Terre des trois lunes – Château d'Eros

« Comme vous le savez déjà, votre reine est mourante. »

Elle se tut un instant. Assise sur son trône, elle était épuisée. Des spasmes de douleurs firent tressauter son corps brûlant. Elle inspira profondément faisant fit de sa souffrance. Son discours était important. Tous devaient l'entendre. Elle le devait pour son unique enfant, sa fille...

Une larme de sueur s'écrasa sur sa cuisse.

« Ma fille, la princesse Hanna, est aveugle, muette et … paralysée. »

La reine évita soigneusement le regard de sa progéniture, le corps de douze années reposant dans les bras de son protecteur, Ethan. Ce jour, elle avait réuni la cour toute entière. Cette cour même qui était à la fois sa meilleure amie et sa pire ennemie, fuyait la fille qui avait vu le jour au sein du lit royal. Elle s'agglutinait aux pieds du trône d'or et d'argent, laissant son bébé loin de tous, réfugié derrière un de ses énormes piliers de pierres blanches. Mais cela ne l'étonnait pas. Après tout comment pouvait-elle leur en vouloir de fuir une enfant anormale. Sa fille, infirme depuis sa naissance portant de longs cheveux aussi blanc et immaculée que la neige d'hiver et au regard éteint teintés de la couleur du sang n'était pas sensée exister. Seule, elle serait morte le jour de sa naissance.

Mére, non !

Les jambes d'Ethan flanchèrent sous le cri de désespoir raisonnant dans sa tête. La voix se répercutait sur les parois osseuses de son crâne. Pendant que la reine continuait son discours, il était assailli d'appels déchirants de douleurs et de peines.

«Un jour, elle sera amener à gouverner en tant que reine sur nos terres. Pour la protéger et pour protéger la terre des trois lunes, je vous ais tous réunis aujourd'hui pour vous annoncer… »

Pourquoi ? Pourquoi ne me touche-t-elle pas ? Pourquoi mère ne veut pas m'écouter ?

« …le mariage imminent de ma fille. J'offre sa main… »

Pitié ! Mère, taisez-vous !

« Peut-être parce qu'elle savait ce que vous alliez dire, princesse, chuchota Ethan. »

Une larme s'accrocha aux cils sombres d'Hanna.

« … à Henri Danton, fils du compte de Valro et neveu de mon défunt mari. »

Hanna hurla. Ethan poussa un gémissement à peine audible. Une grimace douloureuse déforma ses traits déjà altérés par les combats et le feu destructeur.

« Princesse, murmura-t-il. »

L'homme appeler à se tenir aux côtés de la princesse infirme sortit des rangs. Il s'inclina respectueusement devant la reine et Ethan put voir son visage. Il frémit à ça vu. Il n'était pas laid. Loin de là. Son sourire orgueilleux et fière remontait jusqu'à son regard en amande bleu azur surmonté de sourcils parfaitement dessiné. Ses pommettes hautes avaient rougie sous le regard de la reine. Ses joues creusèrent de profondes fossettes qui le rendaient presque attendrissant. Son visage triangulaire sans aucune cicatrice était encadré de cheveux châtains ondulés qui tombaient souplement sur ses épaules. Ce visage s'inscrit dans la mémoire d'Ethan non pas comme le fiancée de sa maîtresse, mais comme celui qui hantait ses nuits et ses journées. Celui qu'elle redoutait depuis sa plus tendre enfance, qu'elle craignait plus encore que le diable en personne.

Un murmure arrêta le fil de ses pensées.

Mère, qu'avez-vous faits ?

« Ethan, appela la reine. Amène ma fille. »

Ethan hocha la tête. La foule s'écarta les laissant passé. Le protecteur gravit les quelques marches qui le séparaient de la mère d'Hanna. La reine ne les regardait pas. Elle fuyait leurs yeux. Ethan en fut certain elle savait quelles conséquences elle engendrait. Elle connaissait l'unique issu de cet acte.

« Hanna. Veux-tu bien saluer ton fiancé ? »

Ethan ne prononça pas un mot. Il ne dévoila pas à la jeune princesse que sa mère ne la regardait pas.

