Le prix du sang
Résumé : Lisa et Ethan sont les enfants de Samuel, qu'ils ont retrouvé au bout de 24 ans. Ethan possède le loup en lui depuis sa naissance, mais peut le transmettre à sa sœur –à la santé fragile- ce qui les rend exceptionnels. Lisa a été convoitée par le Marrok d'Europe pour pouvoir s'en servir comme mère porteuse car sa capacité à avoir le loup en elle quand elle le désire, lui permet de porter des enfants avec l'ADN du loup-garou en eux. Sauvée par la meute d'Adam et compagne officielle de Ben qui l'a demandée en mariage dès leur retour d'Europe, Lisa tente de reprendre une vie normale…
-1-
Le temps était redevenu plus doux en ce début du mois de février. Avec un peu de chance, l'hiver ne durerait pas trop longtemps et le printemps serait précoce. Beaucoup de suppositions, donc peu de chance que cela se réalise. Au moins, si le temps n'était pas aussi rapide à filer, je me dirais que je pourrai profiter de mes jours de convalescence… mais bon, à force de rester dans l'appartement, je commençais à tourner en rond. Et cela me stressait car je n'aimais pas être inactive. En même temps, plus on se rapprochait de mars, et plus j'étais stressée. Pourquoi avais-je accepté de me marier en mars moi. On se marie en été, pas au printemps ! Une merveilleuse idée de mon cher frère qui avait déjà trouvé une salle pour presque rien selon lui, un disque jockey, un traiteur… je croyais rêver là. Et je ne voulais surtout pas de ce genre de mariage qui plus est. En fait, je ne rêvais que d'une chose : m'enfuir de là et aller me marier en catimini avec Ben sans personne autour. Bon là, je me ferais trucider par mon frère qui m'en voudrait toute ma vie de l'avoir laissé de côté pour le jour le plus important de ma vie, comme il le disait. En même temps, moi tant que j'étais liée à celui que j'aime pour la vie, ça me suffisait largement. Je n'aime pas être le centre d'attention, alors toute une journée avec des yeux rivés sur moi… non merci. Et côté centre d'attention, je pense qu'en l'espace de quelques semaines, j'avais assez donné.
Se faire enlever par la Marrok d'Europe pour qu'il puisse se servir de moi comme mère porteuse, aidé d'un complice vampire qui n'était pas des moindres puisqu'il s'agit de l'Ancien de Milan, autrement dit le plus vieux et sûrement le plus puissant vampire de ce côté-ci du globe, n'était pas des plus « ordinaires ». Car ce qui intéressait Erik était le fait que je puisse me transformer en louve-garou en empruntant le loup de mon frère jumeau, né avec l'ADN du loup dans ses gênes, pendant que moi, je me contentai d'être humaine et un réceptacle à loup quand il me mordait. Oui, on se partage un loup avec mon frère, c'est très curieux et assez douloureux en fait, car le changement rapide comme le nôtre est plutôt violent. Ce qui permettait à Erik d'avoir des embryons viables et porteurs de l'ADN du loup.
Sauvée alors que je portais la progéniture de ce fou d'Erik, additionné du sang d'Armando (le fameux Ancien), j'avais gardé quelques séquelles de cette histoire comme le fait que je ne veuille plus jamais voir un gynécologue ou autre médecin qui aurait l'idée d'aller voir si tout allait bien de ce côté-ci et une peur panique en sortant dehors. En fait, je n'aimais qu'être chez moi, me sentant en sécurité ici. Quand Ben ou Ethan étaient là, je me sentais encore mieux. Mais tous les deux travaillaient la journée et je me retrouvai seule à tourner en rond dans l'appartement. J'avais refusé d'aller voir un psychologue car je ne me sentais vraiment pas prête à parler de mon traumatisme et franchement, je me voyais bien raconter ça à un médecin qui traite la folie et la dépression :
« Oh, mais vous savez docteur, j'ai juste été enlevée par le Marrok d'Europe, vous savez le Marrok c'est le chef de tous les Alphas loup-garou et celui-ci vivait en France. On m'a donc cachée dans sa demeure, le temps qu'il m'injecte sa progéniture, et pour l'aider à faire grandir ce mini loup-garou, un vampire, vieux comme le monde, s'occupait de me donner de son sang et de prendre le mien en échange… »
Oui, en résumant, ça sonnerait étrange pour un médecin qui m'écouterait. Les vampires n'étaient pas censés exister, donc là, il m'enverrait directement dans la partie psychiatrie de l'hôpital de Kennewick, là où j'aurais dû retravailler. Mon retour en avait secoué plus d'un, surtout Cassandra, mon amie infirmière comme moi, qui s'était retrouvée sur le sol de l'accueil en me voyant arriver, accompagnée de Samuel Cornick, alias, mon père. Personne ne savait que j'étais sa fille car vu la jeunesse de ses traits, il aurait été difficile de faire croire qu'il puisse être mon père, ainsi que celui d'Ethan, mon frère jumeau. Et Sam n'avait pas fait son coming-out et ne le souhaitait pas, car un médecin urgentiste loup-garou… ça faisait mauvais ménage. Bien que lui soit excellent dans l'art de la maîtrise de soi…
En fait, je devais travailler presque aussitôt, mais quand le jour où je devais partir travailler seule en empruntant ma voiture est venu, j'ai remarqué que j'étais tétanisée à l'idée de sortir seule, conduire et me retrouver au milieu d'inconnus, en parlant des patients. Je m'étais donc retrouvée à un carrefour, attendant que le feu passe au vert, et quand je vis un homme ressemblant à Erik, je fus tétanisée et ne réussis pas à repartir avec la voiture. Ce qui me valut une série de coups de klaxon de chauffeurs mécontents, m'insultant et klaxonnant à nouveau en passant à côté de moi pour me doubler. Je pleurai nerveusement et cherchai à faire venir Ben à moi rien qu'en pensant à lui. La preuve que ce lien qui nous unissait était vraiment fort, je le vis débouler en un rien de temps au volant de sa camionnette rouge, avec une portière passager de couleur différente, signe de la fois où je m'étais légèrement emportée en ayant le loup de mon frère en moi. Il avait garé sa camionnette à la hâte sur le trottoir d'en face, escaladé la fenêtre de son véhicule –pourquoi diable n'avait-il pas simplement ouvert sa portière- et accouru vers moi en grandes enjambées.
- Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu pleures ?
Il ouvrit la porte de ma Chevrolet et me sortit de là, engueulant comme une malpropre la femme qui se trouvait derrière avec sa voiture et qui commençait à s'impatienter. La conductrice l'insulta en retour et passa rapidement pour me doubler en râlant. Je tremblais et était incapable de dire quoi que ce soit d'autre que :
- Ramène-moi à la maison… je peux pas y aller… je peux pas y aller…
Il m'installa du côté passager de la voiture, retourna à sa camionnette, la verrouilla et revint à mes côtés, prenant la place du conducteur et fit demi-tour pour me ramener à l'appartement qu'on partageait à présent, ainsi qu'avec mon frère… autant dire qu'on se sentait un peu à l'étroit.
Il passa devant moi et ouvrit la porte quand nous fûmes arrivés devant pour me laisser ensuite entrer. J'étais calmée mais tremblais toujours. Quelle idiote quand même, avoir une crise d'angoisse rien qu'en apercevant quelqu'un qui ressemblait à mon tortionnaire…
- Tu vois que j'aurais dû t'accompagner pour ton premier jour, me dit Ben en allant dans la cuisine pendant que je m'asseyais dans le sofa, repliant les jambes pour mettre les genoux sous mon menton.
Il revint avec un verre d'eau et me le tendit en prenant place à mes côtés. Son téléphone se mit à sonner et il répondit.
- Oui. Oui je sais, désolé, une urgence chez moi. Je reviens dans pas longtemps. Ok.
Il raccrocha, l'air contrarié en me regardant.
- Ton chef ne va pas apprécier que tu partes comme ça, tu viens juste de retrouver ta place…
- Pas grave ça. Darryl lui a expliqué certaines choses donc il comprend. Il est cool comme chef en fait. Moi je m'inquiète plus pour toi là… tu ne peux pas sortir toute seule encore tu le vois bien.
Je le regardai en soupirant. Il m'enlaça et me serra contre lui pour me caresser le dos.
- Ça finira par aller mieux mais pour le moment, il vaut peut-être mieux que tu restes ici.
- Mais je tourne en rond dans l'appartement… je vais finir par devenir folle si je ne fais rien.
- Et si je t'emmenais chez Adam ? Il y aura sûrement plus de choses à faire chez lui qu'ici…
- Non. Je préfère les laisser en famille, j'ai déjà assez accaparé Adam ces derniers mois...
- C'est idiot ce que tu dis. Tu fais partie de la meute, il n'y a pas de raison de te sentir comme un poids pour ton Alpha.
- Je ne suis pas liée comme vous encore.
- Oui parce que tu recules l'échéance à chaque fois…
Il me regarda intensément.
- Pourquoi est-ce que tu ne veux pas te lier à la meute ?
Je soupirai en reportant mon regard sur la table basse où trainaient des magazines.
- Ce n'est pas que je ne veux pas mais… tu m'as dit que nos pensées ne m'appartiendraient plus tellement après ça… je n'ai pas envie que toute une meute sache tout de ma vie privée.
Ben éclata de rire et je le regardai, surprise.
- Tu as peur qu'ils puissent voir certaines scènes… privées ?
Je me renfrognai.
- C'est privé ces choses-là !
- Oui enfin excuse-moi mais en ce moment ils ne risquent pas de voir grand-chose…
Je soufflai d'agacement et refoulai ma colère.
- Désolé, je voulais pas dire ça. T'énerve pas, je te taquine.
Je le regardai tout aussi intensément que lui, quelques secondes plus tôt.
- Je sais que tu le vis mal aussi, arrête de prendre ça à la légère.
- Tu préfères que je prenne ça comment ? En faisant la gueule et en étant stressé à mort ? Tu crois peut-être que je ne comprends pas ce que tu ressens ?
Je sentis de la colère dans sa voix, comme si je l'avais blessé. Et moi alors, je n'étais pas blessée de ne rien pouvoir lui offrir d'autre qu'une misérable petite amie qui ne savait même plus faire un pas dehors sans trembler ?
- Comment pourrais-tu comprendre ? Ce n'est pas toi qu'on a utilisé comme mère porteuse en allant explorer quelque chose qui est aussi intime ! Merde je suis complètement bloquée à cause de ça, j'arrive même plus à voir un médecin pour voir si tout est normal après qu'on ait enlevé ce… ce truc de moi ! Je voulais vivre une histoire normale, comme tout le monde, pas me retrouver à l'état de larve incapable de bouger sans son petit ami qui ne peut pas renier le fait qu'il soit en manque !
Je vis les iris de Ben virer au doré en l'espace de quelques secondes. Il se leva rapidement du sofa, en serrant les poings.
