Avant de publier cette mini-fic, je tiens a préciser que je ne soutien en aucun cas les relations abusives. Je sais que le fait d' " apprécier " ce couple est considéré par certains comme odieux et une marque d'irrespect envers les personnes qui se trouvent dans ce type de relation toxique.

Il y a une grande part de différence entre les comics, les films, et la réalité. Il s'agit d'une relation et de personnages FICTIFS, et qui sont, tout le monde le sait, loin d'être sains d'esprit. Le Joker et Harley Quinn sont deux fous furieux, leur " amour " ne peut pas être normal. Leur relation est loin d'être un modèle, mais on peut l'apprécier, la trouver fascinante parce qu'il s'agit de fiction. Si une personne est victime d'une relation abusive moralement ou physiquement, elle a besoin d'aide. Je ne tolère en aucun cas ce genre de comportement dans la vie réelle, la fiction et la réalité sont deux choses très différentes.

BREF, je voulais mettre ce point au clair avant de commencer, vu que de nombreuses personnes appréciant la relation du Joker et d'Harley Quinn se font régulièrement accuser de soutenir les relations abusives.

J'ai écris cette mini fiction ( qui ne devait être au départ qu'un OS ), parce que ces deux personnages sont bien trop tordus et fascinants pour que je puisse passer à coté de l'occasion d'écrire sur leur relation complètement bordélique. Faire vivre ces personnages à été un véritable plaisir pour moi, j'espère donc que cela sera aussi un plaisir pour vous de lire cette histoire !

Bonne lecture !

( Evidemment, les personnages ainsi que l'univers appartiennent à DC comics ). Merci du fond du cœur à XeresMalfoy d'avoir prit le temps de me corriger, et à ma belle Sarah d'être toujours là pour m'encourager !

Choke x Hybrid

New person, Same Old mistakes x Tame Impala

Everything Is Violence x Lorn


CHAPITRE I

Lucidité

Existait-il, quelque part dans le monde, une ville plus fascinante que Gotham City au beau milieu de la nuit ?

Une innombrable quantité de villes s'étaient vues attribuer le surnom de "Ville qui ne dort jamais ", mais une seule et unique ville se révélait à la hauteur du titre : Gotham. Gotham ne dormait jamais.

Gotham vibrait le jour, Gotham se déchaînait la nuit.

Lorsque le soleil se couchait et qu'il entraînait toute la pureté du jour dans sa chute, lorsque la nuit étreignait lentement le monde entre ses bras sombres, alors Gotham s'éveillait. Les rues grouillaient de silhouettes dangereuses, hommes devenus des bêtes nocturnes. La ville devenait un refuge pour la pire racaille qui soit : voleurs, assassins, criminels en tout genre, chaque coin de rue en abritait des nouveaux, et les murs suintaient de noirceur.

Du haut du balcon d'un des buildings, le plus fameux des vilains de la ville observait celle-ci d'un œil vide. Toutes les informations que recevait son système oculaire se perdaient dans les méandres de sa folie silencieuse. Il ne voyait pas les multiples clignotements des néons - et autres lumières agressives - inonder la ville d'une énergie frénétique. Il ne percevait pas les mouvements des piétons, les pics de vitesse des voitures, ignorait tout de la folie qui enivrait Gotham. Il n'entendait pas les rires, les hurlements, les bruits de moteurs, les musiques poussées à outrance dans de lourdes enceintes.

Sur ses lèvres peintes de rouge, un grand sourire restait figé. Ses iris fixaient un point imaginaire, quelque part face à lui, et, alors qu'un éclair de démence scintillait dans ses prunelles ahuries, il leva doucement sa main.

Ses doigts tremblaient sous le regard de la lune, et se dirigeaient lentement, tout doucement, vers le haut, comme s'ils s'apprêtaient à toucher quelque chose.

Délicatement.

C'est là qu'il le vit, son visage, et qu'à la morsure du froid se joignit celle, cuisante, des souvenirs.

Elle était partie.

Il l'avait trouvée assise sur le lit, son corps replié sur lui-même dans une attitude craintive. Faible. Il avait alors cru rêver.

- Qu'est-ce que c'est que ça ?

Halluciner.

Il put percevoir chacun de ses traits, chacune des courbes qui composaient son visage. Le visage dont il avait façonné chaque petite parcelle, morceau par morceau, érigé à son image.

Elle n'avait pas répondu.

L'hématome avait brillé, sous la lumière chaude de la chambre. Énorme nébuleuse dévorant sa joue.

Il vit ses yeux, son regard tellement naïf lorsqu'elle le regardait. Si niaise et mielleuse. Insupportable.

- Réponds. Je veux savoir qui t'a fait ça. Je t'avais dit de ne pas t'attirer d'ennuis, encore moins avec l'un de mes hommes. Mon cœur... Tu n'as pas encore fait une grosse bêtise, si ?

Sa main dansa dans le vide, retraçant les contours d'une joue imaginaire.

Elle était restée silencieuse. Son regard bleuté s'était agité frénétiquement, cherchant un endroit sur lequel se poser. Partout, sauf sur lui.

- Réponds.

Il avait fait un pas vers elle.

Son bras retomba le long de son corps.

Elle avait reculé. Et lui, en la voyant faire, avait cru devenir fou... Avant de se souvenir qu'il l'était déjà.

Un énorme sourire avait envahi ses lèvres écarlates, et il s'était mis à rire. Doucement.

Son sourire s'affaissa.

- Réponds... Allons, mon cœur… Ma belle Harley…

Il avait eu envie de vomir face à l'effroi glacé qui habitait ses membres. Sa faiblesse. Elle avait l'air si pathétique.