Mère, non ! Gémit-elle.

Ethan tourna son regard en direction du futur roi. Il le regarda avec insistance sans émettre le moindre son. Henri fronça les sourcils sans comprendre ce que l'on attendait de lui.

La reine toussa. D'un signe de la main, elle lui intima de s'avancer en direction de sa fille.

« Pour l'entendre, il vous faut la toucher. Toucher sa peau et vous comprendrez. »

Henri s'inclina de plus en plus perplexe. Il s'approcha et toucha la main blanche d'Hanna. Ethan s'attendait à ce que sa protégée s'insinue dans son esprit, mais rien ne se produisit. Sa tête était aussi silencieuse qu'habituellement. Ethan souffla et pressa le corps de la princesse. Alors un chuchotement à peine perceptible s'insinua dans sa tête et celle du seigneur Danton.

Bonjour, sir Danton.

Puis le murmure s'évanouit. Elle n'ajouta rien de plus. Rien de moins. Henri retira sa main précipitamment. Il était assourdi par cette découverte.

« Qu'est-ce… »

La reine toussa de plus belle. La fatigue marquait ses traits.

« La princesse, est muette. Mais depuis sa naissance le contact est son seul moyen de communication. C'est la voix de ma fille qui raisonne dans votre tête. »

Henri se reprit. De nouveau son visage se montra impénétrable.

« Elle n'est pas sourde, ajouta t-elle. »

Henri comprit le message implicite qui raisonnait dans cette information.

Il s'inclina devant Hanna.

« Je suis enchanté, de vous rencontrer enfin ma chère cousine. Je vous prie de me nommer par mon prénom. »

Il se tut. Ethan le toisait sans une once de compassion. Henri ressentit pour la première fois le mal aise.

« Dit-elle quelque chose ? Demanda-t-il enfin. »

Ethan se détourna et regarda la reine qui avait la tête levée le regard clos.

« Elle désire vous parler, dit Ethan. »

La reine frémit légèrement.

« Pas maintenant, souffla-t-elle. »

Ethan entrouvrit les lèvres, mais la reine le fit taire.

« Hanna. »

Ethan acquiesça. La jeune fille avait compris. Il s'approcha de la reine posa un genou à terre.

« Peux-t-elle réintégrer sa chambre ? »

La reine hocha lentement la tête. Ethan se redressa la tête basse.

« Votre majesté… chuchota-t-il. »

« Je vais la prendre. Vous devez être… »

Henri ne put toucher la princesse que le corps d'Ethan la protégea et une dague apparut sous la gorge du seigneur. La reine poussa un cri perçant.

« Ethan ! Siffla-t-elle. »

Elle se tourna en direction de son neveu par alliance.

« Je vous prie de le pardonner. Mais personne d'autre que lui ne peut porter Hanna. Elle… Elle ne vous connaît pas encore… »

Henri laissa retomber ses bras et un sourire forcé apparut sur ses lèvres.

« Mais pourquoi ne pas les accompagner ? Ainsi vous pourrez faire connaissance. »

Le sourire du comte atteint ses yeux. Ethan rangea sa dague. Henri effectua une révérence et le suivit. La foule leur lançait des regards désapprobateurs que tout deux ignoraient.

Ethan, ne le laisse pas me toucher. Ne le laisse pas s'approcher de moi.

Le protecteur sentit de faibles frémissements contre son torse. Il resserra son étreinte. Suivit du comte, ils sortirent de la salle de trône. Ils passèrent devant une rangée de gardes, avant de passer par la porte arrière. Ils descendirent trois marches et se trouvèrent dans la cour intérieure du château. Face à eux, se dressait une immense tour blanche.

« Tu l'as toujours porté ? demanda le comte »

« Depuis 96 lunes, répondit Ethan sans ralentir son pas. »

Le comte en parut impressionné.

« Mais quel âge as-tu donc ? Tu sembles jeune… »

Ethan ne répondit pas immédiatement.