- Ah oui, je ne comprends pas… Je vais te raconter une histoire, mais cherche pas de happy end, parce que c'est pas un conte de fée si tu pensais que ça en serait un…
Il parlait avec beaucoup de retenue, mais la colère était palpable dans ses paroles. Il serrait énormément les dents pour ne pas exploser en me lançant des piques à la figure sûrement. Je restai coite dans le canapé, le laissant m'enguirlander pour ne pas le provoquer d'avantage. J'y avais peut-être été un peu fort aussi avec lui
- Comment on dit déjà ? Il était une fois ? Ben il était une fois un garçon d'une dizaine d'années, qui vivait dans sa famille avec sa mère et son grand frère, vu que le père a préféré fuir le domicile conjugal. La mère de ce petit garçon avait un ami qui adorait le petit garçon, et lui aussi l'aimait bien cet homme gâteux. Il était sympa de lui apporter sans cesse des cadeaux, il adorait le voir arriver chez eux. Et surtout, maman disait toujours d'écouter cet ami et de lui obéir parce que c'est un adulte et qu'il faut obéir aux grands… Mais quand un jour ils furent seuls tous les deux, le petit garçon se demanda pourquoi l'ami vint le trouver quand il était sous sa douche et pourquoi il venait le regarder. Et plus encore après, pourquoi il se retrouvait dans son lit quand il vint le garder un week-end… ni pourquoi il lui faisait toutes ces choses qui le faisaient souffrir… et pourquoi personne ne voyait qu'en fait cet homme était un monstre. Pourquoi sa mère le traitait de menteur en lui donnant des gifles pour qu'il arrête de dire des mensonges sur son grand ami –qui en fait se la tapait. Le petit garçon finit par devenir mauvais, à avoir envie de mourir, de ne plus connaître cette vie-là, jusqu'au jour où sa chère mère finit enfin par le croire. Mais c'était trop tard, le petit garçon avait perdu toute la confiance qu'on peut avoir à dix ans. Il se replia alors sur lui-même, détestant cette femme qui l'avait rabaissé plus bas que terre en l'ignorant complètement devant sa souffrance, finissant par se dire que toutes les femmes étaient comme elle, mauvaises et aveugles. Il attendit d'être assez grand pour partir de chez lui et ne plus jamais revenir pour devenir un mec trahi, agressif, sans plus aucune confiance en l'homme et encore moins les femmes, qu'il avait envie de traiter comme sa mère : comme des moins que rien.
Il avait lâché toute son histoire d'une traite, de plus en plus animé par la rage, et je ne savais comment il avait réussi à se contrôler tant ses yeux avaient viré au doré lumineux. Je le regardais à la fois terrifiée et atterrée. Ça ne pouvait être possible… pas lui. On ne pouvait pas avoir abusé de lui.
- Alors maintenant quand il entend dire qu'il ne peut sûrement pas comprendre le sentiment qu'on ressent quand on a bafoué son corps, il voit rouge car il peut affirmer le contraire…
Il se recula vivement en serrant la mâchoire, le regard toujours planté dans le mien. Je tremblai à nouveau, sentant sa colère et sa souffrance comme si elles étaient miennes. Il déglutit bruyamment et se dirigea vers la sortie.
- Je rentrerai peut-être ce soir. Tu restes ici.
Je n'eus pas le temps de protester ou dire quoi que ce soit qu'il était déjà sorti en claquant la porte derrière lui. Sa fureur me transperçait dans tout le corps, c'était bien dans un sens le lien de couple, mais quand il agissait sur moi, c'était plus difficile à gérer. Je me levai précipitamment du canapé pour aller à la fenêtre. Je le vis aller à la voiture en grandes enjambées, frappant de son pied la portière d'une voiture garée en bas de l'immeuble. La portière fut ornée d'un gros choc qui allait nécessiter une belle réparation… Ben remonta dans la Chevrolet et partit en trombe du côté opposé où il devait se rendre pour aller à son travail.
J'étais toute retournée. Comment pouvait-il m'avoir dissimulé ça, c'était carrément incroyable et impensable quand on le voyait. Je comprenais pourquoi il était autant sur ses réserves avec les femmes… mais comment avait-il pu tomber amoureux de moi malgré ça ? Je me mis à pleurer en pensant à ce que lui avait dû endurer, priant pour qu'il revienne vite tout de même. J'étais inquiète car il pouvait faire tout et n'importe quoi pour évacuer sa tristesse et sa colère. Je décidai d'appeler Adam afin d'être rassurée. Il décrocha après deux sonneries.
- Hauptman.
- Adam, c'est Lisa…
Je l'entendis soupirer à l'autre bout du fil.
- Que lui as-tu encore fait ? Je l'ai senti en colère…
C'était sympa qu'on pense que je ne puisse que le mettre en colère. Cela me vexa.
- Il m'a parlé de quelque chose de privé et s'est emporté… sais-tu où il a pu aller ?
- Bon, j'envoie Warren le chercher, mais il va peut-être falloir que tu apprennes à éviter de le contrarier, il a déjà pas mal contrôlé son loup depuis ces derniers mois.
- Je suis désolée. Merci.
Je raccrochai un peu vivement le téléphone, plus que froissée. La prochaine fois, quelqu'un pourrait aller dire aux vampires, aux Marrok complètement fous de ne pas m'enlever pour laisser l'état mental de mon petit-ami en paix ? Je pris mon manteau, le passai sur moi et sortit de l'appartement en claquant la porte pour me retrouver dans la rue. Je songeai à l'instant que je n'avais plus ma voiture, Ben me l'avait comme ainsi dire… empruntée. Je marchai donc dans la rue, la tête baissée et me rendis jusqu'à un café pour me changer les idées. Je commandai un chocolat chaud au garçon après m'être installée à une table près de la fenêtre, reportant mon regard sur les passants dans la rue. Nous étions mardi, je trouvais qu'il y avait énormément de monde pour un jour de semaine. Plus je regardais les têtes des gens, plus je croyais reconnaître Erik ou pire : Armando. Je fermai vivement les yeux en me tournant vivement quand le garçon déposa ma tasse fumante de chocolat chaud devant moi.
