu'il pensait attentivement, voire même avec intérêt. Il était évidemment hors de question de repenser à ce que George lui avait dit.

« George t'as dit quelque-chose ? »

Liliane pinça la bouche : elle n'était pas habituée à ce que les autres lisent en elles.

« Tiens, souffla Liliane, tu vois, t'es pas George ... »

Fred avait une expression qui ne lui était pas habituelle : il n'avait plus son petit air narquois, il semblait plutôt surpris. Il fixait Liliane, interrogateur.

Liliane elle, commença à prendre vraiment conscience que dorénavant, quelqu'un avait accès à son esprit comme elle avait accès à celui des autres.

Fred, lui, prit conscience qu'il y avait peut-être une différence entre lui et son frère.

Mais tous deux se dirent alors que George voyait peut-être juste.

A ce moment-là, la Salle sur Demande apparut.