Un frisson lui parcourut l'échine, tandis que, dans les ténèbres, sa peu laiteuse virait diaphane. Pâleur maladive.

- Il est mort... Je n'ai pas envie de t'en parler. Ne t'inquiète pas.

Sans doute avait-il eu peur, aussi, parce que quelque chose n'allait pas. Harley... Sa Harley n'était jamais faible. Jamais. Harley Quinn était aliénée, possédée par une fièvre sans borne, et – par-dessus tout - intrépide. Pas une seule fois depuis qu'il l'avait à ses côtés, elle n'avait manifesté une once de crainte ou de faiblesse. Du moins pas ouvertement.

Son poing se serra. Son corps se figea dans un stoïcisme nerveux.

Son rire léger s'était brutalement mué en quelque chose de fort et inquiétant.

Il avait avancé, rapidement cette fois. Sa proie n'avait eu le temps de reculer. Sa grande main avait saisi son petit cou, penchant son visage vers le sien. Si proche.

Ses phalanges tremblèrent sur l'effort. Ses jointures auraient blanchi davantage, s'il avait été possible que sa peau devienne plus pâle encore.

Elle s'était raidie sous sa poigne ferme. Beaucoup trop ferme.

- Et alors, ma jolie ? Où sont passés les "poussin ! " ? Tu n'as plus envie de lui parler, à ton petit poussin ?

Ses ongles entamèrent sa chair.

Ses doigts avaient frôlé son collier. Son " Puddin' ". Peut-être en guise de menace, ou peut-être pour lui rappeler qu'elle lui appartenait.

Elle avait tressailli sous son toucher. Puis elle avait enfin osé le regarder. Elle n'avait pas le choix.

Lentement, un filet d'hémoglobine se fraya un chemin le long de sa paume.

Le Joker avait grogné de frustration, laissant une respiration saccadée et chaude s'échouer sur les lèvres d'Harley.

- Alors, avait-il soufflé, comme ça, tu me demandes de ne pas m'inquiéter ? Mais, qui a dit que je m'inquiétais pour toi ? Tu crois que ton petit minois m'importe ? Que tu es importante à mes yeux ? Idiote ! Je suis le Joker. Le. Joker. L'aurais-tu oublié, mon trésor ?

Une goutte de sang perla au bout de ses doigts.

- Non… Non…

Elle oscilla.

La voix d'Harley s'était brisée. Les yeux du Joker s'étaient écarquillés. Une larme avait glissé, le long de la joue d'ivoire de la Reine de Gotham.

Tomba.

- Laisse-moi te dire pourquoi je veux savoir qui t'a fait cela.

S'échoua sur le sol.

Il s'était éloigné d'elle, tournant sur lui-même. Il avait offert un sourire carnassier au plafond de la suite, avant de vociférer, pointant une main pâle vers elle :

- Parce qu'il t'a touchée ! Marquée ! Et le problème, poupée, c'est que tu es à moi. Tu es mon objet. Mon joli petit bibelot. Tu m'appartiens Harley. Tu es ma propriété. Le seul qui a le droit d'abîmer ta jolie petite face, c'est moi. Pas vrai ? Seul ton petit J. a le droit de te briser un peu, s'il veut s'amuser.

Perdant de sa raideur, il reprit à nouveau conscience de son corps.

Ses yeux s'étaient écarquillés à chacun de ses mots. À chacune de ses interjections, elle avait failli flancher, craquer, et un trop plein de vide habitait à présent ses prunelles.

Il porta lentement sa main à sa bouche.

Les globes oculaires du Joker, eux, s'étaient retrouvés injectés de sang, et ses iris verts n'en ressortaient que plus perfides.

Sa langue lapa sa paume. Sans même y penser. Le carmin se dissipa dans sa bouche.

Elle avait lentement entrouvert ses lèvres, mais rien n'était sorti de sa gorge. Et brutalement, la belle Harley était tombée à genoux.

Alors, contre toute attente, semblant s'être radouci, son amant se rapprocha d'elle et ploya lui aussi les genoux.

Le Joker tourna le dos à la ville et regagna l'intérieur de sa suite.

Faible. Pathétique. Idiote. Harley Quinn avait disparu. Il voulait qu'on la lui rende. Son Harley.

Une aigreur sourde s'était sournoisement emparée de son estomac.

Foulant la moquette mauve qui tapissait le sol, ses pieds marchèrent sur une tâche rougeâtre.

- Shhhhhh, avait-il pourtant murmuré.

Et il l'avait prise dans ses bras, posé sa tête contre son torse, ses mains dansant délicatement contre son dos.

Il la fixa.

Il avait hurlé, intérieurement. Jamais sa Reine n'avait été plus maniable, plus proche du rôle de Pantin dont il avait voulu la revêtir. La rage grondait en lui, de plus en plus forte, de plus en plus dangereuse... Et lorsque le Joker contrôlait sa démence, celle-ci n'en était que plus fourbe, plus dévastatrice.

Longtemps.

Ses lèvres peintes étaient venues caresser la nuque diaphane de sa poupée inanimée, laissant une traînée rouge sur sa peau, et il avait susurré :

- Ça va aller... Je te pardonne. Je sais que tu ne seras plus une vilaine fille, et que tu sauras maintenant que seul ton cher « Puddin' » peut te briser. Tu le sais, Harley, que tout ton être est ma propriété ? Alors tout va bien.

Comme s'il voulait s'en imprégner. Qu'elle fasse partie intégrante de lui, de son corps. De son âme.

Il avait chantonné, vers la fin de son discours, sa voix se faisant plus rauque et lointaine. Ses grandes mains avaient empoigné le visage d'Harley, de manière à ce que leurs lèvres entrent violemment en collision.

