Bonjour à tous !

J'ai connu un petit passage à vide niveau imagination après ma dernière fic, mais me revoici. Voici donc la première partie de ma nouvelle fic.

Je prévois deux chapitres, pas plus ! Je suis en outre en train de reprendre une des fics stargate que j'ai publiée en 2002. Elle devrait être en ligne d'ici peu.

Enjoy !

oOoOoOo

Tout commença par un message de Castle.

Kate décolla la tête de l'oreiller en entendant la sonnerie familière de son téléphone. Son cerveau embrumé par le sommeil parvint à localiser l'appareil sur la table de chevet située de l'autre côté du lit. Elle se pencha par-dessus Josh qui se réveilla en sentant sa présence. Le chirurgien interpréta mal la position de Kate et il se mit à l'embrasser dans le cou.

- Josh, ce n'est pas le moment !

Il haussa les sourcils alors qu'elle s'adossait contre la tête de lit, son portable à la main. Josh étouffa un bâillement, se pencha et posa un tendre baiser sur l'épaule de Kate. Il leva les yeux vers elle et remarqua ses sourcils froncés.

- Tu dois y aller ?

Elle tourna la tête vers lui.

- Je... oui.

- Encore un meurtre ?

Elle parut embarrassée.

- Non. Mais je dois y aller quand même.

Elle se faufila hors du lit alors que Josh la regardait, appuyé sur un coude.

- Tu vas me dire ce qui se passe ou je dois te torturer ?

Elle tourna la tête et sourit d'un air rassurant.

- Il n'y a rien de grave ; un collègue a besoin de moi pour parler d'une affaire.

- A 8h00 du matin, un dimanche, alors que tu n'es même pas en service ?

Kate haussa les épaules dans un geste d'impuissance et disparut dans la salle de bains.

Josh avisa le téléphone que Kate venait de reposer sur la table de chevet. Il mourrait d'envie de lire le message qu'elle avait reçu, mais il savait qu'il ne devait pas.

Josh Davidson ne faisait pas ça. Surtout pas à Kate. Il la respectait bien trop.

Il entendit l'eau couler dans la salle de bains et il se précipita hors du lit, se saisit du téléphone de Kate et lut le dernier message qu'elle avait reçu. Il n'avait jamais vraiment pu résister à sa curiosité.

J'ai besoin de vous voir. R.

Au même moment, Kate réapparut dans la chambre.

- Je ne sais pas combien de temps je...

Elle s'arrêta net devant la scène que lui offrait Josh. Il la fixa, le téléphone toujours dans sa main, l'air perplexe.

- Pourquoi ne pas m'avoir dit que c'était Castle ?

- Josh ! répondit-elle en colère.

Elle s'approcha de lui et lui arracha le portable des mains.

- C'est mon téléphone, tu n'as pas le droit de...

- Si je l'ai fait, coupa-t-il, c'est uniquement parce que tu avais l'air de cacher quelque chose !

Kate était sur le point de hurler, mais elle se ressaisit et prit une profonde inspiration.

- Je ne t'ai pas dit que c'était Castle précisément pour éviter ce genre de scène.

Josh s'était levé ; il lui tournait le dos. Lui aussi essayait de rester calme, mais sa voix trahissait une certaine tension.

- Alors il t'appelle et toi, tu accoures ! Tu préfères aller le retrouver plutôt que de rester ici avec moi, alors que nous ne nous voyons jamais !

Depuis quelques semaines en effet, ils se voyaient peu. Pour ainsi dire, pas du tout. La plupart de leurs conversations se faisait par le biais du téléphone et elles ne duraient généralement que quelques minutes. Il était de garde quand elle n'était plus en service, et elle était au commissariat lorsqu'il était libre.

- Josh, ce n'est pas vrai...

Il se tourna lentement, lui offrit un triste sourire et se dirigea vers la porte de la chambre.

- J'en ai assez Kate.

Il s'arrêta dans l'embrasure ; sa voix n'était plus qu'un murmure.

- Assez d'avoir l'impression que quoi que je fasse, je passerai toujours après lui.

