L'HISTOIRE DU PRINCE

« Ma vie a toujours été un trou vide. Vide de sens, vide de joie, vide d'amour. Mais surtout vide de lumière. Tout comme cette maison. Elle me dégoûtait. Sombre et froide et étouffante. Chaque jour, c'était la même routine; au moindre petit détail, la voix de mon moldu de père jappait et il perdait tout contrôle de lui-même; les pleurs de ma mère ruisselaient en moi comme si sa peur avait été la mienne… Que j'haïssais cette maison! J'étais tellement heureux lorsque mon tout premier jour d'école arriva enfin, jour où, sans me retourner, je quittai cette lugubre prison. Je montai dans le train écarlate en disant un dernier au revoir à ma mère qui m'avait si souvent parlé de cette école de magie et de sorcellerie. En regardant par la fenêtre de mon compartiment, je vis son air peiné. Et je m'en voulais. Je m'en voulais de partir comme cela pour un endroit bien meilleur que ma maison à Spinner's End, je m'en voulais de la voir si triste par mon départ soudain, je m'en voulais de ne pas l'avoir aidée… je m'en voulais de la laisser seule avec cet homme que je désirais voir mort. »

1

Novembre, 1963

Ce soir-là, tout était silencieux dans le petit quartier de Spinner's End où la pluie s'abattait comme des plumes sur les carreaux de la fenêtre d'une certaine pièce de la maison des Snape. Les premières neiges n'avaient pas encore tombé, mais le froid indiquait que bientôt une couche blanche couvrirait le sol pavé. Les voisins avaient déjà commencé à décorer leur maison pour Noël qui approchait à grands pas. Toutes les maisonnées étaient éclairées de rouge ou de vert, ou encore de bleu. Toutes sauf une… Comme à chaque occasion, la maison des Snape restait sombre et noire. N'avaient-ils point le temps d'installer quelques lumières? Les propriétaires ne devaient pas travailler, puisqu'on ne les voyait jamais sortir de leur maison. On ne voyait qu'un petit garçon s'amuser seul dehors devant la porte de temps en temps. On entendait surtout des voix. Des voix crier, hurler. C'était surtout une voix d'homme. Les voisins s'étaient souvent demandé ce qu'il pouvait bien se passer dans cette maison. Des rumeurs circulaient que la femme habitant cette maison était une sorte de… sorcière? C'était ridicule, évidemment. Mais les disputes inquiétaient beaucoup les autres habitants de Spinner's End. Surtout qu'un enfant vivait parmi ces disputes. Mais personne n'osait s'interposer.

Une des pièces de la maison était encore éclairée par une faible lumière qui semblait provenir d'une lampe. Une lampe décorée d'autocollants de dinosaures. Un petit garçon était installé sur un lit beaucoup trop grand pour lui. Il tenait un livre entre ses mains. Il avait déjà passé une bonne dizaine de livres depuis une semaine déjà. La pile ne cessait de monter jusqu'à ce qu'elle chancela. Terminant le dernier chapitre, il lança le bouquin qui tomba avec délicatesse et avec précision sur le haut de la pile. Il prit un autre livre, un livre étrange qu'il avait déniché dans la bibliothèque de sa mère : Défenses Contre les Forces du Mal. Un livre qui lui semblait assez intéressant à lire.

- Tu es là? demanda soudain une voix.

Il sursauta et au moment où la poignée de la porte tourna, il cacha vite le livre sous son oreiller. Une femme entra. Elle avait l'air fatiguée comme toujours. Des énormes cernes soulignaient ses yeux vides et la rougeur qui les colorait indiquait qu'elle avait pleuré encore une fois. Elle s'arrêta brusquement en fixant la pile de livres qui la séparait de son fils.

- Où as-tu eu ces romans? lui demanda-t-elle, mais il ne répondit rien. Elle sembla étonnée et il ne comprit point pourquoi.

- Tu les as feuilletés? demanda-t-elle encore en s'abaissant pour en prendre un.