Elle allait revenir. C'était Harley. Harley lui était dévouée corps et âme. Harley ne désirait que son amour. Elle n'avait d'yeux que pour lui. Lui. Lui. Lui. LUI.

Qu'elle soit gravée à jamais dans sa mémoire, sur sa chair.

Ou qu'elle disparaisse.

Mais elle l'avait alors repoussé, brutalement.

- Je ne veux plus tout ça.

Silence.

Fureur. Calme.

- Tu quoi ?

Ils s'étaient tous deux relevés.

Ses doigts fins se saisirent de l'arme dans la poche de son jean.

- Je ne désire plus être ta chose ! Je ne veux plus de cette vie ! Je ne veux pas vivre pour toi, je veux vivre avec toi. Je ne veux plus que tu te serves de moi comme d'une marionnette. Je ne veux plus que tu lèves la main sur moi, sous prétexte que je suis ta propriété. Je ne veux plus. PLUS ! Je veux que TU M'AIMES !

Du reste ne résonnait dans son crâne qu'un souvenir flou et lancinant. Tout s'était déroulé vite. Bien trop vite.

Il fit tournoyer son jouet entre ses doigts.

Il l'avait saisie par les cheveux, en criant, criant, criant. Il avait débité des mots incompréhensibles, mais dans le lot, un mantra était revenu. Comme une prière. " À MOI ! MOI ! MOI !". Vomissement de mots brouillons et fous. Il s'était époumoné, et elle s'était débattue.

Puis sa main avait volé. Et sans qu'il ne comprenne comment exactement, sa poupée de porcelaine s'était retrouvée à terre.

Il ouvrit la bouche, et se fourra l'arme au fond de la gorge.

Et il y avait un liquide rouge, sur la moquette.

Le reste n'avait été qu'une mêlée sanguinaire. Harley s'était relevée. Il l'avait de nouveau saisie par le cou. Puis elle avait mordu sa main. Fort.

Il caressa la détente.

Le sang avait coulé à flots. Chaud. En ébullition.

Flou.

Puis il hurla.

Peut-être avait-elle mugi " Je m'en vais ! Je me casse ! Connard ! Pauvre fou, fou, fou, fou de Joker ! Tu rôtiras en Enfer ! Ahahahahha ! Je t'aime ! Je t'adore ! Je me barre ! " , tandis que lui-même hurlait de souffrance.

Elle était partie.

Il pointa le pistolet vers le lustre et tira. Une fois. Deux fois. Trois fois. Sans s'arrêter.

Le Joker était seul.

La respiration saccadée, le front moite, l'œil fou et les membres tremblants, le Joker quitta précipitamment ses appartements, laissant derrière lui un véritable champ de bataille.


Un petit pied étrangement incolore, chaussé de vertigineux talons rouge et noir, vint délicatement toucher une cheville faite d'ébène. Lentement, il remonta le long d'un mollet parfaitement ferme. Le bout des escarpins se fraya un chemin vers la cuisse de l'homme avant de s'arrêter brusquement.

Sur la délicieuse cheville se balança une chaînette d'or blanc. Les lumières dorées de la discothèque étaient absorbées par les maillons scintillants de celle-ci, et n'en ressortait que plus brillants, projetant des centaines de petites étoiles sur sa peau.

En un ultime et indolent frôlement, le pied retourna s'échouer sur le sol doré. Des mains aux doigts délicats vinrent se saisir de fortes épaules. Les ongles, peints de bleu, s'enfoncèrent gentiment dans la peau noire.

Des yeux sombres ne cessaient de scruter les mouvements d'une silhouette élégante qui ondulait face à leur propriétaire. Abandonnant sa position inconfortable, le corps de la jeune femme atterrit brusquement sur les genoux de l'homme. Pour le plus grand bonheur de ce-dernier.

Des lèvres carmin généreusement ourlées se laissèrent aller à un sourire froid, avant de s'ouvrir franchement, un petit rire distant s'en échappant. La tête de la femme partit en arrière, dévoilant sa longue gorge et un morceau de sa nuque.

Et une main noire vint l'agripper.

Certes, l'homme ne lui fit pas de mal, mais ses yeux s'ouvrirent brutalement, et ses pupilles diminuèrent considérablement de volume. Le rire quitta sa gorge.

Avant d'y revenir. Encore plus fort. Laissant son cou vibrer contre la paume chaude.

La tête de la femme se remit dans un axe normal. Ses longs cheveux suivirent le mouvement, et leurs pointes bleues et roses chatouillèrent son dos nu. Ses yeux indigo eurent le temps de percevoir le regard de l'homme sur sa robe à losanges noirs et or, avant que celui-ci ne s'intéresse de nouveau à son visage.

Son bassin se cambra, et il tomba dans le piège. Ses mains fortes agrippèrent son postérieur, avant d'y déposer une tape.

Deuxième erreur.

La femme dirigea sa main vers sa cuisse, et remonta légèrement sa robe, dévoilant un porte-jarretelle brodé de dentelles noires.

Et un pistolet mauve, accroché à celui-ci.

Cela intéressa l'homme plus que ça ne l'inquiéta. Il se contenta de regarder la femme le prendre dans sa main gauche, et le faire tournoyer entre ses doigts. Une fois son petit tour terminé, elle en dirigea le bout vers sa bouche et y déposa un long baiser. Elle vint ensuite l'appliquer sur la nuque sombre de l'homme.

Qui ne broncha pas.

Tout en souriant, elle fit glisser le canon de l'arme du bas de son cou vers sa pomme d'Adam. Celle-ci se souleva lorsqu'il déglutit, et trembla lorsqu'il frissonna. L'imbécile prenait du plaisir.

