Bonjour bonjour ! Après n'avoir posté qu'en anglais pendant un bon bout de temps, je reviens avec une fanfic en français et un peu beaucoup d'angst. Vous êtes contents, hein ? ^^ Je tiens à préciser que la relation principale est le bokuoi, et qu'il sera platonique. Pas vraiment de kuroken, non plus. Il va aussi y avoir des descriptions de crises de panique et un des personnages est un zombie (avec tous les soucis qui vont avec), donc faites attention si ça vous met mal à l'aise !

Spéciale dédicace à KusoIcry sans qui cette fanfic aurait été en anglais comme toutes mes autres fics HQ ! (et coucou à la HQ Family si elle passe par là :D)

N'oubliez pas, les reviews sont la source de vie des auteur ! Même quelques mots, ça fait super plaisir et ça motive. Bonne lecture !


Malgré les apparences, Koutarou est le genre de personne auquel on peut faire confiance. Certes, il parle trop fort, et se montre souvent beaucoup trop enthousiaste, mais jamais Kenma n'a eu à regretter de lui avoir laissé la clef de son appartement. En échange, Koutarou n'en abuse pas, et n'entre la plupart du temps que quand Kenma lui donne la permission. Comme maintenant, parce que Koutarou a vraiment besoin de cette potion pour son épaule, et Kenma n'est pas à la maison.

– Kuroo ?

La porte est fermée, ce qui est étrange, mais pas inattendu. Que Kuroo ne soit pas là pour lui ouvrir l'est un peu plus, mais Kenma avait parlé d'une nouvelle expérience, donc il n'est probablement plus autorisé à rentrer dans l'appartement. Koutarou l'est – pourquoi Kenma a décidé qu'il était sûr de lui montrer ses tentatives plus ou moins illicites d'enchantements lui échappe, mais c'est une preuve de confiance, non ? Et Kenma est prudent. Il ne le laisserait pas rentrer s'il y avait le moindre risque que Koutarou soit blessé par… ce qui se trouve probablement dans le salon en ce moment.

Non ?

– Bon, j'entre !

La phrase tourne en boucle dans sa tête et Koutarou ne sait pas comment faire pour se calmer. Un nouveau coup sur la porte de la salle de bain, encore un, encore un, et Koutarou se dit qu'il ne pourra plus jamais se calmer.

– Juste une potion de soin, juste une potion de soin, j'ai juste besoin d'une potion de soin...

Les mots s'emmêlent, et la panique monte, mais – la chose n'arrête pas de frapper sur la porte, le panneau de bois est si mince, et s'il cassait ? Oh non, mon dieu non, s'il cassait, Koutarou pourrait – Koutarou pourrait – de petites plumes grises et noires commencent à apparaître sous ses doigts, Koutarou les sent pousser autour de ses yeux, et il prend une grande inspiration, tente de se raccrocher au moment présent, d'y faire face plutôt que de se changer en chouette et fuir par la fenêtre ouverte. Quand la panique monte, prend ton téléphone et appuie sur le bouton du volume trois fois pour appeler le contact d'urgence, Kenma avait installé ça avec un soupir dans la voix. Quand la panique monte – quelle blague, mais quelle blague, comme si la panique allait prendre son temps et le laisser appuyer sur un stupide bouton.

Trois bips, et Kenma ne prend même pas la peine de décrocher, mais il a eu l'appel – ou du moins le verra bientôt, la partie rationnelle de son cerveau lui souffle. Les coups sur la porte s'espacent, au point que Koutarou en oublie presque qu'il y a quelque chose qui frappe de l'autre côté. Pas besoin de raison pour paniquer, n'est ce pas ? Kenma était à l'animalerie pour acheter ces croquettes pour chat de la marque que Kuroo aime bien – c'est proche, dix minutes tout au plus, moins s'il décide de faire vite, il faut juste respirer en l'attendant.

oOo

– Bokuto ? Kou ? Hey, c'est moi, tu peux ouvrir la porte maintenant.

