Cette histoire date un peu, je l'avais un peu oublié... J'espère qu'elle vous plaira quand même !
Douceurs du Hammam
PARTIE I
—
Traversant les couloirs avec agilité, le Pharaon se rendait, avec escorte, dans la salle d'eau de son palais. Présent dans l'aile personnel du Pharaon, il n'avait à faire que quelques pas pour s'y rendre, et avait toujours une quantité de serviteurs chargés de l'aider à sa toilette. Le rituel quotidien prenait toujours un temps assez conséquent, ce qui forçait le Pharaon à se lever avant l'aube pour être présent lors de l'éveil de ses prêtres.
Le Pharaon représentait, dans la civilisation Égyptienne, une divinité. De ce fait, il était supérieur en tout point au peuple d'Égypte, tant par son esprit que par son physique. L'on devait percevoir et sentir sa différence ; le Pharaon devait donc passer un temps indéniable aux soins du corps – mais il trouvait la chose plutôt agréable.
Les gardes se postèrent de chaque côté des portes et ouvrèrent doucement les battants, baissant la tête pour ne pas croiser le regard de leur Seigneur. Atem leur adressa un signe de la tête et pénétra dans les lieux, aussitôt accueilli par deux jeunes femmes en tunique blanche et long pagne chatoyant qui accueillirent la lourde cape pourpre de leur Roi. Sans plus de pudeur, Atem se vit débarrasser de ses vêtements, laissant ses pieds nus caresser les dalles tièdes de la vaste salle. Naddar, la responsable des bains, ordonnait avec habitude aux serveurs de faire les diverses tâches.
Les vapeurs de l'eau chaude conféraient à la pièce une ambiance chaude et plaisant. Un énorme bassin de pierre, devant lui, était déjà empli d'eau, dans lequel ses servants avaient pris soin d'ajouter un peu de lait pour le corps pour adoucir sa peau. Un autre servant, genou à terre, tendit les mains pour récupérer les bijoux du Pharaon et les déposa soigneusement dans un coffret ouvragé.
Atem se laissa doucement descendre dans son bain, tendant la main hors de l'eau pour permettre à une jeune femme et un homme de le nettoyer doucement.
— Mon Pharaon, commença Naddar, son dos courbé par l'âge, souhaiteriez-vous que l'on vous apporte quelques mets ?
Atem sourit doucement, se laissant manipuler par ses serviteurs. D'aussi loin qu'il s'en souvenait, Naddar avait toujours fait partie du palais royal, même du temps de son père. Il avait grandi auprès d'elle, elle était un peu comme une grand-mère pour lui, même si son statut ne lui permettait pas d'expliciter sa pensée.
Elle se faisait vieille avec le temps, il la voyait souvent courbé en avant, comme si son dos douloureux ne lui permettait pas de soutenir son poids.
— Nul besoin, dit-il simplement en rejetant la tête en arrière.
Naddar se courba en une révérence tremblante ; deux autres personnes vinrent nettoyer la chevelure brillante du Pharaon.
— Chère Naddar, j'aimerai me faire masser aujourd'hui. Je sens les prémices de la fatigue user mon corps, souffla-t-il à mi-voix alors qu'il croisait le regard d'une servante.
Elle rougit furieusement en baissant vivement la tête, confuse de l'affront qu'elle venait de faire. Atem eut un sourire amusé, arquant un sourcil, et la femme se leva vivement en se baissant à l'excès avant de s'en aller. Naddar grommela en la voyant partir, épouvanté par le comportement de l'une de ses protégés, mais revint vite à son Roi.
— Naturellement, mon Pharaon. Nous avons, d'ailleurs, un nouveau masseur dont le talent attend de se faire connaître. Vous l'apprécierez sans doute.
Atem hocha vaguement la tête alors que Kelaldin, l'un des servants, plongea son bras dans l'eau pour laver son torse.
— Un nouveau masseur… ? Comment cela se fait-il ? Il me semble qu'employer de nouvelles personnes est rares au palais du Pharaon.