Elle se pencha, sa bouche effectuant le même chemin que l'arme, mais dévia brusquement de sa trajectoire, se retrouvant sur son oreille gauche.

- Tu veux t'amuser hein... ? Susurra-t-elle.

Lorsqu'elle l'entendit grogner un " oui ", elle se redressa.

Ses yeux plongèrent dans les siens.

Brusquement, elle agrippa la mâchoire de l'homme, glissa le flingue sous celle-ci, et sourit de toutes ses dents.

Son doigt pressa la détente au ralenti.

La balle quitta le pistolet dans un vacarme assourdissant. La chair fut transpercée dans un déchirement glauque et délectable pour celui qui eût pu l'ouïr. Le Gangster ouvrit grands ses yeux. La balle traversa son crâne, et elle fut la dernière personne qu'il vit avant de mourir.

Sa tête glissa mollement sur ses épaules, inerte, et la poupée de porcelaine en profita pour retirer son arme et se lever. Du bout du pied, elle poussa négligemment le cadavre, et se tourna vers le reste de la pièce.

La musique s'était arrêtée, et un silence de mort - quelle ironie - régnait dans la salle. Mais, sans y prêter attention, elle releva sa main ensanglantée, puis l'examina un moment.

Lorsqu'elle se mit à hurler de rire, un frisson glacé parcourut la boîte de nuit. Elle porta ses doigts à sa bouche tandis qu'elle riait toujours, habitée par une joie folle. Sa langue fit le tour de son index, avant de le lécher sur toute la longueur, laissant le goût métallique du sang envahir ses papilles. Elle s'occupa ainsi de chacun de ses doigts. Une fois sa besogne achevée, elle se dirigea d'un pas nonchalant vers l'une des estrades. Elle n'avait pas besoin de se retourner pour savoir que la majorité des regards de ces animaux, sales bêtes répugnantes d'hommes, était dirigée vers sa chute de rein se balançant sous sa robe, ainsi que ceux, moins lubriques, d'une bonne partie de la gente féminine.

Lorsqu'elle fut sur la piste surélevée, elle jeta un regard circulaire sur les personnes qui l'entouraient. Elle les dominait, d'ici. Bien la place de la Reine du Crime. Sur un piédestal.

- Alors... Alors... Chantonna-t-elle, tandis que la musique reprenait, cette fois d'une lenteur envoûtante, Vous savez qui je suis ?

Certains sujets se détournèrent, préférant feindre l'ignorance et quitter cet Enfer au plus vite. Mais, du coin de l'œil, elle aperçut également des hommes se saisir de leurs revolvers, et autres armes à feu, ou armes blanches.

Elle haussa les épaules avant de s'exclamer :

- Allons, les mecs... On ne va pas en faire un drame ! Ce gars-là était une vraie ordure. Et puis, c'est qu'un petit meurtre, rien de bien méchant ! On en a vu des pires, ici.

Son sourire dans sa voix n'était que trop palpable. Ils étaient censés le savoir, que tout n'était qu'une blague, à ses yeux. Ses pauvres yeux déments.

Apparemment, certains persistaient cependant à l'ignorer, se rapprochant lentement de l'estrade, leurs armes en main. Cinq ou six tout au plus. La jeune femme serra les dents, et leva les yeux au ciel. Tout le monde avait envie de s'amuser, ce soir. Tant pis pour eux, tant mieux pour elle.

Sa jambe entoura une barre de pole dance, et elle se laissa choir contre celle-ci. Son corps se colla au fer froid, lui arrachant un frémissement de plaisir, avant de lentement tournoyer autour. Souple, elle semblait s'enrouler et se déployer dans une danse venimeuse. La vipère se préparait à cracher son venin et dévorer ses proies.

- Je vous ai demandé si vous saviez qui je suis, susurra-t-elle tout en décollant son buste de la barre, s'arc-boutant vers l'arrière.

Elle renversa sa tête vers le bas, et tira la langue à l'un des bandits, un air rieur dévorant ses traits. Son bras se déploya dans un mouvement insolemment gracieux, son petit jouet mauve le prolongeant. Elle ferma son œil gauche et fit mine de viser. Et lorsqu'il fit de même, elle rit lentement.

- Alors ? Vous savez ?

L'homme tira. Et c'était la sous-estimer, elle s'en serait presque sentie offusquée. Elle se contenta cependant de donner une petite impulsion à l'aide de son bassin, se retrouvant la tête en bas, les pieds enroulés autour du haut de la barre de strip-tease. La balle la rata, et vint se ficher dans la tête d'un des autres hommes.

- Oups, raté !

Souple comme un félin, elle se propulsa en arrière. Le chat atterrit sur ses pattes. Sa main gauche se saisit d'un geste rapide de la seconde arme, verte cette fois, qui se trouvait accrochée à son autre porte-jarretelle. Elle brandit les deux flingues vers le plafond avant de hurler :

- Je-

BAM.

- Suis -

BAM.

- Harley-

BAM.

- QUINN !

BAM.

La musique s'était de nouveau tue, tout comme les cœurs des cinq hommes s'étaient arrêtés de battre. D'un bond, Harley Quinn sauta de l'estrade, ignorant les corps sans vie qui gisaient à ses pieds, dans des flaques écarlates.

- Je suis Harley Quinn ! Vous savez ce que ça signifie n'est-ce pas ? Se mit-elle à clamer, hystérique. Le prochain qui pose la main sur moi, je ne le tuerai pas... Non... Je laisserai mon Mr. J s'en occuper à ma place. Vous le connaissez, mon Puddin' adore s'amuser avec ceux qui abîment sa jolie Reine !