La voix de Kuroo est lointaine, un son distordu comme à travers de l'eau, mais Koutarou sent son inquiétude aussi bien qu'il entend la lassitude dans celle de Kenma.

– Pas la peine, il doit être totalement crevé, il bougera plus tard. Aide moi plutôt à déplacer l'autre poids mort dans le salon.

– Ben tiens, Kenma, ignorons notre ami qui est probablement en train de paniquer dans les chiottes pour traîner Bidule dans le salon. C'est qui ce type, d'abord ?!

- Aide moi à le remettre sur le canapé, et le ton de Kenma ne laisse pas de place à la discussion.

Des bruits – Koutarou entend tout, comme s'il – comme s'il avait une audition de rapace, et cette pensée suffit à provoquer une nouvelle bouffée d'anxiété. Kuroo et Kenma sont en train de se disputer, et même si cela arrive de plus en plus souvent, entendre des cris – proches, plus proches, perçants au point de faire mal – Koutarou a envie de vomir.

– Kou ? La voix de Kuroo, de nouveau, et il frappe sur la porte – Koutarou se recroqueville instantanément. Tu peux sortir, c'est bon, y a plus rien.

– Koutarou, suffisait juste de m'envoyer un message, tu sais, il est pas dangereux. Il dort, maintenant.

– Pas dangereux ? Pas dangereux ?! Nan mais tu te fous de ma gueule ? T'as juste – c'est pas Tobio, encore heureux-

– Tu avais promis de ne plus parler de Tobio, crache Kenma.

– Ouais bah je regrette un peu, y a un putain de mort dans le salon et il a pas décidé de se remettre à marcher parce qu'il se faisait chier dans son cercueil !

Inspirer, expirer, inspirer, expirer. Kuroo et Kenma semblent l'avoir complètement oublié, effondré contre la porte de la salle de bain, mai Koutarou n'est pas sûr de pouvoir leur ouvrir maintenant – ou plutôt, il ne le veut pas. Les plumes ont toujours mis du temps à se rétracter et Kuroo ne serait pas content s'il découvrait que Koutarou s'est encore métamorphosé, il avait promis d'arrêter, d'au moins essayer, et il essaie, il essaie.

Il n'y a plus de bruit derrière la porte, ce qui est presque pire, ça veut juste dire que Kuroo a décidé de sauter les larmes et de passer directement à la communication télépathique. Mais ça lui laisse un peu d'espace pour reprendre ses esprits. Doucement, la peau autour de ses yeux redevient lisse, et la cacophonie de la rue s'estompe au fur et à mesure qu'il redevient humain. Il faut un long moment avant que Koutarou ne reprenne conscience de ce qui l'entoure.

– … c'est pas de la nécromancie, ça ? Un putain de zombie, Kenma, t'avais promis de pas recommencer !

– Un mort vivant. Pas un zombie.

– Ah bah évidemment, tout va bien, alors ? Fait chier !

L'air crépite un moment avant que le silence ne retombe dans l'appartement – Kuroo a dû se transformer en chat et se réfugier quelque part dans les ruelles alentour. Quelques instants après, Kenma toque à la porte, doucement, pour signifier que tout va bien – tout va bien, tout va bien, se répète Koutarou. Tout va bien.

– Donc… c'est un zombie, c'est ça ?

– Un mort vivant. Merde, j'ai dû expliquer la même chose à Kuro, c'est pas la peine de vous inquiéter pour rien à chaque fois que je fais de la nécromancie !

Koutarou a des doutes – de la nécromancie, quand même, Kenma aurait pu se trouver un passe temps moins… décrié, mais Koutarou a passé un an illégalement transformé en chouette, et n'avait donc rien à lui reprocher. Jusque maintenant.

– T'aurais pu prévenir, quand même…

– Il était dangereux ?