Kate ouvrit la bouche mais elle ne dit rien. Josh sortit de la chambre après avoir attrapé ses vêtements et quelques minutes après, elle entendit sa porte d'entrée se refermer en claquant.

oOoOoOo

Castle attendit une réponse qui ne vint pas. Il regarda sa montre : 8h20. Peut-être qu'elle dormait encore ? Après tout, c'était dimanche et elle n'était pas en service. Il prit son ordinateur portable et relut la dédicace qu'il avait écrite tard dans la nuit. Il ouvrit sa boîte mail, tapa un court message, joignit le document et envoya le tout à Black Pawn. Un léger sourire flotta sur ses lèvres. Quelle que soit l'issue de leur conversation, cette dédicace resterait celle du tome à paraître. Il referma l'ordinateur et le posa sur son bureau au moment où l'on sonnait à la porte. Il ne lui fallut que quelques minutes pour rejoindre l'entrée du loft et ouvrir.

C'était Kate.

Kate Beckett se tenait sur le pas de sa porte un dimanche matin, à 8h20, uniquement parce qu'il le lui avait demandé. Elle semblait nerveuse, mais elle était là. Ils se sourirent presque timidement et il s'effaça pour la laisser entrer.

- Un café ? demanda-t-il.

Elle acquiesça en retirant sa veste et elle le suivit dans la cuisine. Castle se tourna vers elle en lui tendant une tasse. Elle plaça ses mains sur la céramique et ferma les yeux ; désormais, ce geste lui rappelait sa dernière conversation avec Raglan et la ramenait invariablement aux événements qui en avaient découlé. Elle les rouvrit et son regard se perdit dans les volutes de vapeur qui s'élevaient de la tasse.

Uand il l'avait vue placer ses mains autour de la tasse et fermer les yeux, Castle avait tout de suite repensé à Raglan, lui aussi. Il s'était surtout souvenu de la terreur qui l'avait envahi quand il avait vu tout ce sang sur le pull de Beckett. Soudain, ses yeux s'arrêtèrent sur un détail qu'il n'avait jusque-là pas remarqué. Un détail qui ornait qui ornait l'annulaire gauche de Kate. Il lui avait fallu quelques secondes pour réfléchir, mais il en était venu à la conclusion que c'était récent. Si elle avait porté cette bague auparavant, il l'aurait remarquée. Ainsi, pensa-t-il, il était trop tard. La conversation qu'il voulait enfin avoir avec Kate n'avait plus lieu d'être. Il avait perdu la partie et il fallait qu'il l'accepte, aussi douloureux que ce fut.

Kate sortit de ses pensées et lui sourit.

- Alors, vous vouliez me parler ?

- Oui ! s'exclama-t-il avec un enthousiasme trop marqué pour être franc. Voilà, j'ai terminé le dernier tome de Nikki Heat et je tenais à vous remettre la version définitive du manuscrit en mains propres !

Il joignit le geste à la parole et posa le manuscrit devant elle. Elle haussa les sourcils.

- Et vous me faites venir chez vous un dimanche matin pour ça ? demanda-t-elle, malicieuse, en portant la tasse à ses lèvres.

Le visage de Castle devint grave.

- Pour ça et surtout pour vous dire que je mets fin à notre partenariat.

Kate reposa la tasse, choquée. Elle battit plusieurs fois des paupières puis se fendit d'un sourire.

- Ok, très drôle, Castle. J'ai failli marcher.

Son sourire s'effaça quand elle vit que l'écrivain conservait son air grave.

- Je suis sérieux, Kate.

Elle ouvrit la bouche mais ne parla pas. Elle essayait de comprendre ce qui avait pu motiver cette décision, mais elle n'y arrivait pas.

- Et vous m'annoncez ça comme ça, sans m'en parler avant ?

Sa voix était neutre. Il ne fallait pas qu'elle se fâche ; il allait lui avouer que c'était une plaisanterie.

Il devait le faire.

Mais à la place, il ne répondit pas. Ce qu'elle ignorait, c'est qu'il venait à peine de prendre sa décision. La savoir avec Josh était déjà difficile, alors la savoir liée à lui pour le restant de ses jours...

Elle s'était levée du tabouret et le regardait, bouché bée.

- Castle...