- Quelque chose ne va pas mademoiselle ?
Je levai les yeux vers le jeune homme, plutôt mignon à dire vrai, et lui souris d'un air gêné.
- Non… tout va bien, merci.
- On aurait dit que vous aviez vu un fantôme… me dit-il dans un sourire.
- J'ai cru voir quelqu'un que je ne voulais pas croiser…
- Ah ça arrive.
Je ne savais pourquoi mais je le trouvais sympa. Il me fit comprendre d'un mouvement de la main qu'il souhaitait s'asseoir en face de moi, je le laissais s'installer.
- Ca ne vous gêne pas ?
- Non. Ca me fera de la compagnie…
Il sourit et je le vis me scruter de l'œil.
- J'suis curieux vous savez… puis c'est rare d'avoir des jolies filles en pleine matinée ici.
Je soupirai légèrement. On va mettre les choses au clair tout de suite monsieur le dragueur.
- Je sais, mais je me suis disputée avec mon compagnon, donc besoin de changer d'air.
- Ah je vois. Sérieuse dispute ou juste petit accrochage du matin ?
J'haussai les épaules.
- Mouai, il y a des hommes plus ou moins colériques… j'en sais quelque chose, mon copain l'est pas mal.
Je le regardai en haussant un sourcil. Me voilà sauvée, il est homosexuel apparemment.
- Vous n'êtes pas homophobe j'espère ?
J'eus un petit rire.
- Non. Au contraire. J'ai un ami qui est homo… et vous êtes souvent plus sympa que les hétéros.
Il sourit de plus belle.
- Je savais que je pouvais avoir confiance en vous… c'est pas tous les jours qu'on rencontre des gens tolérants. Alors ma jolie… qu'est-ce qu'il a fait de mal le copain en question ?
Allez savoir pourquoi, je lui expliquai un peu la situation –sans préciser la raison du départ de Ben, à savoir l'histoire en elle-même, les abus de l'ami de sa mère- et il fut à l'écoute sans m'interrompre. Il se releva plusieurs fois pour assurer son service, après tout, même s'il y avait peu de clients, il était à son poste de travail. J'appris un peu plus tard qu'il s'appelait Steven, était en couple avec un certain Thomas et bossait ici tous les jours, sauf le dimanche et le jeudi. Son patron était assez cool avec lui, vu que c'était son frère. D'où la liberté de venir parler tranquillement avec moi…
Je ne vis pas la matinée passer, mais rentrai chez moi après qu'il m'ait offert un sandwich et un coca le midi. Quand je sortis dehors après qu'il m'ait laissé son numéro de téléphone –un ami ça peut toujours servir m'avait-il alors dit- je constatai que la pluie avait fait son retour. Je m'abritai sous la capuche de mon manteau et retournai en direction de chez moi. Arrivée dans ma rue, je fus surprise de voir le 4x4 d'Adam garé quelques mètres plus loin que mon immeuble. Que venait-il faire ici ? Je croyais que Warren s'occupait d'aller chercher Ben…
Je le trouvai dans le hall de l'immeuble, m'attendant.
- Pourquoi ne m'as-tu pas téléphoné ?
- Je l'ai fait… à croire que ton téléphone est en dérangement… me répondit-il, légèrement agacé.
Je fouillai dans mon sac à main et constatai que le dit-téléphone ne s'y trouvait pas.
- Oops.
- Oui comme tu dis… oops. Je ne vais pas vous courir après toute la journée, Ben et toi.
- Où est-il ?
Je passai devant lui pour monter dans les escaliers mais il me retint par le bras. Je l'interrogeai du regard, ne comprenant pas le problème.
- Il est avec Warren. Mais toi, tu viens avec moi, nous avons quelque chose à faire.
- Comment ça ?
- Tu verras. Suis-moi.
Le regard qu'il me tendit m'avertit qu'il ne valait mieux pas que je le contredise ou que je lui désobéisse. Je montai donc à ses côtés dans le 4x4 et bouclai ma ceinture de sécurité. Je su tout de suite où il me conduisit quand nous atteignîmes le pont qui coupait la Columbia. Sa maison se dressait au loin et je me demandais vraiment pour quelle raison il me conduisait ici…
- Pourquoi chez toi ?
Il tourna la tête vers moi et répondit :
- Tu as assez attendu, il est temps qu'on fasse un essai.
Un essai… pour ? J'eus comme une sorte de flash à ce moment précis. Le lien de meute. Il voulait me lier à elle.
- Non Adam, je ne suis vraiment pas prête pour ça. Puis ça risque de ne pas fonctionner !
- Je suis sûre du contraire. Et tu vas le faire car la meute s'en ressent. Tu n'as pas idée du nombre de fois où je dois gérer les autres car Ben va mal, au moins en t'ayant liée à nous, nous pourrons agir en conséquence.
- Ben va mal !
Je le regardai, ahurie. Comment ça ? Depuis quand allait-il mal ?
Adam soupira.
- Il a mal vécu ton enlèvement et le fait qu'on t'ait fait souffrir, il prend beaucoup sur lui pour ne pas te le montrer mais nous le ressentons de notre côté. Là il vient une fois de plus de perdre pied et j'ignore pour quelle raison, mais si tu te lies à nous, au moins, nous pourrons gérer la situation entre vous deux. D'autant plus que si un danger te menace, nous serons tout de suite au courant, et pas uniquement Ben.
- Il n'y a pas de raison qu'on me menace… Erik est mort.
- Lui oui. Mais un vampire et un sorcier sont en liberté, et eux, nous ignorons leurs intentions…
- Tu penses qu'ils pourraient revenir à la charge ?
