Cobalt pointe du doigt une grosse étoile brillante de mille feux, se distinguant du ciel sombre pollué par nos usines.
-Andromède, dit-il me donnant un cours d'astrologie.
Allongés sur le sol dur du toit de l'usine d'assemblage nous contemplons les astres, c'est une habitude que l'on a prise depuis que Margaret a emménagé chez moi. Ne m'entendant pas avec ma belle-mère j'ai dus vite trouver un havre de paix, Cobalt travaille ici la journée comme simple ouvrier même si il a pour projet comme la plupart des jeunes du district devenir ingénieur. Mon père l'est, toujours en déplacement vivant la plupart du temps au Capitole pour répondre à leurs moindres besoins alors à la maison il ne reste plus que Margaret et ma demi-sœur Lilium. Cette dernière étant tout pour moi, je regrette chaque jour que nous n'ayons pas la même mère, la mienne étant décédée il y a trois ans. L'eau contaminé par les usines ayant tué une trentaine de citoyens, elle s'est battue jusqu'à son dernier souffle, papa même étant ingénieur ne pouvait pas lui payer ses soins, j'ai pris une tesserae contre leurs grès, mais il était déjà trop tard. Une bourrasque de vent me sort de mes songes :
-Il faut que je rentre ou je serais punie à vie, dis-je me relevant tant bien que mal, mon dos me lançant atrocement. Il m'imite, enlevant les poussières de son pantalon en toile troué ses cheveux noirs d'encre typique du district lui retombe négligemment devant ses yeux alors comme un chien il se secoue pour enlever sa mèche.
-Je t'accompagne, sans que j'ai le temps de protester il me tire par la main vers les escaliers de secours, nous les descendons sur la pointe des pieds avec le temps nous avons appris le parcours précis des rondes de nuits, les pacificateurs sont réglés comme des horloges. Arrivés à terre, on remarque Kane, le nouveau pacificateur ayant abattu son fouet hier sur Mertie, une voyante de notre district puisqu'elle marchait nue dans les rues, cette femme âgée n'a plus toute sa tête, ici l'électromagnétisme nous touche tellement qu'il n'est pas rare de décédé à soixante ans, perdre la vue à vingt ans, des troubles du sommeil dès 5 ans et des prises de vertiges pendant toute notre vie.
-Envie de jouer ? Demande Cobalt un large sourire peint sur son visage. Je roule des yeux, il a beau être le plus âgé c'est le plus gamin de nous deux.
-Margaret doit m'attendre… chuchotais-je en lançant des regards dans tous les sens de peur d'être vu après le couvre-feu.
-Lana, on le fait pour Mertie ! S'exclame-t-il
-Très bien, cédais-je en ramassant un caillou à terre. Il me le vol aux anges. Il prend les devants le lançant dans le dos de Kane, celui-ci se retournant au quai vif. Cobalt m'a plaqué contre un coin d'ombre du mur, seuls les lumières du ciel nous éclairent.
-Sortez de votre cachette ! Qui êtes-vous ? Clame t'il durement pointant son arme droit devant lui, ne sachant pas où nous sommes.
-3, démarrais-je le compte à rebois
-2, continue Cobalt à mon oreille
-1, terminais-je. On s'élance à vive allure loin du pacificateur même si on entends ses pas juste derrière nous, arrivant à une intersection on se sépare, je n'ose pas regarder derrière pour savoir si il a choisi de me suivre alors je continue mon marathon sans m'arrêter, je bifurque dans tellement de ruelles que le nouveau devrait s'y perdre. A bout de souffle j'arrive enfin à notre point de rendez-vous habituel près des grilles électriques, les limites du district, Cob n'est pas là le pacificateur l'a surement suivi, je me rassure immédiatement en me disant qu'il est trop rapide pour s'être fait rattraper. Une tape sur mon épaule me fait sursauter, je saute au cou de Cob rassurée comme à chaque fin de notre jeu où je suis sûre qu'il va bien.