Surtout à cause de la sécurité : l'on ne pouvait accepter que n'importe qui pénètre au sein du palais, les risques qu'il soit un danger pour le Pharaon étaient tout de même non négligeables.
Naddar s'affaissa légèrement, plus triste.
— Bakhan, l'un des masseurs, a trépassé il y a peu.
Atem ouvrit les yeux et tourna sa tête vers la vieille femme, compatissant. Naddar se liait trop vite, surtout à ses poulains, qu'elle choyait et protégeait. Bakhan était un jeune homme qui avait grandi au sein même du palais, comme la plupart des servants – sauf ceux que l'on achetait – et avait travaillé ici dès son plus jeune âge.
Naddar le considérait comme son fils.
La jeune femme qui avait fuit revint, hésitante, et fini par faire fi de sa puérilité et d'aider ses homologues. Atem se tourna et s'installa sur le banc de pierre, sous l'eau, pour relever sa jambe et permettre aux esclaves de finir sa toilette. Il ne chercha pas à réconforter la matronne, sachant qu'elle n'apprécierait aucunement.
Il resta plongé dans l'eau plusieurs douces minutes, nageant quelques brasses et plongeant pour laver son visage. Accroupis autour de la bassine, les serviteurs attendaient patiemment que le Pharaon ne décide de sortir pour poursuivre le rituel. Quelques odeurs de lavande, de jasmin, de parfum flottait, doux et brumeux. Une coupe de vin et un panier de fruit l'attendaient même.
Atem s'allongea plaisamment, complètement nu, sur une méridienne blanche. Il tendit la main pour saisir un grain de raisin tandis que deux serviteurs étalaient une pâte collante sur chacune de ses jambes pour arracher ses poils. Une femme farda ses yeux de khôl, avec soin et minutie. Une autre limait ses ongles et les lissait tandis qu'un autre le coiffait.
C'était certes agréable, mais un peu expansif. Atem n'aimait pas particulièrement le fait qu'il doive faire cela à chaque fois, simplement pour avoir le physique parfait que son statut exigeait. Mais il s'y était fait. La première fois, il avait retenu difficilement ses cris de douleurs lorsque ses servants avaient arrachés sans hésitation chacun de ses poils ; aujourd'hui il regrettait qu'ils ne puissent le faire plus vite.
XxX
Après tout cela – le soin du corps fini, la purification de l'intérieur de son corps, le soin bucco-dentaire à la poudre abrasive et son maquillage – Atem, drapé dans un large drap de soie blanche et or, suivit Naddar dans une autre salle. L'atmosphère était plus tamisée, intime. Aux coins des salles, agenouillés et les yeux fixés au sol, les autres serviteurs patientaient. Le Pharaon retira le drap lorsque Naddar quitta la salle et se coucha sur une méridienne de velours et pailleté d'or, les yeux fermés. Il sentait déjà l'odeur d'huile pour corps et d'onguent flotter dans l'air, en plus de celui, plus subtil, des bougies.
Il entendit à peine le froissement des vêtements de ses esclaves, qui s'apprêtait à enduire son corps nu d'huile hydratante pour masser ses muscles. Un soupir raffiné filtra ses lèvres ; les mains chaudes couraient son corps, appuyant avec force sur les nœuds de ses muscles. Atem entrouvrit ses yeux lorsqu'un contact délicat passa sur son épaule, glissant doucement le long de son bras mate en étalant une fine couche d'huile. Là où les mains des autres masseurs étaient vives et assurées, celles-ci, plus timorées, voletaient sur ses muscles avec expertise et délicatesse, presque craintives d'abîmer sa peau. Le contact léger créait des frissons sur sa peau, le brûlait et le figeait, ramenait entièrement son attention sur lui.
Sans bouger, il jeta un regard à sa droite, voyant la silhouette accroupie d'un jeune garçon entièrement accaparé par le bras du Pharaon. Ses fines mains tenaient doucement son membre, massaient avec soin et lenteur chaque centimètre carré, ses doigts caressant les courbes de sa main. Ses grands yeux suivaient doucement le parcours de ses mains, remontant sur son biceps, son épaule, jusqu'à effleurer sa gorge ; rencontrer le regard du Roi.