- On ne doit négliger aucune possibilité.
Il se gara devant chez lui et descendit du véhicule. Je l'imitais en repensant à ce qu'il venait de me dire. Armando ou Diego le sorcier pourraient à nouveau s'en prendre à moi ? Mais pour quelle raison, c'était grotesque ! Adam m'ouvrit la portière et je descendis en sautant sur le sol : c'est haut un 4x4. La moto d'Ethan était également garée sur les graviers, ainsi que la voiture de Darryl et celle d'Honey et Peter. Je reconnus également la voiture de mon père, Samuel. Mince, il avait fait venir du monde… curieusement je me mis à avoir le trac. Il voulait me lier à sa meute et je me demandais ce que cela ferait. J'allais les entendre dans ma tête ? Comment cela se passait concrètement ?
- Et Ben et Warren ?
- Ils nous rejoindront quand ils sentiront le lien. Entre.
Il m'ouvrit la porte et me laissa entrer. J'allais saluer les personnes présentes, trouvant également Mercy dans le salon. Elle me salua en allant accueillir son époux pour l'embrasser.
- Tu ne travailles pas Mercy ?
Mercy avait retrouvé la forme, après ces deux mois à faire des allers retours entre le canapé et les toilettes. Elle s'était remis au travail avec beaucoup d'entrain, même si la fatigue la saisissait plus rapidement qu'à l'accoutumée. J'étais donc étonnée de la trouver ici en plein début d'après-midi un mardi.
- Si, j'y retourne après, Adam tient à ce que je mange ici, au cas où je mourrai de faim…
Elle sourit ironiquement en le regardant et celui-ci secoua la tête en soupirant.
- Bien, commençons. Lisa, approche.
Je m'approchai d'Adam un peu anxieuse, sous le regard de ses loups, réunis en cercle. Je vis l'Alpha approcher son bras de ses lèvres et l'instant d'après, du sang coula le long de son menton. Il retira son bras et je vis une profonde entaille dans celui-ci et il en décrocha un morceau de chair. J'eus mal pour lui, bien qu'il ne devait pas vraiment le sentir. Il approcha alors le bout sanguinolent de mes lèvres et je le regardais, intriguée et légèrement dégoutée.
Il glissa le morceau de sa chair dans ma bouche et je fus étonnée de ne pas avoir de haut le cœur en sentant le goût métallique sur ma langue. J'avalais le morceau en sentant des picotements le long de ma gorge, puis l'instant d'après, comme une sorte de brouillard m'encercler. Je fermai les yeux, prise de vertiges et me retrouvai à genoux. A l'intérieur de mon crâne, je pus ressentir les émotions des loups présents, ici de la fierté pour Ethan, de la joie pour Warren et d'autres sentiments, pour les autres, dont un qui me fit ouvrir les yeux et froncer les sourcils. Adam me parla alors d'une voix très solennelle :
- A compter de ce jour, tu es la meute et elle est toi.
Je répétai après lui, sans réellement le vouloir, comme poussée à le faire.
- Je suis la meute et elle est moi.
Adam se trouvait toujours devant moi, la tête levée, nous dévoilant son pouvoir dans toute sa splendeur. Il était carrément imposant et à la limite du supportable tant il était bel homme. Pas étonnant qu'il ait eu ce charisme et que les femmes le regardent en souriant. Il me releva et me tourna alors face à la meute.
- Mes enfants, je vous présente Lisa Holy Garner, le nouveau membre de notre meute.
J'ignorais comment il avait su mon deuxième prénom, mais je laissai ce détail de côté, regardant les loups présents. J'étais étonnée de pouvoir ressentir leurs émotions, apparemment, ça n'avait pas été le cas de Mercy quand elle avait rejoint la meute, sûrement un privilège pour avoir une moitié de loup en moi… J'étais tout aussi surprise que le lien de meute ait fonctionné sans avoir le loup en moi, mais apparemment, beaucoup de choses restaient inexpliquées avec moi… Mais le sentiment qui m'assaillît le plus, fut celui de la peine et de la crainte. Je me tournai vers Ben qui venait d'arriver avec Warren, tous deux appelés par le lien de la meute, dont je faisais partie à présent.
- Ben, ce n'est pas la peine de lui en vouloir, c'est moi qui lui ait imposé la cérémonie ce soir, lui dit Adam en reprenant lui aussi ses esprits.
- J'ai rien dit.
Il était blessé de ne pas avoir assisté à la cérémonie, cela se voyait et nul besoin d'être lié à lui pour le savoir. La façon dont il serrait les poings à maintes reprises le démontrait. Je sentis deux puissants bras m'étreindre avec force. Ethan ne savait décidemment pas dissimuler sa joie…
- Bravo petite sœur ! Je savais que ça marcherait ! Au moins comme ça si un taré de Marrok ou de vampire s'en prend à toi, on le saura !
Je souris en le regardant mais je devais aller parler à Ben.
- Excuse-moi…
- Hein ? Oh oui pardon.
Il me relâcha et alla discuter avec Warren, pendant que les autres retournaient à leurs occupations ou parlaient entre eux. Avant d'aller voir Ben, je devais parler à Honey. Je l'interceptai avant qu'elle sorte du salon.
- Honey ?
- Oui ?
Elle se tourna vers moi, faisant mine de ne pas m'avoir entendue arriver. Elle était toujours aussi magnifique et je pense qu'elle pouvait largement ressentir mon sentiment d'envie de lui ressembler à présent. Elle sourit légèrement.
- Pourquoi as-tu ressenti de la pitié pour moi tout à l'heure ?