- Je les ai lus, répondit-il enfin.

L'étonnement sur le visage de la femme s'agrandit.

- Severus… tu sais lire?

Il resta silencieux, mais hocha la tête. Il s'était pratiqué mainte fois depuis maintenant quelques mois. Tellement de fois que lire était devenu son activité favorite. Il rêvait parfois de vivre dans les univers que ces histoires lui offraient, s'il pouvait se faufiler entre ces pages pour échapper aux moments de fureur de son père, si seulement ces univers existaient pour vrai, pensa Severus en observant l'air d'étonnement de sa mère.

- Tu ferais mieux de dormir maintenant, lui murmura sa mère et il se faufila sous ses couvertures. En posant la tête sur l'oreille, il sentit la reliure du livre des Défenses Contre les Forces du Mal sur sa nuque et il se promit que le lendemain, il feuillettera ses pages.

Comme prévu, il neigea le lendemain matin. Comme tous les autres enfants, Severus se précipita dehors pour profiter des premiers flocons. Eileen, sa mère, était assise à la table de la cuisine devant un homme imposant faisant face à la fenêtre. Il épiait son fils d'un air bourru en plantant sa cuillère dans ses céréales.

- Ton fils sait lire, Tobias, dit Eileen calmement. Tu devrais être fier.

- Lire? fit Tobias en arquant un sourcil. Il n'a que trois ans!

Eileen haussa les épaules.

- Je le savais, cracha-t-il de dégoût. Il est tout aussi bizarre que toi… peut-être va-t-il devenir comme toi, un incapable qui n'utilisera que la magie pour se rendre intéressant…

- Ne dis pas ça, murmura Eileen en baissant la tête.

- Tu crois que je suis fier? explosa-t-il. De quoi j'ai l'air maintenant que les gens se doutent de votre nature? Tobias Snape, l'homme qui a marié une horrible sorcière… et maintenant tu vas me dire que ton fils a hérité de ça? Ça me dégoûte… ne pouvez-vous pas être normal?

Des larmes coulèrent silencieusement sur le visage d'Eileen. Elle n'osa pas bougé de peur de le mettre encore plus en colère et se recroquevilla sur sa chaise. Tobias avait le regard fixé sur la fenêtre où il pouvait voir son fils jouer dans la neige. Il se détourna vivement et fit voler son bol de céréales sur le sol. Eileen sursauta en entendant le verre se briser. Elle fit un effort pour ne pas lever le regard vers lui. Une seule erreur pourrait lui être fatale. Elle jeta un coup d'œil à sa baguette qui était cachée derrière une pile de lettres sur le comptoir couvert de vaisselle sale. Elle avait dit à Tobias quelques années auparavant qu'elle s'en était débarrassée. La pensée qu'un jour Tobias pourrait tout simplement la découvrir en jetant les lettres effleura son esprit et elle espérait que ce jour ne viendrait jamais. Mais les lettres s'accumulaient dans cet espace et Tobias ne lui avait jamais ordonné de faire le ménage dans ces documents.

Severus entra, les joues rougies. Il vit son père dans le cadre de la porte devant lui et resta pendant un instant aussi droit qu'une statue. Son père lui faisait peur… terriblement peur. Il disparut au coin de la porte et Eileen tendit les bras vers son fils.

- Ce n'est rien, assura-t-elle. Dis, si tu sais bien lire, tu me liras une histoire?

Severus sourit.

« Ma mère n'a jamais su comment se défendre. Pourtant, étant une sorcière, elle aurait très bien pu utiliser ses pouvoirs contre mon père. Si j'avais su plus tôt que j'étais moi aussi un sorcier, j'aurais tellement voulu utiliser cette magie contre lui. Ce serait tellement facile. Seulement, on n'avait pas le droit de faire de la magie en dehors de l'école. Et je n'ai jamais plus remis les pieds chez mes parents. Je regrette tellement de n'avoir rien fait. Ou était-ce vraiment de ma faute? »

Mars, 1967

Le printemps était la saison favorite de Severus. La neige commençait à fondre et les arbres à bourgeonner. Ce jour-là était ensoleillé. Les pavés étaient encore mouillés par la pluie qui s'était abattue pendant presque toute la nuit. Il traça une forme à l'aide de son doigt sur la fenêtre de la cuisine.