Figé, ses yeux papillonnèrent, indécis. Un doux sourire fit plisser son regard et ses lèvres purpurines s'entrouvrirent. Malgré la faible luminosité et l'ambiance tamisée, Atem devinait que la peau du garçon était claire, un peu plus claire que la couleur de peau habituelle du peuple d'Égypte. Un genre de crème délicat qui contrastait avec la couleur noir d'ébène de sa chevelure[1].
— Cela vous plaît-il, mon Pharaon ? souffla-t-il doucement. Aimeriez-vous que je soigne votre dos ?
Atem ne bougea pas, ses yeux améthyste plongés dans ceux du masseur. Les autres, légèrement abasourdi, sortirent de leur torpeur et reprirent leur activité en prenant soin de n'accorder aucune importance à ce qui se déroulait non loin. Ils n'avaient pas le droit de croiser le regard de leur Pharaon, ni même de lui adresser la parole tant que lui-même ne leur avait pas posé une question – ils redoutaient ce qui allait arriver au petit nouveau qui, encore une fois, prouvait sa trop prompte spontanéité.
Naddar lui avait pourtant conseillé, ordonné, mainte et mainte fois, de mettre de côté cette franchise et naïveté qu'il avait.
Ils sursautèrent en voyant le Pharaon lever doucement l'une de ses mains, leur signalant ainsi de partir pour les laisser seul. Usant de révérences, ils s'en allèrent, prenant soin de marcher à reculons pour ne pas offenser leur Pharaon, en refermant la porte silencieusement. Un peu surpris, le jeune masseur, regarda ses homologues s'en aller, et se demanda s'il devait les suivre.
Un silence gênant s'étira. L'esclave, toujours accroupi au sol, baissa les yeux, timidement et circonspect, attendant une réaction du Pharaon pour agir en conséquence.
— Ton nom ?
Sursautant, il releva soudainement la tête pour croiser le regard du Pharaon. Sa voix, légère et chaude, avait glissée dans l'air à la manière d'une symphonie.
— Yûgi… murmura-t-il en se triturant les mains.
Atem n'eut aucun geste signifiant qu'il avait comprit, ne bougea aucunement. De plus en plus gêné par l'attention exacerbée du Pharaon sur sa personne, Yûgi n'osa pas relever les yeux et se pinça les lèvres, se maudissant de rougir. De longs doigts effleurèrent son menton, le poussant à relever son visage pour faire face au Pharaon, avec douceur.
— Continue donc, demanda-t-il en s'enfonçant plus confortablement contre le divan.
Rasséréné, Yûgi obtempéra donc, tout de même inquisiteur. Il pensait que son audace était mal passée, qu'avoir osé adresser la parole au Pharaon lui mériterait quelque punition. Il n'avait pas pu s'en empêché en voyant le visage apaisé du Roi, ses yeux améthyste qui l'avait fixé avec insistance.
Il fallait qu'il se calme, pensa Yûgi en passant ses mains sur le torse ferme.
Tandis qu'il était prit par ses soins, occupé à masser le corps nervé de son Pharaon, Atem suivait de ses yeux chaque mouvement de son esclave, chaque expression. Il n'avait pas un physique extraordinaire pourtant : il le devinait petit, à la peau légèrement claire, ses cheveux noir de jais se redressaient parfois en épis vers l'arrière de sa tête, ses grands yeux améthyste étaient cernés de khôl, une petite langue mutine venait parfois humidifier ses lèvres pleines, d'un purpurin hypnotisant. Rien d'extraordinaire, mais un tout qui formait une harmonie très agréable et époustouflante.
Ses mains appuyaient presque amoureusement sur chaque partie de son torse, descendant doucement le long de son buste pour le masser convenablement. Ses doigts délicats suivaient chaque veine, chaque muscle ; Atem se surpris à réagir intérieurement à son toucher.