-Ca va je suis là, me rassure-t-il en caressant mes cheveux tendrement.
-Où est-il ? M'inquiétais-je me détachant à peine de lui juste pour le regarder droit dans les yeux.
-Il t'a suivie alors je vous ai suivi pour être sûr que tu t'échapperais. On se sourit complice.
-Il s'est perdu alors j'imagine ? Dis-je en réprimant un fou rire.
Il hoche vivement la tête ne cachant pas du tout son amusement.
-Il faut vraiment que je rentre maintenant, dis-je en commençant à m'éloigner de lui.
-On se voit avant la moisson de toute façon, rajoutais-je en agitant vivement la main de loin pour lui dire au revoir.
-Puisse le sort vous êtes favorable, grogne-t-il. Et il recommence, à chaque fois que nous abordons un sujet qui touche de près ou de loin aux jeux, il est rouge de rage.
-Bonne nuit Cob ! Mimais-je avec mes lèves étant trop loin pour lui dire. Je ne traîne pas longtemps dans les rues du district, quelques femmes sont dans les rues dans des tenues grossières, le couvre-feu n'a pas d'importance quand il s'agit de faire plaisir aux pacificateurs.
Arrivée chez moi, j'enlève mes bottes marrons devant la porte ne voulant pas salir la maison et réveiller Lilium âgée seulement de 13 mois elle doit déjà dormir.
J'entends de la vaisselle se brisait chez mes voisins de droite, Mr et Mme Veltre sont connus dans le quartier pour leurs disputes journalières, si ils ne font pas moins de bruit un pacificateur ne devrait pas tarder à arriver et pour tapage nocturne le fouet est le minimum dans notre district. Amine, un garçon de dix-sept ans comme moi a disparu du jour au lendemain juste parce qu'il n'était pas venu travailler deux jours de suite, ralentissant ainsi la fabrication des puces électroniques qu'il s'occupait, certains disent qu'il se trouve dans une prison au Capitole, je pense surtout qu'il a fini dans le caniveau de notre district où les déchets chimiques pourraient créer des mutants génétiques.
Lorsque je rentre, la maison est plongée dans la pénombre mais je connais trop bien Margaret pour me réjouir si vite, d'ailleurs elle avance vers moi d'un pas décidé, ses bras croisés et ses lèvres pincées m'indiquant son état d'énervement.
-Où étais-tu encore ? Demande-t-elle d'un ton tranchant voulant surement me faire peur.
-Pas que ça te regarde, lui répondis-je me dirigeant vers ma chambre.
-Encore avec ce bon à rien de Cobalt ?
-Ce bon à rien comme tu dis a fait tellement plus que toi qui s'accroche à mon père comme une sangsue. Elle s'apprête à lever la main sur moi mais s'arrête au dernier moment.
-Touche moi et papa te mettras dehors.
-Ton père est bien loin de rentrer, quand il n'est pas là tu m'obéis.
-Ne t'en fais pas, l'année prochaine je partirais avec lui.
Je la dépasse et m'enferme dans ma chambre, la fatigue prenant le dessus je dors à travers mon sommier encore à moitié habillé.
Un grand coup à la porte me fait sursauter.
-Debout, tu dois être sur la place dans trente minutes.
J'expire un bon coup, avec la fatigue j'avais monotonement oublié les jeux, tant mieux au moins j'ai pu dormir tranquillement. J'enfile à la hâte la nouvelle robe que papa m'a acheté lors de son séjour au district 8 lorsqu'il réparait leurs réseaux électriques. Je n'avale rien ce matin même si hier je n'ai rien avalé pour que Lilium puisse se nourrir convenablement, le stress habituel de la moisson a pris place. A l'entrée Margaret m'attends avec dans ses bras Lili qui glousse lorsqu'elle m'aperçoit, elle ressemble à un petit ange, je lui embrasse le haut de son crâne où pousse déjà quelques cheveux bruns. Sur la route, le teint blafard des habitants est davantage prononcé, les enfants surtout les plus jeunes s'accrochent comme jamais aux bras de leurs parents, mon papa est actuellement au district 5 pour rénover leur gare mais je sens sa présence dans mon cœur, il m'accompagne tous les jours.