Elle sembla peser les mots qu'elle allait me dire :
- Sûrement parce que ce qui t'es arrivé ne devrait pas pouvoir exister sur une femme… aucune d'entre nous n'aurait aimé être à ta place. Tu as été très courageuse et tu t'es bien relevée mais nous voyons tous ta souffrance sans que tu veuilles réellement la montrer. C'est sûrement ça qui me chagrine le plus.
- Comment ça ?
- Si tu te laissais aller et te confiais, cela irait sûrement mieux. Je pense que tu as une épaule sur qui te reposer maintenant et il saura t'écouter et t'aider…
Elle jeta un regard derrière moi et je compris qu'elle parlait de Ben, qui devait sûrement m'attendre un peu en retrait. Je lui souris pour la remercier, elle en fit autant et finit par s'éloigner avec Peter. Ben pris sa place en venant se poster devant moi. Et là, je fondis en larmes, allez comprendre. Sûrement à cause de cette histoire qu'il m'avait racontée sur son passé, ou cet air d'éternel tourmenté qu'il affichait, ou tout simplement parce qu'Honey avait raison : je n'allais pas si bien que je voulais le faire croire et que j'avais besoin de parler à quelqu'un. Il me prit dans ses bras et me frotta le dos doucement en posant son menton sur ma tête, créant un son avec sa gorge qui se voulait réconfortant.
- Viens.
Je le suivis dehors, sans saluer quiconque –de toute façon ils comprenaient parfaitement que je ne pouvais m'exprimer à l'heure actuelle- et montai dans la voiture quand il m'ouvrit la porte passager.
- Ben !
Je le vis se tourner quand mon frère l'appela.
- Ça ira ?
- T'en fais pas, je m'occupe d'elle. Par contre…
- Ouai je sais, je vous laisse tranquille…
L'air agacé d'Ethan eut tout de même le don de me faire légèrement pouffer de rire. Ben grimpa dans la voiture à son tour et mit le moteur en route pour repartir en direction de notre appartement.
J'aurais pu marcher en sortant de la voiture, mais il me porta dans ses bras. En temps normal je me serais sentie comme une moins que rien s'il avait fait cela, mais aujourd'hui, je me sentais parfaitement sereine en étant serrée contre lui, sa chaleur et son odeur me réconfortant. Il chercha les clefs dans sa poche de veste, moi me tenant à lui alors que j'aurais pu descendre mais restais accrochée comme un singe à une branche d'arbre. Quel tableau pitoyable quand même… Il me déposa sur le canapé et retira nos vestes qu'il jeta sur le fauteuil à sa gauche. Je regardai le sol. Je n'arrivais pas à ressentir ses émotions sur le moment, cela contrastait énormément avec ce que je venais de vivre chez Adam. Peut-être que la présence de notre Alpha y était pour quelque chose… Ben tendit sa main vers mon menton et releva ma tête.
- Je suis désolé pour tout à l'heure, je voulais pas m'emporter mais… tu comprends maintenant que s'il y a bien une personne qui peut largement te comprendre, c'est moi.
J'acquiesçai, me sentant complètement déboussolée en face de lui. Il me sourit faiblement en me caressant les cheveux.
- Maintenant, j'aimerais que tu me parles, que tu me dises ce qui te ronges… tant que tu ne l'auras pas sorti, tu n'iras pas mieux. Et pas la peine de faire semblant, je sais quand tu vas mal…
Et voilà, je recommençais à me transformer en fontaine. C'était franchement agaçant d'en être réduite à ressembler à un tas de kleenex imbibés et de ne pas pouvoir aligner deux mots à la suite. Ben patienta cependant, attendant que je me calme par moi-même, me laissant le temps qu'il faut pour que je reprenne mes esprits et que je m'ouvre enfin à lui. Par où commencer ? Le fait qu'on m'ait enlevé, ce qui vaut aujourd'hui que j'ai une trouille panique de sortir seule dans la rue, me sentant continuellement espionnée comme si on allait à nouveau me kidnapper ? Ou bien alors, parce qu'on s'était amusé à me faire des examens que seuls un médecin en qui j'aurai confiance était autorisé à faire ? Ou encore, parce que cette garce d'Emma s'amusait de ma souffrance… Il y avait aussi Armando qui me faisait peur.
- Dans la rue, j'ai l'impression de le voir lui ou Erik. Erik est mort, mais pas lui. J'ai peur qu'il revienne me chercher pour sucer mon sang complètement…
- Stefan a fait le nécessaire pour que tu n'aies plus aucun lien avec l'Ancien, n'oublie pas.
- Oui mais le sorcier, il pourrait l'aider à venir ici…
- Et tu fais partie de la meute, si un danger te menace, nous le saurons aussitôt. N'oublie pas non plus qu'Armando est étroitement surveillé par la meute de Milan, et le sorcier… et bien s'il vient par ici, Elizaveta a fait en sorte de le sentir arriver s'il choisit de débarquer dans le coin. Alors tu vois, tu es largement protégée. Sans oublier que je suis lié à toi en plus du lien de meute…
Il y avait aussi une autre partie qui me rongeait, et celle-ci était assez étrange car ce n'était pas vraiment à l'ordre du jour, mais je devais savoir pour pouvoir me reconstruire.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Me demanda Ben, sachant très bien que je cherchais à formuler ma question dans ma tête.
Je le regardai, tentant de trouver de l'inspiration dans ses yeux.
- Ben, est-ce que tu veux des enfants ?
Il s'étrangla à cette question et toussa. J'haussai un sourcil.
- Quoi… tout… tout de suite, maintenant ?
Je le regardai, ahurie.
- Pas sur l'heure… mais plus tard… tu en voudras ?
Il reprit son air neutre et naturel et fit jouer ses doigts sur la couture de son jean.
- Peut-être oui… un jour mais vraiment pas maintenant. Je sais pourquoi tu me demandes ça. Tu penses que je ne suis pas apte à avoir d'enfants parce que mon passé risque de me perturber.