Yûgi dégageait, par il ne savait quelle magie, un quelque chose de sensuel et de terriblement envoûtant.
D'un geste aérien, Yûgi glissa au dessus de son bassin pour atterrir sur le dessus de la cuisse droite. Ses yeux ne se posèrent même pas sur le sexe dénudé du Pharaon, habitué à voir des corps nu depuis son plus jeune âge – beaucoup de personnes se baignaient à même le Nil pour se purifier auprès de la déesse. La peau du Pharaon était d'une perfection extrême, lisse et soyeuse sous ses doigts, mais ferme et puissante. Il devinait quelques contours de muscles, nerveux, plaisant et délicieux.
Il s'obligea à ne pas rougir pour poursuivre sa besogne.
Il sentait le regard lourd du Seigneur peser sur lui, suivre méticuleusement le moindre de ses gestes, insister sur son visage de plus en plus rougissant. Yûgi se pinça doucement les lèvres pour s'exhorter au calme. Il n'arrivait pas à combler pleinement le Pharaon en travaillant seul : il ne pouvait se charger que d'une zone à la fois, ce qui était assez problématique.
— Quel âge as-tu ?
Yûgi s'humecta doucement les lèvres en s'immobilisant un tiers de secondes, avant de reprendre, les yeux baissés.
— Seize ans, mon Pharaon, répondit-il humblement.
Il se fustigea mentalement pour l'impassibilité qu'il avait arborée. Le Pharaon s'adressait à lui, tentait de tenir une conversation, et Yûgi laissait sa gêne le rendre distant ! Il faisait, décidément, un bien piètre servant. Il prit une grande inspiration silencieuse, gonflant sa poitrine des affres subtiles de l'onguent qu'il passait sur le corps du Pharaon, pour se calmer.
Le Pharaon bougea ; il s'avança légèrement pour décoller son dos et croisa les jambes. Ignorant l'expression surprise du masseur, Atem empoigna doucement son bras pour le forcer à se relever, et le tira à lui. Le jeune esclave, docile, se laissa faire jusqu'à sentir ses genoux buter contre la méridienne, et résista quelque peu. Il ne fallait pas qu'il tombe sur le Pharaon ! Qu'importât si c'était le Pharaon lui-même qui le tirait en avant, s'échouer librement sur son corps n'était pas permis.
Pourtant le Roi ne fit pas attention à son opposition et tira plus fort, jusqu'à avoir l'esclave avachi sur lui. Le visage plaqué contre le torse nu, Yûgi atteint des records de rougissements, le corps raide et tendu. Il voulut s'excuser et tira sur ses bras pour se dégager mais le Pharaon n'admettait nulle révolte. Il força gracieusement l'esclave à le regarder, plongeant ses yeux acérés dans ceux du servant.
Et Yûgi prit pleinement conscience du pouvoir attractif du Pharaon.
— Prend donc place correctement.
Yûgi faillit poser une question stupide et déplacé (« Prendre place sur vous ? Comme sur un siège ? ») mais se ravisa. Il y avait des limites à l'insolence. Il se mordit doucement les lèvres, les yeux fuyants, le cœur au bord des lèvres.
— J-je ne peux pas… Mon Pharaon, c'est… irrespectueux… souffla-t-il à mi-voix.
Le visage d'Atem était d'une sérénité presque impassible. Il était difficile de deviner ses pensées, le cheminement de son esprit, les idées qui le traversaient ; on ne pouvait se baser que sur ses paroles ou, si on le connaissait bien, les expériences passées.
— Ne serait-ce pas plus irrespectueux de ne pas obéir à un ordre direct du Pharaon ? souleva-t-il justement, sans reproche.
Yûgi se mordilla la lèvre jusqu'à la rendre sensible, puis acquiesça vaguement. Vu de ce point de vue, le Pharaon avait juste et désobéir à une demande expresse de son Roi était la pire des bévues.