La pluie s'abattait violemment sur Gotham City, inondant les rues de sa brutalité sourde. Les gouttes tombaient du ciel par milliers, sans aucune interruption, et chaque larme que versaient les nuages s'écrasait sur le sol dans un vacarme démentiel. Les rires, les hurlements, les tirs, les bruits de moteurs, de capes, qui hantaient habituellement la nuit se trouvaient couverts par le déluge.

Peut-être était-ce l'ironie du sort. Peut-être était-ce la nature qui lui riait au nez, venait la mépriser. Ou peut-être était-ce au contraire, Dieu - s'il existait, car cela faisait longtemps qu'elle n'y croyait plus - qui s'était pris de compassion pour le mal qui la rongeait, la consumait de l'intérieur. Peut-être n'était-ce rien de tout ça, mais cela n'empêchait pas le ciel de pleurer avec elle, cette nuit. Sur ses joues blanches, les petites gouttes de pluie venaient s'écraser, fouettant sa peau, et se mêlaient ensuite aux perles salées que déversaient ses yeux.

Harley Quinn aurait bien voulu qu'on le lui arrache, son petit organe sanglant, inutile, qui lui servait de cœur. Tout aurait été tellement plus simple, sans cette chose. Pas d'amour. Pas de haine. Pas de souffrance. Elle trouvait cela bien triste, que même les hommes les plus pourris de l'intérieur, même les personnes les plus atteintes par la folie, même les gens les plus immondes, aient un cœur. Même son poussin, avait un cœur. Abîmé, certes, disloqué, évidemment, dégoulinant de noirceur, bien sûr... Mais un cœur quand même.

Le sien, de cœur, lui avait causé bien trop de tord pour qu'elle puisse supporter de le savoir battant, là, dans sa cage thoracique. Apres tout, c'était par sa faute, qu'elle vivait encore.

Pourtant, son organe continuait inlassablement à pomper son sang, et battait, battait, battait, sans interruption. Il tambourinait tellement fort qu'il semblait prêt à imploser, dans sa poitrine, à deux doigt de lui déchirer les côtes et percer sa peau. Le bruit affreusement détestable de cette machine de vie résonnait dans ses oreilles, dans un mantra qui aurait presque pu couvrir celui de la pluie.

Si cette vilaine chose battait si rapidement, c'était parce que sa propriétaire courait. A dire vrai, Harley Quinn n'avait aucune idée de la manière dont elle s'était retrouvée là, à galoper sans s'arrêter, mais c'était pourtant bel et bien ce qu'elle était en train de faire. Courir. Ses pieds nus frappaient le sol. Sa peau était déchirée par des bouts de verres, écorchée par des cailloux, et sa plante de pied laissait des filets rouges dans l'eau claire qui sillonnait le goudron, sans qu'elle n'y prête la moindre attention.

Et Harley Quinn courait sous la pluie, au beau milieu de la nuit. Elle traversait des ruelles sombres et désertes, toujours plus vite, à s'en déchirer les poumons. Mais elle en avait ressenti le besoin, juste courir, pour se défouler. Pour se sentir vivante, bien que son souhait le plus cher en ce moment même aurait été de ne pas exister.

Ne t'arrête pas, ne t'arrête surtout pas.

Courir. Courir. S'enfuir. Fuir tout ça. Tout ce foutu merdier. Cette vie. Le fuir lui. Ne pas s'arrêter.

Sa cheville se tordit dans un angle bizarre, craqua. Harley Quinn ne s'en rendit compte qu'une fois par terre, étalée de tout son long dans une flaque d'eau glacée.

Elle ne bougea pas. Ses yeux se fermèrent.

Harley était si fatiguée... Si lasse... Et le sol... Le sol était si agréable, si reposant et froid. Le froid délectable d'un tombeau... Elle pouvait très bien dormir ici. Se reposer à jamais... Mourir, n'était-ce pas une douce solution ? Plus tentante ? Ne plus exister, quelle chose extraordinaire c'était là, disparaître... La plus belle des fuites.

Un liquide chaud dégoulinait de sa tempe jusqu'au sol. L'humidité de la flaque cajolait doucement sa joue. La pluie massait ses membres malades, mordait ses bras nus qui étreignaient le sol. Pas de veste. Plus de chaussures. Harley avait tout oublié là-bas, dans le club. Tout sauf son sac.

Et son sac vibra.

Cela lui fit l'effet d'un électrochoc, son corps entier fût secoué d'un spasme violent. Ses yeux bleus s'ouvrirent d'un seul coup, sa pupille se dilata et ses iris s'injectèrent d'une encre bleu marine, noyant ses prunelles dans un océan d'indigo sombre. Ses mains et ses pieds grattèrent frénétiquement le sol tandis qu'elle se mit à ramper en direction de son sac à main.

L'on aurait dit une bête affamée qui venait enfin de tomber sur une proie après ce qui semblait être des siècles, des millénaires sans nourriture. Pathétique.

Elle se saisit finalement de l'anse et tira gauchement le sac vers elle. Sa main farfouilla nerveusement à la recherche de son portable, mais elle était trop agitée, et elle ne parvint à trouver le téléphone qu'une minute plus tard.

Harley Quinn poussa un cri de joie, rampa vers le mur et finit par s'assoir, le dos contre le béton.

Elle déverrouilla son téléphone, tapa son code aussi prestement qu'elle le pouvait, sans même prendre le temps de lire ce qu'affichait la notification. Des tâches pourpres envahissaient déjà l'écran avant qu'elle n'appuie sur l'icône de la messagerie, mais elle n'y prêta aucune attention. Elle avait juste le bout des doigts ensanglantés, rien de bien alarmant.

Mais, alors que la poupée commençait à lire, son visage blêmit.