Elle avait murmuré son nom avec ce ton si spécial qui n'appartenait qu'à elle. Ce ton qui, pensait-elle, faisait passer tout ce qu'elle ressentait pour lui, mais qui n'était pour Castle qu'un supplice tant il était intime. Il ferma les yeux et baissa la tête. Elle le regarda quelques secondes d'un air triste, puis lui tourna le dos, attrapa sa veste et sortit de l'appartement.

oOoOoOo

Il était passé au commissariat le lendemain en fin d'après-midi, pour faire ses adieux.

Elle avait fui les lieux dès qu'on lui avait annoncé sa présence.

La morgue était un lieu idéal pour se cacher. Il permettait de disparaître de la vue de Castle tout en se donnant bonne conscience. Après tout, peut-être avait-elle réellement besoin de s'y rendre pour continuer l'enquête ? Elle nota mentalement que sans la présence de Lanie, elle n'avait rien à faire à la morgue et que par conséquent elle ne trompait personne, mais elle ne pouvait pas affronter le regard de l'écrivain.

Il la quittait.

Sans préavis.

Elle s'assit sur une des tables d'autopsie et se mordilla les lèvres en fixant un point sur le sol. Elle redressa la tête au son de l'ascenseur qui s'ouvrait. Lanie en sortit, un air ravi quoiqu'un tantinet nostalgique peint sur le visage. Elle tenait une épaisse enveloppe dans la main. En apercevant Kate, elle leva les yeux au ciel.

- Kate Beckett, tu es une imbécile.

Ce fut au tour de Kate de rouler les yeux.

- Lanie, on est dans un commissariat, pas dans une de ses soirées de gala. Alors s'il a du temps à perdre, tant mieux, mais moi, j'ai du travail !

Lanie la regarda par en-dessous en haussant un de ses sourcils.

- Oh. Et tu as bien avancé ton enquête ?

Kate ne répondit pas ; elle se contenta de poser les yeux sur le paquet que Lanie tenait toujours à la main.

- Il vous a offert des cadeaux ?

Lanie suivit le regard de Kate et lui tendit l'enveloppe.

- C'est pour toi.

Kate fixa l'objet et déglutit difficilement. Les larmes n'étaient pas loin ; il fallait qu'elle sorte d'ici. Elle se leva et se dirigea vers l'ascenseur sans prendre le cadeau de Castle.

- On se voit plus tard.

- Kate !

Le ton de Lanie était presque menaçant. Elle s'arrêta sans toutefois se retourner.

- C'est lui qui s'en va, Lanie, alors ne me blâme pas.

- Kate, répéta la légiste d'une voix plus douce.

Cette fois, la détective fit volte face.

- Non, Lanie ! C'était parfait et il a choisi de tout gâcher. Alors ne t'avise pas de me faire la morale !

Sur ces paroles, elle rejoignit l'ascenseur et s'y engouffra. Lanie poussa un long soupir et posa le manuscrit sur son bureau.

oOoOoOo

Son billet à la main, il embrassa une dernière fois la salle d'embarquement du regard puis il se tourna vers l'hôtesse. Son portable sonna et il se précipita dessus. Il fixa un instant l'écran du téléphone et soupira, déçu. Qu'attendait-il ? Il venait de mettre fin à leur partenariat sans lui en parler et sans aucun signe précurseur. Kate Beckett n'était pas le genre de femme à vous supplier de revenir. Mais il avait pensé qu'en lisant le manuscrit, peut-être...

Il soupira à nouveau et décrocha.

- Bonsoir, Gina... Oui... Dans une demi-heure. J'embarque, je dois raccrocher.

Il coupa la communication et bascula son téléphone en mode avion. Les trois prochaines semaines risquaient d'être difficiles sur le plan émotionnel, mais toujours moins qu'en restant ici. Et puis Alexis et Martha étaient occupées de leur côté, alors il n'avait plus rien à faire à New York.

oOoOoOo

Il était 19h00 lorsque Kate émergea pour la cinquième fois en deux heures de la salle de repos avec un café qu'elle avait pris sur l'ancienne machine. Elle fronça les sourcils en remarquant l'enveloppe blanche sur son bureau ; son froncement se sourcils s'accentua encore devant l'air un peu trop studieux d'Esposito. Elle secoua la tête et décida d'ignorer le pli.