Kenma semble détaché, mais Koutarou sait qu'il s'agit plu de fatigue que de réel désintérêt. Il a les yeux levés et écoute avec attention – le résultat de son expérience doit compter beaucoup pour lui…

– Sais pas, il a bougé et j'ai fui dans la salle de bain. Il a tapé sur la porte un bon moment, par contre.

– Et il a rien dit ?

– Pas entendu.

Kenma semble insatisfait. Non pas que Koutarou ait particulièrement souhaité entendre la chose lui parler à travers les murs, mais Frankenstein fait tout de suite moins peur après quelques minutes de conversation.

– Et… c'est quoi ?

– Oikawa Tooru.

– Connais pas, répond Koutarou en levant les yeux vers Kenma.

Il n'a pas l'air de vouloir expliquer, comme à chaque fois que ses expériences échouent, alors Koutarou se tait. Koutarou se tait beaucoup quand Kenma décide de faire quelque chose de louche, maintenant qu'il y réfléchit, mais – c'est tellement plus simple. Tais toi, laisse les autres gérer, hoche la tête quand on te le demande.

Comme là.


Cette fois, c'est la bonne. En tout cas, Koutarou espère que cette fois se passera mieux, mais la clef tourne et la porte s'ouvre déjà, donc il est trop tard pour faire marche arrière. Ah, que de miracles accomplit-on avec un instinct de tête brûlée.

– Bonjour ? Kenma ?

Non. Non non non. Koutarou ne peut pas, ne peut pas retourner dans la maison si cette chose – si Oikawa Tooru, ou son corps, ou la version parlante de son corps, s'y trouve encore. Ou du moins, pas sans quelqu'un avec lui, mais personne ne répond sur le téléphone de Kenma, Kuroo n'a pas donné signe de vie depuis la dispute de la semaine passée, et Koutarou a vraiment besoin de cette potion de soin.

[Koutarou] hey keiji t debout ?

[keiji є(°^°] Que se passe t il, Koutarou ?

[Koutarou] bof pas gd chose

[Koutarou] j ai 1 souci

[Koutarou] en fait stp aide moi je veux pas mourir encore 1 fois

[keiji є(°^°] Calme toi et explique moi la situation.

De la limaille de fer, du sel, de l'eau-des fées et Snapchat pour toute protection, Koutarou se décide à pousser la porte. C'est, de loin, la pire idée qu'il ait eue, et c'est beaucoup dire, mais – s'il y a des preuves que la chose est capable de lui faire du mal, Kenma sera obligé de le croire quand il viendra se plaindre et lui demander d'arrêter. Et Keiji saura lui dire quand il faudra rester calme et quand s'enfuir en courant. Finalement, l'idée n'est pas si terrible. Et qu'on ne vienne pas lui dire que la technologie ne sert à rien aux sorciers !

– Bonjour ? Euh, je suis armé ?

Koutarou croit un moment entendre quelqu'un ricaner mais personne n'est là quand il entre timidement dans l'appartement. Le couloir de l'entrée est vide, la cuisine également, mais trois photos partent sur le téléphone de Keiji, juste au cas où. Si ça se trouve, Kenma a eu la présence d'esprit de stocker ses recherches illégales ailleurs que dans son appartement. Koutarou n'est pas avocat mais la possession de cadavres ne lui semble pas spécialement légale. Ou peut-être qu'il a tout simplement renvoyé la chose d'où elle venait, et écouté le conseil de Kuroo – ne pas, ne jamais jouer avec plus fort que soi.

[keiji є(°^°] Si je n'ai pas de photos de toi en sécurité dans ton appartement d'ici une heure je viens te chercher ?

[Koutarou] merciiiii ;;

[keiji є(°^°] Pas de soucis.

Personne toujours dans la salle de bain, et Koutarou a inspecté presque toutes les pièce du petit appartement, mais il a peur d'ouvrir la porte du salon – si la chose est quelque part c'est, une fois de plus, sur le canapé. Est-ce que les monstres sont plus polis quand on toque avant d'entrer ? Ça vaut la peine d'essayer, tout vaut la peine d'être essayé si personne ne meurt entre temps. Mais rien, personne ne répond.