Je le regardai, encore plus incrédule.
- Euh non Ben… pas vraiment. Je pensais plus au fait que de mon côté, je n'étais pas prête à en avoir. Ils m'ont meurtrie de l'intérieur et même si je ne voulais pas de cet enfant, ils ont utilisé des méthodes horribles pour le sélectionner… jamais je n'aurai cru connaître ça un jour et ça m'a profondément traumatisé. Je ne veux plus ressentir ces douleurs…
- D'accord, au temps pour moi… Je comprends. T'en fais pas, quand le moment sera venu, on en reparlera. Après tout on a du temps devant nous.
Je lui souris et il m'embrassa doucement sur les lèvres. Il posa ses mains sur ma nuque pour l'envelopper et approfondi le baiser. Je suivis son mouvement pour venir caresser sa langue avec la mienne, chose qu'il s'empressa de faire également de son côté, appuyant un peu plus sur ma nuque en même temps. Je l'enlaçai par la taille pendant qu'il s'occupait de faire descendre ses mains et les glisser sous mon pull pour m'attirer à lui, m'attrapant par la taille. Pour la première fois depuis plusieurs semaines, je ressentis enfin ce désir que j'éprouvais pour lui à chaque fois qu'il poussait ses caresses un peu plus loin. Je gémis doucement sous son baiser un peu plus acharné que d'habitude et il se recula vivement, me regardant, inquiet.
- Ça va ?
Je le regardai, sentant mes joues en feu, ainsi que mon ventre qui n'était pas moins désireux de lui.
- Si tu t'arrêtes toutes les trente secondes, on ne va jamais avancer…
Il éclata de rire et me serra à nouveau contre lui pour m'embrasser une nouvelle fois avec plus de passion. Nous nous retrouvâmes vite en sous-vêtements, couchés sur le canapé, Ben occupé à m'embrasser sur tout le corps quand j'entendis la porte s'ouvrir lentement. Ben releva la tête et je vis son regard virer du désir à la rage en une fraction de seconde.
- Euh désolé mais j'ai pas mes affaires pour cette nuit hein… faites comme si j'étais pas là surtout…
- Bordel Ethan ! Magne-toi ou je te jure que je t'étripe !
La voix de Ben était un peu trop calme pour être sereine, il était à deux doigts de changer et ce n'était pas rassurant. L'excitation mêlée à la frustration que venait d'apporter Ethan rompait tout le charme. Je maudis mon frère à cet instant, priant pour qu'il soit écrasé par un piano et qu'il débarrasse le plancher.
- ça va, ça va !
- Ethan ! bouge tes fesses ou je fais démonter ta moto par Mercy !
- Hey ! Pas touche !
Je me relevai, énervée et lui balançai le nouveau vase qui trônait sur la tablette en remplacement de l'ancien que j'avais cassé. Ethan se baissa en me regardant avec étonnement.
- Mais t'es malade !
- Non, on t'a juste demandé de nous laisser tranquille, il faut te le dire en quelle langue ?
- Rolala, vive la compréhension… vous me foutez dehors et j'ai rien pour aller dormir ailleurs… vous pouvez bien attendre deux minutes oui !
Il termina de mettre ses quelques affaires dans son sac et sortit de l'appartement en claquant la porte. Ben se leva et sauta par-dessus le canapé pour bloquer la porte d'entrée avec la bibliothèque, me laissant tout le loisir de l'observer bouger le lourd meuble, uniquement vêtu de son boxer. Houla Lisa, calme-toi, tu t'embrases… Il se retourna en contrôlant que la bibliothèque ne tomberai pas et sourit ironiquement en me voyant m'empourprer.
- Espèce d'obsédée, t'en as profité pour mater !
- J'ai rien maté du tout, c'était à disposition…
Il rit avant de venir me rejoindre et de me soulever pour me prendre dans ses bras. J'étais bien ici moi, pourquoi bouger de place ?
- Euh Ben… on pourrait rester ici ? Je suis bien dans le canapé moi.
Je ne savais pourquoi, mais la chambre m'angoissais… sur le canapé je me trouvais moins à l'étroit.
- Ok.
Nous reprîmes alors nos caresses où nous les avions laissées, les lèvres de Ben retrouvant facilement le chemin vers mon cou pendant que ses mains s'occupaient d'ôter les sous-vêtements qui cachaient le peu de peau qui restait de dissimulée. Il prit encore plus de temps que la première fois où nous l'avions fait, car il savait que même avec du désir comme c'était le cas ici, il fallait que je me réhabitue à son contact sur moi et à ses caresses. Quand le moment fut enfin venu où nous ne formions plus qu'un seul et unique corps, je pris énormément sur moi pour ne pas céder à la panique en étant assaillie de souvenirs où ce genre de contact ne m'avait fait que souffrir, même si cela n'était que pour des actes médicaux illégaux. Je me bloquai plusieurs fois, Ben s'assurant que j'allais bien en arrêtant ses mouvements sur moi. Il exerçait une réelle maîtrise sur lui-même, essayant de tenir le plus de temps possible, résistant à l'envie d'y aller beaucoup plus violemment tant il me désirait. Son regard luisant m'enveloppait tout entière et je ressentais tout son désir à travers le lien qui nous unissait. Je ne pus l'empêcher cependant d'atteindre son plaisir sans que je parvienne au mien, celui qu'il espérait me donner, et il s'effondra sur moi en haletant. Je me contentais de lui caresser la tête alors qu'elle reposait dans le creux de mon cou. Il m'embrassa plusieurs fois de suite dans le cou avant de remonter sur mes lèvres, murmurant au travers de ses baisers :
- Excuse-moi… excuse-moi…
- Ben, ce n'est pas grave…
Il releva la tête et je lui souris en repoussant une mèche de cheveux qui lui barrait les yeux.