La soirée au commissariat, "l'après-Castle" avait été particulièrement difficile ; elle n'arrivait plus à compartimenter et il lui avait été impossible de se concentrer. Les gars lui avaient proposé de rentrer chez elle pour se reposer ; ils lui avaient assuré qu'ils comprenaient que ça pouvait être dur pour elle, mais elle avait repris le masque de la détective, prétendant ne pas savoir de quoi ils parlaient. Comment aurait-elle pu l'ignorer ? Tout le monde parlait de Castle et elle avait eu du mal à échapper aux conversations.

Et puis elle était rentrée chez elle. Il avait bien fallu. Elle avait épuisé toutes ses excuses pour rester au commissariat.

Elle s'était assise sur son canapé, une bouteille de bière à la main, et elle avait considéré l'épaisse enveloppe blanche posée sur la table basse. Elle ne l'avait pas ouvert alors qu'elle avait reconnu l'écriture de Castle.

Non. Elle ne l'avait pas ouvert parce qu'elle avait reconnu l'écriture de Castle.

Cependant, elle l'avait consciemment glissée dans son sac, ramenée chez elle, sortie de son sac et posée devant elle, bien en évidence.

Castle.

Il était parti. Comme ça, sans prévenir. Cette idée tournait dans son esprit depuis la veille, mais elle n'arrivait pas à s'y faire. Elle se pinça les lèvres. Elle était en colère.

D'après ce qu'elle avait entendu, il avait réuni Ryan, Esposito, Montgomery et Lanie dans la salle de repos et il le leur avait annoncé. Il partait. Il avait assez d'éléments pour écrire toute une série. Il les avait remerciés pour leur accueil et leur avait dit au revoir, promettant qu'ils se reverraient bientôt.

Ce que Kate ignorait, cependant, c'est que si elle avait été présente, elle aurait remarqué l'éclat étrange dans ses yeux. De son bureau, elle aurait aperçu cette silhouette qu'elle chérissait tant rejoindre l'ascenseur, et elle aurait vu le dernier regard qu'il lui aurait adressé, rempli de peine et de regrets.

Mais elle n'était pas venue, parce qu'une immense colère l'avait envahie, guidée par une incompréhension totale de ce qui était en train de se passer.

Elle secoua la tête et s'appuya complètement contre le dossier de son canapé. Quelque chose sonnait faux. Horriblement faux. Etait-il possible d'écarter quatre ans d'une réelle amitié de cette façon ?

Ses yeux se posèrent de nouveau sur l'enveloppe posée devant elle. La curiosité l'emporta et elle l'ouvrit. Elle ne fut pas surprise de découvrir le manuscrit du dernier tome de Nikki Heat. Elle caressa le titre du bout des doigts et pour la première fois depuis deux jours, elle accepta l'idée que sa colère cachait en fait de la tristesse. Elle ouvrit le manuscrit et ses yeux s'agrandirent légèrement quand elle lut la dédicace qu'il avait écrite.

To K.B., with love.

Ce fut à ce moment précis que tout devint limpide à ses yeux. Tout ce que ses amis essayaient de lui faire comprendre et qui n'avait jusque là jamais été évident pour elle.

Richard Castle l'aimait, et il ne fallait pas être devin pour comprendre que sa décision avait sûrement été motivée par la présence de Josh dans sa vie. Ses yeux s'agrandirent encore un peu et fixèrent sa main gauche. La bague - « pas une bague de fiançailles, avait précisé Josh ; juste une preuve de mon amour pour toi ». Castle devait l'avoir vue et en avoir déduit que...

Elle se saisit de son téléphone et composa son numéro. Il fallait qu'elle rétablisse la vérité ; il fallait qu'il sache.

Au bout de cinq sonneries, elle fut renvoyée sur messagerie. Ses mâchoires se serrèrent. Le message était clair. Elle ne daigna même pas laisser une chance à l'hypothèse - raisonnable - selon laquelle il était peut-être occupé.

Le bip du répondeur venait de retentir.

- Castle, ici Beckett. Je voulais simplement vous remercier pour le manuscrit.

Et elle raccrocha. C'était terminé. On n'y reviendrait plus.

oOoOoOo

- J'ai l'impression d'être revenu un an en arrière.