-Cobalt ! M'écriais-je alors que je l'aperçois de loin alors qu'il discute avec Paula la boulangère du district, elle m'enlace chaleureusement hypocrite comme jamais :
- Je ne t'ai pas vus acheter ton pain de moisson Lana, me réprimande-t-elle avec un faux sourire.
Chaque année, Paula vends des gâteaux aux sucres où le glaçage inscris le nombre de papiers que nous avons dans la boule. Le pire est que son affaire marche, elle réussit à faire croire que si on le mange le matin de la moisson nous serons sains et saufs, elle a démontré que chacun de ses clients n'a jamais était tiré au sort. J'explique tout simplement cela par le fait que les pauvres n'ont pas assez d'argent pour acheter son maudit pain et sont tirés au sort car ils ont pris trop de tesserae augmentant leurs « chances » d'être tirés, mais la peur peut faire faire n'importe quoi aujourd'hui.
-L'année prochaine surement, dis-je pour lui faire plaisir alors qu'il est hors de question que je lui achète ses gâteaux de malheurs.
Elle nous sourit et s'éloigne de nous, faisant la tournée des enfants avec son panier remplis de sucreries. Le malheur des uns fait le bonheur des autres.
-Je suis sûr qu'elle regrette de ne pas avoir commencé cette escroquerie à la deuxième expiation, glousse-t-il me faisant pouffer. A la deuxième expiation deux fois plus de tributs ont été envoyés à la mort mais ça nous préférons ne pas y penser en ce jour déjà sombre.
-Tu passes à l'usine B tout à l'heure ? Me demande t'il en réussissant à détendre complétement l'atmosphère.
-Elle n'est pas fermée aujourd'hui ? M'enquis-je
-Le Capitole est en pénuries de cuirasse électromagnétique, il hausse les épaules.
-Alors à tout à l'heure,
On se jette au cou de l'un et de l'autre, sa bouche parsemant de baiser ma gorge me faisant glousser comme une fillette.
-File gamine ! Dit-il en me donnant une claque dans le dos. Je lui tire la langue et joint la queue pour inscrire mon nom, le système est tellement répétitif que j'arrive très vite devant le pacificateur qui ne me regarde même pas lorsqu'il me demande :
-Nom ?
-Lana Birdlight
Je tends instinctivement mon doigt connaissant la procédure par cœur, il me pique pour recueillir une goutte de mon sang confirmant mon identité. Je rejoins les filles de dix-sept ans qui tremblent comme des feuilles, Jane Patlin juste devant moi est en larmes alors que la cérémonie n'a même pas encore débuté, du côté des garçons leurs visages restent pour la plupart impassible lorsqu'il s'agit des plus grands. Dans ces moments de réunion de tout le district, on reconnait parfaitement nos caractéristiques, nous avons pour la majorité des cheveux noirs corbeaux dus probablement à la population qui cache le soleil depuis trop longtemps, nos yeux sont aussi sombre pour la plupart mais les miens sont verts émeraudes comme ceux de ma mère Blume.
En face, sur l'estrade les deux boules de verres sont déjà remplies, le maire Mr Tupakle s'y tient debout, lançant des regards paniqués à son cadet Pierrus, sa première moisson. Je sais que le maire a deux autres fils, un dirigeant l'usine C où les appareils électroménagers sont conçus, le deuxième condamné à vivre dans son lit, l'environnement tuant sa santé, leur mère Mme Tupakle avait elle aussi il y a trois ans subi l'épidémie mais a survécu.
