2h34 du matin. Draco entra dans la cuisine et y trouva Hermione Granger attablée.

Les jambes nues ramenées en tailleur sur une chaise en bois, la jeune femme dévorait, cuillère à soupe après cuillère à soupe, une casserole de lentilles, comme si sa vie en dépendait. Draco observa en retrait cet étrange spectacle. Lui revint en mémoire les remarques inquiètes de la maisonnée avisant la jeune femme à manger, vraiment manger – « pas seulement un biscuit ou une pomme toutes les quarante-huit heures » avait lancé l'un d'eux. Elle semblait effectivement avoir maigri, ou peut-être était-ce une illusion d'optique occasionnée par la chemise à carreaux disproportionnée qu'elle revêtait. Peu importait.

« Une petite faim, Granger ? »

Le visage de la concernée s'éleva brusquement, l'air incrédule. Dès qu'elle le reconnut, un mélange d'ennui et d'irritation balaya son expression de surprise. Elle leva au ciel ses yeux cernés par le manque de sommeil.

« Va te faire voir, Malfoy », rétorqua-t-elle d'une voix rauque et lasse

Tandis qu'elle replongeait sa cuillère dans le récipient, il avança jusqu'aux placards derrière elle pour en sortir un paquet de pâtes. Il remplit une casserole d'eau et la mit sur le feu. Jetant un coup d'œil à la chevelure volumineuse et désordonnée, il répliqua :

« Tu fais bien de reprendre des forces : ta répartie manque de ferveur. Ma victoire en est bien moins savoureuse. »

Il vint s'asseoir en face d'elle.

« Puisque mon existence ne se résume qu'à rendre palpitante le séjour de Draco Malfoy dans les quartiers de l'Ordre, grogna-t-elle, lui lançant un regard noir.

- Je trouve ce but plutôt noble, répondit-il, en s'étirant nonchalamment sur sa chaise.

- J'imagine. »

Elle soupira.

« Il fallait que tu choisisses le moment précis où je me trouve dans la cuisine pour te préparer à manger... ajouta-t-elle exaspérée. La nuit est pourtant suffisamment longue pour que ce genre d'infortunes n'arrivent pas.

- Ce genre d'infortunes n'arriveraient pas si tu passais de longues nuits à dormir dans ton lit.

- Ou si tu passais les tiennes endormi, et non éveillé, ici, à mes côtés.

- Conclusion : ne me blâme pas moi, blâme la guerre, Granger. »

Les deux sorciers se turent. Draco se leva pour verser ses pâtes dans l'eau qui commençait à bouillir. Hermione avala les lentilles qui restaient dans la casserole en deux cuillerées.

« Je m'en vais aller blâmer la guerre ailleurs, si tu veux bien, annonça-t-elle sur un ton faussement courtois.

- Tu m'en vois ravi », assura-t-il avec la même politesse ironique.