Note de l'auteure: White Collar et ses personnages ne m'appartiennent pas, contrairement à la famille Thornton dont je revendique la paternité.Cette histoire a bénéficié du regard bienveillant et du fantastique travail de relecture d'une fille formidable, que je remercie pour tout. C'est un travail en cours, je ne sais pas encore où tout ça va me mener, du coup la mise à jour prendra peut-être un peu plus de temps que pour l'histoire précédente. J'attends vos reviews avec impatience.
Chapitre 1
Zach Thornton était un adolescent comme les autres. À presque 18 ans, il partageait son temps entre les cours au lycée Normandy de Wellston, dans la banlieue de Saint-Louis, dans le Missouri, et son groupe d'amis. Cinq jeunes gens, dans la même classe de terminale, et totalement inséparables. Les garçons, Gordon et Duncan, que Zach connaissait depuis l'enfance, et les filles, Lucy et Alice, qui s'étaient ajoutées au trio au collège. Ils rêvaient de devenir reporters. Cette passion commune pour l'information les avait naturellement menés à rejoindre la rédaction du journal de leur école, The Courrier.
Le soir où la vie de Zach bascula, ils avaient travaillé tard sur l'édition de la semaine. La mise en page devait être terminée pour permettre l'impression le lendemain. Ils marchèrent tranquillement le long de la rue Martin Luther King et se séparèrent à l'angle de l'avenue Kienlen. Zach était le seul à être pressé de rentrer. Depuis la disparition de son frère aîné, quinze ans plus tôt, ses parents étaient très nerveux s'il n'était pas de retour à la tombée de la nuit. Il se réjouissait d'atteindre sa majorité pour ne plus avoir à leur obéir au doigt et l'œil. Heureusement pour lui, ses quatre compères restèrent au carrefour à chahuter et à rire. S'ils étaient partis aussi vite que lui, Zach se serait volatilisé dans la nature, comme Danny.
Penser à Danny lui faisait de la peine. Il avait tout juste trois ans quand son demi-frère avait fugué. Il n'avait pas compris pourquoi il s'était enfui. Ils étaient heureux, tous les quatre. Si Zach en avait eu l'occasion, il aurait demandé des explications, mais sa mère refusait d'en parler, et son père restait très évasif. Après tout, Danny n'était pas son fils, même s'il l'aimait comme tel. Zach avait le sentiment que Fred, son père, se sentait responsable du départ de Danny, mais il n'avait jamais osé aborder cette question de front. Il ne voulait blesser personne. Tante Ellen aurait pu éclairer sa lanterne, mais l'amie de sa mère avait déménagé à New York peu après la fuite de Danny. Il ne gardait d'elle qu'un vague souvenir. Quant à son frère, sa voix s'était tue définitivement. Ses parents lui avaient annoncé sa mort quelques années après sa disparition, alors que Zach le réclamait une fois de plus. Ils l'avaient aidé à faire son deuil, mais les questions étaient restées en suspens.
Quand la camionnette freina brutalement à ses côtés, il ne réagit pas immédiatement. La vue de deux hommes cagoulés qui se précipitaient sur lui le fit hurler. Un hurlement qui empêcha le kidnapping. Au cri de leur ami, Gordon et Duncan accourèrent en vociférant, pendant que Lucy sortait son portable pour appeler la police. Les deux malfrats avaient saisi Zach et le tiraient vers leur véhicule, mais l'adolescent ne se laissa pas faire. Malgré sa panique, il se démena dans tous les sens. Il se libéra d'un de ses agresseurs au moment où ses camarades arrivaient à son secours. À trois contre deux, les bandits ne prirent aucun risque. Ils échangèrent un regard et sautèrent dans la camionnette, qui s'éloigna dans un crissement de pneu.
Lucy et Alice rejoignaient les garçons quand une voiture de patrouille arriva sur les lieux. Zach était sous le choc. Tremblant comme une feuille, il était incapable de répondre aux questions des policiers. Ce fut Duncan qui raconta en quelques mots ce qui venait de se passer. Il leur donna aussi l'adresse de Monsieur et Madame Thornton, afin qu'ils raccompagnent le jeune homme. Arrivé à son domicile, Zach s'effondra dans les bras de sa mère, Paige, en pleurant toutes les larmes de son corps. Il était terrifié et ne parvenait pas à parler. Les deux agents résumèrent les événements.
- Avez-vous la moindre idée de qui pourrait en vouloir à votre fils, Madame Thornton?
Paige Thornton ne pouvait répondre. Elle avait toujours su qu'une telle chose pourrait se produire, mais après trente ans dans le programme de protection des témoins, elle croyait sincèrement que le risque était désormais minime. Elle était consciente du regard insistant des deux policiers, mais elle n'avait pas le droit de leur dire la vérité. Le protocole était limpide. En cas de menaces, elle ne pouvait compter que sur les marshals.
