Merci beaucoup à Stephenie Meyer de nous avoir partagé son monde.
Un énorme merci à ma bêta Cissy, sans qui je n'aurai jamais eu le courage de me lancer sur ffnet 3
Bonne lecture à tous !
Chapitre 1 : Abracadabra
Je sors mon ordinateur de mon sac en grognant. Décidément, la vie semble s'acharner sur moi depuis quelques heures. Moi qui avais peur que voyager toute seule en tant que femme puisse être dangereux pour multiples raisons glauques, il s'avère en fait que j'aurais dû penser davantage à la malchance qui me poursuit depuis que je suis née. Peut-être que je m'y habituerai un jour, qui sait… Ce serait sympa. Ne plus bouder ou me mettre en rogne contre moi-même à chaque fois que le destin me déteste et me le fait comprendre de toutes les façons possibles et imaginables, ça rendrait ma vie moitié plus joyeuse.
Je pose l'appareil sur la table du café-bar en tâchant de ne pas trop bouger. Il ne manquerait plus que mes cheveux trempés balancent des gouttes d'eau grosses comme des chardons sur mon bébé informatique pour couronner ma journée. Jusque-là, je tiens. Mais si mon ordi d'amour commence à planter, je ne donne pas cher du pauvre serveur qui s'approche de moi. Il me faudra quelqu'un pour déverser ma colère, et ça ne sera pas beau à voir.
Je prends donc une grande inspiration en tâchant de contrôler mes nerfs à fleur de peau, jusqu'à ce que l'appareil soit stable et ouvert en face de moi. J'appuie sur le bouton de démarrage et attends aussi patiemment que possible qu'il s'allume. Entre temps, le serveur est arrivé à ma hauteur et me sourit de toutes ses dents.
- Que puis-je vous servir, miss ?
- Vous servez de l'alcool à partir de quelle heure ? je réponds en tâchant de garder une voix aimable.
Parce que là, clairement, un petit shot ne me ferait pas de mal.
Il lève un sourcil, désarçonné, et me demande d'une voix moins assurée :
- Puis-je voir votre carte d'identité ?
- Sérieusement ?
J'espère qu'il plaisante. J'ai à peine dix-huit ans mais en parais facilement vingt ou vingt-deux, alors c'est quoi son fichu problème ?
- Vous ne voulez pas savoir si je suis vaccinée, non plus ?
- Mademoiselle, c'est le règlement de la maison, je ne fais que le suivre. En plus, il n'est pas quatre heures, j'ai d'autant plus intérêt à le faire.
Je le fixe, mauvaise. Franchement, si je n'étais pas aussi remontée, je serais tentée de lui faire du gringe, sans jamais vraiment oser pour autant. Il est immense, baraqué comme j'ai rarement vu et sa peau dorée brille sous les néons du bar. L'étiquette épinglée à son T-shirt indique le nom de Jared. Ses grands yeux noirs me rendent mon regard. Il n'a pas l'air prêt à lâcher l'affaire.
Je soupire et me baisse vers mon sac à main trempé pour en sortir mon portefeuille. Concentre-toi sur ta respiration ventrale, ne pète pas de câble, tu peux le faire, je m'encourage.
Je lui tends ma carte un peu brusquement et il la saisit sans plus de manière. On fait un bon duo de bornés, tous les deux. Après un rapide coup d'œil, il soupire.
- Vous avez dix-huit ans.
Merci Captain Obvious.
- Et ?
- On est aux États-Unis ici, pas en Angleterre. Il faut avoir vingt-et-un ans pour commander de l'alcool.
Sa voix blasée me fait l'effet d'une claque. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Je vois rouge.
- Premièrement, ce n'est pas parce que j'ai un accent foutrement anglais que je suis forcément anglaise, espèce d'inculte, je commence en me levant pour me mettre à sa hauteur.
