Mycroft, Sherlock et Merlin étaient les trois fils du Roi de Semloh, Balinor. Mycroft avait cinq ans de plus que Sherlock, et dix ans de plus que Merlin. Leur mère était morte peu après la naissance de son dernier fils. Le Roi de Semloh était respecté par ses sujets ; il les connaissait tous familièrement. Le royaume resplendissait sous son règne, et son nom était synonyme de générosité aux quatre coins d'Albion. Le Roi Balinor était aussi un Seigneur des Dragons ; son peuple se réjouissait de voir les magnifiques créatures survoler paisiblement leur contrée. Les dragons étaient les gardiens du pays, et aucun royaume n'oserait affronter de tels adversaires.

Le seul ennemi de Semloh était Essetir. C'était une terre de mercenaires, gouvernée par Moriarty, le neveu renégat du roi de Semloh. Moriarty avait toujours rêvé du titre de roi, et était terriblement jaloux de ses trois jeunes cousins, qui étaient premiers en ligne pour la succession du trône. La dynastie royale était aussi une des plus importantes lignées magiques d'Albion, mais Moriarty n'avait pas une once de magie en lui, ce qui le faisait haïr plus encore sa famille. Après une tentative d'assassinat du Roi quelques années avant la naissance de Merlin, il avait été banni du royaume, et avait pris le pouvoir en Essetir. Il avait préparé sa vengeance avec d'impitoyables assassins et sorciers, les plus craints au nord de la Grande Mer. Moriarty avait des espions partout, infiltrés dans la plupart des cours royales d'Albion, un an à peine après le début de son exil. Il avait essayé, à maintes reprises, d'envahir Semloh, mais chaque tentative était vouée à l'échec tant que les dragons protégeaient le royaume. Il fallait donc anéantir la lignée des Seigneurs des Dragons. Le Roi Balinor fut empoisonné quand Merlin avait seulement deux ans. Aucun dragon ne fut capable de le guérir, pas même le grand Kilgharrah. Tous savaient que Moriarty était l'assassin, mais le royaume n'avait plus les moyens de contre-attaquer : plus personne ne pouvait contrôler les dragons. En effet, les pouvoirs d'un Seigneur des Dragons sont passés à sa mort à son fils aîné, mais seulement s'il a des pouvoirs magiques. Mycroft et Sherlock n'ayant pas de pouvoirs, le titre revint au jeune Merlin, l'enfant dont les pouvoirs dépassaient l'entendement. Grâce à son influence, les dragons continuèrent de protéger Semloh, mais Merlin, du haut de ses deux ans, était bien trop jeune pour les faire attaquer son cousin Moriarty. Le meurtre du roi demeura impuni.


Trois ans plus tard, les trois princes partirent se promener dans le parc du château, comme ils le faisaient chaque dimanche. Le printemps était déjà bien entamé, et pourtant, Semloh était encore recouvert de blanc. Le royaume se trouvait au nord d'Albion, et l'hiver était bien plus froid que dans d'autres régions, comme en Essetir ou à Camelot. Merlin et Sherlock décidèrent de jouer à cache-cache pendant que Mycroft s'asseyait sur un banc et se penchait sur un épais livre. L'aîné des princes relisait encore une fois le protocole du couronnement. Il le connaissait déjà par cœur : si Moriarty avait tenté d'envahir le royaume avant que Mycroft atteigne seize ans, le prince aurait été couronné avant l'heure pour empêcher Moriarty de devenir, aux yeux des lois ancestrales du royaume, le souverain légitime de Semloh. Cette situation ne s'étant pas présentée, la cérémonie officielle aurait lieu dans moins d'une semaine, pour son seizième anniversaire. Dans moins d'une semaine, Mycroft serait roi, et la lourde tâche de gouverner le grand territoire de Semloh reposerait sur ses épaules. Il tourna une autre page et soupira. Comme il aimerait pouvoir s'amuser avec ses frères, loin des angoisses de mener tout un pays.

Le ciel se couvrit soudainement. Mycroft leva la tête, surpris. Il n'y avait pas un nuage dans le ciel, qui avait revêtit une teinte anormalement sombre. On aurait dit qu'une ombre surnaturelle envahissait la forêt. Le prince se leva, alarmé, et cria à ses frères de retourner au château. Sherlock revint dans la clairière en courant, paniqué : Merlin n'était nulle part. Mycroft s'apprêtait à gronder son frère, responsable de leur jeune frère, lorsqu'un cri retentit depuis la partie de la forêt la plus éloignée du château. Les deux frères échangèrent un regard, et partirent en courant à la recherche de leur frère. Il y eut un autre cri, un peu étouffé cette fois. Cela venait de leur droite. La rivière. Ils continuèrent de courir, et arrivèrent au milieu d'un champ de bataille. Des gardes avaient rejoint le cours d'eau avant eux, et affrontaient une douzaine de mercenaires. Mycroft, furieux, dégaina son épée et plongea dans la bataille. Sherlock n'était pas assez âgé pour avoir sa propre arme, et empoigna un gros bout de bois, qui réussit à parer plusieurs coups d'épées avant de se briser. Il évita une autre lame et se mit à chercher son petit frère du regard. Il n'était pas là. Le combat se finit rapidement, et les bandits furent capturés. Le royaume chercha son plus jeune prince pendant des heures, qui se transformèrent rapidement en jours, semaines et mois. Une demi-année plus tard, personne n'avait trouvé Merlin, et la mort présumée du Prince Perdu fut annoncée partout dans Albion.