- Je n'en ai pas la moindre idée, finit-elle par répondre.
L'agent scruta son visage, cherchant sans doute à déceler la trace d'un mensonge. Les parents qui protègent leurs enfants pour leur éviter des ennuis avec la justice étaient légion.
- Nous allons devoir prendre sa déposition, Madame.
- Mon fils est sous le choc. Il faut qu'il se repose. Nous viendrons au commissariat demain, avec son père. Monsieur Thornton est avocat.
- Les victimes n'ont pas besoin d'avocat, Madame.
- Je vous prie de nous laisser. Comme je vous l'ai dit, nous passerons vous voir demain. Merci de l'avoir ramené. Bonne nuit.
Sur ces mots, Paige referma la porte sans ménagement. Elle emmena son garçon dans sa chambre et l'aida à se mettre au lit. Elle gardait toujours des somnifères dans la salle de bain. Même si les cauchemars se faisaient rares depuis qu'elle avait rencontré Fred et reconstruit sa vie, il lui arrivait encore d'avoir de la peine à trouver le sommeil. Et il valait mieux une pilule de temps en temps qu'une bouteille de bourbon, médicament qu'elle s'était octroyée pendant des années. Elle fit avaler un comprimé à son fils avec un verre d'eau et resta à ses côtés jusqu'à ce qu'il s'endorme.
Les questions se bousculaient dans sa tête. Qui avait voulu lui enlever son fils? Évidemment, les raisons pour lesquelles elle avait été intégrée au programme de protection des témoins étaient le premier mobile qui lui venait à l'esprit, mais beaucoup d'eau avait coulé sous les ponts depuis. Si elle appelait les marshals, elle mettrait en branle une immense machine qui chamboulerait leur vie à tous les trois. Or, Zach ignorait tout du passé de sa mère. Petit, il était très bavard, elle n'avait pas pris le risque. Bien sûr, elle aurait pu lui expliquer la situation plus tard, à quoi bon ? Après tout, il n'était pas directement concerné.
Son mari Fred connaissait une partie de son histoire, mais elle n'était pas rentrée dans les détails. Lui n'avait jamais posé de questions. Il l'avait rencontrée quand elle terminait une cure de désintoxication. Il avait été séduit par cette femme qui sortait la tête de l'eau par amour pour son fils. Il aimait la personne qu'elle était à ce moment-là et n'avait pas cherché à savoir qui elle était auparavant. Si les marshals décidaient qu'il fallait leur créer de nouvelles identités pour leur propre sécurité, il la suivrait au bout du monde.
Il n'était toutefois pas impossible que la tentative de kidnapping n'ait rien à voir avec son passé. Avocat pénaliste de renom, Fred avait défendu de nombreux criminels, parfois avec succès, mais pas toujours. Peut-être qu'un client mécontent était derrière tout ça. Ou alors, en voulait-on à leur argent? Ils avaient les moyens de payer une rançon.
Sa réflexion ne la menait nulle part. Soit elle prenait le risque de ne pas appeler les marshals et de traiter avec la police sans leur parler de son passé, soit elle mettait leur existence à tous sens dessus dessous. Elle n'arrivait pas à décider quelle option était la pire. Et puis elle se souvint qu'elle n'était pas la seule à être un témoin protégé. Si quelqu'un l'avait retrouvé, alors une autre personne était dans la ligne de mire. Quelqu'un de beaucoup plus dangereux pour les monstres qui avaient détruit sa première vie. Quelqu'un qui pouvait témoigner des crimes qu'ils avaient commis. Malgré l'heure tardive, Paige empoigna son téléphone. Après cinq sonneries, une voix ensommeillée lui répondit.
- Allo!
- Kathryn? C'est moi, Paige. Enfin, Kristel Bennett.
Elle n'avait pas utilisé ce nom depuis des décennies. Il résonnait étrangement à ses oreilles.
- Plus personne ne m'a appelé Kathryn depuis tellement longtemps… Je préfère Ellen. Qu'est-ce qui t'arrive?
- Eh bien, je… Il s'est passé quelque chose ce soir. Quelqu'un a essayé d'enlever Zach. Je ne sais pas si je dois prévenir les marshals. J'ai besoin d'un conseil.
La nouvelle finit de réveiller Ellen, qui répondit d'une voix beaucoup plus sûre.
- Un kidnapping? Mais il va bien?
- Oui, ses amis sont intervenus. Il dort en ce moment. Je lui ai donné un somnifère.
Elle hésita une seconde avant de reprendre.
- Est-ce que tu crois que ça a quelque chose à voir avec ce qui s'est passé il y a si longtemps ?
Ellen réfléchit un instant.