De : Puddin'

Retrouve-moi demain à 19h à cette adresse, trésor. Ne sois pas en retard, tu sais combien j'abhorre le retard.

Ton Mr. J.

Harley jeta son téléphone d'un geste rageur, si rapidement qu'on aurait pu croire que celui-ci l'avait brûlée. Sa poitrine se souleva de plus en plus haut et de plus en plus rapidement, au rythme de sa respiration erratique. La Reine ferma les paupières, mais ce ne fût que pour mieux apercevoir son bourreau, son Roi.

Il était là, avec elle, Harley pouvait le sentir.

Elle vit avec exactitude sa peau laiteuse, ses yeux verts, aussi verts que ses cheveux constamment coiffés en arrière... Sous ses doigts, elle sentait ses muscles saillants ainsi que les reliefs que formaient ses cicatrices.

Son chef-d'œuvre favori.

Elle savait par cœur les emplacements de ses tatouages, certains connus d'elle seule... Elle sentait son souffle chaud, dans sa nuque. La fermeté de ses mains, lorsqu'il la caressait. La manière dont il chuchotait son prénom, dont celui-ci roulait sur sa langue, comme s'il était le secret de toutes les extases du monde... Harley. Harley Quinn. Le nom qu'il lui avait choisi.

Elle entendait les battements de son cœur lorsqu'elle posait sa tête contre son torse. Ses yeux humides lorsqu'il pleurait. Devant elle, uniquement devant elle. Ses yeux emplis de désir lorsqu'il la regardait. Sa poigne possessive sur son corps délicat. Son sourire sanglant, ses dents argentées. Le goût de sa langue contre la sienne. Métallique. La douceur de ses lèvres. Son rire. La manière dont son corps bougeait lorsqu'il faisait un cauchemar. La manière dont il s'éveillait après ses affreux rêves - songes dont elle ne savait rien. La manière dont il grognait, les joues trempées, et venait l'enlacer.

Leurs deux êtres unis dans leur cuve d'acide lors de sa renaissance.

Son amant. Le Joker.

Idiote.

Sa violence.

Harley Quinn aurait dû être en colère, elle le savait. Mais elle ne ressentait rien. Plus rien. Elle n'était qu'une coquille affreusement vide et fatiguée. Peut-être était-ce là tout ce qu'elle était réellement : du vent. Un trou béant dans un corps de femme.

La Reine avait envie de retourner auprès de son Roi, pour se sentir à nouveau pleine, à nouveau quelqu'un. Elle avait envie de l'enlacer. De rire avec lui. De hurler avec lui. De torturer avec lui. De tuer avec lui. De commettre tous les crimes du monde à ses côtés, continuer à vivre dans une orgie constante, dans un monde à part, loufoque et empli de frasques. Un monde régi par ses règles à lui.

Mais il l'avait frappée. Plus fort que les autres fois. Son nez avait saigné, et c'était avec du maquillage blanc qu'elle devait couvrir l'hématome s'étalant sur celui-ci.

Il l'avait laissée partir, l'avait frappée, et voilà qu'il voulait la revoir, maintenant. Harley se sentait si faible. À jamais prisonnière de l'emprise du Joker. À quoi servait l'amour, de toutes façons, sinon à la faire souffrir ?

Elle n'avait pas le choix, dans tous les cas. Si elle n'allait pas à lui comme il le demandait, il viendrait à elle. Il la retrouverait d'une manière ou d'une autre.

Faites qu'il me tue. Faites qu'il me délivre de cette immondice d'amour que je lui porte. Faites qu'il m'ôte ces chaînes qui emprisonnent mon cœur. Qu'il me tue. Qu'il me tue, s'il n'a ne serait-ce qu'une once d'amour pour moi.

Idiote. C'est le Joker. Le Joker n'aime personne.

La pluie s'était arrêtée, mais Harley tremblait de tous ses membres, sans pourtant ressentir le froid. Des larmes s'écoulaient toujours à grosses gouttes le long de ses joues. Son maquillage bavait, lui donnant un air - ironie du sort - de clown. Elle se mit à rire, au milieu de ses larmes. D'un petit rire rauque et écorché.

Harley étouffait.

Soudain, elle empoigna ses cheveux dans sa main droite, et se gifla de sa main gauche, très fort.

Aucune douleur.

Elle se gifla une deuxième fois.

Rien.

Une troisième fois, plus fort.

Que dalle.

Quatrième fois.

Nada.

Et elle se gifla. Se gifla. Se gifla. Se gifla. Se gifla. Sans broncher une seule fois, les yeux fixant le vide.

L'ombre du désespoir planait sur elle, menaçante.

Alors, brusquement saisie d'une nausée abominable, la Reine du Crime vomit.

Le Joker n'aime personne.


Elle ne cessait de geindre, l'idiote. Il lui avait laissé la vie, pour le moment, tandis que toutes les autres étaient mortes, elles. Ne pouvait-elle pas lui foutre la paix, en signe de gratitude ? Non. Bien sûr que non, il fallait que cette putain de sotte gémisse et se débatte. Comme si cela allait réussir à la délivrer de ses liens.

- La ferme, petite conne. Tu m'empêches de penser, siffla-t-il de sa voix la plus glaciale.

Jamais de sa vie il ne s'était senti plus sérieux. Son envie de rire semblait s'être envolée avec elle. Et ça, ça n'était pas bon du tout.

Lentement, un bout de son visage se décida à sortir de l'ombre, et son menton d'opale se montra à la lumière blanche de la lune qui s'infiltrait dans la pièce. Ses lèvres rougeâtres tentèrent vainement de se tordre en un sourire, mais tout ce qu'il réussit à faire ressembla à une vague et affreuse grimace.