— Mais… parfois, même le Pharaon peut porter un jugement erroné et donner un ordre discutable… ? s'avança-t-il avec hésitation, les yeux encore fuyants.
Atem arqua un sourcil d'amusement face à ses propos mais ne pu que lui accorder mentalement raison. Il n'était pas infaillible, et à tout juste la vingtaine, il apprenait encore et faisait des erreurs. Il était entouré de prêtres justement pour qu'ils lui offrent leurs conseils et pour pouvoir compter sur leur soutien.
— Allez, viens, souffla-t-il en tirant le plus jeune.
Il plaça correctement l'esclave sur ses cuisses, passant ses jambes de part et d'autres de son bassin pour le laisser à califourchon sur lui. Yûgi était tellement gêné que ses mains en tremblaient presque, posés sur les larges épaules de son Roi.
— Masse-moi le dos, ordonna-t-il en fixant son visage.
Yûgi voulut lui dire que dans cette position, la tâche serait ardue, mais se mordit les lèvres pour tenir ses mots et tenta la chose. Il se rendit vite compte que, pour accéder au dos du Pharaon dans cette position, il devait se rapprocher de lui au maximum et tendre les bras dans son dos – l'enlaçant presque. Ses joues chauffèrent ; il bougea timidement ses mains pour masser les épaules mates, les yeux résolument fixés vers le bas, pour ne pas distinguer le visage bien trop proche du Pharaon. Sur ses genoux, il était légèrement surélevé, et ses bras descendant doucement le long du dos de son Roi le rapprochaient tant qu'il avait presque le visage du Pharaon contre sa gorge.
Si proches, qu'il était sûr que le Pharaon percevait parfaitement les battements de son cœur contre sa poitrine.
Atem laissa ses yeux suivre la courbe de sa mâchoire, et se permis de détailler le mouvement de la bouche du masseur qui se trouvait juste devant lui. La langue rose et les dents blanches passaient souvent sur les lèvres, démontrant une certaine anxiété chez leur propriétaire. Le Pharaon se retrouva hypnotisé par chaque détail du corps devant lui, qui respirait l'innocence et la luxure – le mélange des deux était irrésistible. Sentir ce corps fin presque plaqué contre lui donnait à son esprit de folles idées bien alléchantes.
Atem effleura doucement de sa joue le visage de l'esclave ; leurs prunelles se rencontrèrent avec force. Le Roi se rendit soudain compte du trouble qu'il provoquait chez le masseur : ses yeux embués et sa respiration saccadée lui sautèrent aux yeux.
— Mon Pharaon… geint-il doucereusement sans bouger.
Ainsi la lourde tension qui régnait entre eux ne lui était pas passée inaperçu. Il vit clairement ses yeux à demi-fermé glisser vers ses lèvres closes, et l'éclair d'envie faire briller son regard. Ses mains, immobiles, tremblaient quelque peu et son dos cambré rapprochait encore leur corps.
Que Râ lui vienne en aide, il ne résisterait pas…
Son propre souffle s'était alourdi. Ses mains chaudes avaient trouvés refuge contre les hanches étroites de Yûgi et leur torse nu permettait à leur chaleur corporelle de s'évader rejoindre leur consoeur. L'odeur enivrante d'huile et d'encens chargeait encore plus l'ambiance, faisait tourner leur tête pour faire divaguer leurs pensées.
Yûgi avait l'odeur du sable chaud du désert.
— Oui ? murmura-t-il d'une voix rauque, l'œil brillant.
Yûgi sembla revenir à lui, papillonnant des yeux à la manière d'un enfant. Il baissa brusquement le visage en rougissant, crispant ses mains contre le dos chaud de son vis-à-vis en se retenant de ne pas se lever violemment. Il était presque assis sur les cuisses du Pharaon, ses fesses presque sur l'entrejambe découvert du Roi, leur peau trop en contact.
La bouche du Pharaon semblait si attirante… !
— Je… je… tenta-t-il de parler – mais sa voix ressemblait tant à un couinement qu'il abandonna l'idée d'expliciter en paroles les pensées qu'il avait.
