Que volent les masques !

Il y a des choix qui peuvent bouleverser une vie, en bien comme en mal… et il suffit parfois d'une personne pour tout ramener dans la bonne direction. Mais les jeux d'alliance et les sentiments ne font pas bon ménage. Ils n'avaient cessé de le lui répéter : un soldat n'aimait que sa patrie. Squall n'avait jamais été fait pour être une machine de guerre ; il était temps qu'il le réalise. Mais était-il le seul ?

NOTE : Un reupload encore, car je n'avais pas eu terminé cette fic avant de supprimer mon ancien compte.


Prologue :

- Il s'agite beaucoup, mais ce n'est pas si mauvais signe... Oui, tu penses, après ce qu'il a reçu ! Ces adolescents, ce ne sont que des chiens fous !

La voix de vieille matrone sortit le brun de sa torpeur. Il jeta des coups d'œil autour de lui, sans comprendre pourquoi il se trouvait dans un lit de l'infirmerie. En se tournant vers le bureau de l'infirmière,
il l'aperçut au travers de la vitre gigantesque, qui donnait l'impression qu'elle travaillait dans un aquarium. La femme, au teint foncé, croisa son regard. Aussitôt, elle s'exclama :

- Il vient de se réveiller ! Je dois te laisser !

Sur ces mots, elle raccrocha le téléphone, auquel elle devait être suspendue depuis un bon moment. Avec son embonpoint non négligeable,
elle se traîna pesamment jusqu'à son patient.

- Alors... Monsieur Leonhart, dit-elle après avoir consulté son dossier,
comment vous sentez-vous ?

- Bien... J'ai juste une migraine étrange.

Il voulut se lever, mais elle le retint fermement et ne lui permit que de redresser le buste. Avec déplaisir, l'élève dut céder. La poigne de cette femme était redoutable.

- ça n'a absolument rien d'un mal de tête, jeune homme ! rit-elle presque joyeusement. Tenez !

Et elle lui tendit un miroir. Squall le prit et étouffa une exclamation de surprise. Il comprit mieux pourquoi la douleur était si violente. De plus, elle l'élançait en continu et non par intermittence, comme c'était le cas des violents maux de tête. Il approcha tout doucement ses doigts de la plaie encore vermeille et ouverte, en effleura les bordures déjà endurcies. Il n'osa pas s'aventurer plus loin. D'ailleurs, le docteur le lui interdit. Il risquait de déposer des germes dans la blessure.

- Oui, ce n'est pas passé loin ! Vous auriez pu finir borgne ou aveugle ! Il en va de même pour votre camarade Almasy... D'ailleurs, vos cicatrices sont quasiment identiques... acheva-t-elle, si bas que Squall ne comprît point ces derniers mots.

- Comptez-vous me refaire un bandage ? s'enquit-il, assez pressé de partir.

- Non, elle se refermera plus rapidement si vous la laissez à l'air libre. Toutefois, je vais vous prescrire quelques médicaments.

Le mot était faible. Squall ressortit de l'infirmerie une vingtaine de minutes plus tard, avec une liste aussi longue que le bras. Il la parcourut brièvement du regard ; il n'avait pas les moyens de se payer ne serait-ce qu'un quart du traitement et, avec les restrictions budgétaires actuelles, le directeur ne lui ferait jamais parvenir de fonds supplémentaires. Il serra les poings. Il était défiguré, avait assurément frôlé le renvoi, tout ça à cause de ce crétin de Seifer. Un infime point positif figurait au tableau : les chances d'attraper une septicémie étaient faibles ; ses résistances immunitaires avaient toujours été excellentes. Il tâcha de se calmer et préféra aller prendre l'air. Il s'installa sur un banc, soupira profondément. Le vent charriait des nuées de feuilles sanglantes, comme sa plaie. Plusieurs se glissèrent entre ses mèches brunes. Il les en chassa d'un geste vif. La sonnerie annonça soudain la reprise imminente des cours. Celui de Melle Trepe commençait dans quelques minutes.

Squall patienta encore une minute. Il redoutait la réaction de ses collègues, les regards qu'ils lui jetteraient et craignait ce que Seifer leur aurait raconté. Une seule chose aurait pu faire empirer la situation : qu'il arrivât en même temps que sa professeur. La rumeur courrait qu'elle n'était pas insensible à ses charmes et qu'il devait ses bonnes notes à cette attirance interdite. Naturellement, Seifer avait propagé ces mensonges autant qu'il avait pu. Peut-être en était-il même à l'origine. A l'instant où Squall posa le pied dans l'ascenseur, il sut que l'après-midi serait atrocement longue pour lui.

- Bonjour Squall, dit Quistis, avec un sourire tout ce qu'il y avait de plus neutre.