Sauf que peine perdue, il est encore plus grand que ce que je croyais. Il avoisine facilement les deux mètres. Cette constatation me met encore plus en colère. J'aime bien savoir que je suis plus grande que la moyenne des femmes, ça m'a toujours servi à faire gonfler mon ego, sauf que là, je suis clairement loin derrière. Ma fierté en prend un coup.
- Deuxièmement, je reprends en haussant encore la voix, chez moi on boit depuis qu'on a douze ou treize ans, donc ta réglementation à la con que personne ne suit de toute façon, tu peux te la mettre là où je pense ! Alors maintenant, tu peux aller me chercher un verre bien corsé parce que ce ne sera vraiment pas le premier, et certainement pas le dernier !
Mon éclat laisse un grand blanc dans le petit café étonnamment rempli, mais je garde mon attention concentrée sur le fameux Jared. Je l'avais dit, j'allais avoir besoin de me défouler dès le prochain problème. Je songe un instant que je rêverais de pouvoir me servir de son immense torse comme punching-ball. Se défouler la voix c'est bien, mais les poings c'est encore mieux.
Sauf qu'il me fixe avec des yeux d'un tel noir que je serais presque tentée de battre en retraite. Les sourcils froncés, la bouche en une ligne fine, il a l'air vraiment remonté, lui aussi. Mauvaise journée ? On est deux.
On se jauge du regard pendant quelques secondes, jusqu'à ce qu'il se mette à trembler légèrement, les poings serrés. Il a vraiment l'air de plus en plus en colère. Et bien que je tienne à ma fierté, j'ai aussi un certain instinct de survie qui me crie de reculer. Mais j'ai vraiment du mal à me convaincre de le faire. Je n'ai pas tellement l'habitude d'une telle résistance, ma famille et mes proches savent depuis longtemps que lorsque je suis en colère, il faut me laisser souffler. Sauf qu'en partant voyager à l'autre bout du monde, j'aurais dû me douter que mes crises de colère ne seraient pas forcément aussi bien prises. Pourquoi je suis partie ici, déjà ? Ah oui… l'attrait de l'inconnu. Je m'en foutrais de l'inconnu, à présent.
Le bruit de la porte d'entrée qui s'ouvre résonne soudainement dans le blanc toujours aussi épais du bar. Je note du coin de l'œil un jeune homme entrer, pour s'arrêter net.
- Bah, depuis quand il y a un silence de mort ici ?
Sa voix forte a le mérite de faire tiquer les clients qui s'arrachent à notre vue pour accueillir le nouveau venu. Même Jared, le serveur colérique, cligne des yeux et prend une grande inspiration. Je recule en voyant l'autre arriver vers nous. Il pose sa main sur l'épaule du serveur en fronçant les sourcils.
- Jared ?
Celui-ci se retourne lentement dans sa direction, toujours aussi tendu.
Bon, visiblement, c'est réunion de famille, je devrais peut-être en profiter pour m'éclipser. Parce que oui, ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau, tous les deux. Le nouveau est au moins aussi grand que lui, il possède la même peau caramel – comme tous les gens de la réserve en fait, donc rien de très surprenant – il est tout aussi bodybuildé et ses cheveux sont aussi noirs et lisses. Sérieusement, ils pourraient être frères. J'espère qu'ils ne vont pas s'allier à deux contre moi, parce que même avec de bons réflexes, je ne fais clairement pas le poids.
J'avale ma salive en sentant ma colère redescendre d'un coup. Heureusement pour moi, les tremblements de colère de l'autre semblent s'arrêter aussi et son ami – frère ? – retire sa main. Il le regarde toujours d'un œil étrange, comme s'il ne comprenait pas sa réaction, un sourcil levé.
- Désolé Zéèv, il faut que j'aille prendre l'air. Tu peux t'occuper de la petite européenne ? souffle Jared sans un regard pour moi.