– Bonjour ? Je suis venu chercher la potion de soin que, euh. Je crois que Kenma les garde dans le placard du bas. Je peux entrer ? Il y a quelqu'un

Rien ne bloque l'ouverture de la porte, elle ne grince même pas. La flasque d'eau-des-fées dans la main, Koutarou ne sait pas quoi faire. Sa respiration est anormalement bruyante, même pour ses oreilles humaines, s'il y a quelqu'un, il a dû le repérer depuis longtemps. Ne rien trouver dans le salon ne calme pas son anxiété. Son téléphone vibre de façon périodique, des messages de Keiji, sans doute, qui doit s'inquiéter de ne plus en recevoir. Koutarou se dit qu'il a peut-être raison de s'inquiéter, après tout, ce n'est pas comme s'il était connu pour prendre les meilleures décisions face au danger.

Sauf qu'il n'y a pas de danger. Le salon semble vide, ou du moins ce que Koutarou en voit par la porte grand ouverte, mais ce n'est en rien un bon indicateur. S'il y a quelque chose d'utile à l'anxiété, c'est bien d'arriver toujours prêt, au point que ça en devienne absurde. Dans le monde de la magie, cependant, l'absurde est tapi dans tous les recoins – comme celui près de la table, Koutarou sait qu'on peut s'y cacher, ou sous la fenêtre, dans les replis du rideau, ou de l'autre côté du buffet, ou derrière le canapé…

[keiji є(°^°] Koutarou, reste calme.

[keiji є(°^°] Tu peux revenir plus tard si tu te sens en danger.

[keiji є(°^°] Je ne suis pas sûr qu'on puisse faire confiance à Kozume pour ce qui est de la sécurité, sois prudent, d'accord ?

[keiji є(°^°] Est-ce que « la chose » te répond ?

[Koutarou] pas pr le moment

[Koutarou] merci keiji qu est ce que je ferai sans toi

[keiji є(°^°] Reste prudent, surtout, et continue à m'envoyer des photos.

Un soupir, un profond soupir. Koutarou peut le faire – Kenma aurait aussi pu lui donner la potion au lieu de le faire se déplacer, hein, ce n'est pas comme s'ils se voyaient rarement. Tous les jours, en fait, et Kenma sait parfaitement de quelle potion Koutarou a besoin, et… non, ce n'est pas le moment d'avoir cette discussion. Surtout que Kenma n'est pas là et ne répondrait pas s'il l'était. Ce qui est, à bien y réfléchir, assez mauvais signe. Koutarou ferme les yeux, inspire, expire – ses pensées défilent toujours à toute vitesse mais ce n'est pas le moment.

– Y a quelqu'un ?

Pas de réponse, et Koutarou pense que son cœur va exploser, puis finalement, un froissement de tissu et un soupir – eh bien, au moins ils seront deux.

– Kozume m'avait dit que personne ne pouvait entrer, répond-t-il d'une voix lasse.

C'est extrêmement rare d'entendre quelqu'un appeler Kenma par son nom de famille. Il a toujours détesté ça, et ne s'en sert que – que pour les personnes qu'il n'aime pas. Koutarou ne sait pas si c'est une bonne nouvelle que la chose l'appelle comme ça, mais au moins, ça veut dire qu'il a raison de prendre ses précautions. Et qu'il devrait s'inquiéter que Kenma considère la chose avec autant de méfiance. Non, non, il ne faut pas penser comme ça, Kenma n'aurait pas gardé intentionnellement quelqu'un de dangereux dans son appartement.

– Pas de souci, j'ai la clef ! Je veux juste ma potion de soin, le salon est libre ?

– Koutarou ?

– Bokuto Koutarou lui-même ! Ah, j'étais sûr que Kenma parlerait de moi !