- Ca reviendra petit à petit… ne t'inquiète pas. J'ai encore besoin de temps… mais ça ne veut pas dire que je n'ai pas aimé.
Il me considéra un instant avant de m'embrasser avec toute la passion et tout l'amour qu'il pût avant de se relever et de me serrer contre lui. Je fermai les yeux avant de les rouvrir précipitamment.
- Quelle heure est-il ?
Il sursauta à ma question et regarda la pendule.
- Il est quatre heures passées… pourquoi ?
- Tu n'as pas été au travail…
Je sentis sa poitrine secouée par un rire contenu et je relevai ma tête pour le regarder. Il était amusé.
- Quoi… tu as déjà failli perdre ton emploi à cause de moi, je ne veux pas que ça recommence…
- Honnêtement, je me fous un peu de perdre mon boulot si c'est pour essayer de te donner du plaisir… et il va falloir que je loupe pas mal d'heures pour y parvenir je crois bien.
Il sourit en coin avant de m'embrasser doucement. Je souris sous son baiser.
Le soir fut tranquille pour nous deux, Ben passa prendre trois pizzas, deux et demi pour lui et la moitié pour moi, ce qui était déjà largement assez pour mon estomac de moineau. J'étais toujours aussi impressionnée par la quantité de nourriture que pouvait avaler un loup-garou. D'autant plus qu'il s'enfila un pot entier de crème glacée par la suite.
- Et bien dis donc, je vais devoir prévoir un budget nourriture plus conséquent, entre Ethan et toi… ils font des crédits à la consommation pour nourrir les loups-garous ?
Il éclata de rire et me donna la dernière cuiller de glace.
- Ben désolé, mais ça creuse de chercher à retrouver ton point G.
- C'est malin ça…
Je fis mine de bouder et il m'étreignit en souriant. Il m'embrassa à nouveau en me murmurant :
- Et je vais le retrouver, fais-moi confiance…
Une fois dans le lit, j'étais à nouveau angoissée. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi cet endroit me rendait aussi tendue. Pas la présence de Ben à mes côtés, en train de ronfler doucement –la pizza ça endort vite un homme - mais l'ambiance. Des souvenirs m'envahirent l'esprit, des moments passés dans la chambre que j'avais occupée chez Erik. Les mauvais traitements infligés par Emma, les examens à répétition faits par Alex, la peur que m'évoquait Erik à chaque fois que je le voyais, même si j'essayais de la dissimuler… puis le regard d'Armando vint se placer en tête de liste des choses qui me terrifiaient le plus. La fois où il m'avait cassé les poignets, son air ironique, sa façon de me sucer le sang dans mon cou… puis une scène que je ne connaissais pas, quand il était penché sur moi alors que j'étais allongée. Que faisait-il sur moi ? Je ne me souvenais pas de ce passage…
- Tu es à moi Lisa…
Je sursautai en ouvrant les yeux largement, ayant la sensation d'avoir entendu le vampire juste à côté de mon oreille. Une crise de panique me saisit, je me relevai donc rapidement, sentant une crise d'asthme arriver. Bien plus forte que je ne l'aurais pensé car je me précipitai dans la salle de bain, à la recherche de mon inhalateur. Je pressai sur le tube pour inhaler le précieux produit, mais rien ne sortit de l'embout. Paniquée, je cherchai un autre tube neuf, dans le placard réservé à tout le matériel indispensable à ma santé. Je pris un nouveau paquet, le déballai, le faisait tomber tant j'avais du mal à me concentrer et je fus soulagée de voir une main récupérer le tube pour le mettre dans l'inhalateur puis me le tendre. Je pris une bonne rasade de mon produit en fermant les yeux, sous ceux de mon compagnon, à moitié endormi, mais carrément inquiet. Je m'adossai contre le mur, mais il me fit m'asseoir sur le rebord de la baignoire.
Quand la crise fut passée, je continuais de siffler légèrement en respirant, mais c'était habituel. Du moment que je pouvais respirer normalement, ça m'était égal.
- Il faudrait peut-être que ton frère te passe le loup pour repousser tes crises…
Je secouai la tête. Là, j'avais eu peur, ce qui avait déclenché la crise.
- Non, mes poumons vont mieux vu que j'ai le loup assez souvent en moi… mais là… j'ai fait un cauchemar, ça m'a fait paniquer.
- Quel cauchemar ?
Je lui expliquais ce que j'avais vu et surtout cette scène étrange avec Armando et la voix que j'avais entendue près de moi. A un moment donné, je cru qu'il allait parler, mais il se tût.
- C'est juste des mauvais souvenirs, ça finira par passer. Viens te recoucher et prend un des cachets que t'as donné Sam, ça t'aide à mieux dormir.
- Oui, ça me drogue surtout, j'en ai un peu marre.
Je me levai, reprenant l'inhalateur avec moi pour le garder à portée de main et me recouchai, Ben m'imitant pour venir jouer son rôle de protecteur en m'ouvrant ses bras pour que je m'y blottisse. Couchée là, contre son torse, je me posai mille questions. Ces souvenirs partiraient-ils un jour de mon esprit ? Que venait faire cette scène avec Armando dans ma tête ? Et comment avais-je pu autant détailler sa voix dans mon esprit, à croire qu'il était juste à côté de moi ? Je ne m'endormis que plus tard, sous les caresses que me prodiguait Ben dans mes cheveux. Lui aussi devait chercher le sommeil à présent, je sentais de l'anxiété de son côté, ma crise d'asthme devait l'inquiéter… ou mes pensées ?