OK, ça par contre, ça ne passe pas. C'est quoi ce jugement que j'ai senti dans son expression ? Depuis quand c'est péjoratif d'être européenne ? Il faut croire que je suis particulièrement sur les nerfs aujourd'hui, parce que c'est suffisant pour que mon sang chauffe. Jared-le-serveur-malpoli-colérique-et-irrespectueux s'éloigne sans un mot de plus et je me retrouve en face du fameux Zéèv. Drôle de nom d'ailleurs. Dès que je me retrouverai seule, je le noterai quelque part, il est particulier mais doux à l'oreille. Ça me plaît.
Je lève donc les yeux vers ceux de mon nouvel opposant. Ils sont brun clair, très beaux. Avec le contraste de sa peau cuivrée, ils paraissent presque dorés. Mais ce n'est pas vraiment ce qui me choque le plus. Non, parce que dès l'instant où mes pupilles ont rencontré les siennes, j'ai eu l'impression surréaliste de tomber.
Je ne touche plus sol, je ne sens même plus mes propres membres, tout ce que je vois ce sont ces yeux brillant de mille feux, qui semblent ne pas pouvoir s'éloigner des miens non plus.
La chute ne s'arrête pas, je ne sais plus si je tombe ou si je m'envole, je me sens reliée à ce regard inextricablement, je ne veux pas le lâcher, je veux que ce moment dure infiniment, que rien ne vienne l'interrompre.
Une explosion de couleurs prend forme dans mon ventre, des papillons s'envolent jusqu'à mon cœur et toutes ces émotions que je ressens d'un coup me donnent le tournis. Je ne sais pas ce qui se passe, mais je ne veux pas que ça s'arrête. Je doute même qu'un orgasme soit aussi puissant.
Finalement, je sens mes pieds toucher terre et je reprends petit à petit possession de mon corps. Je suis toujours dans le petit café-bar de la réserve indienne où j'ai trouvé refuge lorsque la pluie diluvienne m'a fait écraser ma voiture louée contre un arbre. En face de moi, le jeune homme n'a pas non plus bougé. Encore une fois, je souhaite que rien ne vienne nous interrompre. Je me sens dans un état de telle sérénité, de calme absolu, que je ne me demande même pas ce qu'il vient de se passer. Je profite seulement de ce sentiment de plénitude totale tant qu'il est là.
Mais toute bonne chose a une fin, et quelqu'un dans le café trouve l'idée merveilleuse de se gratter la gorge. Je sursaute et recule d'un pas. Wow. Qu'est-ce qui vient de se passer ? J'ai sérieusement besoin d'une explication logique. Comment ai-je pu perdre totalement contrôle de mes sentiments ? Je suis une pro de la barricade du cœur, je ne suis certainement pas fleur bleue, j'aime garder les hommes loin de moi. Alors quoi ?
Totalement déboussolée, je jette un œil en direction du grattement de gorge. Un couple avec un jeune enfant se tient dans un box pas trop éloigné du mien, et l'homme sourit narquoisement dans notre direction. Tiens, encore un géant dopé de la muscu. Comme c'est étonnant. Un détail attire cependant mon œil. La femme a toute la joue droite défigurée par de longues cicatrices qui lui déforment la peau du visage. Elle a un regard doux. Elle serait magnifique sans ces marques.
Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens soudain mal à l'aise. J'ai envie de fuir, mais mon instinct me crie de rester. Faudrait peut-être savoir ce qu'il veut, celui-là.
Nope, même l'humour, ça ne marche pas, là. Je nage en pleine confusion, je ne sais plus ce que je ressens. J'ai besoin de me retrouver seule et de taper quelque chose très fort, n'importe quoi.
Je respire à fond avant de remarquer que tous les clients sont encore une fois tournés vers nous. C'est dans toutes les réserves indiennes, ou seulement celle-ci, la culture commère ? Mais autre chose me saute aux yeux. Ils ont tous plus ou moins un sourire aux lèvres, eux aussi. Certains moqueurs, d'autres amusés, d'autres encore tendres.