Avant de se décider à entrer – enfin ! – Koutarou envoie une photo, et lit le dernier message de Keiji, «Tout va bien se passer, Koutarou. Préviens moi quand tu es sorti de chez Kozume ». Le salon semble sûr, Kenma avait prévu qu'il vienne, donc effectivement, tout devrait bien se passer. Avec Kenma, on ne devrait pas s'attendre à tout. Un timide caissier, ça n'a pas le droit de causer autant de soucis.

Le salon, comme Koutarou le pensait depuis le couloir, semble vide, mais à bien y regarder, dans les replis des rideaux, caché comme un lutin après un mauvais coup, se trouve la chose, et en la voyant, Koutarou regretterait presque d'avoir passé une semaine à l'appeler ainsi. La chose, donc, Oikawa Tooru, esquisse un sourire gêné et pointe du doigt le meuble entrouvert. Son sourire est un peu gêné, mais tout à fait charmant – c'est le mot, « charmant », à la fois doux et espiègle, presque ensorcelant.

– J'ai fouillé un peu mais tu devrais pouvoir trouver ce que tu cherches, renifle-t-il. « J'ai même fait du rangem- eh ! Nan mais ça va pas ?! J'ai pas de vêtements !

[Koutarou] [image]

[Koutarou] keiji ca a l air dangereux?

[keiji є(°^°] Je ne dirais pas, non. Il a l'air humain.

[Koutarou] k super merciii

Oikawa Tooru continue à pester depuis les rideaux. Il ne doit réellement pas avoir de vêtements – Koutarou trouve ça mesquin de la part de Kenma, de ne pas lui en avoir offert. Kuroo et Oikawa Tooru doivent faire la même taille, et la moitié de ses habits au moins sont rangés ici, mais non, sous le plaid hideux que Kenma persiste à poser sur le canapé, Oikawa Tooru semble aussi nu que le jour où il l'a chassé jusque dans la salle de bain. À bien y réfléchir, ça devait faire partie de l'horreur, se faire chasser par Frankenstein, en moins vert et en moins habillé. Maintenant qu'il a le son, cependant, Koutarou commence presque à regretter la poursuite silencieuse – Oikawa Tooru a une voix aiguë. Et refuse de se taire.

– C'était pour un ami, arrête de crier !

– Ah parce que c'est mieux si tu partages ma nudité ? Je veux des droits pour tous les centimes que les sites X toucheront en affichant une magnifique photo de moi, réplique Oikawa en levant le nez au ciel, comme un enfant récalcitrant enroulé dans son épaisse couverture.

– Euh, d'ailleurs… t'as pas froid ? On est en février, et y neige.

– Si, beaucoup, pourquoi ? T'as des habits ?

[Koutarou] [image]

[Koutarou] ca a froid les morts vivants?

[keiji є(°^°] Je ne sais pas, je ne suis pas nécromancien.

[keiji є(°^°] Mais je dirais que c'est bon signe.

[Koutarou] keiji tu me sauves tlmt la vie

– C'est qui, cette fois, j'ai déjà des admiratrices ?, piaille Oikawa.

– Oh, parce que tu penses vraiment que j'envoie tes images à des filles ? Je peux essayer Kuroo mais je crois pas qu'il apprécie- eh ! Pas touche à mon téléphone si tu veux arrêter de te trimbaler à poil!

La bataille est de courte durée. Non pas qu'Oikawa Tooru soit disposé à lâcher l'affaire, mais il se fatigue étrangement vite, beaucoup plus vite que la fois précédente – sa respiration devient laborieuse après quelques instants seulement. Ses doigts, froids comme la glace malgré l'effort qu'il vient de faire, se détachent d'eux-même du téléphone, et il presse une main sur sa bouche comme s'il allait vomir. Koutarou se souvient brusquement de la phrase de Kuroo, une semaine auparavant, « Kenma, tu avais promis de ne pas recommencer ».