Un bref soupir de la part du Pharaon ; Yûgi releva les yeux pour se rendre compte qu'il ne s'agissait en fait que d'une mimique moqueuse – à mi-chemin entre un rire et un souffle. Fronçant les sourcils et déformant ses lèvres en une moue boudeuse, il détourna le visage et entreprit de poursuivre sa manœuvre. Il ignora complètement l'intimité de l'instant et se colla un peu plus contre le Pharaon pour avoir accès à plus de parcelle de peau, glissant ses mains plus bas pour masser la moitié du dos.
L'épiderme chaud et lisse de son Roi lui brûlait les mains ; Yûgi sentait le souffle profond du Pharaon s'échouer contre sa gorge, et ses cils noirs chatouiller le bas de sa mâchoire. Et les mains du Pharaon, larges et puissantes, qui maintenaient puissamment ses hanches, l'excitaient un peu.
Il se figea complètement lorsque, doux et à peine appuyé, un baiser tendre se posa contre son cou. Par réflexe, il tourna son visage sur le côté pour voir le visage du Seigneur, effleurant de ses lèvres entrouvertes sa joue où un léger creux assombrissait agréablement la mâchoire. Ses prunelles se posèrent d'elles-mêmes sur les lèvres closes, avides et désireuses, soumis.
— Mon Pharaon… gémit-il encore une fois.
Atem retenait difficilement un sourire. Il était amusant de voir comme la passion rendait certaines personnes aussi éloquentes qu'un marmot. Mais l'heure n'était pas à la rigolade ; ses yeux fardés étaient assombris de désir, et ses mains chaudes ne rêvaient que de parcourir le corps velouté du petit esclave.
Petit sourire taquin ; il invitait Yûgi à effectuer le premier pas, pour s'assurer de ne pas donner l'impression de profiter du jeune homme mais que ce qui s'apprêtait à arriver était le fruit d'un désir mutuel.
Il frissonna lorsque l'une des mains du masseur remonta le long de son dos pour effleurer sa mâchoire, glissant sur ses joues avec fascination. Son pouce passa sur sa bouche et son ongle griffa sensuellement la courbe de sa lèvre. Atem eut un léger sourire en coin, saccadé et mutin, qui buta contre le doigt du jeune Égyptien ; Yûgi se baissa jusqu'à accoler leurs lèvres.
Le frisson qui les prit leur fit perdre pied.
Atem se laissa tomber sur le dos, emportant Yûgi dans le mouvement pour qu'il se couche sur lui. Le tissu fin qui couvrait à peine le bassin du masseur glissa sur son corps en une douce caresse, suave et aérienne. Yûgi ne portait aucun bijou mis à part un large cercle d'or autour de sa cheville, mais il sentait clairement, lui, le froid mordant des nombreux bijoux de son Roi.
Il eut un glapissement lorsque son entrejambe rencontra celui du Pharaon, dur et clairement dressé. Conscient d'écraser son Roi, Yûgi voulut se reculer légèrement pour soutenir son poids à l'aide de ses bras, lorsque Atem inséra vicieusement sa langue dans sa bouche. Sa légère retenue disparut : il pencha la tête d'un côté et embrassa avec force le Pharaon, remuant des hanches pour l'échauffer sans honte.
Yûgi ne se savait pas aussi dépravé et libéré, mais il n'avait pas le temps d'en avoir honte, son Pharaon l'excitait indubitablement, farouchement. Il n'était pas encore initié aux arts charnels mais son instinct ne lui avait jamais fait défaut jusqu'à présent, aussi suivait-il sans hésitation ce que lui dictait son cœur.
Entre autre : descendre sa main pour caresser la turgescence du Pharaon.
Ses mains, encore enduites d'huile parfumée, glissaient aisément sur le corps brûlant et servirent de lubrifiant sur le sexe sensiblement érigé, le front accolé et le nez en contact.
Les yeux de Yûgi étaient bien trop brillants.