Esposito leva la tête pour regarder Ryan. Son coéquipier était assis à son bureau et fixait Beckett d'un air désabusé. Elle était dans la salle de repos et bataillait avec la machine à café – l'ancienne, bien entendu.

- Comment va-t-elle ?

Esposito se tourna et salua le capitaine d'un signe de tête.

- Moins bien qu'hier, mieux que demain.

Le capitaine acquiesça tristement. Castle n'était parti que depuis deux semaines mais déjà, Kate n'était plus que l'ombre d'elle-même.

- Elle ne veut toujours pas entendre parler de vacances ? demanda Ryan.

Le capitaine secoua la tête.

- Non. Elle prétend que tout va bien. Et je n'ai aucune raison valable de les lui imposer.

Les trois hommes soupirèrent en silence et se remirent au travail en la voyant revenir vers son bureau.

- Ryan, tu as la liste des appels ?

Sa voix était forte et claire. Elle faisait illusion. Avec ou sans Castle, elle restait une excellente détective et elle devait se focaliser sur les meurtres. Elle s'assit sur son bureau, face au tableau blanc, alors que son collègue lui faisait un bref compte-rendu de ce qu'il avait découvert. Esposito intervint et Ryan et lui partirent à rire, mais pas Kate.

Depuis le départ de Castle, son cerveau semblait filtrer tout ce qui ne concernait pas directement les affaires. C'est du moins ce qu'elle pensait, jusqu'à ce que l'agent Lasky n'arrive.

- Eh les gars, regardez qui est en page 6 !

Kate s'était raidie mais elle ne s'était pas retournée. Depuis quatre ans, le terme "page 6" était devenu synonyme de Castle. Ou Castle et Gina. Ou Castle et une de ses conquêtes. Ou Castle et elle.

Elle devinait, derrière elle, les grands gestes que faisait Esposito pour faire taire Lasky. Elle songea amèrement qu'il y a encore deux semaines, ça l'aurait fait rire. Mais plus maintenant ; elle devait se concentrer et être efficace. La récréation était terminée. Elle fit taire la petite voix dans sa tête qui lui fit remarquer que quand Castle était là, elle riait, en plus d'être efficace.

Elle se saisit d'un marqueur et compléta le tableau avec les informations que Ryan venait de lui donner.

- Castle a été vu dans un restaurant en compagnie de Nathalie Rhodes !

Le marqueur dérapa, créant une balafre d'une vingtaine de centimètres sur la ligne de temps. Kate le reboucha lentement et se tourna vers l'agent. Elle appuya fermement ses mains bien à plat sur son bureau et se pencha vers lui.

- Lasky, dit-elle en articulant exagérément, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais nous sommes ici dans un commissariat, pas au salon de thé.

L'agent déglutit et partit précipitamment en abandonnant son journal derrière lui. Esposito y jeta un oeil, l'air de rien, alors que Kate effaçait la marque que le feutre avait fait.

- Nathalie Rhodes, hein ? dit-il ironiquement.

Kate se retourna et le fixa.

- Esposito, si tu as quelque chose à dire, fais-le maintenant.

- Je me disais juste que c'est intéressant de voir qu'il recherche la compagnie de l'actrice qui incarne le personnage de fiction qu'il a basé sur vous.

Kate ne répondit pas. Esposito se réinstalla à son bureau et replongea dans ses recherches. Kate s'assit en silence et se mordit la lèvre inférieure. Elle glissa un œil vers le journal et fronça le nez. Il était posé à l'envers.

- Il est à Los Angeles, l'informa Ryan qui ne l'avait pas quittée des yeux depuis l'intervention de Lasky.

Kate leva les yeux au ciel mais elle esquissa un faible sourire. Elle l'effaça aussitôt. Elle ne devait pas sourire ; elle était en colère contre Castle. On ne sourit pas, quand on est en colère.

Castle... Il lui manquait.

Non. Colère. Qu'il reste donc à Los Angeles avec ce succédané de détective s'il le voulait.