- Je ne pense pas. Si quelqu'un devait s'attaquer à qui que ce soit, c'est après moi qu'ils en auraient. Tu n'es dans le programme de protection des témoins que parce que James était lui-même en danger. Tu ne représentes pas une menace, et personne n'aurait intérêt à kidnapper un garçon qui n'est rien pour ton ex-mari.
Paige était soulagée.
- Très bien, quand nous irons au commissariat demain matin, nous nous en tiendrons à notre vie actuelle. Merci, Ellen.
- De rien, bonne nuit. Embrasse Fred et Zach pour moi.
Une fois le combiné raccroché, Paige était rassurée. Le passé resterait le passé.
À New York, Ellen était pensive. Elle croyait vraiment ce qu'elle avait dit à l'ex-femme de son partenaire, mais elle se demandait si elle devait garder ces événements pour elle. Elle avait toujours été douée pour protéger les secrets de Neal – à l'image de ce tube qu'elle avait remisé derrière un meuble, sans chercher à savoir ce qu'il contenait. Elle avait beaucoup moins de talent quand il s'agissait de lui cacher quoi que ce soit.
WC*WC*WC
Le lendemain matin, Zach s'éveilla dans un était d'épuisement total. Il avait mal à la tête et l'impression d'avoir fait un très mauvais rêve. Étendu sur son lit alors que l'aube commençait à peine à poindre, il réalisa petit à petit que ce n'était pas un cauchemar. Quelqu'un avait bel et bien voulu le kidnapper. Il se leva précipitamment et descendit à la cuisine. Son père et sa mère étaient assis face à face, on aurait dit qu'ils l'attendaient.
- Papa? maman? Qu'est-ce qui m'arrive?
Il était pâle et tremblant. Ce fut Paige qui lui répondit.
- La police t'a raccompagné hier. Apparemment, quelqu'un a voulu t'enlever. Je t'ai donné un somnifère pour que tu te reposes. Nous allons au commissariat tout à l'heure pour ta déposition. De quoi te souviens-tu?
- Je ne sais pas… Tout s'est passé tellement vite. J'ai entendu un crissement de pneu, et une camionnette s'est arrêtée à côté de moi. J'ai vu des hommes en descendre. Deux, je crois. Peut-être plus. Je…
- Tu nous raconteras tout ça au poste, l'interrompit son père, en jetant un regard chargé de reproches à son épouse. Il aurait fallu le faire hier pendant que tes souvenirs étaient encore frais.
- Il était sous le choc, répliqua Paige.
- S'il vous plaît, ne criez pas, j'ai mal à la tête. Vous voulez vous y rendre quand?
- Le plus tôt sera le mieux. Va t'habiller.
Zach retourna dans sa chambre comme un zombie. En général, il choisissait ses vêtements avec soin. Contrairement aux jeunes de son âge, il préférait les chemises aux T-shirts, et n'hésitait pas à porter une cravate voire un nœud papillon. Son père se moquait parfois gentiment de lui, en lui disant qu'il devrait l'envoyer dans un lycée privé où il serait contraint d'endosser l'uniforme. Zach savait que ça n'arriverait jamais. Ses parents étaient persuadés qu'une des raisons qui avaient poussé son frère à disparaître, c'était justement une éducation dans une école huppée. Ils ne commettraient pas deux fois la même erreur.
Ce matin-là, il n'était pas d'humeur. Il se contenta d'un jeans et d'un vieux pull aux couleurs de la St-Élisabeth Academy. Il ne réfléchit pas en l'enfilant. Pourtant, il ne le portait jamais d'habitude. C'était la seule chose qui lui restait de Danny. Un sweater du lycée catholique privé qu'il fréquentait avant de disparaître. À peine habillé, Zach retourna auprès de ses parents, et tous les trois s'installèrent dans la voiture.
Le trajet jusqu'au commissariat ne dura qu'une dizaine de minutes, pendant laquelle aucune parole ne fut échangée. Fred entra le premier, et expliqua au policier de faction la raison de leur présence. Quelques instants plus tard, un inspecteur vint prendre la déposition de son fils. Il resta à ses côtés, tandis que Paige patientait dans le couloir.
- Bonjour, je suis l'inspecteur Spencer. Qu'est-ce qui vous amène?
- Je suis Maître Fred Thornton. Mon fils Zach a été victime d'une tentative d'enlèvement hier soir.
Le policier haussa les sourcils.
- C'est arrivé hier soir et vous ne venez que ce matin?
- Il était sous le choc, ma femme a pensé qu'il valait mieux qu'il se repose avant de faire une déposition.
Fred savait que ce n'était pas toute l'histoire. Son épouse lui avait fait part de ses craintes et de son coup de fil à New York. Il partageait son point de vue: il ne servait à rien de détruire la vie de leur enfant tant et aussi longtemps que rien ne prouverait un lien avec le programme de protection des témoins. Il reprit.