L'air est soudain électrique – il ne s'était pas rendu compte qu'ils étaient aussi proches, qu'Oikawa Tooru pouvait le toucher maintenant, ses pensées fusent à mille à l'heure et se confondent – est-ce que sa peau a toujours eu cette teinte de bleu ? Respire, respire, Koutarou.

– Tu es glacé.

– Je suis à poil.

– Ça se tient.

Mieux vaut hocher la tête, n'est-ce pas ?


Le scanner de la caisse résonne atrocement fort dans le magasin désert, mais c'est ce qu'on récolte pour vouloir faire ses courses à minuit passé. D'habitude, cependant, Koutarou parle plus fort que les bruits électroniques, et raconte des idioties pour distraire Kenma de l'interminable ennui qu'est travailler dans l'équipe de nuit d'un supermarché.

– Koutarou… tu ne peux pas m'ignorer éternellement.

Effectivement, garder un visage fermé et ne pas répondre draine déjà toute son énergie. Kenma a une toute petite voix et Koutarou se sent misérable.

– Ça fait cinq jours que tu ne me parles plus… Kuro n'est pas revenu, je ne sais pas quoi faire. Et il me reste encore Oikawa.

C'est bien ça le problème. Kuroo dort, pour le moment, sur son canapé, et même s'ils n'ont pas de comptes à lui rendre, Koutarou appréhende déjà la réaction de Kenma quand il apprendra que ses deux meilleurs amis refusent d'un commun accord de lui parler. Mais… ils ont une bonne raison. La nécromancie n'est pas taboue pour rien, et n'est autorisée parce que les Mages Gardiens ne savent pas encore empêcher les gens d'en faire. Kuroo avait eu un rire amer en en parlant, les doigts noués autour de sa tasse. Il avait imité la voix douce de Kenma avec dérision, « magie régénérative », avant de replonger le regard dans les tourbillons de feuilles de thé. C'est tout ce à quoi Koutarou peut penser, en voyant Kuroo, en voyant Kenma, que ses deux meilleurs amis ont l'air de n'avoir pas souri depuis des années.

– Je déteste vivre avec quelqu'un qui n'est pas Kuro. Ou toi, mais je sais que tu pourrais pas vivre avec moi, avec toutes mes expériences. Je suis vraiment désolé de te demander ça, je sais que c'est précipité, mais il faut que tu comprennes – j'ai pas le choix !

– Il fallait y penser avant de ramener quelqu'un des morts !

Koutarou a crié, et doit se retenir de s'excuser – Kenma a déjà l'air trop satisfait, même avec son visage fermé et ses cernes, comme s'il savait déjà que Koutarou allait céder. C'est peut-être le pire, que Kenma soit absolument sûr de comment tout ça va se terminer, comme s'il savait déjà que Koutarou allait céder. C'est peut-être le pire, que Kenma soit absolument sûr de comment tout ça va se terminer. Ou peut-être que le pire est que Koutarou sait qu'il a raison. Les affaires de Kuroo sont emballées depuis deux jours, et aucun plan n'est fait pour ranger le lit d'amis.

– Merde, Kenma, au moins, préviens avant de faire des trucs comme ça…

oOo

Keiji et Kenma ne s'entendent pas bien, mais là, Koutarou a l'impression d'être pris entre deux bêtes sauvages qui se disputent une proie. Connaissant leurs affinités avec les chouettes et les félins, la comparaison est intentionnelle. Et, comme une proie, Koutarou a une réponse naturelle totalement inadaptée – il se fige et attend que le pire soit passé.

– Koutarou, je suis désolé, mais il va falloir qu'il dorme chez toi, lui annonce Kenma.

– Et je peux savoir depuis quand tu as des droits sur qui entre et sort de chez lui, Kozume ?

– J'en ai autant que toi, je présume, Akaashi. C'est à dire pas beaucoup.