- Severus? Tu peux venir une seconde? fit Eileen et Severus se précipita vers sa mère. Elle était assise sur un banc à côté de la maison. La cicatrice qu'elle avait sous la lèvre était encore plus visible alors que son visage avait perdu beaucoup de ses couleurs ces derniers temps.

- J'aurais dû t'en parler un peu avant, mais je me suis mise à penser à beaucoup de choses ces dernières années…

Elle semblait hésiter quelques secondes avant de lancer :

- Tu… tu es un sorcier.

Severus resta de marbre. Un sorcier, avait-elle dit?

- Un sorcier? répéta-t-il incrédule. Tu veux dire comme les méchants sorciers dans les contes?

- Pas un méchant sorcier, non, ricana sa mère. Moi aussi, je suis une sorcière. Tu vois… il existe une école appelée Poudlard, c'est une école expressément pour les sorciers, tu recevras certainement la lettre à tes onze ans. Tu iras à cette école comme j'y suis allée. Tu apprendras beaucoup de choses magiques là-bas.

Severus hésita. C'était beaucoup de choses à encaisser, mais pendant un instant, il voulut la croire sincèrement, seulement il ne savait pas s'il devait y croire ou non. Les sorciers existaient dans les livres. Non dans la réalité.

- Comment? fit-il enfin.

- Tu te rappelles sûrement de quelques évènements inexplicables.

Des évènements inexplicables? Comme les apparitions des esprits? Il se rappela qu'effectivement lorsqu'il se sentait menacé une espèce de barrière invisible le protégeait. Cela marchait à tous les coups, surtout lorsque son père désirait le frapper. Mais était-ce cela? Severus se souvint de ce livre trouvé dans la bibliothèque quatre ans plus tôt : les Défenses Contre les Forces du Mal avait été une lecture troublante. Il ne sut vraiment si c'était un livre de pure fiction. Il se rappela qu'il enseignait comment se protéger de certains sorts ou de certaines forces… les forces du mal comme le livre disait.

- Est-ce que le livre des Défenses Contre les Forces du Mal était un de tes livres scolaires?

Sa mère fronça les sourcils.

- Comment sais-tu…?

Severus se renfrogna, craignant d'avoir fait une erreur. Le regard d'Eileen se durcit. Une lueur de peur passa sur son visage. L'intelligence de son fils pouvait être dangereuse. Et s'il avait atterrit sur un de ses livres de magie noire?

Elle se leva subitement et s'éloigna.

- Maman?

Elle se retourna et Severus resta pétrifié. Elle avait l'air furieuse.

- Ne… t'approche pas…

Severus la regarda s'éloigner, ne comprenant pas sa colère soudaine. Il se tourna vers la rue qui faisait face à la maison. Des enfants jouaient entre eux dans un petit parc. Une jeune fille rousse le regardait. Elle avait probablement entendu sa mère hurler. Severus fronça les sourcils et rentra. Refermant la porte derrière lui, il entendit son père grogner.

- Où est-elle encore? Ta mère n'est certainement pas un cadeau du ciel… et toi non plus, d'ailleurs… si elle ne rentre pas, elle va avoir affaire à moi… non, mais! Que se passe-t-il encore dans cette maison?

Ses yeux se posèrent sur son fils. Ils avaient les mêmes iris : aussi noires que la nuit. Pour la première fois de sa vie, Severus ne fléchit pas, ne cligna pas. Une colère soudaine s'empara de son corps. Les lumières de la cuisine clignotèrent. La vaisselle cliqueta. Il vit le regard de son père changer. Il devait avoir été témoin de cette scène de nombreuses fois auparavant avec sa mère. Il recula malgré lui. A-t-il peur de moi maintenant? se demanda Severus. S'il pouvait être terrifié qu'il s'en aille une fois pour toute…

- Arrête ça! hurla-t-il, mais Severus ne broncha pas. Il tendit les bras devant lui, faisant signe de l'attraper et un éclair passa devant les yeux de Severus qui se raidit en voyant l'homme projeter en arrière et tomber à la renverse.