J'ai besoin d'une explication logique, maintenant.
Je reporte mon attention sur le jeune homme qui me fait face. Nom d'un chien, est-ce que quelqu'un peut m'expliquer ce qui se passe ? Il est totalement figé, les yeux écarquillés et paraît à bout de souffle. Pour ne rien arranger, il semble ne pas vouloir me lâcher du regard. L'intensité qu'il y met me rend véritablement mal à l'aise, et je passe une main dans mes cheveux mouillés, cherchant une quelconque distraction. Comme personne ne semble vouloir bouger, je finis par me rasseoir, l'esprit sens dessus dessous. Je passe un doigt sur l'écran de mon ordinateur qui sort de veille et affiche le bureau. J'essaie de faire fi de toute l'attention dont je suis le centre et sors mon casque Bluetooth de mon sac. Ugh. Lui aussi est mouillé jusqu'à l'os. Je prie pour qu'il fonctionne encore. C'est suffisant pour que j'oublie momentanément cette situation improbable et je fronce les sourcils, en connectant mon PC à mon casque. Lorsque la connexion est faite, je fais défiler ma playlist sur l'écran et en choisis une dans mes favorites. Un bon son The Chainsmokers, il n'y a que ça de vrai. Je lâche donc mon casque sur mes oreilles et profite des basses graves. Ça marche pas mal finalement, pour me changer les idées. Mais pas suffisamment longtemps.
Le fameux Zéèv semble enfin reprendre ses esprits et se glisse sur la banquette en face de moi. Je lève un sourcil. Qui t'a donné la permission, mec ?
Il ne semble pas prendre en compte mon expression et me lance un sourire à me couper le souffle. Éblouie un instant, je reprends vite contenance. Il est absolument hors de question qu'un homme me fasse un effet pareil alors que je ne fais que passer ! Surtout que je n'étais même pas censée m'arrêter à la base. Si la pluie ne m'avait pas fait déraper sur le bitume, je serais toujours en train de rouler tranquillou jusqu'à la première – vraie – ville que je croiserais.
Ses lèvres bougent mais ayant toujours la musique dans les oreilles, je ne capte rien. J'hésite un instant, avant de lâcher un soupir à fendre l'âme et de retirer mon casque. Son sourire s'agrandit encore – c'était possible ? – et il reprend :
- Je disais, je m'appelle Zéèv. Bienvenue à la réserve.
OK. C'est vraiment tout ce qu'il a à dire ? Parce que si oui, j'ai de meilleures choses à faire, moi.
- J'avais déjà capté ton nom. Merci.
Son sourire se fane un peu et il paraît surpris. Je ressens une déchirure à l'idée de le voir disparaître. C'est quoi mon problème ? Un peu plus et je ne tarderai pas à penser que ce que je viens de vivre était un vrai coup de foudre. Sauf que je n'y crois pas, tout comme l'amour avec un grand A, alors on se calme, je me rappelle. Plus facile à dire qu'à faire, hein.
Avec l'envie furieuse de me frapper, je reprends sur un ton plus doux :
- Je m'appelle Louve.
Le sourire réapparaît et mon cœur fond.
- Louve ? répète-t-il.
Dans sa bouche, avec son accent, mon prénom paraît mieux rouler, plus doux.
- Oui, ça veut dire 'loup femelle' en français, j'explique.
Normalement, les réactions que j'ai d'habitude par rapport à mon nom sont assez drôles. Il y a un peu de tout, des rires, de la fascination, de l'incrédulité. Mais là, la sienne bat tout ce que j'ai connu. C'est au-delà de l'incrédulité, il a l'air de croire que je lui fais une blague, comme si nous avions des références humoristiques juste entre nous deux. J'ai l'impression pas super agréable de louper quelque chose.
- Quoi ? je demande.
- C'est… eh bien, disons que le hasard fait bien les choses.