Le Joker ne riait même plus.

Dès lors que le Joker cessait de sourire, et pire, de rire, alors quelque chose allait mal. Terriblement mal. Dans ces moments-là, il valait mieux avoir peur pour sa peau si l'on se trouvait à proximité du fou. Bien plus que dans ses moments de folie hilare. Car, si le Joker ne riait plus, c'était que le Joker était en colère. Et Dieu seul savait combien le mot colère était léger.

C'était une fureur sourde qui grondait, grandissait à l'intérieur de son pauvre corps. Depuis la nuit précédente, la hargne ne cessait de grouiller en lui, et grandissait, s'élargissait, à chaque minute qu'il passait loin de sa propriété, loin d'Harley Quinn. La haine n'en était même plus psychique, elle était physique. Elle se terrait, là, dans les abîmes de son âme, froide et terne, prête à bondir. Son feu ardent lui dévorait l'estomac, lui faisait remonter une bile acide et brûlante le long de la gorge. Jamais l'expression "laisser un goût amer" n'avait été plus juste.

Harley Quinn n'aurait jamais dû partir. Elle n'aurait jamais dû oser proférer qu'elle voulait une... Une espèce de vie normale, méprisable. La misérable avait une vie de rêve avec lui. Il lui offrait le monde, et elle, elle... Voulait de l'amour ? Mais pour qui est-ce qu'elle l'avait pris ? Elle allait amèrement le regretter, le Joker allait s'en assurer.

Il n'était pas comme sa Harley, il n'avait pas désespérément besoin d'amour. L'amour n'était qu'une faiblesse inutile. Une connerie.

Sa Reine n'était rien, sans lui. C'était lui qui lui avait donné une nouvelle vie. Lui, qui lui avait offert une lucidité sans borne sur ce qu'était la réalité, dure réalité de la vie. C'était lui qui l'avait forgée, elle était née dans les Flammes de sa Folie. C'était lui, qui, deux années durant, avait fouillé le monde, sillonné chaque pays, mis chaque ville sens dessus dessous pour la retrouver. Lui, qui s'était jeté dans la cuve pour l'en sortir indemne. Lui, qui était allé au fin fond de cette foutue prison pour la délivrer des griffes du gouvernement. C'était grâce à lui, qu'elle avait découvert tout son potentiel. Grâce à lui qu'elle croulait sous l'or. Grâce à lui, que Gotham entier la craignait. Lui, qui lui avait offert le trône et la couronne. Lui qui l'avait hissée sur son piédestal de Reine du crime. Lui seul, qui l'avait sortie de l'ombre. C'était le Joker, qui lui avait tracé un destin, donné un avenir.

Et elle était partie pour une petite claque. Stupide claque.

Harley Quinn n'est rien sans toi. Elle a besoin de toi. N'a-t-elle pas cessé de te clamer son amour ? Je suis sa seule et unique raison de vivre. Et elle va revenir. Je le sais. Ma Harley reviendra.

Bon débarras, d'ailleurs, si sa poupée ne revenait pas. Ce n'était qu'un poids, à ses yeux. Qu'un boulet accroché à sa cheville et qu'il devait traîner... Traîner... Son amour l'étouffait constamment, ses élans de tendresse le rendaient malade, même sa manie de se glisser dans son lit le répugnait, parfois. Harley était un fardeau. Plus vite il serait débarrassé d'elle, mieux il se porterait.

D'où venaient alors, tous ces sentiments auxquels il se heurtait violemment ?

Qu'était cette douleur étrange qu'il ressentait dans sa poitrine ? De l'affection ? De l'amour ? Non. Le Joker n'aime personne.

Ça ne faisait qu'empirer sa rage. Il sentait comme un trou béant, là, dans son cœur. Il ne se souvenait même plus qu'il en avait un, et voilà que celui-ci semblait brûler à petit feu. Un mal immonde était en train de lui grignoter la poitrine, petit bout par petit bout. Quelque chose semblait gratter en lui, rongeant sa chair pour essayer d'en sortir.

La peur.

Sa respiration se bloqua brusquement dans sa poitrine, et ce fut comme si l'air refusait d'en sortir. Il venait de sentir un coup, dans son organe moteur, comme si on le lui arrachait, tout doucement.

Coup de poignard.

Son corps se mit à trembler de plus en plus violemment. Ses gestes nerveux et maladroits, il tenta tant bien que mal d'attraper sa mâchoire.

De l'air.

Il se fourra les doigts dans la bouche, afin de l'ouvrir en grand. Expiration. Inspiration.

Mais c'était toujours là.

Le Joker n'a pas peur.

Le Joker n'aime personne.

Sa poitrine se souleva violemment lors de l'inspiration, et retomba lourdement lors de l'expiration. Il n'étouffait plus, mais la chose était toujours là. La douleur se faisait de plus en plus lancinante.

Pas peur.

N'aime personne.

Litanie. Une Prière.

Ses membres étaient toujours secoués de spasmes. Sa bouche toujours tordue en une expression horrible. Mal. Le Roi du Crime avait toujours mal.

Alors il se griffa les joues. Ses ongles et ses doigts entamèrent sa chair, lentement, et descendirent, descendirent. Le sang ruissela sur sa peau d'albâtre, brûlant, et serpenta le long de son cou, tout comme ses ongles. Blanc et Rouge. Os et sang.

Glace et feu. Voilà, quels étaient les mots les plus propices à mettre sur ce qu'il ressentait, s'affrontant en lui. Deux extrêmes. Un énorme tiraillement, déchirement.

