A Happy Life
Chapitre 1
Toronto, Canada – 05 mai 2013.
Sans grande surprise, Charlotte n'avait pas réussi à rester au lit.
Ainsi, elle était descendue et s'était postée à la fenêtre, observant le soleil se lever et la nature s'éveiller.
Inconsciemment, ses doigts vinrent jouer avec son alliance et elle sourit en pensant à Kevin, paisiblement endormi à l'étage.
Mais bien vite, le sourire s'estompa.
Car ce n'était pas la première bague qu'elle portait.
Non, elle en avait déjà porté, vingt ans auparavant.
Jeune diplômée, elle avait revu Josh, par hasard.
Il l'avait invitée à boire un verre, elle ne s'était pas méfiée.
Elle était jeune, jolie et naïve.
Waleena, sa meilleure amie, l'avait mise en garde mais elle avait fait la sourde oreille.
Elle était heureuse, alors...
Elle se leva, fourrageant dans une des nombreuses armoires de la maison.
Elle y trouva de nombreuses choses, merci à ses quatre filles, parfois bien étonnantes (des croquettes pour chat dans une boîte à Smartie's ?).
Mais finalement, elle trouva ce qu'elle cherchait : son album-photo.
Elle revint s'asseoir, l'ouvrant.
Immédiatement, elle se revit à l'âge de vingt ans, poupée blonde déguisée en mariée.
À l'époque, elle souriait de toutes ses dents.
Après, elle ne souriait plus, le regard baissé et le corps ravagé, recouvert de coups.
L'idylle avait duré six mois, pas un jour de plus...
« Cha' ? »
Elle releva la tête, rencontrant le regard bleu, ensommeillé, de Kevin.
Il vit ses larmes et l'album, il comprit.
Sans un mot, il la rejoignit, prenant ses mains entre les siennes.
Il lui dit :
« Tu ne devrais pas regarder ça, ça te fait plus de mal que de bien. »
« Peut-être. Mais il y a vingt ans, Kev'. »
« Je sais. »
« Et si tu n'étais pas revenu ? Qu'est-ce qui se serait passé ? »
Il n'osait l'imaginer, frissonnant à l'idée de Charlotte battue, encore et toujours.
Oo*oO
L'album fut remis en place comme quatre têtes blondes descendaient, un air oscillant entre le désintérêt total et l'ébahissement.
Tara, la petite dernière, s'exclama en souriant :
« Y'a du soleil ! »
« En effet, ma chérie. Tu viens déjeuner ? »
« Mais c'est génial ! »
L'aînée, Ally, arqua un simple sourcil comme Lily et Julia, respectivement onze et neuf ans, secouaient la tête devant l'air extatique de leur sœur.
« Papa, t'es sûr qu'elle est de notre famille ? »
« Lily... »
« Quoi ! Je pose une question. »
« Mange tes céréales. »
« Oui, chef. »
« Bien. »
Il avala les dernières gorgées de son café, fourrant une cuillerée de céréales dans la bouche toujours ouverte de Tara qui s'indigna dans un cri étouffé.
Il lui fit un clin d'œil en souriant, embrassant ses quatre filles à tour de rôle sur le front, rituel matinal obligatoire dans la famille Wordsworth.
Oo*oO
Ally partie pour le collège, Charlotte devait conduire les trois autres à l'école, entre disputes, coups bas et geignements.
« Maman ! Lily m'a tiré les cheveux ! »
« Même pas vrai ! »
« Si, c'est vrai ! »
« Non, c'est pas vrai ! »
« Lily et Julia, vous avez dix minutes pour vous préparer et être dans la voiture ! »
« Mais... »
« Exécution ! »
« Et moi ? »
Charlotte baissa la tête vers Tara, lui souriant :
« On va te coiffer ? »
Oo*oO
Enfin, la maison redevenait calme.
Mais avec quatre enfants, forcément...
« Cha' ? »
« Salut Waly. »
« Je peux entrer ? »
« Bien sûr. »
« Merci. »
Sa meilleure amie s'exécuta et elles se retrouvèrent assises autour d'une tasse de thé.
Immédiatement, la noire devina :
« Josh, huh ? »
« Oui. »
« Cha', c'est pas bon. »
« Je sais. Mais je ne peux pas m'empêcher de m'imaginer... dans une autre vie. »
Waleena ricana dans sa tasse.
« Tu serais morte, Cha'. »
« Sûrement, oui. Mais Kevin est revenu. »
« Il t'a sauvée. »
La blonde sourit :
« Oui, il m'a sauvée. »
Bonus chapitre 2
* Elle avait 22 ans, belle jeune fille blonde au corps brisé par le sadisme d'un homme.
* Le regard fuyant et la tête tournée sur le côté pour cacher sa lèvre fendue et sa joue tuméfiée, elle avait fait face à l'officier Wordsworth, ce grand nounours au cœur tendre, grand défenseur de la veuve et de l'orphelin.
* Ses cicatrices n'étaient pas honteuses, elles étaient le reflet de la guerre qu'elle avait menée.