Los Angeles... Elle se mordit la lèvre en repensant à l'enquête sur la mort de Royce, à la façon dont il l'avait rejointe, à leur discussion, ce soir-là. Un frisson la parcourut quand elle se souvint combien elle avait été effrayée par ce qu'elle avait vu dans ses yeux. Effrayée et incroyablement tentée, aussi.

Elle prit une profonde inspiration et reporta son regard sur le tableau. Il fallait qu'elle se concentre. Il y avait ce meurtre à résoudre.

Elle fronça les sourcils en essayant de relire un mot qu'elle avait écrit. Elle roula des yeux quand son esprit pensa que Castle aurait réécrit ce mot pour qu'il soit lisible.

OK. Cette fois, c'en était trop.

- Est-ce que vous pensez que vous pourrez vous en sortir avec cette affaire ? dit-elle sans se retourner.

Esposito et Ryan échangèrent un sourire entendu et acquiescèrent.

- Bien, dit-elle toujours sans les regarder. Je dois voir le capitaine.

oOoOoOo

Castle était assis sur le canapé, le regard fixé sur la porte de la chambre dans laquelle Kate avait disparu cette nuit-là, alors qu'il était prêt à tout lui avouer.

- Rick ?

La voix de Nathalie le tira de ses pensées.

- Pardon ? dit-il en se tournant vers elle.

- Je disais que je ne comprends pas ! Dans le premier tome, Jameson et Nikki s'envoient en l'air et puis ensuite, plus rien ou presque !

Castle sourit tristement.

- Peut-être que ça n'était que ça, qu'une attirance physique.

Nathalie le fixa, les mains posées sur les hanches, dans une attitude qui ne manqua pas de rappeler à l'écrivain une certaine légiste.

- Tu te moques de moi ! s'exclama-t-elle en levant un sourcil.

Définitivement Lanie, pensa-t-il.

- Tu as rencontré le docteur Parish ?

Nathalie appuya un peu plus son regard, puis elle s'écroula dans le canapé.

- Actor studio, Castle.

- Ok, dit-il en grimaçant. J'aimerais juste que tu... arrêtes de le faire. C'est troublant.

Elle le regarda en souriant. Elle l'aimait bien. Il n'était pas de ces auteurs à succès prétentieux, comme on en croise pas mal sur les plateaux de cinéma. C'est lui qui avait eu l'idée de ce « séminaire » afin, lui avait-il dit, qu'elle comprenne bien les enjeux des tomes suivants en vue de leur adaptation au cinéma. La première semaine, ça s'était fait au studio, avec toute l'équipe, mais cette semaine, ils s'étaient retrouvés trois fois, juste tous les deux, pour peaufiner le personnage de Nikki. L'endroit était confortable et le service d'étage à mourir.

- Pourquoi ce "séminaire", Rick ?

Elle avait marqué le mot séminaire en mimant des guillemets avec les doigts. Il tourna la tête vers elle sans pour autant la regarder franchement.

- Je te l'ai déjà dit. Pour que tu...

- … comprennes les enjeux des deux tomes ? Je t'en prie, pas de ça avec moi. Je suis presque une détective ! ajouta-t-elle sur le ton de la plaisanterie.

Castle étouffa un rire.

- C'est vrai, admit-il.

Elle le fixa en silence et ne put s'empêcher de penser qu'il était vraiment attirant. Elle avait mis en place divers stratagèmes pour le séduire la semaine précédente, mais de nouveau, il n'avait pas cédé à ses avances. Elle avait décidé de laisser tomber ; elle n'aimait pas chasser alors qu'il n'y avait aucune chance de ramener du gibier. Et puis ça n'était pas comme si les opportunités manquaient, à L.A.

Dommage, songea-t-elle. Celui-là était vraiment intéressant.

- Que se passe-t-il ? reprit-elle. Pourquoi débarquer ici et réunir toute l'équipe alors que la première du film n'a pas encore eu lieu ? Pourquoi organiser ces cessions de travail autour de personnages que nous quittons pour ne peut-être plus les retrouver ?

Il ferma brièvement les yeux à ces mots. Il les avait quittés et il ne les retrouverait certainement jamais. Il ne la retrouverait certainement jamais. Jamais comme avant, en tous cas. Il se leva et fit quelques pas dans la suite.

- J'ai quitté le commissariat, dit-il d'une voix basse. Pour de bon.