Le maire serre vivement la main des anciens vainqueurs, lorsqu'ils montent sur scène un silence tonitruant prends place, nous ne les voyons pas souvent et avons tous un très grand respect pour eux. Beetee et Otius sont les deux vainqueurs masculins, on peut croiser Beetee dans les usines quelques fois par an mais ses visites se font de plus en plus rare, Otius quant à lui il pourrait mourir personne n'en serait jamais rien il vit tel un ermite tout comme Wiress la seule tribut féminin gagnante de notre district. Tous les quatre s'assoient sur des chaises reculés alors que Fleuria arrive souriante comme jamais, elle sort un mouchoir de sa jupe jaune canari et le porte sur son nez l'utilisant comme un masque contre les odeurs, « voilà dans quoi le Capitole nous oblige à vivre »ai-je envie de lui dire mais je garde bien ses remarques pour moi, mourir n'est pas dans mes projets. Cette année les cheveux de notre hôtesse sont mauves rassemblées en haut de son crâne formant un nid d'oiseau étrange, de loin je vois quand même ses faux ongles en acier ainsi que ses cils fushia semblables à des plumes. Elle range son mouchoir minutieusement dans sa poche et se place devant le micro, nous lorgnant du regard comme si nous étions son buffet.
-Bien le bonjour District 3, Joyeux 71éme Hunger Games et puisse le sort vous être favorable ! Elle ponctue sa phrase d'un claquement de ses deux paumes montrant son excitation. S'en suit la même et interminable vidéo retraçant la rébellion du district 13 qui par la suite s'est retrouvé en cendre, je hais ce district, incapable de terminer ce qu'ils ont commencé. Lorsqu'elle se termine, la majorité des filles sont en pleurs ne pouvant plus supporter cette pression, l'épée d'amoclés se tenant au-dessus de notre tête n'attendant qu'une seule chose.
-Galanterie oblige, aux demoiselles ! Pia Fleuria en plongeant rapidement dans la boule de verre, pétrissant longuement nos milliers de papiers, ses longs ongles accrochent de nombreux papiers comme chaque année mais elle ne s'en préoccupe pas, seul le nom qu'elle tirera compte. Elle en tire un rapidement, elle le déplie avec un sourire vorace, tellement malsain qu'un frisson me parcours l'échine.
-Alors qui aura la chance de participer aux jeux cette année ? Demande-t-elle rajoutant du suspens au Capitole, ils doivent être aux anges tandis que je serre les poings.
-L'heureuse élue est Lana Bridlight.
Fleuria se penche en avant vers nous, cherchant le tribut, ses yeux fouillant la foule tandis que j'entends des centaines de soupirs de soulagement mais pas le mien non, mon souffle est coincé, les larmes montent. Des visages se tournent vers moi, leurs yeux révélant une joie mélangée à de la peine, ce genre de regard qu'on l'on ne voit qu'à la moisson que j'ai eu plusieurs fois moi aussi mais cette fois-ci il est à mon encontre. J'avance vers l'allée la tête haute, le dos droit j'essaie d'avoir une démarche assuré alors que je ne comprends toujours pas ce qu'il se passe, mes pieds me dirigent sur l'estrade. Jamais le district m'a paru aussi magnifique, le ciel gris recevant les panaches noires des usines, je peux même entendre l'eau couleur arc-en-ciel de la rivière polluée.
-Aux jeunes hommes maintenant ! Elle s'avance tel un félin vers la deuxième sphère mais cette fois-ci à peine a-t-elle plongée sa main qu'elle en retire un nous prenant de cours. Toujours dans son personnage elle claque le papier près de son oreille puis se décide enfin à l'ouvrir :
- Pronil Travers ! Dit-elle d'une voix langoureuse.
Ce nom me dit vaguement quelque chose, pitié non pas quelqu'un que je connais. Un squelette sort du groupe des 14 ans des cheveux plus longs que les miens, épaule vouté il avance vers nous le regard las comme si mourir ne serait qu'une chose à faire en plus.
Une fois côte à côté, Fleuria nous oblige à nous serrer la main, la sienne étant aussi froide que la mienne, il doit surement venir du quartier des ouvriers pour ne pas être correctement nourri et se tenir de la sorte.
-District 3 veuillez applaudir Lana Bridlight et Pronil Travers !