- Ma femme est dehors. Elle pourra vous raconter le retour de Zach à la maison. Elle a également relevé le nom des deux agents qui l'ont ramené hier soir. Quatre amis de mon fils ont assisté à la scène, nous tenons vos coordonnées à votre disposition, évidemment.
L'inspecteur étudia son interlocuteur. Il détestait les avocats. Il avait aussi en horreur les parents qui surprotègent les enfants. Il savait d'expérience que quand des gosses avaient des ennuis de ce type, surtout des gosses de riches, ceux-ci n'étaient pas entièrement innocents. Le gamin avait sans doute des problèmes de drogue, ou il avait voulu frimer autour d'une table de poker et devait de l'argent à quelqu'un de peu recommandable. Mais il fallait bien faire bonne figure.
- Très bien. Que s'est-il passé, Zach?
- Je rentrais du lycée hier soir, il était près de 23 heures.
- 23 heures? Pourquoi si tard?
- Je fais partie de l'équipe du journal de l'école, The Courrier. Nous devions finir la mise en page et la correction. L'impression a lieu aujourd'hui. On termine souvent tard, le mardi. Nous sommes rentrés ensemble à pied sur un bout du chemin.
- Ensemble? Avec qui?
- Les autres reporters. Mes amis. Il y avait Duncan et Gordon, et puis Lucy et Alice. Ils ont continué à parler entre eux, mais moi je devais me dépêcher de rentrer pour que maman ne s'inquiète pas.
Cette réponse étonna l'inspecteur.
- S'inquiète? Mais de quoi? Tu as presque 18 ans, non?
«Nous y voilà,» pensa Fred, avant de répliquer à la place de son fils.
- C'est vrai, Zach est bientôt majeur. Mais ma femme et moi sommes toujours un peu soucieux. Son frère avait aussi 18 ans quand il a disparu.
- Disparu? Comment?
- Il a fugué, mais ça n'a rien à voir avec notre affaire, je vous le garantis, fulmina l'avocat.
- Très bien, répondit le flic, tout en se disant qu'il allait se plonger dans cette autre disparition. Il ne croyait pas aux coïncidences. Et ensuite?
- J'ai entendu une voiture freiner brutalement près de moi.
- Quel genre de voiture?
- Une camionnette. Je ne sais pas. Tout s'est passé si vite.
- La marque? La couleur?
- Foncée. Je n'ai aucune idée de la marque. Des hommes en sont descendus et m'ont agrippé.
- Combien étaient-ils?
- Deux. Trois. Je ne sais pas. J'étais paniqué. Je dois avoir hurlé, parce que Duncan et Gordon sont venus en courant. Mes agresseurs ont eu peur. Deux. Ils étaient deux. Ils sont remontés en voiture et sont partis en trombe.
- Ils ont démarré tout de suite?
- Oui, avant même que les portières soient refermées.
- Il devait avoir un chauffeur. Donc nous recherchons trois personnes. De quoi d'autre te souviens-tu?
- Une des filles avait appelé les secours. Alice ou Lucy, je ne sais pas. Vos collègues sont arrivés juste après. Ensuite, je me rappelle avoir pleuré dans les bras de ma mère. Et mon réveil ce matin.
- Et vous, Monsieur? Vous n'étiez pas chez vous?
- Non, j'étais invité à une soirée chez un client. Quand je suis rentré, Zach était couché. Ma femme m'a raconté ce qui s'était passé. Nous sommes venus dès que mon fils s'est levé.
- Pourquoi ne pas l'avoir réveillé à ce moment-là? En tant qu'avocat, vous savez que plus la déposition est faite rapidement, meilleurs sont les souvenirs.
- Ma femme lui avait donné un somnifère. Le réveiller aurait été inutile. Il n'aurait pas été en état de dire quoi que ce soit.
L'inspecteur Spencer hocha la tête. Toute une nuit, c'est suffisant pour enterrer les détails qu'on ne veut pas que la police découvre. Ou alors, il s'agissait vraiment de parents traumatisés par la perte d'un premier enfant, et qui n'avaient pas réagi de la meilleure de manière. Il faudrait aussi qu'il parle avec les agents de patrouille. Pourquoi diable ses collègues n'avaient-ils pas pris la déposition du jeune homme? C'était toujours pareil avec les mecs en uniforme. Incapables de ne pas plomber une enquête.
- Je vous remercie. Je vais poser quelques questions à votre femme. Je contacterai les amis de votre fils dans la journée.
Un quart d'heure plus tard à peine, les Thornton remontaient en voiture et rentraient chez eux. Malgré son insistance, Zach ne fut pas autorisé se rendre aux cours ce jour-là. Ses parents pensaient qu'un peu de repos ne serait pas de trop.