Ses mains ne se détachèrent de sa peau qu'une fois arrivées sur ses clavicules. Sa chemise verte déboutonnée laissait entrevoir ses tatouages, et les rires gravés dans sa chair firent frissonner la petite femme, allongée face à lui.

Sans prêter attention à l'autre bêta, il se pencha doucement en avant, dévoilant entièrement sa tête blafarde à la lumière des astres. Son front était moite, et son " damaged " d'encre noir scintillait d'une manière lugubre. Le Joker baissa les yeux vers ses doigts ensanglantés, ouvrant grandes ses paupières dans un élan de fascination. Une larme pourpre glissait avec délicatesse le long de son index. Il remua les doigts, absorbé dans sa contemplation, avant de se frapper le crâne de sa main gauche.

Trois fois.

Un grognement de fureur s'échappa de sa gorge. Menaçant.

La trace était toujours là, sur sa main droite. Il était comme marqué au fer rouge, il voulait s'en débarrasser. Une marque, violacée et verdâtre, s'étalait sous son pouce en un parfait arc de cercle, captivante. La morsure d'Harley Quinn. Son amante avait parfaitement entamé sa peau, si bien qu'il avait senti la plaie le lancer toute la nuit dernière, puis toute la journée, sans une once de répit, ne lui permettant de ne penser qu'à une seule chose : Elle.

Le Joker ferma les yeux et amena sa paume tremblante à sa bouche. Ses lèvres rouges frôlèrent la marque, puis l'embrassèrent avec douceur, longuement.

Sa Harley.

Sa main retomba, et elle se dirigea vers l'une des poches de son pantalon violet. Il en ressortit un marqueur noir, en retira le bouchon puis le dirigea vers sa joue. La mine s'appuya sur sa pommette, l'imbibant de noir. Il descendit le marqueur vers le haut de sa bouche, puis le remonta vers son autre joue. Son geste se glissa ensuite de nouveau vers le bas, mais sous sa lèvre inférieure, cette fois, avant de revenir au point de départ.

Il s'était dessiné un sourire.

Le fou émit une espèce de rire... Une plainte sourde. Rauque.

- Je vais pouvoir m'occuper de toi.

Le Joker se releva et, à ses pieds, les yeux de la jeune femme s'écarquillèrent. Son corps menu se remit à gigoter, plus frénétiquement encore que lorsqu'il lui avait aimablement demandé de se taire.

Il se pencha alors vers elle. Ses pieds se placèrent de part et d'autre de son corps, puis il s'accroupit au-dessus d'elle.

Un frisson horrible la parcourut lorsqu'elle sentit les mains froides de l'homme empoigner sa mâchoire, et lorsque ses doigts se plantèrent dans ses joues, l'empêchant de bouger la tête.

- Allons... Ça ne sert à rien de te débattre comme une pauvre bête, petite. Je te rappelle que tu es attachée, que je suis armé, que je suis celui qui domine, et que personne... Non.. Personne... Ne viendra te chercher.

De son autre main, le Joker détacha le ruban adhésif qui entravait sa bouche. La pauvre femme se mit immédiatement à hurler :

- Pitié ! Pitié... Ne me tuez pas ! Je... J'ai... Un petit copain... Un petit copain qui m'attend à notre appartement... Et... Et... M-mes... P...Parents.

- T-t-t-t, siffla-t-il, posant un doigt sur ses lèvres. Tes petits couinements dégoulinants de naïveté, tu ferais mieux de les garder pour toi. Tu sais qui je suis ?

Elle hocha vigoureusement la tête.

- Bon. Alors, tu te la fermes et tu ne bouges pas. Si tu veux que je fasse preuve de "pitié", cracha-t-il.

Silence. Les petits membres de la femme se figèrent. Obéissante, enfin.

À côté d'elle, une lame brillait, tranchante, et une grande main blanche vint s'en saisir. Le métal froid se glissa sous sa gorge, et elle ne broncha pas.

Au-dessus d'elle, le Joker la dévisagea. La jeune fille ne put se rendre compte du temps que cela dura, mais elle eût l'impression que ça s'étalait sur une existence entière. Les yeux de Jade du Roi du crime la sillonnaient. La déshabillaient. Ils transperçaient son âme, ces deux serpents, immisçant perfidement un malaise dans tout son être.

Puis, après une éternité, il se pencha vers son oreille et murmura :

- Tu veux savoir quel est ton crime ?

Il ne la laissa pas répondre.

- Tu lui ressembles.

Elle blêmit. Et lui réussit finalement à esquisser un sourire venimeux.

-Pourquoi si sérieuse...? Susurra-t-il d'une voix de velours.

Sa main lâcha sa mâchoire pour mieux agripper son cou. Il plaqua sa tête contre le sol, d'une poigne si ferme qu'elle ne put se débattre.

Il la regarda dans les yeux. Elle avait des yeux bleus. Mais d'un bleu trop clair, d'un azur qui réfléchissait la lumière plutôt que de l'absorber.

La lame du couteau cajola la peau rebondie de ses joues - trop rondes - sous son oreille, puis glissa jusqu'à sa bouche.

Un hurlement déchira la salle, se répercuta sur les murs, horrible, mais elle découvrit vite que hurler ne faisait qu'empirer l'insupportable douleur. Ainsi, l'arme traça un autre arc de de cercle carmin sur sa joue rose.

Puis le Joker lâcha son cou, attrapa l'un de ses pistolets et visa son cœur.

Il se releva et essuya ses mains sur son pantalon. Du rouge recouvrit le tissu par endroits. Le Joker admira son œuvre.

Les yeux vides, la jeune femme fixait le plafond.

Sur son visage, un sourire sanglant.

Beaucoup plus mignonne, comme ça.

Trop blonde, cependant.