J'attends la suite, impatiente. Le suspense n'est pas pour moi, et encore moins dans une journée pareille.
- Mon prénom, Zéèv, est un nom d'origine hébraïque, qui veut dire 'loup'.
- Tu plaisantes ?
Son sourire en coin me répond grandement.
- Wow, c'est… bizarre, j'avoue.
- Comme ce qui s'est passé juste avant, par exemple ? murmure-t-il.
Sa voix est tellement basse que je ne suis pas sûre d'avoir bien entendu.
- Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? reprend-il plus fort.
- Pardon ?
Pitié, faites qu'il ne parle pas de ce pseudo coup de foudre, par pitié.
- Que s'est-il passé ? Il est rare d'avoir des touristes à cette époque de l'année, et tu es trempée. Il a bien du t'arriver quelque chose pour que tu le sois autant.
- Oh.
Ouf. J'ai été entendue. Mon cœur reprend un rythme normal.
- Eh bien, à la base, je ne faisais que passer dans le coin en voiture. Mais avec toute la pluie, elle a commencé à partir en aquaplaning et a fini sa route dans un arbre.
Une expression alertée passe sur son visage avant que j'embraie :
- Je n'allais vraiment pas vite alors je n'ai rien de grave, mais impossible de faire bouger la voiture toute seule. Heureusement, un certain Black est passé en camionnette à côté, il m'a donné un coup de main. Il m'a proposé de me réchauffer ici pendant qu'il jetait un œil à ma voiture. Paraît qu'il s'y connaît. Il vaut mieux pour lui, j'ajoute, amère.
Je suis de mauvaise foi, mais ça commence à faire beaucoup d'émotions dans une journée, et je ne suis clairement pas prête à faire un ravalement de façade à un imbécile que j'aurais eu le malheur de croire.
- Ne t'en fais pas, Jake s'y connaît vraiment. Ta voiture sera sur pieds en moins de deux !
Retour du sourire à faire fondre le cœur d'Elsa elle-même. Ce mec respire le sex-appeal sans même le vouloir, c'est sidérant ! Comment suis-je censée me contrôler avec lui en face de moi ? Je meurs d'envie de me rapprocher de lui, de caresser sa peau, de voir si elle est aussi douce que ce qu'elle paraît. Je m'oblige à rester sur place, non sans difficulté.
- Tu le connais ?
- Oui, c'est mon… enfin, un ami proche.
- Vous n'avez pas de lien de parenté ? je m'étonne.
C'est impossible, tous les hommes d'environ vingt-cinq ans que j'ai croisé sur cette réserve sont les mêmes. Ils sont tous immenses, taillés comme Dwayne Johnson, avec le même grain de peau, les mêmes cheveux d'un noir d'encre. Même si leurs visages diffèrent, il y a forcément un lien quelque part.
- Euh, non pas avec Jake. Enfin, techniquement si mais ça remonte à trop de générations pour savoir laquelle exactement.
Il a l'air réticent à répondre à ma question. Je n'ai même pas commencé les questions-piège encore, ça risque d'être marrant.
- Et alors, ton pote, là, le serveur… plutôt le genre colérique, hein ?
Je n'ai rien à dire là-dessus, mais il n'a pas à le savoir. Il rit en se redressant, visiblement gêné. J'oublie de respirer quand il passe sa main derrière sa nuque, probablement pour la gratter, révélant un T-shirt blanc moulant ses pectoraux de façon presque vulgaire. Non, parce qu'avoir des pecs aussi développés, ça ne peut que relever du dopage. Ça me fait saliver, certes, mais ça relève du dopage. Mais qu'est-ce que son geste est sexy.
Il me lance un coup d'œil intrigué et je m'empresse de reprendre une expression indifférente.
- Hum, Jared n'est pas si colérique que ça, justement, normalement. Ce qui me donne à penser que tu as dû vraiment le pousser, Louve, dit-il en insistant sur la syllabe de mon prénom et en me regardant droit dans les yeux.