Ils le regardent comme s'il devait répondre – comme s'il savait quoi faire. Comme si la situation pouvait être réglée par une simple réponse à leur question. Ce n'est pas le cas, c'est loin d'être le cas, Koutarou est paralysé et ils sont toujours en train de le regarder. Peut-être que s'il avait du temps pour y réfléchir, il arriverait à leur donner une réponse ? Oui, c'est ça, Koutarou a besoin de temps, de rester calme et de ne pas agir sous l'effet de la terreur.

« Koutarou, je ne pense pas qu'accepter soit une bonne idée. Kozume a une idée derrière la tête dont il ne nous parle pas, je n'aime pas ça du tout. »

La voix résonne dans sa tête et Koutarou sait que c'est Keiji qui a parlé, sans l'avoir vu bouger les lèvres. Ça lui avait manqué, de pouvoir communiquer sans mots comme Kenma et Kuroo le font souvent, et Koutarou a envie d'incliner la tête comme quand il était encore dans son corps de chouette, mais – le pouvoir de suggestion qui va avec la communication mentale s'estompe vite et Koutarou referme la bouche sur le refus qu'il s'apprêtait à donner à Kenma.

– Je croyais que Bokuto n'était plus ton familier ?, souffle Kenma, et Koutarou pourrait presque penser qu'il se fait du souci pour lui.

– Reste en dehors de ça, Kozume. Il y a des choses que tu n'as pas encore réussi à mettre sous contrôle.

Si Koutarou lève les yeux, il pourra voir à travers l'embrasure de la porte du salon le visage d'Oikawa Tooru, pressé aussi fort qu'il le peut dans l'espoir d'entendre quelque chose de la discussion sur son avenir. Mais il les garde baissés, de peur que l'expression troublée d'Oikawa Tooru ne le fasse changer d'avis, parce qu'il a un avis, c'est juste que…

– Alors ?

Keiji sait qu'il ne peut pas dire non à Kenma, et secoue la tête, comme s'il était déçu d'avance.

– Arrêtez ! Laissez moi tranquille ! J'ai rien demandé, alors laissez moi !

La porte claque bruyamment. Koutarou se sent encore plus mal, haletant devant l'appartement comme après une course poursuite, mais personne n'essaie de le rattraper. Quand il rentre chez lui, Kuroo est là, sur le pas de la porte, et Koutarou a du mal à retenir ses larmes en le laissant entrer.

oOo

Kenma n'apporte aucun carton, le lendemain, quand il vient déposer Oikawa Tooru. Il a fait revenir un mort, pas ses possessions, et ne vit pas de grand-chose lui-même, mais il donne quand même à Koutarou une bouteille entière d'eau-des-fées, et pose légèrement ses lèvres sur son épaule comme le fait Koutarou pour le calmer lors d'une crise d'angoisse. Oikawa Tooru ne lève pas les yeux du sol avant que Kenma ne soit parti, tenant Kuroo par la main.

– Je suis désolé, murmure Oikawa.

– Pas de ta faute.

– Je suis désolé quand même.

Ça rend la nouvelle que Koutarou va devoir vivre avec lui un peu plus facile à supporter. Kenma n'a même pas précisé la durée de son séjour, mais le connaissant, il doit souhaiter qu'Oikawa Tooru reste avec eux le moins possible, et il le fera partir quand il aura eu ce qu'il voulait. Koutarou préfère ne pas réfléchir à ce que ça implique – « S'il te plaît, je n'ai pas envie qu'il soit à la rue » était l'argument qui avait eu le plus d'impact.

À la place, il regarde Oikawa Tooru sortit ses affaires d'un sac à dos minuscule : ce que Koutarou sait être les chemises que Kuroo aime le moins, une brosse à dents moche que Kenma a eu gratuitement avec ses céréales, et un vieux jean presque troué. Les draps du lit d'ami aussi sont troués, et il y a une tache de café là où Kuroo a ri trop fort en buvant.

Il ne dit pas un mot, et c'est tant mieux, parce que Koutarou ne saurait pas quoi lui répondre.