C'était ça alors? La magie? Il était vraiment un sorcier tout comme sa mère?

Il tourna les talons et sortit en trombe au-dehors. Il déguerpit avant que son père ne se relève. Il courut devant les autres enfants qui étaient préoccupés à monter en haut d'une toile. L'un d'eux, un garçon d'environ dix ans, s'écria :

- Hey, regardez! C'est le fils de la sorcière!

Les enfants éclatèrent de rire. Severus cessa brusquement sa course et tourna le regard vers le parc. Ses yeux étaient embués de larmes. Sa colère ne l'avait pas quitté et entendant les rires incontrôlables des enfants, sa fureur explosa. Au même moment, une corde qui tenait le gamin de dix ans se détacha. Il chuta d'au moins trois mètres et atterrit sur le sol poussiéreux. Il fondit en sanglots alors que ses camarades l'aidèrent à se relever. La jeune fille rousse qu'il avait vu quelques minutes plus tôt l'observa encore une fois. Détournant les yeux, il reprit sa course vers il ne savait trop où cela allait le mener. Tout, mais pas cette maison.

Tandis qu'il tourna un angle de la rue, le ciel commença à s'ennuager et des gouttelettes de pluie finirent par tomber sur son visage. La pluie se mêla à ses larmes qui laissa maintenant couler délibérément sur ses joues. Si c'était vrai qu'il y avait quelque part une école de sorcier, se dit-il, alors il souhaita ardemment que les années puissent passer et qu'il puisse s'échapper de ce quartier minable qu'il détestait tant. Cette école devait se situer très loin de chez lui. Tant mieux, se dit-il, je ne veux tout simplement plus revoir ces visages familiers.

« Mais ces années passèrent très lentement. J'avais l'impression d'étouffer de plus en plus. Ma mère ne m'adressait à peine la parole. Elle disait maintenant que c'était de ma faute si père était en colère constamment. Elle qui avait été la seule de la famille à espérer ma naissance et qui s'était occupée de moi… elle me haïssait désormais. Pourquoi exactement? Je n'en savais rien. Parce que je m'intéressais maintenant à la magie et à ses livres scolaires? Je ne voulais plus me faire traiter d'idiot et j'avais commencé très tôt mon apprentissage. Je volais les livres cachés de ma mère et je les lisais et les relisais. Je voulais faire en sorte qu'en commençant mes années à Poudlard, je serais premier de classe. En pensant à cette école, je me sentais chaque fois plus léger. Je savais que je me rapprochais du but, même si le temps avançait à pas d'escargot. Et puis, c'est à ce moment le plus fatidique que je l'ai rencontrée. Moment où je languissais dans le parc devenu désert. Pendant deux ans, elle m'aida à me faire oublier l'endroit d'où je venais. Jusqu'à mon départ… »