Il maugréa un "bonjour madame" à peine respectueux et appuya sur le bouton, la mort dans l'âme. Il accéléra dans le couloir, afin d'entrer dans la salle de cours avec un peu d'avance. Celle-ci ne s'avéra pas suffisante. Pire, il constata que Seifer et ses deux acolytes de toujours, Raijin et Fujin, s'étaient postés au bureau juste derrière le sien. Il ne pourrait pas suivre le cours ; ils ne le lui permettraient pas. Néanmoins, il alla s'asseoir à sa place, en silence. Quistis entra à son tour, quelques secondes plus tard. Elle referma la porte derrière elle et déposa son cartable de vieux cuir sur le bureau. Là, elle chaussa ses lunettes et sortit ses papiers. Squall percevait des ricanements dans son dos. Les remarques ne tardèrent pas.

- Alors, dans l'ascenseur, c'est comment ? ricana Raijin, à qui l'humour manquait toujours aussi cruellement.

Squall lui adressa un simple doigt d'honneur. Il ne se retourna même pas et commença à sortir ses affaires. Il aurait pu signaler à la professeur le changement de place, mais il ne comptait pas passer pour le petit rapporteur de service. Quistis le remarqua d'elle-même.

- Seifer, Raijin, Fujin ! Il me semble que ce ne sont pas vos postes habituels, je me trompe ?

Seifer répondit du tac-au-tac :

- Non... et alors ? ça vous pose pas de problème !

Plusieurs murmures parcoururent l'assistance. Trepe était réputé pour être une enseignante plutôt sévère, tout en demeurant extrêmement juste et agréable avec les élèves polis. Ce qu'elle détestait par-dessus tout était les cancres jouant les fiers à bras et Seifer en était le parfait exemple. Redoublant, arrogant à souhait, il l'exécrait aussi.

- Si justement, figurez-vous, répliqua-t-elle sèchement quand les chuchotements se turent. De plus, vous êtres trois pour deux postes. Ce n'est pas acceptable.

Le sourire satisfait qu'afficha Almasy la fit regretter ses mots.

- Parfait, je peux m'installer à côté de Squall. Je l'aiderai.

La blonde ouvrit la bouche pour protester, mais il ne lui en laissa pas le temps et balança son sac à l'avant. Puis il s'installa à sa nouvelle place, qu'il s'était attribuée sans l'accord de quiconque. Quistis vit le visage de Squall se tendre, mais elle vit surtout le temps qui passait et réalisa qu'elle n'avait même pas commencé la leçon. Elle ne pouvait pas se permettre de bâcler ce qui s'avèrerait un enseignement fondamental. Elle n'avait pas le choix ; Seifer avait gagné la manche.

- Bien, soupira la professeure, mais n'embête pas Squall.

- Moi ? Je n'oserais jamais ! ricana-t-il dans un murmure.

Il se tourna vers le brun.

- Sérieusement, regardez-moi cet adorable petit minois ! Une vraie jeune fille en fleur !

Squall continua de pianoter sur son moniteur comme si de rien n'était, mais il étouffait. Il aurait accepté n'importe quoi, pourvu que Seifer fût subitement éloigné très loin de lui. Seifer racontait n'importe quoi, comme d'habitude, mais quoiqu'il dît, cela prenait de l'importance pour Squall. A l'opposé, il se moquait de ce que racontaient les autres. En effet, Seifer était loin d'être le seul ayant sous-entendu qu'il était une fille ou un transsexuel ou tant d'autres choses encore plus dingues.

Squall n'était pas quelqu'un de sociable, loin de là. Ceux qui le prétendaient asocial, eux, n'avaient peut-être pas tort. Hors une personne très solitaire attirait rarement la sympathie et la compréhension de ses semblables. Elle finissait la plupart du temps rejetée ; on inventait à son sujet des tas de choses complètement invraisemblables. Squall était cette personne là. Il s'en fichait. Les moqueries glissaient sur lui, sur l'armure qu'il s'était forgée. Mais Seifer, lui, allait toujours plus loin que les autres.

- Tu sais, si tu laissais quelqu'un vérifier une bonne fois pour toutes... murmura le blond et il glissa ses doigts sur la cuisse de Squall.

La première fois que Seifer avait eu cette attitude presque charmeuse, Squall avait passé des nuits difficiles. Seifer jouait la comédie, et assez mal d'ailleurs, mais le brun n'était pas habitué à être touché. Le temps de rêves, qu'il s'acharnait à appeler des cauchemars, il dissociait le psychisme du corps. Un corps qu'il avait envié jusqu'à le vouloir. Ce n'était pas sa némésis dans ses songes ; c'était une copie parfaite de lui, mais au caractère contraire, tendre et protecteur.