Avec lenteur, Atem releva une de ses mains pour la glisser sous le pagne blanc de l'esclave, glissant la ceinture dorée dans un chuintement envoûtant. Il explora la surface cachée de sa main droite, souriant en voyant son servant arrêter presque tout mouvement pour se concentrer sur cette main bravache qui passait sur ses testicules. Désormais libéré, la bouche de Yûgi se posa avec soin sur la gorge du Pharaon, des gémissements pleins les lèvres.
Cette expérience nouvelle s'annonçait être la plus extraordinaire.
Il glapit lorsque le Pharaon le retourna sur le dos et se positionna au dessus de lui, un sourire taquin et terriblement chaud aux lèvres. Sa toge et sa ceinture s'étaient échouées au pied de la méridienne dans un froufrou vague alors que le Pharaon prenait un plaisir certain à le dominer de sa taille.
Yûgi en frémissait d'impatience.
— Dis-moi Yûgi, commença-t-il en baisant d'abord sa pommette puis le creux de son oreille, accepterais-tu d'oublier ton rôle de masseur ?
Le cœur de Yûgi manqua un battement ; mille pensées se bousculèrent en lui. Le Pharaon lui avait-il fait passer une sorte de test pour s'assurer de sa fidélité ? Ou avait-il été offensé par son comportement et ses paroles ? Ou alors y avait-il encore une autre raison ? À l'évidence, il prévoyait déjà de le renvoyer à la rue…
Ses mains tremblèrent légèrement.
— P-pourquoi cela, mon Pharaon ?
Atem fit durer le suspens en caressant longuement le membre dur du servant alors qu'il mordait la base de son cou. Yûgi avait si chaud… il voulait simplement que le Roi arrête cette torture et le prenne enfin !
— Car j'adorerai te garder pour moi, souffla-t-il d'une voix rauque.
Empressé, il caressa brièvement l'intérieur des cuisses de l'esclave, le regard sombre et impatient, et écarta doucement les fesses pour s'y incruster. Yûgi s'agrippait déjà aux larges épaules devant lui, comme peureux à l'idée d'avoir mal, et jeta sa tête en arrière lorsque le Roi le pénétra.
Enfin.
Ses cheveux noirs étaient complètement contre le velours rouge et or du divan. Il ne se préoccupait pas du fait que le khôl avait peut-être coulé à cause de l'humidité de ses yeux, et il avait même oublié les paroles que son Roi avait pourtant prononcé il y avait tout juste quelques secondes. La sensation grisante et extraordinaire qu'il ressentait balayait tout.
Le Pharaon était très doué, de cela il en était certain !
Ses mains tremblantes s'accrochèrent au tissu de la méridienne alors que son corps s'arquait en tout sens, noyé sous les flots intense du plaisir brut qu'on lui offrait. Sa bouche ouverte laissait filtrer de plaisants gémissements qui faisait agréablement vibrer sa gorge. Atem, les mains empoignant fermement les hanches de l'esclave pour imposer son rythme, se délectait outrageusement de la vue plus qu'indécente qui ne cessait de gorger de sang son membre pulsant.
Ce n'était pas humain d'être aussi désirable !
Yûgi ne cachait pas son désir sous des réserves de timidité ou de respect, il n'exacerbait pas non plus le plaisir qu'il ressentait pour le flatter avec grossièreté. Il gémissait lorsqu'il aimait, soupirait lorsqu'on le taquinait, grimaçait lorsque la douleur le titillait, glapissait quand le Pharaon le prenait au dépourvu, souriait quand il voyait son impatience.
Et Atem aimait beaucoup la spontanéité de ses gestes.
Il se baissa soudain pour l'embrasser, provoquant un sourire d'une tendresse insolente qui l'apaisa. Ses mouvements ralentirent progressivement jusqu'à s'arrêter, pour lui permettre d'approfondir le baiser, comme s'il n'y avait plus que cela qui comptait. Yûgi ferma plaisamment les yeux et fourragea dans les cheveux du Pharaon, passant sur ses joues et sa nuque avec complaisance.