Juillet, 1969 - 1971

Près de Spinner's End, le parc qui était si souvent occupé par plein d'enfants était maintenant désert. Les balançoires et les arcades étaient désormais rongées par la rouille. Ils n'avaient même pas pris la peine de réparer la corde qui s'était détachée deux ans plus tôt sur la toile, faisant tomber un jeune de dix ans. Les tourniquets étaient tellement vieux que l'on avait de la difficulté à les faire tourner convenablement. Alors que cet endroit n'était plus bondé de gens, Severus s'en était servi comme endroit où être tranquille. Il allait souvent lire à l'ombre du gros arbre qui surplombait le parc. Il y restait presque toute la journée. Cependant, depuis maintenant trois jours, deux autres enfants avaient pris l'habitude de venir dans ce parc. Deux jeunes filles. Ne voulant pas se faire découvrir, il avait eu l'idée de se cacher. Une des filles (décidément, elles étaient sœurs) était quelque peu plus grande que l'autre, arborant une chevelure fine et châtaine. Elle n'était pas particulièrement jolie, mais se déplaçait avec une certaine élégance. Trop élégant pour une enfant de son âge. L'autre, visiblement la cadette, semblait être celle débordant d'énergie. Elle sautillait à travers le parc, faisant virevolter ses cheveux orangés autour d'elle. Quelque chose disait à Severus que cette fille n'était pas comme les autres qu'il avait vues jouer dans ce parc pendant des années. Elle pouvait accomplir des choses que personne d'autre ne pouvait accomplir. Ce jour-là, elle démontra encore une fois à sa sœur ce qu'elle pouvait faire. Sa sœur qui n'était pas tellement impressionnée était plutôt indignée et refusait d'être témoin de toute chose qu'elle décrivait comme étant « anormal ».

- Comment fais-tu cela? demanda-t-elle pourtant avec curiosité.

- C'est évident, non?

Severus s'était avancé vers les jeunes filles. L'aînée hurla de surprise alors que la cadette ne broncha pas d'un poil. Elle ne sembla pas étonnée de son apparition soudaine. Elle resta calme et observa de ses yeux verts Severus alors qu'il se mit à la même hauteur qu'elle.

- Qu'est-ce que qui est évident? demanda-t-elle innocemment.

- Tu… tu es une sorcière, laissa-t-il tomber gravement.

Seulement, il s'attendait à ce qu'elle ouvre de grands yeux comme lorsqu'il avait appris de sa mère qu'il était sorcier, mais elle fit un regard indigné et sembla être en colère.

- C'est méchant de dire ça aux étrangers!

Elle se détourna et alla rejoindre sa sœur, le nez en l'air.

- Non, attends! s'écria Severus et il regretta immédiatement être sorti de sa cachette. Tu… tu es vraiment une sorcière. Je t'observe depuis un moment. Tu es une sorcière, ma mère aussi est une sorcière et moi, je suis un sorcier.

L'aînée qui n'avait pas encore ouvert la bouche éclata de rire.

- Un sorcier! Mais je te connais. Tu es le fils de Snape, ils habitent pas si loin d'ici. Il parait que ta mère est tout aussi bizarre que toi.

Severus se renfrogna encore plus dans ses vêtements sales et trop grands pour lui. Alors qu'elle essaya de raisonner sa sœur, cette dernière était curieuse d'en savoir plus. Elle s'approcha de Severus qui prit une branche d'herbe.

- Prouve-le, fit-elle.

La branche d'herbe que Severus faisait rouler entre ses doigts se transforma à un genre d'oiseau et vola vers la fillette. Son amusement fut soudain, si soudain qu'il fit sourire Severus.

- T'as vu ça, Tunie? s'exclama-t-elle, mais sa sœur, prenant peur, s'enfuit.

Elle se tourna vers Severus. Il baissa les yeux vers la branche qui battait des ailes dans la paume de la jeune fille.

- Au fait, je m'appelle Lily, dit-elle.

- Severus…

Lily sourit. Le cœur de Severus manqua un battement. Ils restèrent là, côte à côte, jusqu'à ce que Lily brise le silence. Elle jeta un coup d'œil derrière elle, à l'endroit où sa sœur avait déguerpi.

- J'espère que Pétunia n'est pas fâchée, fit-elle tristement.

- Elle est juste jalouse, accusa Severus. Elle est ordinaire, et toi, tu es spéciale.

- C'est méchant de dire ça…

Severus n'avait jamais cru que Lily se serait plu à lui parler. Il n'était pas l'enfant le plus sociable du quartier et le fait qu'il soit différent ne l'aidait pas à sa cause, il le savait. Lily Evans était devenu sa toute première amie. Il lui raconta ce que sa mère lui avait expliqué quelques années plus tôt. Il lui raconta tout à propos de l'école de sorcellerie. Elle fut tout aussi excitée que lui lorsqu'il avait appris ces choses pour la première fois. En échange, elle lui décrivit comment c'était les écoles de moldus. Alors qu'elle était née dans une famille de moldus, elle allait à l'école élémentaire de la ville.