Merlin courait. Il riait alors qu'une brise légère repoussait ses cheveux noirs hors de ses grands yeux bleus. Il aimait tant la neige ! Il demanderait à Sherlock de faire un bonhomme de neige après avoir fini de jouer à cache-cache. Ou alors, de patiner sur le lac gelé devant le château. Ou alors,...Ici ! Il se cacherait sous cette énorme racine qui dépassait de terre, juste assez grande pour qu'il se glisse en-dessous. Il se serait bien rendu invisible, mais ça n'aurait pas été juste pour son frère, qui ne possédait pas de pouvoirs. Et il ne voulait pas gagner aussi facilement, ce ne serait pas drôle. Merlin s'accroupit et se cacha, se frottant les cheveux pour en enlever des feuilles mortes. Il rit à nouveau, et, d'un regard, utilisa ses pouvoirs pour poser des feuilles et branches mortes au-dessus de sa cachette. Quelques instants plus tard, il entendit Mycroft crier son nom. Il sourit : son grand frère jouait aussi !

Soudain, il entendit un bruit de pas. Mais ce ne pouvait pas être Sherlock, il serait arrivé de gauche, pas de droite... Il y avait quelqu'un d'autre dans la forêt, quelqu'un qui n'avait pas l'air sympathique. Merlin essaya de respirer sans faire de bruit, et regarda à travers les feuilles qu'il venait de poser au-dessus du trou où il s'était glissé. Cinq hommes encerclaient sa cachette, leurs yeux fixés sur lui. Merlin les inspecta à l'aide de sa magie. Aucun n'avait de pouvoirs, mais ils avaient beaucoup, beaucoup d'armes aux lames acérées. Le plus grand bandit avait même une énorme massue. Ils étaient certainement envoyés par Moriarty ! Il avait entendu parler des mercenaires de son cousin, qui attaquaient le royaume régulièrement. Une nuit, quand Merlin avait quatre ans, Moriarty était rentré dans le château. Il était minuit, les cloches avaient juste sonné. Le prince avait entendu un bruit dans son placard, et s'était levé pour aller voir ce que c'était. Il se rappelait encore de sa peur, de ses mains moites et de ses jambes tremblantes, alors qu'il marchait vers le placard. Quand il s'était mis sur la pointe des pieds pour atteindre la poignée du placard, quelqu'un l'avait attrapé par d'arrière, et avait mis sa main devant sa bouche pour l'empêcher de crier. Une voix moqueuse avait chuchoté dans son oreille que, s'il ne bougeait pas, sa mort serait moins douloureuse. Merlin avait mordu la main de son agresseur, et l'avait repoussé avec sa magie. Il avait entendu, dans son dos, l'homme se cogner contre son lit, mais quand il s'était retourné, il n'y avait plus personne. Moriarty s'était téléporté. Merlin faisait encore des cauchemars à propos du monstre du placard. Depuis, avant de se coucher, il inspectait toujours sa chambre pour être sûr qu'il était seul. Mais ce n'était pas le moment de sombrer dans ses souvenirs, dans ses cauchemars. Merlin devait s'échapper. Il laissa ses pouvoirs le rendre invisible, puis tenta de s'extirper de sa cachette en silence. Il s'appuya sur une branche, qui se brisa d'un bruit sec. Le Prince se mordit la lèvre, avant de sauter hors de sa cachette et de courir vers la rivière, qui était le chemin le plus court pour se rendre au château. Il atteint la rivière à bout de souffle, et tomba dans une embuscade : d'autres bandits se trouvaient au bord du ruisseau. Merlin était encerclé. Il était trop tard pour tenter de s'échapper discrètement. Le Prince décida de crier, pour donner sa position à ses frères. Dans sa panique, il annula le sort d'invisibilité. L'enfant pouvait entendre des gardes du château courir vers lui, mais ils étaient trop loin. Un bandit l'attrapa par derrière, le souleva, et le bâillonna comme Moriarty le faisait toujours dans ses cauchemars. Merlin ignora sa peur, et s'agita, lui donnant plusieurs coups de pieds et de coudes. Le bandit le lâcha, et Merlin, surpris, perdit l'équilibre et trébucha en arrière. Le Prince ferma les yeux et se prépara à l'impact contre l'eau froide et les pierres saillantes de la rivière. Il savait qu'avec cet angle de chute, il se cognerait la tête contre la plus grosse pierre, et s'assommerait. L'intelligence légendaire des princes de Semloh ne se montrait pas vraiment réconfortante en ce moment fatidique. Merlin savait, qu'une fois inconscient, il serait capturé par les bandits et enfermé dans les cachots les plus profonds d'Essetir. Ou alors, que Moriarty le tuerait directement. L'enfant, à la dernière seconde, se mit à souhaiter être hors d'atteinte des bandits. La brise légère qui l'avait tant amusé quelques minutes auparavant se renforça, prenant des allures d'ouragan soufflant seulement autour de Merlin. Le Prince, conforme à ses prédictions, se cogna la tête et s'évanouit. Mais lorsque le vent retomba, il n'était pas étendu dans la rivière du parc de Semloh. Il ne se trouvait même plus à Semloh.


