Un secret bien gardé
Un soupir lui échappa de ses lèvres qu'il possédait bien ourlées et admirablement dessinées.
Son visage, aux traits fatigués, quoique charmants et terriblement charismatiques, selon les dires de son ex-femme, forma une moue de dégoût et d'irritation.
Sur son bureau, se trouvait un magnifique bouquet de roses, les plus rouges que l'on n'ait pu voir jusqu'à maintenant. Il démontrait l'ardeur et la passion de l'amour que lui vouait un de ses fans.
Un fan, et, non, pas une fan.
Le jeune docteur, le plus doué, le plus détestable et le plus cynique de toute la clinique de la ville, grommela.
Il était assis dans son fauteuil, épuisé d'une nuit de travail sans repos et songeait aux jours derniers. Il avait reçu des tas de lettres d'encouragement, de déclarations enflammées, aussi bien des femmes que des hommes.
Le jeune chirurgien était resté stoïque à toutes ces manifestations d'enthousiasme et avait caché son ébahissement devant la popularité insoupçonnée de son humble personne.
Sa vie bouleversée à jamais parce que sa femme et les médias n'avaient su tenir leur langue.
Cela devait demeurer un secret bien gardé !...
Saisissant sa veste noire et sa canne, il se leva de son bureau et d'un pas décidé, il quitta la pièce. Il longea le couloir de la clinique et atteignit, sans encombre, la sortie.
Ignorant, au passage, les rires et les sourires des infirmières, des internes et des secrétaires…
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La lumière était éteinte chez lui. Le docteur, Gregory House, déposa doucement, sans bruit, ses clés d'appartement sur la commode du hall d'entrée. Il était peut-être en train de dormir dans le salon, sur le canapé avec son fils.
Greg fit quelques pas en direction du living et passa la tête dans l'embrasure de la porte. Non. Apparemment, le jeune journaliste ne dormait pas ici. La télévision avait été délaissée ce soir là.
«-Bonne nouvelle, songea le médecin. »
Il monta, silencieusement, les marches de bois de l'escalier qui menait à l'étage du haut et se dirigea, instinctivement, vers sa chambre.
Il ne s'était pas trompé. Marc reposait, allongé, vêtu de sa chemise bleue et de son pantalon noir, sur le lit du docteur. Entre ses bras, mignon dans son pyjama de coton bleu, se pelotonnait Miky, le bambin du bel endormi.
Tous deux, le père et le fils de cinq ans, constituaient un charmant tableau sur les draps en soie blanc du lit. Il se dégageait une confiance et une paix de ce couple.
Les traits, fins, pâles et réguliers, de Marc exprimaient, pour la première fois depuis bien des mois, un sommeil apaisé.
Un sourire attendri se fit sur les lèvres de Greg à la vue de ce spectacle. Ses yeux bleus noirs s'illuminèrent d'une lueur de tendresse infinie lorsque le docteur porta une attention particulière au visage charmant de son compagnon.
Il s'installa sur le rebord du lit et passa une main dans les mèches blondes et soyeuses du journaliste.
Ce dernier l'avait attendu durant la soirée. Epuisé, il avait du venir dormir dans la chambre de son ami et amant. Là où il se sentait le plus en sécurité.
« -Dieu, pensa Greg, quel cauchemar, ils ont du vivre en Chine ! »
Le père et le fils avaient fui le régime dictatorial de la Chine pendant des mois, vivant au jour le jour, comme des clandestins. Il n'y avait pas deux êtres, au monde, qui méritaient autant de connaître la paix et la tranquillité dans cette vie.
Greg cala sa canne contre la table de chevet et, sans se déshabiller, s'allongea sur le lit, prenant contre lui, dans ses deux bras, le père et le fils.
Le jeune journaliste, à son contact, se nicha tout contre le torse de Greg, avec un soupir inconscient de bien-être et de bonheur.
Grégory resta les yeux ouverts, veillant sur leur sommeil, une bonne partie de la nuit, avant de déclarer forfait contre le marchand de sable.
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Marc ouvrit les yeux et aperçut le visage de son amant, endormi contre son épaule. Sa respiration, douce et régulière, balayait les traits d'ange du jeune journaliste. Celui-ci contempla un instant Greg, songeur et se tourna vers son fils qui ne s'était pas réveillé.
Il prit une de ses petites mains dans la sienne et la caressa, émerveillé de se sentir en sécurité, après tant de dures journées, de pouvoir sentir la chaleur douce de Miky contre lui.
Sans personne pour chercher à les séparer. Comme il était question en Chine. Les autorités ne voulant qu'un de leur bébé sortit de leur pays et la famille de May, l'ex-épouse de Marc, ne désirant aucunement que leur chair de leur chair fut confié à un étranger, un Américain, de surcroix !
Pour Marc, commença une longue période d'incertitude quant à l'avenir de son fils, les courriers à l'ambassade de Chine et des Etats-Unis, les demandes de formulaire de passeport pour son fils et lui, les interminables attentes dans les couloirs de l'ambassade des USA.
Il n'avait obtenu ni aide, ni compréhension de la part des deux pays. Il n'avait pas abandonné. Il avait joué ses relations dans le milieu journalistique et politique, mais en vain.
Mais il n'abandonna pas. Des amis, bien informés, lui conseillèrent, alors, la seule alternative possible. L'enlèvement du bambin et le ramener clandestinement aux Etats-Unis. Marc n'hésita pas une seconde. Il adhéra à cette solution.
Des jours de fuite, de famine et de clandestinité n'étaient pas venus à bout de la détermination de Marc de regagner son pays, avec son fils légitime.
Vinrent les faux passeports, de fortes sommes payées à des passeurs professionnels et enfin, le retour dans le pays de la liberté.
Une anémie plus tard, un séjour à la clinique de la ville et le coup de foudre frappa, inattendu, le cœur du jeune homme épuisé.
L'amour se personnifia par les yeux, magnifiques et expressifs, du chirurgien le plus détestable de tout l'établissement : Le docteur House.