- Tu ne vas pas à l'école? lui demanda-t-elle un jour.

- Non, fit-il en secouant la tête. Je fais mes études à la maison. Oh, ne t'en fais pas, je sais lire, écrire, compter, et je sais beaucoup de choses sur le monde. Maintenant, je lis les livres scolaires de ma mère. Une sorte de lecture… supplémentaire avant mon entrée à Poudlard. Je sais déjà comment faire quelques sortilèges.

Il fut fier de voir sa réaction. Elle le regardait avec étonnement.

- Tu m'apprendras? Quels genres de sortilèges tu peux faire?

Il haussa les épaules, refusant de lui dire que les sortilèges qu'il avait appris étaient enfermés dans des livres que sa mère jugeait être très noirs. Alors que leur amitié s'était fait aussi vite et aussi soudainement, leur première dispute éclata un jour. C'était évident aux yeux de Severus que Pétunia Evans ne l'aimait tout simplement pas. Et c'était réciproque. Il fit tomber une branche d'un arbre un jour et celle-ci s'était abattue sur l'épaule de Pétunia sans crier gare. Elle avait éclaté en sanglots et Lily l'avait purement accusé. C'était de sa faute, il le savait pertinemment et s'était excusé de sa conduite. Mais Lily n'était pas une jeune fille rancunière et sa colère s'évapora à chaque fois.

- Parle-moi encore des Détraqueurs, dit-elle alors un jour où ils étaient couchés sur l'herbe côte à côte.

- Tu les trouves si fascinants que ça? sourit Severus, amusé. Eh bien, ils gardent la prison des sorcier, Azkaban, tu te rappelles… je t'ai déjà tout ça.

- Oui, mais si je fais de la magie en dehors de l'école!

Il remarqua son air inquiet. Il ricana :

- Tu n'iras pas à Azkaban pour cela, Lily! Ils t'emmènent à Azkaban si tu as fait quelque chose de très mal. Et puis, ils laissent les enfants qui ne sont pas encore à l'école, puisqu'on n'y peut rien. Tu ne te retrouveras jamais à Azkaban, tu es trop…

Il se tut soudainement et rougit. Lily fut soulagée.

- Comment ça va chez toi? demanda-t-elle changeant brusquement de sujet.

- Ça va, je crois, fit Severus en fronçant les sourcils.

- Ils ne se disputent plus?

- Oh, oui, ils se disputent… souvent… mais encore deux ans et je serais parti.

Il se releva et attrapa une feuille tombée de l'arbre où ils se trouvaient. Il changea rapidement de sujet en lui demandant si elle allait encore à la même école.

- Oui! s'exclama-t-elle. Ma dixième année. J'aime beaucoup cette école. Elle me manquera, je pense. Je me demande qui sera mon professeur, cette année.

- À Poudlard, ils ont un professeur pour chacune des matières.

Severus leva le regard vers les branches. Les feuilles virevoltaient au-dessus d'eux, décrivant des cercles et des arabesques dans le ciel. Lily en fut émerveillée. Alors que les jours passaient, ils étaient très près de partir. Au moment où la fameuse lettre de l'école arriva, Severus ne prit même pas la peine de la lire. Il jubilait intérieurement en pensant que dans seulement deux mois il partira d'ici. Lily lui montra sa propre lettre en sautillant d'excitation. Severus ne put s'empêcher d'éclater de rire en voyant son visage et en l'observant gambader dans le parc en serrant la lettre contre sa poitrine. Il ne s'était jamais senti aussi bien que maintenant. En onze ans, c'était la première fois qu'il se sentait léger et il laissa même Lily lui prendre la main et l'entrainer dans sa danse.