Un baiser qui dura une éternité.
— Qu'y a-t-il Pharaon ? Un problème ? souffla-t-il tout délicatement, yeux dans les siens.
Atem se perdit dans ses prunelles claires et sourit doucement. Une de ses boucles d'oreilles capturait l'éclat iridescent d'une flammèche et luisait légèrement.
— Non. Je savourais.
Le sourire de Yûgi le rappela à l'instant, et plus précisément que son sexe était toujours dur – et en lui. Sans préavis, il décrit un large mouvement et s'enfonça à nouveau, avec concupiscence. Il fut satisfait de l'entendre glapir violemment, comme ramené à la réalité.
Il va sans dire qu'ils passèrent beaucoup de temps dans cette pièce sans que quiconque ne sache pourquoi.
XxX
— Alors ? Tu acceptes ?
Yûgi, à moitié somnolant, fronça les sourcils pour tenter de percer le mystère de ces sibyllines paroles. Il s'était abandonné sur la méridienne, dans une position de détente complète et qui, aux yeux d'Atem, n'était que provocation. Sans prendre la peine de se couvrir, il laissait la chaleur et les fragrances douces de l'endroit le bercer jusqu'au royaume des rêves.
— De quoi ? demanda-t-il enfin d'une voix pâteuse, l'œil vague.
Atem sourit et croisa les jambes. Assis à ses côtés, il regardait encore et encore le corps alangui offert à ses yeux, se repaissant copieusement de la présence de Yûgi.
— De la proposition que je t'ai faite.
Leurs paroles étaient murmurées, étouffées par la sensualité de leur corps. Ils ne voulaient pas briser l'ambiance instaurée, tamisée et délicate. Atem glissa un doigt le long de la joue de l'esclave, déclenchant un soupir paresseux.
— Je ne m'en souviens guère, mais de toute façon, poursuivit-il en ouvrant les yeux, était-ce réellement une proposition – ou un ordre ?
Son expression amusée fit sourire Atem qui se permit de s'allonger contre lui, sur le flanc. Il détailla le visage encore juvénile de Yûgi, avec la même douceur qu'il aurait eut face à un enfant.
— Contrairement à ce que tu sembles penser, je te laisse le choix.
Il n'en était pas complètement sûr, le Pharaon n'était pas le genre de personne à essuyer un refus, mais il préférait faire croire laisser au jeune garçon un choix – c'était toujours plus plaisant que de se savoir acculé.
Yûgi ferma doucereusement les yeux et se rapprocha du Roi pour se pelotonner contre lui, les mains caressantes. Il n'avait pas de manières envers le Pharaon, et Atem aimait cela.
— Alors redemandez-moi, je ne me souviens pas de l'offre.
— Reste simplement avec moi, dit Atem en caressant ses cheveux noirs, et sois mien.
Yûgi rouvrit les yeux, brillants et heureux :
— Oh, avec joie ! Mais il ne faudra pas vous en plaindre, d'accord ? C'est votre idée !
Oh, Atem était sûr de ne jamais pouvoir s'en plaindre, bien au contraire ! Il imaginait déjà les sulfureuses douceurs que cette perspective reflétait – et toutes les manières dont il pourrait abuser de ce délicieux corps.
Bien que Yûgi put aussi abuser allègrement du sien…
.
.
[1] Oui, blasphème extrême, les cheveux de Yûgi sont complètement noir dans cette fiction ! Mais c'était pour mieux les départager, pour montrer qu'ils sont bien deux personnes différentes avec aucun lien de parenté et aucune ressemblance flagrante.
.
Bon, "Yûgi" est un nom un peu chelou pour un égyptien, mais disons que ce sera un petit grain de folie dans leur quotidien ! Et puis l'appeler par un dérivé sorti de mon imaginaire n'aurait rien donné de bon...
C'est un petit two-shot, la suite dans une ou deux semaines ! Patientez d'ici là ! *smile*
Karrow.