Depuis ce jour, Sherlock n'avait plus jamais été le même. Le jeune Prince joyeux et malicieux était maintenant froid et distant. Il ne parlait plus à Mycroft, convaincu que s'il n'était pas d'abord retourné à la clairière, il aurait pu sauver Merlin à temps. Sherlock avait perdu sa mère, son père, et se détestait pour avoir perdu son petit frère. Tout ce qui lui restait était son grand frère, qui n'était aux yeux du Prince qu'un idiot arrogant et prétentieux qui ne le comprenait pas. Sherlock rêvait chaque nuit de son petit frère, de sa voix angoissée demandant de l'aide, criant son nom. Et chaque nuit, il courait, et courait, et courait; en vain. Dès que Sherlock fut assez âgé, il quitta le château et partit pour la campagne. Il voulait s'occuper en venant en aide à son peuple. Son talent pour les déductions fut rapidement célébré dans tout le royaume, mais il n'accordait aucune importance à ces louanges. Il voulait juste s'éloigner du château et des souvenirs qu'il renfermait.

Mycroft ne fut pas couronné moins d'une semaine après la disparition de son frère. Il avait ordonné à tout le monde de se consacrer à la recherche du Prince Merlin. Durant les six plus longs mois de l'histoire de Semloh, personne ne cessa de chercher le petit Seigneur des Dragons. Personne n'arrêta de le chercher, même après que sa mort présumée fut déclarée et que Mycroft fut couronné.


Loin de Semloh, de l'autre côté du royaume d'Essetir, une jeune femme parcourait la forêt pour cueillir des plantes médicinales. Elle marchait le long d'un petit ruisseau, qui menait directement à sa maison. Soudain, elle entendit un son étrange provenant de derrière elle, ainsi qu'un bruit sourd, comme si quelqu'un était tombé. Elle se retourna et vit, là où elle venait de marcher, un petit enfant, qui ne pouvait pas avoir plus de cinq printemps. Il était allongé dans l'herbe, inconscient, et avait une énorme bosse derrière la tête qui saignait abondamment. Ses habits étaient trempés. Elle s'accroupit à ses côtés, et tenta de le reconnaître pour le ramener à ses parents. L'enfant avait d'assez grandes oreilles, et les cheveux aussi noirs que la nuit. Il avait des traits particuliers, qui ne lui disaient rien. La guérisseuse souleva doucement sa tête pour inspecter sa blessure. Elle n'était pas mortelle, mais avait l'air très douloureuse, et pourrait se montrer dangereuse sans traitement. Elle se releva, prit l'enfant dans ses bras, et couru jusqu'à chez elle. Là-bas, elle l'allongea dans son lit, nettoya sa blessure avec un vieux chiffon, et entoura sa tête d'un bandage blanc. Satisfaite, mais inquiète car l'enfant n'avait toujours pas bougé, elle se mit à préparer les potions pour lesquelles elle était partie chercher les plantes dans la forêt, puis prépara le dîner. Après, elle s'assit sur son lit, la main de l'enfant dans la sienne, et attendit son réveil. Il s'agita soudainement, sa respiration s'accélérant, mais n'ouvrit pas les yeux. La guérisseuse l'observa à nouveau. Il portait une petite veste bleue, faite de tissus précieux. De tissus nobles. Sa veste avait l'air très chaude, plus que nécessaire à cette époque de l'année. Il était également vêtu d'un épais pantalon noir, et chaussé de bottes fourrées. Elle fronça les sourcils. D'où venait ce garçon ? Il portait des habits digne de la royauté, mais était seul dans la forêt. Et il était habillé comme si l'on était au milieu de l'hiver. Ses interrogations furent interrompues lorsque l'enfant bougea à nouveau. Il ouvrit doucement de superbes yeux bleus, puis les ferma à nouveau. Il se sentait certainement nauséeux à cause de sa blessure à la tête. Sans rouvrir ses yeux, il demanda où il était. Il avait un accent étrange, un accent qui lui rappelait celui des voyageurs venant du nord d'Albion. Elle lui répondit qu'il se trouvait chez elle, à Essetir. Le garçon pâlit, et tenta de s'éloigner d'elle.

« Ne t'inquiète pas, tu es en sécurité ici. Je m'appelle Hunith. Quel est ton nom ? »

L'enfant fronça les sourcils et ouvrit doucement les yeux. Il avait l'air perdu, terrifié.

« J-je ne sais pas. »


Cette histoire est ma traduction du premier chapitre de mon histoire Conspiracies (en anglais), qui compte 20 chapitres pour l'instant et que j'ai presque fini d'écrire.

Merci pour avoir lu ce premier chapitre, et n'oubliez pas de commenter pour me donner votre avis :)

Airin9