N'oublie pas de respirer.
- Alors dis-moi un peu, que s'est-il passé ?
J'hésite à répondre. Mon comportement me paraît puéril maintenant, comme souvent après une petite crise de colère. J'agis d'instinct et ce n'est pas toujours la meilleure façon de faire, ce qui me fait regretter derrière. Je soupire. Après tout, le pauvre garçon ne faisait que son travail, et je l'ai littéralement agressé. Tu m'étonnes qu'il se soit mis en rogne.
- J'étais à cran, je lui ai demandé un verre d'alcool, mais j'ai oublié que vous ne serviez pas avant vingt-et-un, ici. Loi stupide, entre nous. Mais bon, ça ne m'a pas plu, j'avais besoin d'un bouc émissaire, et il était là. Ça aurait pu être n'importe qui.
Je n'ose pas relever la tête, de plus en plus honteuse au fur et à mesure de ma tirade.
- Que lui as-tu dit ?
Je sens à sa voix qu'il sourit. Enfoiré.
- Que juger les gens par leur accent était digne d'un imbécile, que cette réglementation sur l'alcool n'avait pas lieu d'être et qu'étant française, ce n'était certainement pas le premier verre que j'aurais, donc qu'il n'avait pas de souci à se faire. En un peu plus vulgaire.
Il reste silencieux un moment, si bien que la curiosité l'emporte et je me décide à le regarder. Il me fixe d'un regard tendre, mais son sourire narquois contraste trop. Il se paie ma tête. Enfoiré au carré.
Rageuse, je replie brusquement mon ordinateur et le range dans mon sac un peu moins trempé avec mon casque. Visiblement, je n'ai rien à faire ici, et puisque tout le monde a l'air bizarrement moqueur ou trop commère dans cette tribu, autant que je me trouve un coin tranquille pour composer au calme.
Je me lève et hisse mon sac sur mon épaule, sans un regard pour Zéèv. Cette histoire de prénom est assez étrange, mine de rien. Je fais deux pas vers la sortie, quand une main brûlante s'abat sur mon poignet. Sans même me retourner, je sais que c'est lui. Qui d'autre, en même temps ? Mais cette sensation est différente, c'est comme si son contact m'était familier, comme s'il m'avait déjà touchée des milliers de fois avant, et que je savais le reconnaître entre tous. Il fait battre mon cœur tellement fort que j'ai l'impression qu'il va sortir de ma poitrine.
Je m'immobilise dans l'allée pour me concentrer. Il est hors de question qu'un homme totalement inconnu me fasse réagir comme ça. Alors au prix d'un effort immense, j'enferme ces sensations nouvelles tout au fond de mon cœur, le barricade bien fort, et prie pour qu'elles restent en place.
- Louve, souffle-t-il.
Sa voix chaude et basse me donne des frissons dans la nuque et je sais que ce sera beaucoup plus dur que prévu.
Je me retourne à demi, tiraillée entre l'envie de voir son visage, et celle de boucler mes sentiments aux oubliettes. Mais quels sentiments? Je veux dire, peut-on parler de sentiments après… quoi, un quart d'heure de connaissance ? C'est ça, il ne faut pas abuser. Mais il me sourit, d'un vrai sourire chaleureux cette fois-ci, et je sens déjà mes barricades commencer à fondre. Mais quel est cet homme ?
J'espère que vous avez apprécié ce premier chapitre !
Sachant que j'en ai déjà écrit 10 et que je bosse actuellement sur le 11ème, je pense poster une fois par semaine.
On est mardi aujourd'hui, je profite de ma correspondance à l'aéroport pour prendre le temps de vous poster mes débuts ; mais je pense poster tous les dimanche soir. A dimanche prochain, donc !
Je vous souhaite à tous et à toutes une très belle année 2019 !