Nathalie se leva et s'approcha de lui.

- Que s'est-il passé ?

Les mâchoires de Castle se contractèrent.

- Plus d'inspiration, dit-il simplement.

Elle hocha la tête, dubitative.

- Et ça n'a bien entendu rien à voir avec la magnifique Kate Beckett.

Castle se tourna vers elle et sourit franchement.

- Tu ressembles peut-être bien plus à l'originale que ce que tu penses.

oOoOoOo

Kate regardait par la fenêtre de son appartement. Le temps, comme pour s'accorder avec son humeur, était passé à la pluie. Une belle pluie, avec de grosses gouttes qui vous détrempent alors que vous avez à peine mis le pied dehors. Une pluie qui ne vous épargne pas.

Ses doigts jouaient avec le papier vieilli de la lettre de Mike. En rentrant chez elle - le capitaine lui avait accordé avec un soulagement non feint quelques jours de repos - elle avait ressenti le besoin de se replonger dans les mots de Royce. Elle avait relu la lettre, encore et encore, comme pour y trouver une réponse. Elle ne l'avait pas trouvée, bien entendue, mais elle était désormais convaincue qu'il y avait vraiment quelque chose de spécial entre Castle et elle. Elle soupira profondément, s'affala sur son canapé et saisit le manuscrit qui était toujours posé sur sa table basse. Elle ne l'avait pas rouvert en deux semaines.

Tout ce qui concernait de près ou de loin Castle avait fait l'objet d'un embargo.

Mais depuis ce matin, depuis sa photo sur le journal, depuis l'incroyable manque qu'elle avait ressenti à l'évocation de son nom, depuis la remarque d'Esposito et la jalousie que ça avait éveillé en elle, elle savait que la balle était dans son camps.

Elle comprenait, maintenant. Castle était parti parce qu'elle lui avait donné toutes les raisons de le faire. Elle était bien décidée à lui donner toutes les raisons de revenir. Elle avait d'abord pensé le rejoindre à L.A, mais elle avait abandonné l'idée : ça faisait vraiment trop comédie romantique à l'eau de rose. Et désespéré, aussi. Et puis ce n'était tellement pas elle ! Sans compter que les billets étaient hors de prix.

Ses doigts pianotèrent inconsciemment sur le manuscrit. Elle le rouvrit à la page de la dédicace et ne put empêcher un sourire d'éclairer son visage.

OK. Elle plongea sur son téléphone et composa le numéro qu'elle avait noté un peu plus tôt sur un post-it. Deux sonneries, puis on décrocha.

- Grand Hotel Los Angeles, Maurice à l'appareil, que puis-je faire pour vous ?

Elle passa une main sur son front, nerveuse.

- Hum... Maurice, bonjour. Ici Kate Beckett, je ne sais pas si vous vous souvenez de moi...

- Miss Beckett ! s'exclama-t-il d'une voix enjouée.

Kate sourit. Si cet homme n'était pas sincèrement heureux de l'avoir en ligne, il jouait bien la comédie.

- Vous vous souvenez de moi ? demanda-t-elle, intriguée.

- Tout le monde ne me demande pas un tableau blanc sur pieds à 5h00 du matin, répondit-il, un sourire dans la voix.

Elle roula les yeux et sourit de nouveau. Sans le savoir, Maurice rendait les choses plus simples.

- J'aurais voulu savoir si Richard Castle était descendu à l'hôtel.

L'employé hésita un instant.

- Oui... il loge dans sa suite habituelle.

- Serait-il possible de le joindre ?

- C'est-à-dire qu'il n'est pas...

- … seul ? proposa Kate.

Maurice acquiesça.

- Oh... OK.

Elle ne souriait plus. Plus du tout. Maurice remarqua le changement de ton à l'autre bout de la ligne.

- Je peux peut-être le contacter pour savoir s'il est disponible ?

Kate répondit négativement en fronçant les sourcils. Elle tentait de retenir des larmes de colère.

- Non. Je... Ce n'est pas important. Merci, Maurice.

Maurice lui souhaita une agréable fin de journée et raccrocha. Elle resta un moment sans bouger, bercée par les tonalités du téléphone.

oOoOoOo