« 264 lunes, lâcha-t-il »

Henri acquiesça. C'est plus ou moins le nombre qu'il avait imaginé. Il tourna la tête de droite à gauche cherchant visiblement quelque chose.

« Où se situe sa chambre ? »

Ethan désigna la tour face à lui, visiblement agacé. Les sourcils de son interlocuteur se froncèrent légèrement.

« C'est… c'est un lieu inhabituel pour une princesse, hésita-t-il. »

Ethan haussa les épaules. Ils arrivèrent au pied de la tour en silence. Ethan porta un coup de pied à la porte en bois. Il pénétra à l'intérieur. Henri vint à sa suite et porta son regard au plafond. Les escaliers en colimaçon lui donnèrent le tournis tant ils montaient haut. Il baissa son regard et s'aperçut qu'Hanna et son protecteur avaient déjà commencé l'ascension. Et ils gravissaient vite. Henri s'élança à leur suite.

« Je présume que sa chambre se trouve tout en haut. »

Ne lui répond pas ! Je ne veux plus l'entendre. Fais le taire.

Ethan acquiesça. Henri soupira. Puis il fixa les cheveux de la princesse.

« Dit-elle quelque chose ? demanda-t-il. »

Accélère !

Ethan allongea son pas se retrouvant presque à courir. Henri le poursuivit essoufflé.

« Elle vous parle n'est-ce pas ? »

Le protecteur lança un bref regard à son poursuivant et serra les dents.

« Elle ne veux pas de moi… »

Henri s'arrêta tandis qu'Ethan continuait.

« Et bien, je vais vous laisser. Au revoir princesse ! dit-il. »

Le comte se détourna et Hanna n'entendit plus que ses pas. Ethan entendit le soupir de la jeune fille dans sa tête. Il monta encore jusqu'à ce qu'une porte blanche ornée de motif en or lui bloque le chemin. Il porta tout le poids de la princesse contre son torse et de sa main libre, il tourna la poignée. Devant lui apparut une pièce sobre aux murs blancs.

Pose moi sur le parquet !

Ethan s'avança dans la pièce et doucement allongea la princesse sur le sol dur. Ses mains rudes continuèrent de toucher la peau d'albâtre.

Il faut que je les appelle…. Je n'ais plus le choix ! Je dois les appeler. Ouvre la fenêtre en grand !

Ethan obéit. Il se leva et ouvrit la petite fenêtre. Le vent s'engouffra aussitôt à l'intérieur. Il revint auprès d'Hanna.

Sur ma coiffeuse, il y a une bassine d'eau. Renverse l'eau tout autour de moi et forme un cercle. Dans le coffre, aux pieds de mon lit, tu trouveras un bocal de terre et quatre bougies. Recouvre l'eau avec la terre. Puis tu placeras les bougies que tu allumeras sur le cercle aux quatre points cardinaux.

Ethan s'exécuta sans poser de question. Une fois le cercle tracer. Le vent s'enroula autour de lui. Ou plus tôt autour du cercle. Les flammèches des bougies dansèrent sans s'éteindre. Il toucha le front froid d'Hanna.

Agenouille-moi ! Je tiendrais. Ensuite, tu sortiras de la pièce et attendra devant la porte close. Ne rentre pas et ne laisse personne rentrer. Tu m'entendras tombé, et seulement à ce bruit tu pourras venir me rejoindre.

Ethan acquiesça et embrassa le front de sa maîtresse. Les joues de la jeune fille rosirent. Il la redressa et passa ses jambes sous ses fesses. Hanna ferma les yeux et Ethan entendit un chant raisonner dans son esprit. Ses mains quittèrent le corps infirme, et le silence se fit dans l'esprit du protecteur. Il sortit silencieusement de la pièce et ferma la porte derrière lui.

Hanna entama une incantation. Le vent se fit plus violent autour d'elle. Son esprit se mit à vagabonder. Et elle vit. Son esprit erra sur les océans bleus qu'elle ne pouvait voir dans la réalité. Puis elle fixa une île. C'est là qu'elle devait se rendre. Elle se concentra d'avantage pour atteindre l'îlot.