- Seifer, qu'est-ce que c'est que ça ? s'exclama la voix de Quistis.

Elle se pencha pour voir, mais heureusement Seifer retira rapidement sa main. Elle s'en était tout de même rendue compte ; Seifer jouait avec Squall, qu'il croyait amoureux de lui. Il s'amusait à le faire rougir "comme une fillette", à le mettre hors d'haleine avec un simple geste. Il n'avait qu'un an de plus, mais la différence de sensibilité entre eux était flagrante. Squall réagissait au moindre geste qu'il faisait, alors que rien n'aurait ébranlé le chef du comité. Quand la sonnerie de fin des cours retentit, Squall se leva illico. Seifer le retint par le bras, alors qu'il espérait s'enfuir discrètement.

- Allons, je te terrifie à ce point ? Reste un peu...

Il voulut l'obliger à se rasseoir. Squall refusa et continua de tirer, mais Seifer résistait sans le moindre effort.

- Lâche-moi... grinça-t-il entre ses dents.

- Incroyable ! Il a parlé ! s'exclama Almasy, avant de partir d'un grand rire.

Il desserra son étreinte et Squall en profita pour filer. Il fonça à la cafétéria, en espérant y trouver un peu de calme. Peine perdue. Zell Dincht, un des élèves les plus turbulents, était dans les parages. Accessoirement, c'était un véritable fanatique des bretzels ; en résumé, Squall l'assimilait à un abruti. Tandis que le blondinet se lamentait, Squall passa devant lui. Il prit un plateau, le garnit et gagna une table libre.

Il n'avait même pas commencé à manger que le comité fit irruption dans le restaurant. Almasy n'eut pas à le chercher longtemps. Il le repéra presque aussitôt et alla droit sur lui. Raijin et Fujin l'entouraient. Ravis d'assister au spectacle, ils s'accoudèrent à la table. Squall ne leva pas les yeux vers eux. Mais la main qui serrait son couteau trembla. Une seconde, il s'imagina leur ouvrant la gorge et leur arrachant leur sale langue de vipère. Une voix détestée le rappela à la réalité.

- Dis-moi, ça ne te dérange pas si on s'installe avec toi ?

De la fausse politesse, de l'hypocrisie complète servie avec le ton servile et le sourire narquois. Squall fit comme s'il n'avait rien entendu. Seifer ne tolérait pas qu'on l'ignore. Squall prenait des risques, mais c'était la maigre barrière qu'il tenait encore. Il ne résistait que par le mutisme. Une main balaya son plateau. Dans un fracas terrible, tout se renversa. Seifer enjamba les restes et se plaça face à lui. Il approcha son visage du sien. Il avait l'air content de lui ; Squall resserra sa poigne sur le couteau. Dieu qu'il le haïssait !

- Enerve-toi... susurra le blond. Défends-toi comme hier...

Il voulait revoir cette rage dans ses yeux habituellement si calmes, cette haine qui le consumait littéralement. Almasy était le seul qui réussissait à le malmener, à le faire douter. Sous ses piques, la carapace se fendillait. Posséder une telle emprise sur quelqu'un le faisait jubiler, surtout sur celui qu'il voyait comme son rival et le meilleur élément de la BGU après lui. Il nourrissait une forme d'admiration pour Squall, une sorte de respect enfoui sous du sadisme. Car quel intérêt aurait-il eu à enfoncer quelqu'un qu'il n'estimait pas ? Non, vraiment, le jeu n'aurait pas été si drôle. Il se serait vite ennuyé.

- Je ne te ferai pas ce plaisir, rétorqua Leonhart, flegmatique.

Il avança la main vers une pomme, la seule part de son repas qui n'avait pas fini sur le carrelage. A peine allait-il la saisir que Seifer s'en empara. Il croqua dedans avec un large sourire et fit volte-face, abandonnant là Squall, sans rien à manger. Le jeune homme s'agenouilla et entreprit de nettoyer son repas répandu sur le sol. Il se coupa plusieurs fois sur les éclats de verre et de faïence de l'assiette, qui avait volé en éclats. Il repensa à cette stupide infirmière qui s'était ébahie devant sa maigreur ; il n'y avait pas de quoi s'étonner. Squall mangeait rarement, juste quand il arrivait assez en avance à la cafétéria pour éviter Seifer et sa bande.

Il attendait avec impatience le jour où il passerait l'examen du Seed. Ce serait la libération. Son diplôme en main, il partirait en mission, aussi loin que possible. Il mettrait entre lui et son bourreau des milliers de kilomètres. Alors il pourrait commencer à vivre.


Merci aux lecteurs ^^